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Avis 06-A-07 du 22 mars 2006

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RÉPUBLIQUEFRANÇAISE

Avis n° 06-A-07 du 22 mars 2006

relatif à l'examen, au regard des règles de concurrence, des modalités de fonctionnement de la filière du commerce équitable en

France

Le Conseil de la concurrence (commission permanente),

Vu la lettre enregistrée le 14 septembre 2005 sous le numéro 05/0070A, par laquelle le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie a saisi le Conseil de la concurrence, sur le fondement de l’article L. 462-1 du code de commerce, d’une demande d’avis relative aux modalités de fonctionnement de la filière du commerce équitable en France ;

Vu le traité instituant la Communauté européenne, notamment l’article 81 ;

Vu le livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence et le décret n° 2002-689 du 30 avril 2002 fixant ses conditions d’application ;

Vu la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises, notamment l’article 60 ;

Le rapporteur, le rapporteur général adjoint, le commissaire du Gouvernement entendus lors de la séance du 1er février 2006, ainsi que les représentants de l’association Max Havelaar, de l’association Bio Equitable et du ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et des professions libérales, sur le fondement de l’article L. 463-7, alinéa 2, du code de commerce ;

Est d’avis de répondre à la demande présentée dans le sens des observations qui suivent :

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1. Dans sa demande d’avis, le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie expose que le modèle économique du commerce équitable repose sur la garantie d’un prix minimum versé aux petits producteurs des pays en voie de développement pour des denrées alimentaires de base telles que le café, le thé, le cacao ou la banane. Ce prix serait volontairement supérieur à celui des cours mondiaux dont les niveaux, généralement bas pour des raisons de surproduction, ne permettraient pas aux producteurs en cause d’accéder au marché mondial. Le ministre ajoute que le respect d’un prix minimum constitue un des critères d’attribution de la mention « commerce équitable » par la Fairtrade Labelling Organization (FLO), une organisation qui établit au niveau mondial des standards pour le commerce équitable et mène des opérations de certification.

2. Le ministre souligne que certaines organisations du commerce équitable souhaitent accroître les parts de marché des produits issus de ce type de commerce en permettant aux grandes surfaces alimentaires d’y accéder plus largement. Il estime dès lors que la licéité au regard des règles de concurrence du principe d’un prix minimum garanti pour le producteur dans le cadre du commerce équitable doit être examinée et saisit le Conseil de la concurrence des questions suivantes :

« 1°- La pratique d’un prix minimum garanti par produits - variable toutefois selon la zone géographique de production - est-elle constitutive d’une entente [...] entre producteurs et importateurs tendant à faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché, et prohibée en tant que telle par les articles 81 [CE] et L 420-1 du code de commerce ? 2° - La pratique d’un prix minimum peut-elle bénéficier de l’exemption prévue à l’article [81, paragraphe 3, CE] pour les pratiques dont les auteurs peuvent justifier qu’elles ont pour effet d’assurer un progrès économique aux petits producteurs et qu’elles réservent aux consommateurs une partie équitable du profit qui en résulte ? »

3. Le Conseil rappelle que, lorsqu’il est consulté en application de l’article L. 462-1 du code de commerce, il ne peut se prononcer que sur des questions de concurrence d’ordre général. Il ne lui appartient pas, dans ce cadre, de statuer sur le point de savoir si telle ou telle pratique est ou serait contraire à l’article 81 CE ou à l’article L. 420-1 du code de commerce. En effet, seule une saisine contentieuse et la mise en œuvre de la procédure pleinement contradictoire, prévue par les articles L. 463-1 et suivants du code de commerce, sont de nature à permettre l’appréciation de la licéité d’une pratique au regard des dispositions relatives aux ententes anticoncurrentielles.

I. Le contexte juridique et économique de la demande d’avis

A. LA NOTION DE COMMERCE EQUITABLE

4. L’article 60 de la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises, dispose :

« I. - Le commerce équitable s’inscrit dans la stratégie nationale de développement durable.

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II. - Au sein des activités du commerce, de l’artisanat et des services, le commerce équitable organise des échanges de biens et de services entre des pays développés et des producteurs désavantagés situés dans des pays en développement. Ce commerce vise à l’établissement de relations durables ayant pour effet d’assurer le progrès économique et social de ces producteurs.

III. - Les personnes physiques ou morales qui veillent au respect des conditions définies ci-dessus sont reconnues par une commission dont la composition, les compétences et les critères de reconnaissance des personnes précitées sont définis par décret en Conseil d’Etat. »

5. Le décret mentionné au III de l’article 60 de la loi du 2 août 2005 est en préparation.

6. Au niveau communautaire, le commerce équitable ne fait pas l’objet de dispositions normatives. La Commission européenne, dans une communication du 29 novembre 1999 (COM (99) 619, non publiée au JOCE), a cependant indiqué que l’objectif de ce type de commerce est que :

« le prix payé aux producteurs assure à ces derniers une rémunération qui soit proportionnée aux compétences mises en oeuvre, au travail effectué et aux matières utilisées, c’est-à-dire une part adéquate du bénéfice total. La solution généralement adoptée aux fins de cet objectif par les parties concernées consiste à s’entendre sur le paiement d’un prix équitable, négocié cas par cas. Dans le cas des produits dont le prix fait l’objet d’accords internationaux (par exemple, le café ou le cacao), un prix minimum est fixé de telle sorte que les producteurs réalisent un bénéfice supérieur à celui correspondant aux prix du marché mondial. Ce système permet aux intéressés d’améliorer les systèmes de production et les conditions de travail, ce qui est bon pour les agriculteurs et les travailleurs en général, ainsi que pour l’environnement [...]. Le commerce équitable a, ainsi, pour finalité de contribuer à l’établissement des conditions propres à élever le niveau de la protection sociale et environnementale dans les pays en développement. » 7. Dans cette même communication, la Commission expose :

« La notion de commerce équitable s’applique en particulier aux échanges entre pays en développement et pays développés ; elle n’est pas directement pertinente pour les marchandises produites dans l’UE, où les normes sociales et environnementales font déjà partie intégrante de la législation. Dans l’UE, l’intégralité de la production ainsi que tous les producteurs et salariés bénéficient d’ores et déjà, en matière sociale et environnementale, d’un niveau de protection au moins aussi élevé que celui établi pour les produits relevant du commerce équitable. »

B. LES INSTANCES NON GOUVERNEMENTALES DE CONCERTATION DANS LE SECTEUR DU COMMERCE EQUITABLE

1. LE NIVEAU INTERNATIONAL

8. Sur le plan international, le réseau informel FINE, créé en 1998, est le principal organe de coordination des divers acteurs du secteur (producteurs, négociants, transformateurs, importateurs, structures de diffusion, promotion et labellisation). La plupart de ces acteurs sont rattachés aux quatre associations internationales qui forment le réseau FINE :

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- Créée en 1997, Fairtrade Labelling Organization (FLO) est chargée de la coordination et de l’harmonisation de différentes « initiatives » nationales, mises en place à la suite de la création, en 1988, de la Fondation Max Havelaar aux Pays-Bas. Il existe à l’heure actuelle, au sein de l’Union européenne, treize « initiatives nationales » fondées sur ce modèle. FLO définit des standards communs contenant notamment les grilles de prix de référence, visées dans la demande d’avis du ministre de l’économie. Aucune « initiative nationale » ne peut accorder le logo Max Havelaar à un produit si FLO n’a pas déterminé de standard pour ce type de produit. L’ « initiative nationale » vérifie le respect du standard en ce qui concerne le produit pour lequel le logo est sollicité.

