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Protection du patrimoine architectural : tendances récentes du droit de la construction (le cas de Genève)

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Protection du patrimoine architectural : tendances récentes du droit de la construction (le cas de Genève)

AUBERT, Gabriel

AUBERT, Gabriel. Protection du patrimoine architectural : tendances récentes du droit de la construction (le cas de Genève). Droit de la construction , 1984, no. 3, p. 44-48

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:41767

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Der Aufsatz L'article Protection du patrimoine architectural:

tendances récentes du droit de la construction (le cas de Genève)

Dr GABRIEL AUBERT, M. C. L.

chef de travaux à l'Université de Genève, chargé de cours à l'Université de Fribourg

lm Ver/auje der letzten zehn Jahre hat sich das juristische Instrumentarium zum Schutze von architektonischen Gütern stark entwickelt. Am Beispiel der Gesetzgebung im Kant on Genf untersucht der A ut or die wichtigsten Neue- rungen der jüngsten Zeit. Ein erster Teil befasst sich mit verfahrensrechtlichen Fragen (Prinzip der Offentlichkeit bei Baugesuch und Baubewilligung; Zusammensetzung der massgeblichen Kommissionen; Stellung der Verbiinde).

In einem zweiten Teil zeigt der Autor am Beispiel des Kantons Genj, dass das herkdmmliche Verstiindnis von

«Denkma/schutz» im Wande/ begriffen ist.

1. Introduction

L'année 1975 a été déclarée par le Conseil de l'Europe

«année européenne du patrimoine architectural». Un tel geste, symbolique, n'a certes pas entraîné, de lui- même, des revisions législatives dans les divers pays du continent. Mais il a manifesté la préoccupation crois- sante des peuples et des Etats européens en la matière.

Cette préoccupation s'est traduite, en beaucoup de pays, par la mise en oeuvre de nouvelles lois répondant aux soucis locaux. Ainsi en a-t-il été, notamment, en Suisse.

Nous voudrions illustrer ces développements récents en prenant pour objet le droit genevois de la construc- tion, qui a subi, au cours des dix derniètes années, de nombreuses modifications visant une meilleure protec- tion du patrimoine architectural. Ce sera d'ailleurs une bonne occasion pour tenter de prendre une vue co- . hérente des réformes qui se sont succédé récemment à

un rythme accéléré en procédant par petites touches et retouches.

Les revisions en cause concernent deux domaines d'égale importance: les dispositions de procédure et celles de fond. Nous les aborderons l'un après l'autre, en nous concentrant sur deux lois: la loi sur les cons- tructions et les installations diverses', d'une part, et, d'autre part, la loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites'. Nous n'analyserons pas ici la législation sur la préservation de l'habitat\ qui touche essentiellement la protection des locataires. Il ne faut toutefois pas sous-estimer son rôle: la nouvelle loi

' Cf. la loi sur les constructions et les installations diverses (plu- sieurs fois modifiée), du 25 mars 1961, ci-après LCI, in Recueil systématique de la législation genevoise, ci-après RS, L 5 1.

'Cf. la loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites (plusieurs fois modifiée), du 4 juin 1976, ci-après LPMNS, in RS L 41.

genevoise sur les démolitions, transformations et réno- vations de maisons d'habitation mentionne expressé- ment parmi ses objectifs le maintien des «conditions de vie» • et du «caractère actuel des zones urbaines» 5 Le principe de l'interdiction de démolir ou de transformer les maisons d'habitation 6 déploie en pratique des effets puissants sur le plan de la sauvegarde du patri- moine architectural.

II. Les dispositions de procédure

L'expérience a montré que l'application efficace des règles de fond relatives à la protection du patrimoine architectural suppose l'amélioration des processus de décision à tous les stades. Nous examinerons ci-dessous la publicité des procédures d'autorisation de construire (1); l'aménagement des procédures non contentieuse (2) et contentieuse (3), ainsi que le cas significatif de la procédure de classement (4).

