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PROCESSUS D’IDENTIFICATION ET DE CONCEPTION DES PROJETS DE DEVELOPPEMENT LOCAL DANS LES COLLECTIVITES TERRITORIALES IVOIRIENNES : ETUDE DE CAS DES COMMUNES D’ALEPE, BOUAKE ET BONOUApp. 32-45.

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Texte intégral

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Université Alassane Ouattara de Bouaké Département d’Anthropologie et de Sociologie

pamlau2012@yahoo.fr

Revue Africaine d’Anthropologie, Nyansa-Pô, n° 18- 2015

RESUME

Cet article examine, à travers une approche des communes de Bouaké, Bonoua et Alépé, les causes de l’inadéquation entre les politiques et projets de développement local initiés et réalisés par les municipalités ivoiriennes et les préférences des populations locales. Les citoyens bénéficiaires des projets de développement initiés et réalisés par ces communes ne sont pas en fait impliqués dans le processus d’identification et de conception de ces projets. C’est la raison pour laquelle ceux-ci ne correspondent pas à leurs besoins. Les seuls acteurs de ce processus sont les maires qui en constituent les pièces maîtresses. Ils s’entourent de représentants de populations et de conseillers municipaux pour donner l’impression qu’ils associent l’ensemble de la population, mais dans la pratique ils n’écoutent presque personne. Cette manière de faire affaiblit la capacité d’action de ces collectivités en matière de développement local.

Mots-clés : Communes, identification, conception, besoins,populations, autorités locales, projets de développement local.

ABSTRACT

This article examines, through an approach of local authorities of Alépé, Bouaké and Bonoua, causes of mismatch between insiders’ local development projects made by Ivorian municipalities and needs of the beneficiaries. The study revealed that the beneficiaries of these development projects are not involved in the identification and design process of these projects, which is why they do not match their needs. The only actors in this process are the mayors who are the centerpieces. They surround themselves with people representatives and councilors to give the impression that they associate the general population, but in practice they do not listen to anyone. This way weakens the action capacity of these local institutions for development.

Keywords: Municipalities, identification, design, needs, population, local authorities, local development projects.

PROCESSUS D’IDENTIFICATION ET DE CONCEPTION DES PROJETS DE DEVELOPPEMENT LOCAL DANS LES COLLECTIVITES TERRITORIALES IVOIRIENNES : ETUDE DE CAS DES COMMUNES D’ALEPE, BOUAKE ET BONOUA

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INTRODUCTION

Dans un environnement décentralisé, les projets et activités de développement initiés et réalisés par les collectivités locales doivent être l’émanation des besoins des populations bénéficiaires. On estime qu’étant le niveau de gouvernance publique le plus proche des citoyens, les collectivités locales sont le cadre par excellence de la prise en compte des aspirations réelles de ces derniers, dans la conception et la réalisation des projets de développement local (CGLU et Cities Alliance, 2013).

Dans un tel contexte, la recrudescence des politiques de décentralisation traduit un changement d’échelle dans l’élaboration des politiques de développement. L’objectif étant de montrer que des voies nouvelles de développement sont possibles, qui font appel à la participation des populations de base (Diao 2004). Cette participation, qui se fait souvent directement ou indirectement, peut aller de l’identification et de la conception du projet de développement jusqu’à son contrôle en passant par sa réalisation (Guiriobé 2012).

Cela permet à la collectivité locale de concevoir et de réaliser des projets de développement qui émanent des aspirations réelles de ses populations. Cependant, l’on constate que, dans les communes ivoiriennes, les projets de développement local initiés et réalisés ne cadrent pas avec les besoins des concernés.

Ces municipalités n’arrivent pas à fournir des services répondant aux besoins de leurs populations (Boizo 1994). En effet, les politiques poursuivies et les projets de développement réalisés par ces instances locales répondent faiblement aux préférences des populations (Crook 1994). Mais alors, pourquoi les municipalités ivoiriennes ne parviennent-elles pas à concevoir et à réaliser des projets de développement qui répondent aux besoins de leurs populations?