- L’IFAT (International Federation of Alternative Trade), créée en 1989, regroupe des organisations du commerce équitable et des producteurs (220 organisations dans 59 pays sont membres de l’association). En France, sont membres de l’association des acteurs comme la société Alter Eco, l’association Artisanat-Sel, la fédération « Artisans du monde » et la centrale d’achat Solidar’Monde. L’association a adopté, en 1999, un code de bonne conduite qui permet notamment d’assurer la protection de l’image du commerce équitable tout en assurant une meilleure transparence dans les différentes filières.

- L’EFTA (European Fair Trade Association) est composée d’organisations importatrices de pays européens. Créée en 1990, elle regroupe douze centrales d’achat (dont « Solidar’Monde » en France) dans neuf pays européens.

- Le réseau NEWS (Network of European World Shops), fondé en 1994, regroupe quinze associations nationales européennes (comme « Artisans du monde », en France).

L’organisation représente plus de 2 700 boutiques dans treize pays européens. NEWS a pour objectif d’harmoniser les critères du commerce équitable et de contrôler que les centrales d’importation, les boutiques et les producteurs respectent ces critères.

2. LE NIVEAU NATIONAL

9. En France, la grande majorité des acteurs du commerce équitable sont rassemblés dans deux organisations principales :

- La plate-forme française du commerce équitable (PFCE), créée en 1997, regroupe la plupart des acteurs français du secteur (soit, en 2005, 28 membres acteurs et 4 membres

« sympathisants »). La Charte du commerce équitable, élaborée par la PFCE et signée par ses membres, sert de référence, notamment pour les importateurs et distributeurs d’articles d’artisanat, produits pour lesquels Max Havelaar ne délivre pas son logo.

- Le réseau Minga, de son côté, est une association qui rassemble 82 structures de commercialisation de formes juridiques variées et dont le chiffre d’affaires total avoisine les 7 millions d’euros. Pour les concepteurs de Minga, le commerce équitable ne recouvre pas seulement la dimension Nord-Sud, consacrée par l’article 60 de la loi du 2 août 2005, mais doit prendre également en compte les étapes de commercialisation à l’intérieur d’un pays développé.

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C. LES DONNEES ECONOMIQUES ET LES ACTEURS DU COMMERCE EQUITABLE

10. Compte-tenu notamment de sa définition relativement imprécise et de la diversité des démarches adoptées par les différents acteurs qui s’en réclament, il existe peu de données économiques fiables ou complètes sur le commerce équitable. Il est en particulier difficile d’isoler, pour l’ensemble des intervenants, les données qui correspondraient au champ de la définition de l’article 60 de la loi du 2 août 2005. Les statistiques douanières, notamment, ne permettent pas à l’heure actuelle de distinguer les produits issus du commerce équitable des autres.

11. Néanmoins, sur la base de chiffres fournis par Max Havelaar France, la valeur de la consommation des produits issus du commerce équitable vendus dans le monde représenterait en 2004 près de 880 millions d’euros, dont les trois-quarts, soit environ 660 millions, seraient vendus dans l’Espace économique européen (EEE). Par grandes catégories de produits, on peut retenir les éléments qui suivent.

1. LES VENTES DE PRODUITS ARTISANAUX DANS LE CADRE DE FILIERES LE PLUS SOUVENT

« INTEGREES »

12. Les objets artisanaux furent les premiers produits vendus au titre du commerce équitable, mais ils sont aujourd’hui largement dépassés, en valeur des ventes, par les produits alimentaires, notamment le café. Les produits artisanaux sont généralement distribués au sein de filières dites « intégrées », c’est-à-dire que, hormis le transport maritime et les populations bénéficiaires elles-mêmes, les autres intervenants des filières sont tous spécialisés dans le commerce équitable : les centrales d’achat ou les importateurs définissent l’organisation globale de la filière et assurent le ciblage et le choix des producteurs, tandis que les réseaux de boutiques spécialisées assurent la vente des produits.

Ce modèle s’appuie largement sur le bénévolat et le militantisme et puise ses ressources dans le milieu associatif, notamment celui d’ONG. Compte tenu de la grande diversité des produits artisanaux, il n’existe pas dans cette filière de certification et de contrôle au sens strict des termes. La démarche est essentiellement basée sur la confiance mutuelle des acteurs et sur le respect d’engagements contractualisés autour d’une charte commune.

13. Avec 157 points de vente fin 2004, la fédération « Artisans du monde » est le premier distributeur en France de produits d’artisanat issus du commerce équitable (objets de décoration, arts de la table, bijoux, jouets). Elle vend également des produits alimentaires.

Les membres de la fédération ont réalisé un chiffre d’affaires de 9,4 millions d’euros en 2004. Les autres principaux acteurs en France sont les associations ou entreprises Andines, Azimut, Artisans du Soleil, Sira Kura ou Tir ar Bed.

2. LES VENTES DE PRODUITS ALIMENTAIRES DANS LE CADRE DE FILIERES LE PLUS SOUVENT

« LABELLISEES »

14. Les ventes de produits alimentaires se développent principalement dans le cadre de filières dites « labellisées ». Ces filières sont organisées autour de mécanismes de délivrance de

« logos » visant à garantir le respect des principes du commerce équitable, que peuvent utiliser des opérateurs pour lesquels la vente de produits issus du commerce équitable ne représente qu’une partie de leurs ventes, comme le font certaines enseignes de la grande distribution. A la différence de la filière intégrée, il n’existe pas de lien institutionnel ou

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militant entre les différents intervenants de la filière. Celle-ci repose sur le lien contractuel entre le bénéficiaire de la licence du logo et son propriétaire. La filière labellisée ouvre ainsi, sur la base de la certification des produits, le commerce équitable à des entreprises pour lesquelles le développement d’une gamme de produits sur ce segment représente une opportunité de se différencier de la concurrence.

15. La grande distribution représente désormais en France entre 80 % et 90 % des ventes totales de produits alimentaires du commerce équitable. Certaines enseignes, comme Carrefour, développent par ailleurs leurs propres référentiels pour leurs marques de distributeurs. Avec le circuit des magasins « Artisans du monde », les boutiques biologiques (comme Biocoop) ou diététiques constituent le second débouché des produits alimentaires issus du commerce équitable après la grande distribution.

16. Max Havelaar, qui ne commercialise pas lui-même de produits, est de loin le principal acteur de la labellisation dans le secteur du commerce équitable. Plus de 400 références de produits portant le logo de l’association sont disponibles en France et fin 2003, 74 marques françaises en étaient concessionnaires. Le système de délivrance du logo « Max Havelaar » est fondé sur les standards définis par FLO au niveau international. Les détenteurs de marque paient un droit de licence pour l’utilisation du logo sur leur produit (ce droit s’élève par exemple, par kilo, à 0,3 euro pour le café et à 0,47 euro pour le thé).

17. En dehors de Max Havelaar, le principal acteur de la labellisation du commerce équitable en France est l’association Bio Equitable, créée en 2002 par cinq entreprises, dont le groupe Cémoi. Cette association a conçu la garantie « Bio Equitable » pour divers produits, au premier rang desquels figurent le chocolat et le quinoa. Le logo est attribué sur le fondement d’expertises réalisées par Ecocert, organisme accrédité par l’Etat en matière de certification biologique. Bio Equitable a en effet conçu le cahier des charges de sa garantie, mais ses membres commercialisant eux-mêmes des produits ; elle a confié à un organisme indépendant le soin d’assurer la certification. Les coûts liés à la vérification Bio Equitable sont pris en charge par l’entreprise sollicitant le label.

18. De nombreuses autres démarches de délivrance de garanties « commerce équitable » existent en France. Une enquête de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, menée de novembre 2004 à février 2005 auprès de 55 acteurs, a permis d’en dénombrer 17.