1. La publicité des procédures d'autorisation de construire

Jusqu'à la fin des années soixante-dix, les procédures d'autorisation de construire faisaient intervenir trois acteurs: l'administration, le requérant et, parfois, les voisins directement intéressés. Les autres habitants du quartier (leurs associations) et les associations de sauvegarde n'y participaient en aucune manière:

' Cf. la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation, du 26juin 1983, ci-après LD, in RS L 59.

' Cf. l'art. 1 LD.

' Cf. l'art. 5 LD.

' Cf. l'art. 5 LD.

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J'accès au dossier leur restait interdit; le secret régnait jusqu'à la délivrance de l'autorisation 7 - La règle du secret s'est progressivement assouplie.

Pour dissiper le sentiment de malaise créé par la pra- tique des dérogations occultes (dont seul le béné- ficiaire, voire les voisins, avaient connaissance), le lé- gislateur a ordonné que les requêtes et les autorisations publiées dans la Feuille d'avis officielle mentionnent expressément les dérogations sollicitées ou accordées.

La publicité particulière donnée à ces dernières consti- tuait un frein: même si seuls les intéressés traditionnels demeuraient parties à la procédure, les dérogations obtenues par tel particulier se trouvaient désormais connues de l'opinion publique8En outre, comme on le verra plus bas, la jurisprudence puis la loi ont plus largement admis la qualité pour recourir des voisins (proches ou non) et des associations de sauvegarde 9 Du même coup, l'accès au dossier devenait pour eux moins difficile, même s'il se heurtait à de sensibles ré- sistances pratiques de l'administration, peu encline à tenir compte de l'avis de tiers et déclarant craindre un surcroît excessif de travail.

C'est en 1983 que la règle du secret a été abolie: dés- ormais, toutes les demandes d'autorisation de cons- truire (avec les plans) peuvent être consultées par «cha- cun» '0, sans aucune restriction. Le surcroît de travail redouté par l'administration ne s'est pas produit: les associations de sauvegarde prennent rendez-vous pour consulter les dossiers qui les intéressent; les autres per- sonnes, loin de se presser aux guichets, ne se ren- seignent que sur les affaires les plus délicates. Les rap- ports entre l'administration et les justiciables en sont améliorés.

2. La procédure non contentieuse

a) La composition des commissions consultatives Dans le domaine de la construction, les commissions consultatives jouent un rôle considérable: le départe- ment compétent suit le plus souvent leurs préavis. Jus- qu'au milieu des années soixante-dix, les membres de ces commissions, nommés par le Conseil d'Etat, étaient presque exclusivement proposés par les orga- nisations professionnelles d'architectes. Ce quasi- monopole a vécu.

En effet, en 1976, le législateur a profondément modi- fié la composition de la commission des monuments,

' La notion d'intéressés habilités à consulter le dossier s'interprétait trés strictement; n'étaient considérées comme tels que les personnes pouvant avoir qualité pour agir au sens de l'art. 2 du code de pro- cédure administrative, du 6 décembre 1968, ci-après CPA, in RS E 3,5 3 (soit notamment les personnes «dont un intérêt juridique se trouve directement atteint» par la décision, art. 2, litt. b CPA).

Cf. R. Mahler, Réflexions sur la qualité pour recourir en droit administratif genevois, RDAF 1982, p. 271.

' Cf. l'art. 3, al. 1 et 4 LC! (selon novelle du 8 mars 1979).

' Cf. ci-dessous, section 3, lettre a.