Quel est le processus d’identification et de conception de ces dits projets ? Quels sont les acteurs de ce processus ? Quel est l’impact de ces projets sur la politique de développement local ?

I- CADRE THEORIQUE ET METHODOLOGIQUE

Cette recherche a pour objectif général d’examiner, à travers une étude de cas, les causes efficientes de l’inadéquation entre les projets de développement local initiés et réalisés par les municipalités

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ivoiriennes et les préférences des populations locales. De façon spécifique, cette étude vise d’une part à décrire le processus d’identification et de conception des projets de développement local de ces municipalités et d’autre part à identifier les acteurs de ce processus et à montrer l’impact de ces projets sur la politique de développement local. En Côte d’Ivoire, en dehors des élections, la gestion des affaires communales, au niveau local, est du ressort des agents municipaux et des chefs des communautés de base (Guiriobé 2012). Ainsi, l’enquête a-t-elle été restreinte aux responsables des services municipaux et des représentants des populations locales.

En ce qui concerne les responsables des services municipaux, nous avons interrogé des secrétaires généraux, des chefs de personnels, des comptables, des conseillers municipaux et des adjoints au maire. S’agissant des représentants des populations locales, ont été interrogés des chefs de villages et de quartiers, des présidents d’associations de jeunes et de femmes, des responsables de la société civile locale. Dans un souci de représentativité, notre échantillon, qui est un échantillon par quota, est constitué de 45 personnes au total (21 agents des mairies et 24 représentants de la population), avec 15 enquêtés par commune répartis comme suit : 07 agents de mairie et 08 représentants des communautés de base.

C’est au terme de l’enquête que cet échantillon a été exactement déterminé à cause de la redondance des réponses fournies. Pendant trois semaines, l’on a parcouru les communes de Bouaké, Bonoua et Alépé afin de collecter les données. En dehors des chefs-lieux de ces différentes communes, des villages environnants ont été visités.

Il s’agit de Tchèlèkro et Kondékro à Bouaké, Yahou et Adahou à Bonoua et Memnhi et Montézo à Alépé.

Par le biais d’entretiens semis-directifs individuels approfondis, nous avons, traité, avec ces personnes ressources, de sujets concernant le processus d’identification et de conception des projets de développement réalisés par les communes de Bouaké, Bonoua et d’Alépé, les principaux acteurs de ce processus et l’impact de ces projets sur la politique de développement local. Les différents entretiens et l’observation directe ont permis d’examiner en profondeur les causes de l’inadéquation entre les projets de développement conçus et réalisés par ces municipalités et les préférences des bénéficiaires. La commune de Bouaké, qui est la

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plus grande et la plus importante de l’intérieur du pays, se trouve au centre de la Côte d’Ivoire, à environ 300 kilomètres d’Abidjan.

Quant aux municipalités de Bonoua et d’Alépé, elles sont, toutes les deux, situées au sud-est du pays à une trentaine de kilomètres d’Abidjan. Le choix de ces trois municipalités découle d’un souci de diversification et de représentativité de l’échantillon car la municipalité de Bouaké fait partie des plus grandes municipalités (municipalités de type A) et celles de Bonoua et Alépé sont de petites municipalités (municipalités de type B).

Les informations recueillies dans ces différentes zones ont, par la suite, été analysées selon le schème de la théorie du développement local qui stipule que le développement local est une stratégie qui vise, par des mécanismes de partenariat, à créer un environnement propice aux initiatives locales afin d’accroître la capacité des collectivités locales (Vachon 1993).

Cette approche permet donc d’aborder la question de l’inadéquation entre les activités de développement local initiées et exécutées par les municipalités de Bouaké, Bonoua et Alépé et les aspirations des populations à travers trois rubriques majeures. Après avoir décrit le processus d’identification et de conception des projets de développement local initiés et réalisés par ces communes, nous identifierons les principaux acteurs de ce processus et enfin, montrerons l’impact de ces projets sur la politique de développement local.