3. LES DONNEES DE MARCHE DU COMMERCE EQUITABLE

19. Selon les estimations fournies par Max Havelaar, les ventes et « parts de marché » générées par le commerce équitable pour les produits alimentaires en France pour 2005 s’établissent comme suit :

Volumes (tonnes) Valeurs (milliers d’euros)

Part de marché du commerce équitable par rapport aux ventes

totales (estimations 2004)

Café 5 489 68 020 3 %

Thé 31 9 782 0,80 %

Bananes 696 9 598 0,38 % Cacao – Chocolat 38 8 066 0,30 %

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Jus de fruits 29 5 489 0,18 %

Riz 23 2 490 -

Sucre 43 2 291 <0,10 % Autres fruits frais - 1 773 0,12 %

20. Selon ces chiffres, les ventes de café représentent près des deux tiers (63 %) des ventes de produits alimentaires issus du commerce équitable. Les principaux acteurs sur ce segment sont les entreprises Malongo, Méo, Lobodis et Sati qui représentent à elles quatre près de 80 % des ventes de café issu du commerce équitable (les principaux vendeurs de café, tous produits confondus, sont les groupes Kraft, Sara Lee, Nestlé, Lavazza, Segafredo et Legal qui représentent près des deux tiers des ventes totales).

21. La commercialisation des produits équitables s’est considérablement développée au cours des cinq dernières années, du fait de leur arrivée sur les linéaires de la grande distribution.

Lors de son audition, le représentant de Max Havelaar a indiqué que l’objectif de part de marché dans les cinq prochaines années était de l’ordre de 7 à 10 % dans le secteur du café.

22. Ce taux de croissance est susceptible d’attirer de nouveaux entrants dans ce secteur ou sur des concepts connexes. Certains groupes cherchent ainsi à élaborer des cahiers des charges sur mesure en s’appuyant sur les normes ou référentiels internationaux du type

« commerce éthique » ou « commerce durable ». Certains engagent un partenariat avec des ONG pour renforcer la crédibilité de leur démarche. C’est le cas de Kraft qui, dans le cadre d’un programme « un café pour agir », a développé un partenariat avec l’ONG Rainforest Alliance, une organisation qui conduit des actions en faveur du développement durable dans les pays du sud.

23. Du point de vue de la demande, à côté des consommateurs militants, la grande majorité de la clientèle du commerce équitable est constituée de consommateurs occasionnels. Depuis quelques années, leur nombre a fortement crû grâce aux actions de vulgarisation menées dans ce secteur. Selon une étude réalisée en avril 2005 par la société Alter Eco, plus d’un français sur deux a entendu parler du commerce équitable et près d’un sur trois en a acheté les produits. Toutefois, selon Max Havelaar, malgré la notoriété croissante et le développement du commerce équitable, le consommateur français n’aurait dépensé en moyenne que 61 centimes d’euro pour acheter des produits sous logo équitable en 2003 et 1,12 euro en 2004.

24. De plus, la compréhension du rôle des différents acteurs reste faible pour le consommateur qui éprouve encore des difficultés à distinguer clairement le concept de commerce équitable d’autres concepts comme ceux du commerce solidaire (qui englobe également les activités commerciales nationales), du commerce éthique (qui vise la dignité et l’amélioration des conditions de travail chez les producteurs), ou encore du commerce durable (qui prend en compte l’équité sociale, l’efficacité économique et la qualité de l’environnement).

25. Enfin, selon M. Antoine X…, député, auteur d’un rapport au Premier ministre remis en mai 2005, intitulé « Le commerce équitable : 40 propositions pour soutenir le développement », le rapport qualité/prix resterait le facteur déterminant pour déclencher l’achat ou le ré-achat. Le soutien aux petits producteurs défavorisés n’arriverait qu’après, de sorte que même si certains consommateurs semblent prêts à payer plus cher s’ils sont convaincus qu'il existe une action de développement derrière leur achat, les organismes de commerce équitable cherchent à diminuer les prix de vente pour offrir des produits accessibles à un plus large public. A cet égard, actuellement, selon l'enquête effectuée par

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la DGCCRF de novembre 2004 à février 2005, les produits du commerce équitable ne sont, la plupart du temps, plus chers que les produits classiques comparables que de 5 à 15 %.

26. Le fait qu’une telle différence de prix qui subsiste n’ait pas entravé le développement du commerce équitable ces dernières années tend à montrer l’existence d’une demande spécifique pour les produits en cause, dont les acheteurs ne se détournent pas en dépit de leur caractère plus onéreux. Cette constatation irait dans le sens de la délimitation de marchés, au sens du droit de la concurrence, qui seraient eux-mêmes spécifiques aux produits du commerce équitable. Toutefois, d’autres facteurs, comme le fait que beaucoup d’achats de produits du commerce équitable sont des achats d’impulsion, généralement remplacés par des achats de produits classiques en cas d’indisponibilité du produit du commerce équitable, ou comme l’existence d’une importante substituabilité du côté de l’offre, en ce sens que les transformateurs ou distributeurs de produits classiques comparables peuvent sans investissement notable transformer ou vendre également les produits équivalents du commerce équitable, vont plutôt dans le sens de l’absence de marchés spécifiques à ces derniers.

27. Il n’est pas nécessaire, ni possible, dans le cadre de cet avis, de trancher définitivement la question. A tout le moins, les produits du commerce équitable peuvent être considérés comme des produits ayant une caractéristique particulière au sein des différents marchés de produits sur lesquels ils sont en compétition avec les produits classiques du même type.

D. LES MECANISMES DE DETERMINATION DES PRIX D’ACHAT AUX PRODUCTEURS DANS LE SECTEUR DU COMMERCE EQUITABLE.

28. Les méthodes de détermination des prix d’achat aux producteurs varient en fonction des opérateurs, des produits concernés et des pays d’origine des productions.

29. Pour la centrale d’achat Andines (signataire du cahier des charges de l’association Minga), le prix juste est négocié avec les producteurs, en tenant compte du nécessaire développement de projets à caractère social et environnemental, mais doit rester équitable tout au long de la filière. S’il empêche le produit de se positionner sur le marché français, de nouvelles négociations sont menées sur les postes où le coût peut être diminué sans nuire au caractère équitable des transactions.

30. Pour certains acteurs, comme Bio Equitable, un contrat qui garantit à la fois un prix minimal et une assistance technique et financière doit être signé entre les entreprises acheteuses et les producteurs. Le calcul du prix garanti est propre à chaque programme, les prix moyens constatés étant en général supérieurs d'environ 20 % aux prix du marché classique. Par ailleurs, les contrats prévoient généralement une garantie d’achat portant sur la totalité de la production (hors le volume nécessaire à la consommation locale).

31. L’approche de FLO encadre la démarche de contractualisation par un système de grilles de prix minimum d’achat telle que visée dans la demande d’avis du ministre de l’économie.

Le prix payé dans le cadre du système FLO, défini en accord avec les producteurs, doit garantir une rémunération couvrant les frais de production et les besoins élémentaires des travailleurs et de leurs familles. Les standards de FLO comprennent également un système de pré-financement, pouvant aller jusqu’à 60 % de la récolte, ainsi qu’un engagement sur le moyen-long terme, pour stabiliser les relations des acteurs afin de sécuriser les débouchés du point de vue des producteurs et de garantir l’approvisionnement du point de vue des importateurs.

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32. Les grilles de « prix de référence » sont établies au regard des réalités économiques du marché, en accord avec la majorité des parties prenantes. Les standards sont proposés par un comité qui consulte toutes les parties concernées et qui est composé de deux représentants des producteurs, de trois représentants des initiatives nationales membres de FLO, d’un représentant des acteurs commerciaux et d’un expert externe. Les décisions sont prises par le conseil d’administration de FLO qui comprend six représentants des initiatives nationales membres de FLO, quatre représentants des producteurs et deux représentants des acteurs commerciaux, dont un membre de l’IFAT.