1° Cf. l'art. 3, al. 2 LCI (selon novelle du 21 avrill983).

de la nature et des sites, dont les préavis touchent sur- tout les immeubles sis en zone protégée et les bâtiments classés. Selon les dispositions actuellement en vigueur, cette commission comprend vingt personnes: un membre de chaque parti représenté au Grand Conseil, désigné par celui-ci; trois membres désignés par le Conseil d'Etat sur proposition de l'Association des communes genevoises; onze autres membres également désignés par le Conseil d'Etat, mais sur proposition des organisations professionnelles d'architectes, des associations de sauvegarde de la nature et du patrimoine architectural, ainsi que de la Chambre genevoise d'agriculture 11 Les modes de désignation et l'origine des commissaires présentent donc une grande diver- sité. Les organisations d'architectes n'y jouent plus un rôle prépondérant: il s'en est suivi une politique de pré- avis laissant manifestement apparaître une meilleure sensibilité aux impératifs de la sauvegarde. Cependant, le nombre trop restreint de techniciens suffisamment disponibles rend difficiles la surveillance des chantiers et les conseils directs aux propriétaires. Au surplus, l'effectif total des membres (vingt), malgré la création de sous-commissions, fait de cet organe un instrument fort lourd.

Quant à la commiSSion d'architecture, qui donne en principe son préavis sur la plupart des demandes d'autorisation de construire dans le canton, elle compte neuf membres 12 Sans que la loi ait été mo- difiée, sa composition a légèrement changé en 1978. Il n'y siégeait auparavant que des architectes nommés par le Conseil d'Etat sur proposition des organisations professionnelles. Dès 1978, un architecte a été rem- placé par un juriste désigné sur proposition d'une asso- ciation de sauvegarde. En 1982, deux membres de la commission ont été nommés sur proposition de cette association (un juriste et un architecte), un troisième étant issu des groupements de protection des loca- taires. Les organisations professionnelles ne présentent donc désormais des candidats que pour deux tiers des sièges. Bien que cette composition ne soit pas équili- brée, la participation de milieux indépendants de toute allégeance professionnelle favorise une discussion plus large des problèmes. La taille de l'organe lui assure, à la longue, une meilleure homogénéité.

b) Les procédures d'opposition; les observations Jusqu'en 1983, seules étaient admises à faire oppo- sition à une requête en autorisation de construire les personnes habilitées à recourir, le cas échéant, contre l'autorisation 13 Considérant uniquement les voisins directs comme ayant cette qualité, l'administration déclara, pendant longtemps, irrecevables les oppo- sitions formulées par des associations de quartier ou de sauvegarde. Cette pratique s'est un peu assouplie, en fait, au début des années quatre-vingt.

11 Cf. l'art. 46 LPMNS, dans sa teneur du 14 octobre 1982.

" Cf. les art. 4 et 5 de la loi sur les commissions d'urbanisme et d'architecture, du 24 février 1961, in RS L 1 15.

" Cf. note 7, supra.

1984/3 BR/DC 45

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Le.système a été profondément modifié en 1983. Toute personne (on l'a vu) est désormais autorisée à con- sulter les dossiers d'autorisations de construire; elle peut aussi communiquer des observations écrites au département compétent; ce dernier l'avise de la déci- sion intervenue 14 L'administration se trouve donc tenue de prendre en considération les observations qui lui sont adressées et ne saurait les écarter pour des rai- sons de forme. Elle ne perd naturellement pas son pou- voir de décision, mais les justiciables, même non direc- tement intéressés, ont la faculté de faire valoir leur point de vue.

3. La procédure contentieuse a) La qualité pour recourir

Le problème de la qualité des associations de sauve- garde pour recourir n'a pas manqué d'acuité au cours des dernières années. Avant 1976, elle fut admise, dans un cas particulier, par voie prétorienne '5 Elle fut établie par le législateur cette année-là, dans les limites étroites de la loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites (s'agissant surtout des décisions con- cernant l'application de plans de site) '6 La juris- prudence s'est inspirée de cette reconnaissance limitée et en a élargi les effets dans le cadre de la loi sur les constructions et les installations diverses ''.

