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Les systèmes de formation face aux revendications régionales

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Les systèmes de formation face aux revendications régionales

FURTER, Pierre

FURTER, Pierre. Les systèmes de formation face aux revendications régionales . Genève : Université de Genève, Faculté de psychologie et des sciences de l'éducation, 1978, 109 p.

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:32790

Disclaimer: layout of this document may differ from the published version.

(2)

UNIVERSITÉ DE GENève

FACULTÊ

DE

PSYCHOLOGIE ET DES SCIENCES DE L éoUCATION

Cahiers de la Section des Sciences de l'Educatron

PRATIQUES ET THÉORIE

LES SYSTEMES DE FORMATION FACE AUX

REVENDICATIONS REGIONALES Pierre FURTER

Cahier No 8

UNIVERSITE DE GENEVE

FACULTE DE PSYCHOLOGIE ET DES SCIENCES DE L'EDUCATION

LES SYSTEMES DE FORMATION FACE AUX

REVENDICATIONS REGIONALES

Pierre FURTER

Cahier No 8

Pour toute correspondance :

Section des Sciences de !'Education UNI Il

1211 GENEVE 4

(Suisse)

(3)

A LA MEMOIRE DE D. Marcellino Pascua et de D. Santiago Ruesta

"l'éducation publique, une éducation vraie et non fictive, ne peut.exister que dans une société vrai­

ment égalitaire ... Comment l'éducation pourra-t­

elle devenir, une fois, le patrimoine de tous dans une société où la situation sociale des individus est si différente et tant inégale ?"

Bakounine, "lettre ouverte à mes amis d' ltal ie"

in Oeuvres complètes, volume VI, Paris, Stock, 1913, p. 355.

(4)

RESUME

1. Tout d'abord, il s'agira de montrer l'importante des disparités au sein d'une même unité territoriale et de nous poser la question si l'analyse de ces disparités régionales ne permet pas de révéler des inégalités qui n'apparaissent pas dans des analyses macro-nationales. D'autre part, d'un point de vue dynamque; il s'agira d'interpréter la permanen­

ce et la résurgence des mouvements régionaux souvent asso­

ciés à des revendications pour une régionalisation des systè­

mes de formation. Dans cette optique, une deuxième hypo­

thèse sera examinée à savoir :�-t-il dans ces mouvements régionaux des forces sociales qui peuvent devenir des moteurs du développement ?

Il. Il est important de rappeler non seulement l'importan- ce de ces disparités et de ces mouvements en Europe, mais également d'insister sur leur diversité: ce qui rend toute synthèse ou élaboration théorique difficile. Néanmoins,· à la lumière de deux cas précis, nous souhaitons attirer l'atten­

tion sur deux points importants :

A. L'analyse historique et critique de la discussion sur les nationalités en Espagne et ses répercussions sur l'acceptation ou le refus d'une régionalisation de la formation montrera que "l'existence" ou non de ce problème, sa perception collective, son importance politique dépendent fortement du rapport des forces politiques et économiques.

B. La singularité de la situation du futur canton suis­

se du Jura permettra de saisir les raisons qui expliquent la radicalisation d'un mouvement régional qui aboutit au séparatisme et le rôle du facteur culturel dans ce processus.

(5)

Ill. li s'agira à la suite de ces deux cas précis, et en te­

nant compte des discussions théoriques actuelles, de mieux saisir l'importance du facteur culturel dans le phénomène régional contemporain : la diversité de ses manifestations;

ses rapports avec les autres inégalités et en particulier les liens entre le développement culturel et la croissance éco­

nomique.

IV. Mais quelle que soit l'importance du facteur culturel, celui-ci s'exprime en des ternies territoriaux; de région. Dès . lors se posent les questions plus spécifiquement �litiques :

de l'existence d'un espace propre au mouvement régional;

de ses rapports avec les autres régions et avec l'Etat-nation;

mais aussi avec les forces transnationales. Ce qui nous ren­

voie à la double problématique politique de la dépendance : d'une part, entre l'Etat-nation et ses minorités (et oppositions) et, d'autre part, entre l'affirmation nationaliste d'autonomie et la dépendance à l'égard de centres dominants internatio­

naux.