33. Plus précisément, le prix de référence est fondé sur des études des coûts de production tenant compte du temps de travail de la main d’œuvre, des investissements nécessaires (annuels ou à plus long terme) et du respect de critères économiques, environnementaux et sociaux. Une prime de développement, représentant environ 15 % des coûts de production, s’ajoute à ce prix.

34. Dans la filière du café, par exemple, les prix de référence en dollars par livre (454 grammes), FOB, concernant les petites organisations de producteurs sont établis comme suit :

Type de café Café non biologique Café biologique Région de production Amérique

centrale, Mexique, Afrique, Asie

Amérique du Sud, Caraïbes

Amérique centrale, Mexique, Afrique, Asie

Amérique du Sud, Caraïbes

Arabicas lavés 1,21 1,19 1,36 1,34 Arabicas non lavés 1,15 1,15 1,30 1,30 Robustas lavés 1,05 1,05 1,20 1,20 Robustas non lavés 1,01 1,01 1,16 1,16

35. A l’heure actuelle, ce système de prix de référence est mis à jour tous les quatre à cinq ans et existe pour une quinzaine de filières (café, cacao, bananes, coton, fruits séchés, miel, jus de fruits, riz, sucre, thé, vins etc.). FLO entend en augmenter le nombre.

36. Les acheteurs souhaitant se prévaloir des standards de FLO doivent payer aux organisations de producteurs un prix au moins égal au prix de référence, auquel s’ajoute une prime pour les produits de l’agriculture biologique ainsi que la « prime de développement ». Le standard prévoit, en outre, que le prix du marché classique s’appliquerait si celui-ci venait à dépasser le prix de référence. A titre comparatif, selon les explications données en séance par le représentant de Bio Equitable, cette organisation entend, à l’inverse, toujours garantir un différentiel positif entre le prix qu’elle garantit au producteur et le prix du marché classique.

37. Pour FLO, le système de grille de prix permet d’objectiver la démarche de concertation mise en place avec les producteurs pour déterminer le prix équitable. Cette approche serait donc susceptible d’inciter un plus grand nombre d’opérateurs à pratiquer le commerce équitable tout en évitant certaines dérives qui consisteraient, par exemple, à ne payer aux producteurs qu’un prix qui ne serait que légèrement supérieur au prix du marché classique et ne couvrirait pas la totalité des coûts de revient.

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E. LE SYSTEME PROPOSE DANS LE CADRE DE L’ACCORD AFNOR DE JANVIER 2006

38. En 2002, un groupe de travail a été chargé de réaliser sous l’égide de l’Association française de normalisation (AFNOR) un document définissant les critères applicables à la démarche du commerce équitable. Ce document n° AC-X.50.340 a été publié en janvier 2006. Il établit des lignes directrices destinées aux organisations du commerce équitable et aux parties prenantes impliquées dans ce secteur en France. Dans un avertissement, il est toutefois indiqué : « Ce document n’a pas été soumis à la procédure d’homologation et ne peut en aucun cas être assimilé à une norme française. Son utilisation est volontaire. [Il]

représente le consensus obtenu par un groupe d’acteurs individuels ou collectifs identifiés dans ce document (…) ». L’avant-propos précise : « Ce document n’est pas destiné à des fins de certification. Il intègre la nécessité pour toute organisation de commerce équitable ou partie prenante de s’inscrire dans une démarche cohérente avec les objectifs du commerce équitable, en toute transparence vis-à-vis de l’ensemble de leurs partenaires et des consommateurs. Par ailleurs, il ne vise pas à définir les caractéristiques et/ou spécifications des produits ou services issus du commerce équitable. »

39. Dans sa partie opérationnelle, le document AFNOR indique que le commerce équitable repose sur les trois principes suivants :

« Principe I : L’équilibre de la relation commerciale entre les partenaires ou co-contractants ;

Principe II : L’accompagnement des organisations de producteurs (OP) et/ou de travailleurs engagées dans le commerce équitable ;

Principe III : L’information et la sensibilisation du consommateur, du client, et plus globalement du public au [commerce équitable]. »

40. Le document définit, par ailleurs, les organisations du commerce équitable (OCE) comme des personnes morales à but lucratif ou non lucratif dont l’activité principale repose sur l’application des trois principes et critères du commerce équitable, étant précisé que l’application des principes peut être réalisée par une OCE seule ou en partenariat avec d’autres organismes impliqués dans le commerce équitable.

41. Au titre du premier principe, le texte prévoit que le prix « équitable » :

« ... doit être au moins égal au prix de référence (défini pour certains produits et certaines zones géographiques), reconnu par les fédérations internationales du commerce équitable regroupant des [organisations du commerce équitable (OCE)] et des OP. »

42. Ainsi qu’il ressort notamment de l’audition, lors de la séance du 1er février 2006, du représentant du ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et des professions libérales, il est envisagé que la commission dont la création est prévue à l’article 60 de la loi du 2 août 2005 s’inspire de ces lignes directrices pour reconnaître les personnes physiques ou morales veillant au respect des conditions du commerce équitable telles que définies au dit article.

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II. Le problème soulevé par la demande d’avis : la définition de normes ou critères du commerce équitable peut-elle être contraire aux règles sur les ententes anticoncurrentielles ?

43. La première question de la demande d’avis est la suivante :

« 1°- La pratique d’un prix minimum garanti par produit - variable toutefois selon la zone géographique de production - est-elle constitutive d’une entente horizontale entre producteurs et importateurs tendant à faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché, et prohibée en tant que telle par les articles 81 du Traité et L. 420-1 du code de commerce ? »

44. L’article 81, paragraphe 1, CE stipule :

« Sont incompatibles avec le marché commun et interdits tous accords entre entreprises, toutes décisions d’associations d’entreprises et toutes pratiques concertées, qui sont susceptibles d’affecter le commerce entre États membres et qui ont pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché commun, et notamment ceux qui consistent à :

a) fixer de façon directe ou indirecte les prix d’achat ou de vente ou d’autres conditions de transaction,

b) limiter ou contrôler la production, les débouchés, le développement technique ou les investissements,

c) répartir les marchés ou les sources d’approvisionnement,

d) appliquer, à l’égard de partenaires commerciaux, des conditions inégales à des prestations équivalentes en leur infligeant de ce fait un désavantage dans la concurrence, e) subordonner la conclusion de contrats à l’acceptation, par les partenaires, de prestations supplémentaires qui, par leur nature ou selon les usages commerciaux, n’ont pas de lien avec l’objet de ces contrats. »

45. L’article L. 420-1 du code de commerce dispose quant à lui :

« Sont prohibées même par l’intermédiaire direct ou indirect d’une société du groupe implantée hors de France, lorsqu’elles ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché, les actions concertées, conventions, ententes expresses ou tacites ou coalitions, notamment lorsqu’elles tendent à :

1º Limiter l’accès au marché ou le libre exercice de la concurrence par d’autres entreprises ;

2º Faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse ou leur baisse ;

3º Limiter ou contrôler la production, les débouchés, les investissements ou le progrès technique ;

4º Répartir les marchés ou les sources d’approvisionnement. »

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46. La question reproduite ci-dessus conduit en premier lieu à s’interroger sur la compatibilité avec les règles de concurrence communautaires et françaises des mécanismes de formation des prix payés au producteur dans le cadre du commerce équitable, en tant précisément qu’ils affectent les prix. Ceci doit être fait en tenant compte de leurs modalités, de leur objet et de leurs effets sur le territoire communautaire et plus particulièrement français.