Un tel élargissement a été consacré par la loi en 1982:

les associations d'importance cantonale qui, aux termes de leurs statuts, se vouent par pur idéal à la protection des monuments, de la nature et des sites peuvent recourir contre toute décision prise en appli- cation de la loi sur les constructions et les installations diverses lorsqu'elle a pour objet un immeuble situé en zone protégée ou dans le périmètre d'un plan de site, ou encore placé au bénéfice d'une dérogation (tou- chant le gabarit ou la destination)". La qualité pour agir des associations de sauvegarde constitue pour elles une arme non négligeable: elle contraint les requérants à les accepter comme interlocuteurs. Pendant la pré- sente législature, d'ailleurs, les recours de telles asso- ciations se sont révélés extrêmement rares. Ils ont servi à rectifier des erreurs manifestes de l'administration, laquelle, loin de maintenir sa position devant l'autorité de recours, s'en est dans chaque cas rapportée à jus- tice.

b) La composition de la commission de recours Les décisions du département compétent sont suscep- tibles de recours devant la commission de recours insti- tuée par la loi sur les constructions et les installations

" Cf. l'art. 3, al. 2 et 4 LCI.

" Cf. G. Aubert, La protection du patrimoine architectural en droit genevois, RDAF 1977, p. 88, n. 172.

" Cf. l'art. 63 LPMNS, dans sa version initiale du 4 juin 1976.

" Cf. SJ 1979, p. 98, et Mahler, op. cit., p. 283.

" Cf. l'art 213, al. 3 LCI (selon novelle du 17 décembre 1982).

diverses, puis, le cas échéant, devant le Tribunal ad- ministratif'•. Jusqu'en 1982, cette commission était composée d'un juge au Tribunal de première instance, qui la présidait, et de quatre architectes 20 Plus sou- cieuse d'avancer que d'instruire à fond les causes, elle refusait, en dépit de la loi, de tenir des procès-verbaux d'audience et même, souvent, de se transporter sur place pour examiner les lieux, de telle sorte que le Tri- bunal administratif, bien que ne revoyant en principe que l'application du droit, devait dans de nombreux dossiers s'astreindre à établir les faits lorsqu'il se trou- vait saisi 21Reflétant fidèlement l'opinion des milieux professionnels, la commission de recours, pendant de longues années, donnait régulièrement tort aux asso- ciations de sauvegarde, qui ne pouvaient obtenir rai- son que devant le Tribunal administratif.

En 1981, le législateur a remédié à cette situation. Il a subdivisé la commission de recours en deux sections de trois membres (un juge au Tribunal de première ins- tance et deux assesseurs) 2\ qui peuvent ainsi prendre le temps d'instruire les dossiers conformément au code de procédure administrative. Sans que la loi le pres- crive, le Conseil d'Etat, en 1982, n'a choisi qu'un seul membre de chaque section parmi les candidats présen- tés par les organisations professionnelles d'architectes:

les deux autres ont été proposés l'un par une associa- tion de sauvegarde, l'autre par un groupement de protection des locataires.

4. La procédure de classement

Selon le texte initial de la loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites, le Conseil d'Etat, compétent pour prononcer le classement d'un im- meuble, jouissait à cet égard d'une totale liberté. Il pouvait non seulement refuser un classement proposé, mais aussi décliner d'entrer en matière quand la pro- tection d'un édifice lui était demandée 23 Pour ren- forcer le rôle des associations de sauvegarde, le législa- teur a, sur ce point, modifié la loi de manière signifi- cative.

Depuis 1981 en effet, lorsqu'une telle association pos- sédant la qualité pour agir sollicite, par une requête motivée, le classement d'un immeuble, le Conseil d'Etat est tenu d'ouvrir une procédure au cours de la- quelle il recueille les observations du propriétaire et le préavis de la commission 'des monuments, de la nature et des sites. Il doit statuer dans un délai de six mois en prenant une décision motivée, qui est obligatoirement publiée 24 En cas de refus de classement, l'association peut recourir devant le Tribunal administratif, qui, statuant en appel dans un nouveau délai de six mois,

" Cf. l'art. 213, al. 1 et 220 LCI.