II- RESULTATS DE LA RECHERCHE

Les résultats de cette recherche tournent en effet autour de trois principaux points qui déclinent nos différents objectifs spécifiques.

Il s’agit, comme cela a été mentionné ci-dessus, du processus d’identification et de conception des projets de développement local conçus et réalisés par les municipalités, des acteurs de ce processus et de l’impact des projets sur la politique de développement local.

Processus d’identification et de conception des projets de développement local dans les collectivités territoriales ivoiriennes

Le processus d’identification et de conception de projets de développement local est une suite ordonnée d’opérations qui

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aboutissent à la réalisation d’un projet au bénéfice des populations locales. C’est une procédure divisée en trois principales étapes que sont respectivement : l’identification des besoins à la base, la conception des projets à partir des besoins identifiés et enfin la réalisation des projets conçus. La première phase, c’est-à-dire l’identification du besoin, a lieu au niveau de la population et les deux dernières étapes, à savoir la conception et la réalisation, sont du ressort de la municipalité. Cette manière de procéder est connue de tous les enquêtés, comme le précisent les secrétaires généraux

« Pour initier des projets de développement local, l’on devait en principe aller demander d’abord les avis, les attentes, les priorités et besoins des populations bénéficiaires, ensuite faire remonter ceux-ci vers les autorités locales afin que ces besoins identifiés à la base puissent être analysés, priorisés et programmés selon les ressources disponibles ». (SG de la Mairie de Bouaké) ; « Normalement, les projets de développement local sont identifiés et conçus sur la base des besoins des populations recueillis par les élus locaux » (S.G. de la Mairie de Bonoua) ; « En principe, l’identification et la conception des projets de développement local se font à partir des besoins des populations recueillis à la base » (SG de la Mairie d’Alépé).

Les élus locaux, interrogés également sur le contenu d’un processus d’identification et de conception de projets de développement local, ont une connaissance parfaite de la procédure, comme le montrent ces propos : «Les projets de développement local sont conçus et réalisés sur la base des besoins des populations locales. Ces besoins sont recueillis préalablement auprès de celles-ci » (Adjoint au maire à la municipalité de Bouaké). Il ressort de ces entretiens que les représentants des populations ont aussi un bon niveau de connaissance en ce qui concerne l’existence des différentes étapes de ce processus. C’est la raison pour laquelle ils affirment ceci : « Avant d’initier et de réaliser un projet de développement dans un village, les élus locaux doivent savoir si ce projet correspond à un besoin ressenti par les bénéficiaires » (Un chef notable à Yahou). En effet, ces différents propos revèlent que l’ensemble des enquêtés ont une connaissance parfaite de la démarche à suivre par une municipalité afin de concevoir et de réaliser, dans les normes, un projet de développement local dimensionné aux préférences des populations concernées. Cependant, les municipalités, visitées dans le cadre

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précis de cette étude, procèdent autrement, comme le précisent les secrétaires généraux, « Mais, dans les faits, les élus locaux restent dans leurs bureaux pour concevoir et planifier des projets de développement sans même consulter les populations et leurs différents représentants. Récemment, la municipalité a procédé à la construction d’un barrage dans un village situé à une dizaine de kilomètres de la ville de Bouaké alors que la population avait réellement besoin d’une maternité » (SG de la Mairie de Bouaké) ; « Ici chez nous les choses se passent autrement car ce sont les maires qui décident sans même consulter les concernés et leur majorité au conseil municipal ne fait que suivre » (S.G. de la Mairie de Bonoua) ; « les élus locaux réalisent des projets de développement à partir de leur programme de société et surtout des besoins qu’ils voient et entendent » (S.G. de la Mairie d’Alépé).