Mais cette question conduit en second lieu à s’interroger sur les restrictions de concurrence autres que celles portant sur les prix qui pourraient découler de ces mécanismes et du contexte dans lequel ils s'insèrent.

A. LA QUESTION DES PRIX

1. LES LIMITES DE CE QUI EST CONSIDERE COMME UNE ENTENTE ANTICONCURRENTIELLE DANS LA FORMATION DES PRIX

47. Un certain nombre de comportements commerciaux ne constituent pas des concours de volontés (ci-après désignés sous le terme générique d’« ententes ») anticoncurrentiels visés par l’article 81 CE ou l’article L. 420-1 du code de commerce.

48. Ainsi, un fournisseur et son acheteur doivent nécessairement se mettre d’accord sur le prix du produit faisant l’objet de la vente en cause.

49. De même, un fournisseur peut en principe, sans violer le droit des ententes, décider de manière unilatérale d’exiger le même prix pour ses produits de la part de ses différents acheteurs directs. Symétriquement, un acheteur peut en principe décider de manière unilatérale d’offrir le même prix à tous ses fournisseurs d’un même type de produit, sans que cette décision ne constitue une entente anticoncurrentielle. Dans les deux cas de figure, le fait que, respectivement un certain nombre d’acheteurs ou un certain nombre de fournisseurs acceptent de manière indépendante les uns des autres le prix exigé ou offert, ne traduit pas non plus l’existence d’une entente.

50. Une démarche « commerce équitable » peut donc parfaitement exister sans atteinte à la concurrence.

2. LES ELEMENTS DU COMMERCE EQUITABLE QUI POURRAIENT CONSTITUER DES ENTENTES ANTICONCURRENTIELLES SUR LES PRIX ET LEURS CONSEQUENCES POUR LE CONSOMMATEUR EUROPEEN

51. L’existence de conditions d’achat harmonisées pour des producteurs de pays en développement, par exemple sur une zone géographique pour un produit, peut certes résulter aussi d’une entente anticoncurrentielle. Il peut s’agir d’une entente horizontale entre les producteurs concernés, soit d’une entente horizontale entre les acheteurs, ou encore d’une entente verticale (avec une composante horizontale pour chaque catégorie) entre les uns et les autres.

52. Toutefois, compte tenu des principes et mécanismes du commerce équitable présentés dans la première partie du présent avis, l’éventuel objet ou les effets anticoncurrentiels de telles ententes visent avant tout l’achat aux producteurs dans les pays en développement. En effet, aux stades ultérieurs de la chaîne économique, qui comprend notamment les étapes de transformation et de commercialisation, les acteurs économiques du commerce équitable conservent une liberté de comportement de nature à préserver la concurrence et à

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laisser ouvert l’éventail des prix possibles au stade de la vente au consommateur final, même si, le cas échéant, le prix de la matière première a été plus ou moins le même pour tous les opérateurs.

53. A cet égard, le coût des matières premières achetées aux producteurs dans le cadre du commerce équitable ne représente le plus souvent qu’une part relativement faible dans la composition du prix du produit final. Par exemple, selon les données fournies par Max Havelaar, la part des matières premières achetées aux producteurs dans le cadre du système de grilles de prix minimum d’achat représente 21 % au maximum du prix final du café vendu au consommateur, et seulement 10 % pour la banane ou 7 % pour le thé ou les jus de fruits.

54. Par conséquent, les restrictions de concurrence immédiates qui peuvent résulter d’une harmonisation des conditions d’achat auprès des producteurs dans le cadre du commerce équitable, par zone géographique et par produit, peuvent raisonnablement être considérées comme localisées dans les pays en développement, échappant ainsi au champ d’application des articles 81 CE et L. 420-1 du code de commerce.

55. Certes, il n’est pas exclu que ces éventuelles restrictions de concurrence aient des répercussions dans la Communauté européenne, en particulier en France. Ainsi, une fixation concertée des prix des matières premières achetées dans le cadre du commerce équitable, notamment à la hausse, pourrait, en dépit de l’autonomie de comportement des acteurs sur la suite de la chaîne économique, susciter une hausse des prix de vente au consommateur final. Il faut toutefois souligner, d’une part, que le consommateur des pays développés est lui-même en quelque sorte à l’origine et demandeur du système, puisque sa liberté de se reporter sur les produits issus des filières classiques du commerce international ne permettrait pas aux acteurs de la filière du commerce équitable, notamment aux producteurs des pays en développement, de lui imposer la démarche, et, d’autre part, qu’il existe nécessairement une limite à l’écart de prix entre les produits

« équitables » et les produits classiques, au-delà de laquelle le développement de la filière équitable serait compromis.

56. A cet égard, comme il a été mentionné dans la première partie du présent avis, les produits du commerce équitable ne sont la plupart du temps plus chers que les produits classiques comparables que de 5 à 15%.

57. Il faut aussi rappeler que, pour l’instant, le commerce équitable représente moins de 5 % (pour le café) des ventes totales des produits concernés en France. Par conséquent, il est très peu probable qu’une certaine harmonisation des conditions d’achat à une partie des producteurs des pays en développement ait avant longtemps des conséquences sensibles au niveau des prix moyens demandés au consommateur en Europe et en France.

58. Il est vrai que certaines études économiques indiquent que le versement d’un prix

« équitable » à certains producteurs, plus élevé que celui du marché classique, peut avoir des effets « d’entraînement » à la hausse des prix versés à l’ensemble des producteurs du produit considéré.

59. Ainsi, le rapport de l’European Fair Trade Association pour 2001 expose :

« […]Le fait de payer un prix équitable même pour une petite partie de la production provoque souvent un effet boule de neige sur les prix payés pour le reste de la production.

Comme les organisations de commerce équitable achètent une partie de la production à un prix plus élevé, la quantité de produits disponibles est moindre pour les intermédiaires qui sont, dès lors, forcés d’offrir des prix plus élevés pour obtenir des quantités suffisantes.

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... Ceci signifie non seulement que les producteurs qui ont eu la chance d’entrer en contact avec le commerce équitable ont la possibilité de vendre toute leur production à des meilleurs prix, mais aussi que d’autres producteurs de la région qui ne sont bien souvent pas mieux lotis en bénéficient tout autant. »

60. Une telle conséquence de l’existence d’un prix plus élevé que celui du marché pour une partie des producteurs ne semble cependant pas se vérifier dans toutes les situations. En tout état de cause, quand bien même un tel phénomène serait généralisé, l’ultime objectif des promoteurs du commerce équitable étant ainsi atteint - ce qui impliquerait tout de même que le commerce équitable atteigne un volume suffisant pour avoir cet effet d’entraînement -, ledit phénomène résulterait avant tout d’une adaptation du marché à l’existence de la demande d’une part significative des consommateurs d’avoir plus de considération pour la situation des producteurs des pays en développement, et très secondairement des ententes anticoncurrentielles évoquées aux premiers paragraphes de cette partie, qui n’existent d’ailleurs pas forcément dans la démarche du commerce équitable.

61. Il apparaît donc qu’en tant que tel et même s’il débouche sur certaines ententes, le principe de l’existence de grilles de prix d’achat minimum garanti par produit et zone géographique, au bénéfice des producteurs des pays en développement, n’entraîne pas, en l’état actuel des choses, de restrictions de concurrence qui pourraient relever des articles 81 CE ou L. 420-1 du code de commerce. La situation ne pourrait, le cas échéant, être différente que si la part du commerce équitable sur les types de produits concernés se développait très significativement ou si le mode de formation des prix en aval de l’achat aux producteurs évoluait. En revanche, l’organisation générale de la filière du commerce équitable, notamment les conditions dans lesquelles un ou des référentiels du commerce équitable comportant le cas échéant les grilles de prix d’achat évoquées sont susceptibles d’être appréhendés, pourraient susciter des questions de concurrence plus immédiates.