2° Cf.l'arl. 212 LCI dans sa version du 25 mars 1961.

" Cf. RDAF 1977, p. 140.

" Cf. l'art. 212 LCI (selon novelle du 8 octobre 1981).

" Cf. l'art. 10 LPMNS dans sa version du 4 juin 1976.

24 Cf. les art. 10, 12 et 17 LPMNS (selon novelle du 8 octobre 1981).

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revoit librement les faits et le droit. Jusqu'à la fin de la procédure, l'immeuble doit demeurer intact 25Le pou- voir d'appréciation très large du Tribunal administra- tif en la matière a été reconnu par le Tribunal fédéral dans une affaire où le Conseil d'Etat avait rejeté une demande de classement: l'arrêté du gouvernement can- tonal a été annulé par la juridiction administrative, qui a prononcé le classement de 1 'édifice 26

La nouvelle procédure de classement est importante à un double titre. D'abord, elle consacre une extension notable de la qualité pour agir des associations de sauvegarde: jusqu'en 1981, cette qualité n'était jamais accordée que s'agissant de recours dirigés contre une décision d'un département; désormais, les associations de sauvegarde peuvent également attaquer un arrêté du Conseil d'Etat lui-même (que ce dernier refuse un classement ou autorise des travaux sur un immeuble classé). En second lieu, la réforme manifeste le rôle joué par les dispositions de procédure dans le domaine de la sauvegarde du patrimoine architectural: en obli- geant le Conseil d'Etat à entrer en matière et à statuer dans un délai fixe, de manière motivée et publique- ment, le législateur a voulu inciter le gouvernement cantonal à porter l'attention nécessaire aux problèmes touchant le patrimoine culturel. La seule affaire dé- férée au Tribunal administratif à ce jour illustre les dif- ficultés à surmonter: le refus de classement n'avait été ni suffisamment motivé ni publié.

III. Les dispositions de fond

La procédure ne se suffit naturellement pas à elle- même. Le développement des règles protectrices, loin de se cantonner dans ce champ, touche aussi les dis- positions de fond. Nous examinerons rapidement, à cet égard, le problème du siège de la matière (1); la préservation des ensembles (2); le maintien des in- térieurs (3); enfin, les nouveaux objets de la sauve- garde (4).

1. Le siège de la matière

Jusqu'en 1976, on pouvait distinguer clairement entre deux types de lois: celles visant les constructions à édi- fier, d'une part; d'autre part, celles concernant les bâ- timents à maintenir. A la première catégorie appar- tenait la loi sur les constructions et les installations di verses, de 1961; à la seconde 1 'ancienne loi sur les monuments et les sites, de 1920. Dès l'adoption de la nouvelle loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites, en 1976, les choses ont changé. Ce texte permet en effet au Conseil d'Etat d'édicter des plans de site en vue de protéger les paysages caractéris- tiques et les ensembles bâtis; de tels plans déterminent non seulement les édifices à maintenir, mais aussi l'im- plantation, le gabarit, le volume, l'aspect et la destina-

25 Cf. l'art. 13 LPMNS.

" Cf. RDAF 1984, p. 135.

tion des constructions nouvelles 27 Inversement, de- puis 1980, la loi sur les constructions et les installations diverses renferme non seulement des prescriptions sur les constructions nouvelles (ce qui était sa vocation pri- mitive), mais aussi des règles sur les bâtiments à con- server 28

En d'autres termes, avant le milieu des années soixante- dix, l'on construisait ou l'on conservait. Aujourd'hui, ces deux actes ne sont plus dissociables: les politiques de construction et de conservation apparaissent comme étroitement liées dans la structure même des textes.