Même son de cloche au niveau des représentants des communautés de base ; « On ne rencontre les élus locaux que pendant les périodes électorales et après ça c’est fini, ils ne viennent plus nous voir, dans ce cas comment voulez-vous qu’ils connaissent nos véritables problèmes afin de nous aider » (Président de jeunes d’un village de la commune d’Alépé). Ces faits ont été confirmés par les différents responsables de la société civile locale interrogés sur des cas concrets d’identification et de conception de projets de développement local, comme le témoignent ceux-ci : « Si tout cela arrive, c’est justement parce que les élus locaux ne prennent pas le temps de se renseigner auprès des populations concernées. Dans le quartier où je réside, ici à Bonoua, les jeunes gens ont besoin d’un foyer ou d’un centre culturel, mais les élus locaux ne font que construire d’autres infrastructures » (Responsable de la société civile locale à Bonoua) ; «Nos vrais besoins sont là et les maires ne cherchent pas à les connaître, c’est pourquoi ils réalisent des projets qui ne nous intéressent pas. Dans mon village Danguira, ils ont construit un foyer de jeunes qui n’est même pas fréquenté par ces derniers. Pourtant, nous avons, à plusieurs reprises, sollicité urgemment la construction d’une maternité qui, jusque-là, n’est pas construite » (Présidente d’association féminine à Alépé).

Ces entretiens mettent en relief un processus d’identification et de conception de projets de développement local qui ne tient pas compte des critères ou caractéristiques essentielles d’une approche développementaliste par le bas, c’est-à-dire d’une politique

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de développement local mise en œuvre dans une planification décentralisée. Les populations qui doivent bénéficier des projets ne sont pas en fait associées au processus d’identification et de conception de ceux-ci. Quels sont donc les acteurs de ce processus ? Acteurs du processus d’identification et de conception des projets de développement local dans les collectivités territoriales ivoiriennes

Les acteurs qui semblent être impliqués dans le processus d’identification et de conception des projets de développement local initiés et réalisés par les communes ivoiriennes sont les représentants des communautés de base et les conseillers municipaux, en ce qui concerne l’identification et le cabinet du maire pour la conception, comme le disent unanimement les adjoints au maire : «Ce sont les conseillers municipaux qui sont en fait chargés d’identifier les besoins de leur localité d’habitation ou d’origine, qu’ils font ensuite remonter au cabinet du maire pour la conception de projets qui seront soumis à l’approbation du conseil municipal avant la phase d’exécution. Et, c’est la raison pour laquelle l’on nomme au moins un conseiller municipal par localité » (Adjoint au maire dans la commune de Bouaké). Sur ce sujet, les conseillers municipaux abordent dans le même ordre d’idées que les adjoints au maire lorsqu’ils avancent ceci : « Les conseillers municipaux que nous sommes, avons le devoir de recueillir les informations concernant les besoins des populations auprès de celles-ci que nous faisons remonter par la suite aux autorités locales » (Conseiller municipal à la mairie d’Alépé) ; « Dans cette tâche, nous sommes épaulés par les représentants des populations, c’est-à-dire les chefs de quartiers et de villages, les présidents de jeunesse et autres » (Conseiller municipal à la mairie de Bonoua). Cependant, les secrétaires généraux, interrogés sur ce point, affirment le contraire.

Pour eux, ce sont les maires et leurs adjoints qui décident de tout, comme le précisent ces termes, « C’est le maire et ses adjoints qui sont en fait les pièces maîtresses de tout ce qui se fait dans la vie et dans les affaires de la commune et c’est la même situation qui prévaut un peu partout dans les autres communes du pays » (SG de la Mairie d’Alépé) ; « Tout se décide au niveau du maire et de ses adjoints qui n’ont pas l’habitude de consulter et même d’écouter la population avant et après une prise de décision » (SG de la Mairie de Bonoua) ;