B. LES AUTRES QUESTIONS DE CONCURRENCE LIEES A L’ORGANISATION DE LA FILIERE DU COMMERCE EQUITABLE

62. Sur un aspect –le prix payé au producteur–, les grilles de prix minimum d’achat aux producteurs constituent une modalité possible de la démarche du commerce équitable, laquelle vise d’une manière générale à améliorer la situation des populations des pays en développement dans le cadre des échanges internationaux. Ainsi qu’il résulte des travaux de l’AFNOR dont il est fait état aux points 38 et suivants du présent avis, la démarche vise aussi d’autres objectifs, comme le respect des droits de l’homme et de droits sociaux, l’aide aux producteurs pour qu’ils améliorent leur organisation et leur technologie ou la protection de l’environnement. Compte tenu de la majoration de prix qu’il accepte de payer pour un produit du commerce équitable par rapport à un produit classique, et même en l’absence d’une telle majoration dans la mesure où la référence au commerce équitable peut constituer un argument de vente, le consommateur final des pays développés est pour sa part en droit d’être assuré que le produit qu’on lui vend comme tel a bien été acheté au producteur des pays en développement dans des conditions « équitables », d’autant qu’en adhérant volontairement à la démarche le consommateur apparaît comme le demandeur d’une action au profit dudit producteur et non comme subissant ce qui aurait été décidé par l’amont de la chaîne économique. Or, il ne peut pas s’assurer lui-même du respect des critères du commerce équitable et sa confiance dans la démarche suppose donc un système fiable.

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63. La mise en place d’un tel système répond ainsi à une demande de certification du consommateur et peut être appréhendée comme l’offre d’un service lui permettant de participer à une action dont il veut vérifier la « qualité ». En particulier, le consommateur peut vouloir s’assurer que la majoration de prix que reçoit le producteur du pays en développement par rapport au prix du marché classique est elle-même utilisée au profit des travailleurs et populations locales, notamment sur le plan salarial, éducatif, sanitaire ou technologique, et non à générer des rentes injustifiées au profit de certains. Lorsqu’il paie effectivement un surprix par rapport au produit classique comparable, le consommateur doit aussi pouvoir s’assurer que ce surcoût est bien utilisé au profit de l’action qu’il entend soutenir dans ses différentes dimensions. Dans le cadre de telles attentes, par exemple, l’existence d’une grille de prix minimum d’achat aux producteurs, accompagnée de la garantie, apportée par un organisme indépendant des opérateurs intervenant dans la commercialisation du produit, que le prix payé en l’espèce au producteur a bien été au minimum égal à celui prévu par la grille rassurera le consommateur sur l’aspect « prix payé au producteur », même si d’autres modalités sont envisageables. Par conséquent, les systèmes de grilles de prix mentionnés dans la demande d’avis participent, comme modalité possible, à un mécanisme plus général de certification de la démarche du commerce équitable, dont les fondements sont légitimes, et qu’il convient d’examiner dans son ensemble au regard des règles de concurrence sur les ententes.

1. LE CHAMP DAPPLICATION DE LA PROHIBITION DES ENTENTES ANTICONCURRENTIELLES EN MATIERE DE NORMES ET DE REGLEMENTATIONS ECONOMIQUES

64. A titre liminaire, il y a lieu de rappeler que l’adhésion de producteurs ou de distributeurs à des normes ou à des critères de comportement dans le cadre d’un mécanisme de certification ne traduit pas nécessairement une entente anticoncurrentielle, même si ce mécanisme découle d’une concertation entre opérateurs économiques.

65. L'appréciation dépend en particulier du contenu des critères en cause. Par exemple, a priori, une norme purement technique visant à assurer l’interopérabilité de certains produits ou établissant une classification technique ou qualitative risque moins d’avoir un objet ou un effet anticoncurrentiel que des règles, même expliquées par des raisons techniques ou de recherche de la qualité, ou par d’autres objectifs, conduisant à une limitation de la production (par exemple, par un système de quotas) ou à une harmonisation des prix pratiqués par les différents opérateurs sur le marché (voir à cet égard la communication de la Commission européenne relative aux lignes directrices sur l’applicabilité de l’article 81 CE aux accords de coopération horizontale, JOCE 2001, C 3, p. 2, points 22, ainsi que 159 et suivants).

66. Ainsi, dans sa décision n° 05-D-22 du 18 mai 2005 relative à des pratiques mises en œuvre par l’association « Agriculture et Tourisme en Dordogne-Périgord », le Conseil de la concurrence a rappelé :

« Une démarche collective de qualité comme, par exemple, la constitution d’un label de qualité ou encore la constitution d’un système d’identification professionnelle conduisant à sélectionner des entreprises en fonction de leur aptitude à réaliser certains travaux ou en fonction de certains critères de qualité, constitue une entente entre les entreprises qui adhèrent à cette démarche, mais elle ne peut, a priori, être considérée comme un comportement anticoncurrentiel lorsqu’elle tend à l’amélioration de la qualité des produits et des services vendus aux consommateurs finaux. » (point 22).

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67. Dans cette même décision, le Conseil a précisé :

« Une telle entente serait, en revanche, anti-concurrentielle si les critères d’octroi d’un label dont la détention est indispensable pour exercer une activité n’étaient pas suffisamment objectifs et clairs et se prêtaient à une application discriminatoire, permettant ainsi d’évincer des concurrents du marché concerné par le label, par des moyens autres que ceux fondés sur les mérites des entreprises ou encore si la charte régissant le label contenait des clauses de prix imposés ou des restrictions territoriales absolues. » (point 23).

68. Le caractère obligatoire ou facultatif du respect de la norme ou des critères en cause est aussi à prendre en considération. Des références facultatives qui laissent leur liberté aux opérateurs économiques risquent moins d’avoir un effet anticoncurrentiel que des règles obligatoires (voir en particulier, en matière de normalisation, la communication précitée de la Commission, points 163 et 167). Néanmoins, même facultatifs, des normes ou des critères peuvent le cas échéant, en fonction notamment des éléments évoqués aux points précédents, résulter d’une entente interdite par les articles 81 CE ou L. 420-1 du code de commerce indépendamment de ses effets concrets, c’est à dire indépendamment du fait que les références en cause sont plus ou moins suivies par les opérateurs économiques, si leur objet apparaît comme étant d’inciter ces opérateurs à aligner leur comportement sur le marché. Il est possible de se référer à cet égard, par exemple, à l’arrêt de la Cour de justice du 27 janvier 1987, Verband der Sachversicherer/Commission (45/85, Rec. p. 405, points 26 et suivants) et aux décisions du Conseil de la concurrence n° 97-D-41 du 4 mars 1997 relative à des pratiques mises en œuvre par différents syndicats du bâtiment affiliés à la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises et n° 98-D-07 du 14 janvier 1998 relative à des pratiques en matière d’honoraires mises en œuvre par le barreau de Marseille, ainsi qu’à l’arrêt de la Cour de cassation du 13 février 2001 (BOCCRF du 31 mars 2001) concernant cette dernière décision. L’adhésion, concertée à des normes ou critères ayant un objet ou des effets anticoncurrentiels, constitue également une entente anticoncurrentielle.