2~ La préservation des ensembles

Traditionnellement, la sauvegarde du patrimoine architectural s'intéressait aux «monuments», c'est-à- dire aux édifices particulièrement importants pour des raisons d'ordre historique ou artistique. Aujourd'hui, cette notion étroite se trouve supplantée par une con- ception plus large: ce qui caractérise une ville ou un vil- lage, ce ne sont pas les constructions isolées, mais un tissu dont les éléments, pris séparément, ne présentent pas une valeur monumentale, mais dont le tout forme un ensemble irremplaçable.

L'ancienne loi sur les monuments et les sites s'appli- quait principalement aux monuments au sens classique du mot. D'autre part, les règles sur les zones protégées figurant dans la loi sur les constructions et les installa- tions diverses, dès 1940, touchaient, comme on l'a dit, les constructions nouvelles: cette protection ne se pré- occupait pas du maintien. Il faut réserver toutefois un principe important, qui assurait, indirectement, la conservation des édifices sis en zone protégée: celui du blocage des gabarits. Dans la zone de la vieille ville, en effet, les volumes constructibles ont été gelés très tôt 29, si bien que l'intérêt des propriétaires à démolir pour reconstruire plus haut a disparu. Quoique indirecte, une telle protection s'est révélée fort efficace: c'est à ce blocage des gabarits que l'on doit la préservation du noyau de la vieille ville et d'une partie des quartiers du XIX• siècle à Genève.

Le premier instrument légal de protection des en- sembles a été le plan de site, dont nous avons parlé ci- dessus: reconnaissant qu'u~ «ensemble bâti» pouvait mériter en soi une protection spéciale, la loi sur la pro- tection des monuments, de la nature et des sites, de 1976, a donné au Conseil d'Etat le pouvoir d'édicter des plans de site prévoyant le maintien de bâtiments constituant un ensemble 30En outre, par une no velle de 1980, le législateur a prescrit la conservation, en principe, des édifices sis en zone protégée (vieille ville, secteur sud des anciennes fortifications) 31

21 Cf. les art. 35 et 38 LPMNS.

" Cf. les art. 159 ss LCI (selon novelle du 18 décembre 1980).

" Cf. l'art. 163 LCI; G. Aubert, Création et protection des en- sembles architecturaux en droit genevois, RDAF 1981, p. 3.

" Cf. note 27 supra.

'' Cf. note 28 supra.

1984/3 BR/DC 47

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Enfin, en 1983, la loi sur les constructions et les instal- lations diverses a prévu la sauvegarde des ensembles du

xrxe

et du début du

xxe

siècles situés en dehors des zones protégées. Cette réforme mérite attention pour deux motifs. D'abord, elle apporte une définition des ensembles: «Sont considérés comme ensembles les groupes de deux immeubles ou plus en ordre contigu, d'architecture identique ou analogue, ainsi que les immeubles séparés dont l'emplacement, le gabarit et le style ont été conçus dans le cadre d'une composition d'ensemble dans le quartier ou dans la rue» 32 En second lieu, la novelle combine clairement deux types de protection. D'une part, la protection directe: parmi les ensembles répondant à la définition que nous venons de citer, ceux dont 1 'unité architecturale et urbanistique est complète doivent être maintenus".

D'autre part, la protection indirecte, peut-être plus im- portante en pratique: dans les ensembles dont l'unité architecturale et urbanistique n'est pas complète, la hauteur des corniches et le nombre des niveaux doivent en principe demeurer intacts 34Ce gel non seulement du gabarit, mais du nombre des niveaux exercera un effet dissuasif considérable sur les projets de dé- molition.

Ainsi, en quelques années, s'agissant de la protection des ensembles, l'arsenal législatif s'est nettement ren- forcé, traduisant dans les faits la conception nouvelle de la sauvegarde.

3. Le maintien des intérieurs

Les bâtiments ne sont pas que des façades. Ils sont conçus comme des touts. Leurs espaces intérieurs les caractérisent autant que leur apparence vue de la rue.

Attentive à la substance des édifices (et non plus au seul décor), la protection du patrimoine architectural s'attache donc à la sauvegarde de l'intérieur des cons- tructions dignes d'être conservées soit en tant que monuments, soit en tant qu'éléments d'un ensemble.