« Dans les faits, les maires et leurs adjoints sont les seuls comptables

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de ces projets qui ne correspondent pas vraiment aux besoins des populations car ils ne les consultent pas avant toute chose » (SG de la Mairie de Bouaké). Même son de cloche en ce qui concerne les responsables de la société civile et les chefs de villages qui vont plus loin sur cette lancée, en tenant ces propos : « Ce sont les maires seuls qui organisent tout cela, c’est pourquoi ils n’arrivent pas à toucher réellement nos véritables besoins » (Présidente d’une association féminine dans la commune d’Alépé). Mais, pour la jeunesse, ce sont les représentants des populations qui ne jouent pas leur rôle dans ce processus, comme le témoignent les propos suivants : « Ceux là mêmes qui sont chargés de nous informer et de recueillir nos besoins, c’est-à-dire nos différents responsables ne le font pas et quand ils le font, ce qui est d’ailleurs rare, ils ne sont pas écoutés ou pris en compte par les élus locaux qui ont l’habitude de faire ce qu’ils veulent » (Président de jeunes dans la commune de Bouaké).

L’on notera ici que ce sont les élus locaux et plus particulièrement les maires qui constituent les seuls acteurs du processus d’identification et de conception des projets de développement local initiés et réalisés par les communes d’Alépé, Bouaké et Bonoua.

Quel peut être cependant l’impact de ces projets, ainsi identifiés et conçus, sur le développement local ?

Impact sur la politique de développement local

En Afrique subsaharienne et particulièrement en Côte d’Ivoire, l’on évoque très souvent des facteurs économiques comme étant à l’origine de l’insuffisance des projets de développement local. Mais, comme le disent les représentants des populations locales : « L’argent seul ne suffit pas pour bien faire, il faut surtout l’utiliser à des fins utiles. Le territoire communal d’Alépé est arrosé par plusieurs cours d’eau et, les élus locaux pouvaient aider les jeunes à pratiquer la pêche afin qu’ils arrivent à pourvoir la commune en poisson, ce qui leur permettra d’avoir des revenus consistants. Mais, ils ont plutôt financé l’acquisition de permis de conduire, ce qui n’intéresse pas vraiment ces jeunes car ils ont tous abandonné ce projet » (Chef de Memnhi (village de la commune d’Alépé)). A «Ici à Yahou, nous avons un problème de marché couvert puisque le village n’en a pas et, à Adahou, les gens ont besoin d’une piste villageoise praticable en saison de pluies pour pouvoir évacuer nos produits agricoles. Mais, les autorités locales ont

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préféré financer, dans les deux cas, la production de charbon que les villageois ont fini par abandonner aux mains des étrangers. Si vous avez besoin de tout cela et que, ceux qui doivent vous aider, décident de financer autre chose en lieu et place, qu’allez-vous dire ? » (Chef de Yahou (village de la commune de Bonoua)). En effet, cette manière de faire ou d’agir ne peut donner que des résultats négatifs, comme le témoignent les propos tenus respectivement par le chef du personnel de la mairie de Bouaké et le directeur financier de celle de Bonoua,

« L’on ne peut pas vraiment parler de développement local si la population ne se reconnaît pas en ce qui se fait pour elle » ; « Les projets de développement initiés et réalisés par la plupart des communes actuellement, ne peuvent pas avoir un impact réel sur la politique de développement local car les populations bénéficiaires sont écartées de leur processus d’identification et de conception. Dans ce cas précis ils ne peuvent pas améliorer véritablement leur vécu quotidien, or, c’est cette amélioration que recherche exactement cette politique ».

A la suite de ces entretiens, nous retiendrons que les projets initiés et réalisés, par les municipalités sans l’implication réelle des populations bénéficiaires, sont par la suite abandonnés par celles-ci car ils ne parviennent pas à améliorer leur vécu quotidien puisqu’ils n’émanent pas de leurs aspirations. Quels peuvent donc être les constats qui se dégagent de ces faits ?

III- ANALYSE ET DISCUSSION

Analyser les causes de l’inadéquation entre les projets de développement local initiés et réalisés par les municipalités d’Alépé, Bouaké et Bonoua et les besoins des populations concernées, a été le but de cette étude. Dans ces municipalités, l’identification et la conception des différents projets de développement local sont faites sans la participation ou l’implication réelle des populations bénéficiaires. Ce sont en fait les élus locaux et plus particulièrement les maires qui identifient et conçoivent eux-mêmes, sans l’intervention des populations concernées, les projets de développement qui ne correspondent pas aux aspirations de ces dernières et qui n’améliorent pas, enfin de compte, leur vécu quotidien.