69. L’éventuelle légitimation ou validation par les pouvoirs publics de ce qui, en fonction des éléments indiqués aux points précédents, constituerait une entente anticoncurrentielle, ne lui ôterait pas ce caractère, tout au moins au regard du droit communautaire (voir notamment l’arrêt de la Cour de justice du 30 janvier 1985, BNIC/Clair, 123/83, Rec. p. 391, dans lequel la Cour a dit pour droit : « Quant à l’intervention d’un acte de l’autorité publique, destiné à conférer un effet obligatoire à [une telle entente] vis à vis de l’ensemble des opérateurs économiques concernés, même s’ils n’ont pas été parties à l’accord, elle ne saurait avoir pour effet de soustraire celui-ci à l’application de l’article [81, paragraphe 1, CE] (…). »)

70. De plus, dans ce cas, les pouvoirs publics contreviendraient à leurs propres obligations découlant du traité CE. Dans une jurisprudence constante, la Cour de justice juge en effet : « Par elles-mêmes, les [règles de concurrence applicables aux entreprises]

concernent uniquement le comportement des entreprises et ne visent pas des mesures législatives ou réglementaires émanant des Etats membres. Cependant, [le traité CE]

impose aux Etats membres de ne pas prendre ou maintenir en vigueur des mesures, même de nature législative ou réglementaire, susceptibles d’éliminer l’effet utile des règles de concurrence applicables aux entreprises. Tel est le cas […] lorsqu’un Etat membre soit impose ou favorise la conclusion d’ententes contraires à l’article [81 CE] ou renforce les effets de telles ententes, soit retire à sa propre réglementation son caractère étatique en déléguant à des opérateurs privés la responsabilité de prendre des décisions d’intervention

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en matière économique. » (voir notamment l’arrêt du 21 septembre 1988, Van Eycke/Aspa, 276/86, Rec. p. 4769).

71. En particulier, lorsqu’un organisme professionnel ou interprofessionnel arrête une réglementation économique, par exemple détermine un tarif, sans avoir à tenir compte de critères d’intérêt public prédéterminés de façon suffisamment précise et sans être soumis à un contrôle a priori de ses actes par les pouvoirs publics et que cette procédure est prévue par la loi, des actes réglementaires ou encouragée par les pouvoirs publics, ces derniers enfreignent leurs obligations à l’égard des règles de concurrence. Par un tel dispositif, ils prescrivent en effet la conclusion d’un accord restrictif de concurrence sans en influencer la teneur et abandonnent leurs compétences régulatrices au profit d’opérateurs économiques (arrêt du 18 juin 1998, Commission/Italie, C-35/96, Rec. p. I- 3851, voir aussi la décision de la Commission européenne du 2 avril 2003, COMP/C.38.279/F3, Viandes bovines françaises, JOUE L. 209, p 12).

2. LES ECUEILS QUE LE SYSTEME DE CERTIFICATION DU COMMERCE EQUITABLE DOIT EVITER POUR ECHAPPER AUX CRITIQUES AU REGARD DES REGLES DE CONCURRENCE

72. En tenant compte des éléments rappelés dans les points qui précèdent et pour autant qu’il trouve à s’appliquer, le droit de la concurrence permet d’accueillir favorablement les démarches de certification, sous réserve de respecter certaines conditions.

73. En l’espèce, comme cela a déjà été souligné, il apparaît que du point de vue du consommateur, l’intervention des organismes du commerce équitable est appréhendée comme la fourniture d’un service visant à garantir, précisément, que le produit acheté au stade de la vente au détail a bien été préalablement produit et acheté au producteur dans des conditions respectueuses de certaines valeurs humaines et, le cas échéant, environnementales.

74. Or, c’est à l’égard de cette activité de certification, qui vise donc le consommateur en tant qu’utilisateur final, que sont susceptibles d’intervenir des restrictions de concurrence, résultant éventuellement d’ententes, ayant un impact beaucoup plus direct sur le territoire national que les éventuelles ententes visant l’achat aux producteurs préalablement envisagées.

75. De telles restrictions pourraient d’abord concerner les organismes du commerce équitable eux-mêmes, en tant qu’organismes « certificateurs », en diminuant ou en supprimant la concurrence entre eux alors qu’actuellement ils proposent de manière autonome des

« produits de certification » différents. Mais ces restrictions pourraient aussi fausser la concurrence entre les distributeurs en diminuant leurs possibilités de commercialiser des produits issus de concepts ou de règles se prévalant du commerce équitable mais qui diffèreraient des critères retenus pour la certification.

76. Ainsi, dans la situation où il n’y aurait, par exemple, plus qu’un référentiel du commerce équitable, on peut imaginer des distributeurs obligés de se plier à celui-ci pour pouvoir répondre à la demande des consommateurs souhaitant acheter « équitable », voire des distributeurs rencontrer des difficultés pour se faire « certifier » par le ou les organismes habilités à cet effet. Dans de telles circonstances, des problèmes de concurrence se poseraient directement en France, et ce d’autant plus que la commercialisation des produits issus du commerce équitable prendrait de l’essor et deviendrait incontournable pour les distributeurs.

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77. Cependant, face à la croissance du commerce équitable et à la multiplication des intervenants qui s’en réclament au moyen de différents « logos » se présentant comme autant de systèmes de certification, il est compréhensible que les pouvoirs publics souhaitent réglementer cette activité de « certification », voire en envisagent une certaine régulation, dans un souci de protection, non seulement des consommateurs, mais aussi des producteurs des pays en développement dans le cadre de la politique d’aide au développement de la France.

78. La confiance des consommateurs dans le concept du commerce équitable pourrait en effet chuter brutalement en cas de doute sur la réalité de la démarche de certains opérateurs. Une trop grande variété des logos/marques et démarches se réclamant du « commerce équitable » mais également des concepts proches (comme le commerce éthique, solidaire ou durable) pourrait aussi nuire à la compréhension des consommateurs et brouiller l’image des signes les plus fiables. Il ne faut pas non plus négliger le fait que les risques de

« tromperie » pesant sur le secteur du commerce équitable augmentent dès lors que celui-ci connaît un taux de croissance élevé, susceptible d'attirer en nombre de nouveaux opérateurs.

79. Dans ce contexte, pour tout à la fois préserver les exigences de la politique de concurrence et assurer les autres intérêts publics évoqués, la commission dont la mise en place est prévue au III de l’article 60 de la loi du 2 août 2005 devrait veiller à préserver la liberté de choix des consommateurs et des opérateurs économiques tout en établissant des critères objectifs, clairs et non discriminatoires pour garantir la démarche du commerce équitable.

80. Cette commission devrait ainsi s’attacher à bannir des dispositifs ayant un objet ou des effets anticoncurrentiels dans le cadre de la sélection des candidats aux fonctions de

« personne veillant au respect des conditions du commerce équitable » ou dans le cadre de l’attribution des logos.

81. Sur ce point, lors de la séance qu'a tenue le Conseil, il a été indiqué par le représentant du ministère du commerce que le projet de décret relatif à cette commission pourrait se référer à la définition du prix équitable retenue dans le cadre des travaux de l’AFNOR prévoyant que ce prix doit être « au moins égal au prix de référence reconnu par les fédérations internationales du commerce équitable » regroupant des organisations du commerce équitable et des organisations de producteurs.

82. Or, à l’heure actuelle, selon les informations du Conseil de la concurrence, seule FLO établit au niveau international de tels systèmes de prix de référence, dont le respect conditionne la délivrance par Max Havelaar de son logo. En outre, ainsi qu’il a été souligné, Max Havelaar est de loin la principale entité attributrice de logo dans le secteur du commerce équitable et couvre, du fait notamment de l’essor des ventes en grande surface, la très grande majorité des produits vendus à ce titre. Dans un tel contexte, le décret pourrait ainsi consacrer de facto le référentiel prédominant alors, au surplus, que rien n’indique à ce stade que le système de grille de prix minimum par produit et par zone géographique soit le seul praticable pour assurer que le producteur a reçu une rémunération équitable. L’article 60 de la loi du 2 août 2005, en tant qu’il définit le commerce équitable, n’implique pas non plus que seul ce système puisse être retenu.