En conséquence, dès 1980, le législateur genevois a opté pour le maintien des structures intérieures des bâ- timents sis en zone protégée 35, puis, en 1983, des édi- fiees appartenant à des ensembles localisés en dehors des périmètres de protection 36 Cette politique con- corde avec celle du maintien de l'habitat en ville. En effet, la démolition intérieure d'une construction avec conservation des façades coûte fort cher et ne peut en- traîner qu'une hausse importante des loyers, laquelle a pour effet à son tour la transformation d'anciens immeubles de logements en immeubles de bureaux.

4. Les nouveaux objets de la sauvegarde

Pendant de longues années, le classement d'un édifice représentait une consécration de sa valeur historique

32 Cf. l'art. 164 A, al. 2 LCI (selon novelle du 13 octobre 1983).

33 Cf. l'art. 164 B, al. 1 LCI (selon novelle du 13 octobre 1983).

34 Cf. l'art. 164 D LCI (selon novelle du 13 octobre 1983).

" Cf. l'art. 159, al. 2 LCI (selon novelle du 18 décembre 1980).

36 Cf. l'art. 164 B, al. 1 LCI (selon novelle du 13 octobre 1983).

ou artistique davantage qu'une protection contre un danger imminent; il favorisait, le cas échéant, l'octroi de subventions en vue de travaux de restauration.

Aujourd'hui, les procédures de classement tendent à prendre une signification différente dans le cadre du développement de la ville.

En effet, cette dernière croît selon des plans d'amé- nagement datant souvent des années soixante et établis d'après le principe de la table rase: les immeubles à bâtir se substituent à ceux qui existent déjà; peu im- porte la végétation poussant sur les lieux; le monde ancien fait place à l'avenir. A cet urbanisme de substi- tution succède aujourd'hui une conception plus res- pectueuse du patrimoine culturel et naturel, c'est-à- dire un urbanisme d'intégration cherchant à co- ordonner la sauvegarde et le développement. Dans cette perspective, le classement peut servir d'antidote aux effets de plans prévoyant des destructions recon- nues comme malheureuses.

Un tel classement «à chaud» (c'est-à-dire intervenant au moment où un propriétaire s'efforce de réaliser un plan d'aménagement dépassé bien que toujours en vigueur) pose naturellement des problèmes délicats du point de vue juridique. Signalons seulement que, dans un arrêt récent, le Tribunal fédéral a admis que l'in- térêt public au classement d'un édifice compris dans un plan d'aménagement le condamnant à la démoli- tion peut l'emporter sur l'intérêt privé à mettre en oeuvre l'autorisation de démolir délivrée avant l'ouver- ture de la procédure de classement 37 Ces situations sont d'autant plus intéressantes que, le plus souvent, elles touchent des bâtiments ne présentant pas une va- leur consacrée, soit en particulier des villas luxueuses du début du siècle. Des objets d'époque plus proche de la nôtre font ainsi leur entrée dans la sphère des biens à sauvegarder.

IV. Conclusion

A Genève comme en Suisse, en Suisse comme en Europe, les dix dernières années marquent un tournant dans la politique de la sauvegarde. Les instruments juridiques s'adaptent. Demeurant descriptif, nous avons essayé de montrer le lien étroit qui unit les dis- positions de fond et celles de procédure. Dans notre domaine, le droit de la construction contribue de manière marquante à la création de nouveaux pro- cessus de décision qui renforcent la démocratie de concordance.

Cette évolution ne va pas sans inconvénients pour les praticiens, qui doivent prendre en compte une légis- lation de plus en plus complexe. Peut-être est-il trop tôt pour envisager la rédaction d'un code de la cons- truction. Mais les difficultés suscitées par la multi- plication des lois nécessiteront sans doute à l'avenir un effort de synthèse et de clarification.

37 Cf. note 26 supra.

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