En effet, dans une planification décentralisée, les populations

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sont appelées à participer aux différents projets et décisions qui les concernent. Cette participation peut intervenir à n’importe quelle étape du cycle du projet. Elle peut également prendre des formes diverses : une participation directe de chaque individu par la présence à des réunions ou à des groupes de travail, ou une participation indirecte par l’intermédiaire d’organes élus ou non, d’associations, de groupements ou de coopératives (Maetz et Quieti 1987). Par exemple, l’identification d’idées de projets peut être faite lors d’une assemblée villageoise ou grâce à une enquête sur un échantillon d’individus sélectionnés. La préparation ou la conception d’un projet peut être assurée par un groupe travaillant en collaboration avec des techniciens. L’évaluation et la sélection des projets peuvent être la responsabilité d’un conseil. L’exécution des projets peut demander une participation sous forme de dons ou de travail volontaire de la part de la population, etc. (Maetz et Quieti op.cit.). Selon le type de participation envisagé et son importance, il sera nécessaire d’informer et de former ceux qui y joueront les rôles les plus importants, c’est- à-dire les populations. Dans le cas précis des municipalités visitées au cours de cette recherche, les populations ne sont associées ni à l’identification des idées de projets de développement les concernant ni à leur préparation ou conception. Ce qui entraîne, à leur niveau, le sentiment de ne pas se reconnaitre dans les projets de développement local réalisés ou en cours de réalisation dans ces communes (Berepa 2012). En effet, c’est un processus issu de la survivance des pratiques centralisatrices de l’Etat central, au niveau local (Guiriobé op.cit.). Il semble emprunter les voies ou les principes des projets de développement par le haut, tout en étant un processus qui concerne des projets de développement local ou développement par le bas initiés et réalisés par les collectivités locales censées être proches des populations. Or, les principes théoriques du développement local ou développement par le bas sont contraires aux principes théoriques du développement par le haut (Vachon op.cit.).

Le développement local est en fait entendu comme un processus qui vise à mobiliser les énergies de tous les acteurs locaux en vue de la promotion économique, sociale et culturelle sur un territoire ou portion d’un Etat (Mengin 1989). C’est aussi une stratégie visant, par des mécanismes de partenariat entre les différents acteurs locaux, à créer un environnement propice aux initiatives

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locales afin d’accroître la capacité des collectivités territoriales (Vachon op.cit.). Il est également défini comme la participation de différents acteurs locaux à la libéralisation des initiatives, en particulier locales et communautaires (Ndiaye 1999). Toutes ces définitions privilégient une approche du développement centrée sur la contribution ou participation effective de différents acteurs locaux, dont les populations, aux initiatives de développement. La revalorisation de l’échelon local ou l’implication des acteurs locaux, c’est-à-dire ceux qui doivent vivre la décision ou bénéficier du projet, semble donc être le point de rupture par rapport aux expériences du développement par le haut (Diao 2004). Le développement local est en fait une approche développementaliste qui s’est imposée dans les années 1970 d’abord comme une remise en question des politiques de développement régional, puis, comme complément aux politiques macro-économiques dans les années 1980 (Mengin 1989). C’est une approche qui met en relief, à travers un processus bien précis, deux acteurs locaux clés que sont les autorités locales et les populations.

Chaque acteur a des rôles bien délimités à jouer (NDI. 2010). Ces rôles peuvent, contre toute attente, biaiser le processus s’ils ne sont pas exécutés. C’est précisément le cas dans les communes d’Alépé, Bonoua et Bouaké où les populations, dont les rôles sont très importants et qui sont par-dessus tout, les bénéficiaires, sont écartées de la procédure. Seules les autorités locales sont présentes à toutes les étapes, en jouant la partition des populations. Les maires jouent principalement des rôles actifs à ce niveau. Ils sont en règle générale, les pièces maîtresses et servent de figure emblématique.