83. Certes, lors de la séance, il a été indiqué que l’idée qui guidait l’élaboration des conditions d’intervention de la commission prévue au III de l’article 60 de la loi du 2 août 2005 n’était pas de fermer l’accès du secteur aux acteurs qui ne seraient pas agréés, notamment parce qu’ils ne se rallieraient pas au système de grilles de prix minimum, mais plutôt

« d’offrir une reconnaissance » à ceux qui présenteraient le niveau de garanties le plus

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élevé. L’absence d’agrément délivré par la commission ne constituerait pas une interdiction de se prévaloir du commerce équitable.

84. Toutefois, d’une part, la reconnaissance publique donnée à certains acteurs du commerce équitable sur la base de leur adhésion à des règles qui n’apparaissent pas les seules susceptibles de garantir la réalité de la démarche du commerce équitable donnerait à ces acteurs un avantage concurrentiel par rapport à ceux qui, tout en assurant cette réalité, préfèrent appliquer d’autres règles. Cet avantage serait renforcé si la délivrance des agréments était considéré comme un préalable au versement de subventions gouvernementales telles que celles du « fonds de solidarité prioritaire » géré par le ministère des affaires étrangères (ce fonds, d’un montant de 5,6 millions d’euros sur 3 ans, a été mis en place en 2003 au profit de 5 associations dont Max Havelaar, Artisans du Monde et la plate-forme française du commerce équitable). Il y a lieu de noter à titre incident que ces subventions sont susceptibles de relever du régime d’examen des aides d’Etat prévu par les articles 87 CE et 88 CE, qui fait partie de la politique communautaire de la concurrence.

85. Dans de telles conditions, les restrictions de concurrence, évoquées aux paragraphes 74 à 76 du présent avis, pourraient survenir, en particulier, si elles débouchaient sur la consécration d’un opérateur qui pourrait devenir petit à petit incontournable.

86. D’autre part, du point de vue de l’intérêt public de la protection des consommateurs et des producteurs des pays en développement, la possibilité de laisser des acteurs « garantir » des produits « commerce équitable », alors même qu’ils ne seraient pas « reconnus » par la commission et que leur activité s’exercerait pour le coup sans contrôle, laisserait perdurer les incertitudes qui justifient aujourd’hui une certaine réglementation du secteur.

87. Par conséquent, du point de vue du Conseil de la concurrence, la commission prévue au III de l’article 60 de la loi du 2 août 2005 devrait s’efforcer de déterminer des critères d’agrément permettant de maintenir une situation de concurrence suffisante dans le domaine des référentiels dans le cadre de la mise en place du dispositif visant à garantir au consommateur que son acte d’achat équitable n’est pas détourné de son objectif initial, à savoir, notamment, la juste rétribution des producteurs des pays en voie de développement.

88. Par ailleurs, le Conseil rappelle la nécessité de tenir compte des éléments exposés aux points 64 à 71 du présent avis dans l’élaboration de la réglementation du commerce équitable. Il souligne aussi que pourrait se poser la question de la compatibilité de la réglementation du commerce équitable avec d’autres règles, notamment les règles communautaires relatives à la libre circulation des marchandises (articles 28 CE et suivants). En l’absence d’harmonisation au niveau communautaire des conditions du commerce équitable et dès lors que la pratique de celui-ci reste purement volontaire, on peut penser que l’intervention des pouvoirs publics pour assurer que ceux qui se réclament du commerce équitable en respectent les principes pourrait être compatible avec la libre circulation des marchandises, sous réserve de respecter certaines conditions, compte tenu des objectifs de préservation de la loyauté des transactions commerciales et de protection du consommateur qui justifieraient une telle réglementation étatique. Il n’appartient, cependant, pas au Conseil de la concurrence de poursuivre l’analyse à cet égard.

89. Ceci étant précisé, la commission prévue au III de l’article 60 de la loi du 2 août 2005, pourrait « valider » différents systèmes de normes et critères. Elle le ferait en habilitant leurs auteurs à assurer les contrôles au regard des normes et critères qu’ils auraient élaborés s’ils n’exercent pas eux-mêmes d’activité de commercialisation des produits en cause, et les inviterait à confier les contrôles à un organisme indépendant dans le cas contraire. La commission se prononcerait elle-même sur la base de critères d’intérêt

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général définis dans le décret en Conseil d’Etat prévu pour la mettre en place. Ces critères devraient préciser suffisamment la définition du commerce équitable donnée au II de l’article 60 de la loi. La commission pourrait être soit majoritairement composée de représentants des administrations intéressées, soit majoritairement de représentants des acteurs du commerce équitable. Mais dans ce dernier cas, l’autorité publique devrait conserver un pouvoir d’approbation, voire de réformation de ses décisions.

C. LA POSSIBILITE D’UNE EVENTUELLE EXEMPTION

90. En fonction de l’évolution du commerce équitable et des développements qui interviendront au regard des éléments exposés précédemment, l’hypothèse dans laquelle la mise en place de normes ou critères du commerce équitable traduirait l’existence d’ententes anticoncurrentielles visées par l’article 81, paragraphe 1, CE ou par l’article L. 420-1 du code de commerce n’est pas à exclure. Dans ce cas, la question se poserait de savoir si ces ententes pourraient bénéficier d’une exemption sur le fondement de l’article 81, paragraphe 3, CE ou de l’article L. 420-4 du code de commerce.

91. A cet égard, il y a lieu de souligner que l’analyse qui suit est fondée sur les particularités du commerce équitable concernant les producteurs des pays en développement, telles qu’elles sont rappelées dans le présent avis, et ne saurait être transposée telle quelle aux relations commerciales avec des producteurs se trouvant dans une situation différente, notamment en termes de débouchés sur les marchés européens.

92. Ceci étant précisé, il est impossible au Conseil de la concurrence de développer une analyse prospective sur toutes les situations imaginables concernant le commerce équitable. Il se limitera par conséquent à examiner l'hypothèse qui correspond pour l'essentiel à la seconde question de la demande d’avis, libellée comme suit :

« 2° - La pratique d’un prix minimum peut-elle bénéficier de l’exemption prévue à l’article 81-3 du Traité pour les pratiques dont les auteurs peuvent justifier qu’elles ont pour effet d’assurer un progrès économique aux petits producteurs et qu’elles réservent aux consommateurs une partie équitable du profit qui en résulte ? »

93. L’article 81, paragraphe 3, CE stipule que les dispositions du paragraphe 1 de cet article peuvent être déclarées inapplicables à tout accord ou pratique qui :

« contribuent à améliorer la production ou la distribution des produits ou à promouvoir le progrès technique ou économique, tout en réservant aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte, et sans :

a) imposer aux entreprises intéressées des restrictions qui ne sont pas indispensables pour atteindre ces objectifs,

b) donner à des entreprises la possibilité, pour une partie substantielle des produits en cause, d’éliminer la concurrence. »

94. En vertu des dispositions du I, 2°, de l’article L. 420-4 du code de commerce, ne sont pas non plus soumises aux dispositions des articles L. 420-1 les pratiques « dont les auteurs peuvent justifier qu’elles ont pour effet d’assurer un progrès économique ». Toutefois, le bénéfice de ces dispositions ne peut être accordé que sous certaines conditions. Comme pour le bénéfice de l’article 81, paragraphe 3, CE, il doit être démontré :

- que la pratique en cause réserve aux utilisateurs une part équitable du profit qui en résulte ;

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