Ils constituent surtout et d’abord les intégrateurs des affaires communales, en disposant d’un quasi-monopole de la coordination et de l’impulsion. Ils représentent également les sources suprêmes de la légitimité et de la répartition des tâches, en formant l’épicentre de la politique et des politiques (Thoenig 1996). A côté des maires, se trouvent les conseillers municipaux et les représentants des communautés de base qui sont parfois chargés de recueillir les besoins des population en les consultant, mais ces derniers ne le font guère (Guiriobé op.cit.). Dans la forme, les maires s’entourent de représentants de populations et de conseillers municipaux pour donner l’impression qu’ils associent d’avantage des groupes tiers, sinon l’ensemble de la population à cette démarche. Pourtant, dans la pratique ils n’écoutent que ceux qui sont inconditionnellement

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acquis à leur cause ou presque personne, car collégialiser la gestion municipale et impliquer véritablement la population dans les affaires communales ne leur paraissent pas des urgences à satisfaire (Thoenig 1996). Dans ces communes, tout se passe en fait comme si la réflexion interne sur l’appropriation des mécanismes de la participation collective à un projet de développement local était encore au stade zéro (Akindès 2002).

Ces agissements ou manières de procéder ne peuvent engendrer que des résultats qui affaiblissent la capacité d’action de ces collectivités territoriales en matière de développement local. Lequel développement désigne, comme cela a été mentionné ci-dessus, une stratégie qui vise, par un mécanisme de partenariat, à créer un environnement propice aux initiatives locales et communautaires pour pouvoir accroître la capacité des collectivités locales (Vachon op.cit.). En réalisant des projets de développement local qui ne répondent pas véritablement aux aspirations des populations concernées ou qui ne sont pas dimensionnés aux besoins réels de ces dernières, les communes ivoiriennes sont en train de passer à côté de leur ultime objectif, c’est-à-dire l’amélioration du vécu quotidien de leurs administrés. Les projets réalisés n’émanent pas en effet des besoins des populations concernées, donc ils ne peuvent pas les satisfaire. Ainsi, ces réalisations sont-elles, dans la plupart des cas, abandonnées ou délaissées et finissent malheureusement par tomber en ruine faute d’entretiens. Ce qui entraîne par conséquent une sortie de ressources financières qui ne profitent pas réellement.

CONCLUSION

Au terme de cette étude, nous dirons que l’inadéquation entre les projets de développement local initiés et réalisés par les municipalités de Bouaké, Bonoua et Alépé et les besoins des populations bénéficiaires est due au fait que ces populations ne sont pas impliquées dans le processus d’identification et de conception de ces projets. C’est la raison pour laquelle ils ne répondent pas aux préférences de celles-ci.

C’est en fait un processus qui enregistre la très forte présence d’un acteur clé qui est le maire. Ce dernier constitue la pièce maîtresse de tout cet échafaudage d’où partent toutes les décisions et projets de développement engageant la responsabilité de la commune.

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Ces pratiques affaiblissent donc la capacité d’action de ces collectivités territoriales en matière de développement local car les projets ainsi conçus et réalisés sont abandonnés très tôt par les populations qui finissent par croire que les élus locaux ne font rien pour elles puisque les projets qu’ils réalisent ne correspondent guère à leurs besoins. Il convient de souligner que si incomplète soit-elle, cette étude constitue cependant une contribution qui vise à améliorer le processus d’identification et de conception des projets de développement réalisés par les collectivités locales en Côte d’Ivoire afin que ces projets correspondent aux besoins réels des populations. Toutefois, vue l’importance du sujet, d’autres recherches sont nécessaires pour cerner tous les aspects insuffisamment abordés. Pour impliquer d’avantage la population à son propre développement, au niveau local, la mise en application d’une législation sur cette implication et la constitution de conseils villageois et urbains de développement, dans les villages et quartiers des différentes collectivités locales du pays, s’avèrent nécessaire.

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