V. Dans l'ensemble des problèmes examinés jusqu'ici, la dimension culturelle s'exprime directement et parfois exclu­

sivement par rapport à l'organisation de la scolarisation, en particulier dans les pays où cette organisation a pris la forme d'un système éducatif très centralisé. Il s'agira de se deman­

der quels sont les enseignements que nous pourrions tirer ac­

tuellement des évaluations et des recherches au sujet des politiques éducatives qui visent la régionalisation de l'édu­

cation, en particulier grâce à des mesures:

A. de déconcentration de la couverture institutionnel­

le et des mécanismes d'exécution;

B. de décentralisation des appareils avec délégation du pouvoir dans les processus des décisions.

VI. Etant donné l'intérêt que porte la communauté inter- nationale à cette problématique, il sera utile de s'interroger sur les futurs possibles de deux tendances majeures qui se dégagent des politiques actuellement pro�osées: . . , A. celles qui veulent l'acculturation des mmontes et/ou leur intégration en fonction d'un consensus national qui impose une convergence des intérêts;

B. celles qui affirment la nécessité de définir et de négocier les conditions d'un pluralisme réel qui n'ex­

clut pas les conflits d'intérêts.

VII. Le rapport concluera par quelques indications som�ai­

res sur l'état des recherches actuelles et surtout sur les d1f-:­

férents projets internationaux de recherches et d'études or­

ganisés par d'autres associations scientifiques.

LA "QUESTION" REGIONALE COMME REVELATRICE DES DISPARITES

Prendre au sérieux "la q�estion régionale" c'est ad­

mettre la valeur épistémologique de la différence contre la tendance, sans doute, dominante dans les recherches com­

paratistes qui visent, au contraire, à dégager les identités et leurs convergences. Car, comme nous le rappel le P. Veyne dans sa leçon inaugurale

(1),

"le verbe comparer comporte

,,,. Il

syntaxiquement deux constructions qui ont un sens oppose il est possible de comparer un système éducatif 9. un autre pour dire qu'ils sont très comparables. Ce qui correspond à une ambition très ancienne de l'éducation comparée - puisqu'elle remonte à Jullien - qui veut sinon retrouver

(1)

P. Veyne� L'inventaire des différences, 1976, p. 20

(6)

par delà la diversité des situations l'existence d'une même universalité unanimiste, à tout le moins, contribuer à une meilleure compréhension entre les peuples en rapprochant leurs institutions. Quelle que soit par ailleurs la générosité de cette démarche, elle ignore trop facilement le soupçon de !'ethnocentrisme qui pèse sur toute construction universa­

lisante. Celle-ci cache mal une volonté de réduire la plu­

ralité des mondes au proche, au familier, au déjà connu, bref qui ramène tout à soi.

. Mais il est tout aussi légitime de comparer la politi­

que d'un système éducatif et celle d'un autre pour constater qu'ils ne se ressemblent pas "à la manière d'une marchande de laine qui compare deux pelotes qu'elle soupçonne de n'être pas de la même teinte"

{l).

Dans cette perspective, l'analyse de la "question régionale" pennettrait de révéler l'ampleur et le dynamisme des disparités qui existent à l'in­

térieur d'une même unité territoriale et de mettre en relief des inégalités qui n'apparaîtraient pas dans les macroanaly­

ses qui se situent à un niveau national, c'est-à-dire dans le cadre politique d'un Etat souverain (2). Cette hypothèse de travail non seulement nous oblige à nous méfier de l'habitu­

de, de l'ingénuité et même de la tendance, certe toute "na­

turelle", de nous contenter de diagnostics macronationaux;

d'agrégats nationaux; de moyennes nationales à partir des­

quelles nous déduisons, ou nous inférons - sans toujours en vérifier la validité-, des différences dites "régionales", en fait très théoriques et abstraites. Elle nous conduit, corn-

(1) P. Veyne, op. cit., p.

21.

(2) V. Masemonn "Anthropologi cal approaches to compa­

rative education" in Review Comparative Education, 197 6, 12 I N 0 3 I p . 377.

4

me R. Ryba

{l)

le rappelle constamment - à porter davantage d'attention à la géographie éducative, c'est-à-dire à vérifier l'implantation effective des systèmes sur l'ensemble d'un ter­

ritoire et à mesurer l'ampleur réelle de leur couverture. A nous demander si les différences régionales - entendues com­

me infranationales -ne sont pas tout aussi profondes et peut­

être même, plus significatives que les comparaison inter-na­

tionales ?

Qui sait si nous ne devons pas aller. plus loin encore.

Comme J. Bugnicourt l'a montré pour les pays africains

(2),

un territoire ne peut pas être considéré " a priori 11 comme une unité homogène puisqu'il est "un espace perçu, modulé, vécu différemment sel�n ce que l'on veut et comment on le vit", c'est-à-dire selon les différentes formes de peuplement et de leur histoire. La même orgainsation, le même curricu­

lum, les mêmes règles pédagogiques seront interprétés de fa­

çon diverse et auront des impacts distincts dans un tel espace qui se révèle profondément discontinu, hétérogène et traversé par la dynamique des migrations internes et externes. 11 est structuré par des disparités dont on s'étonne, avec J. Bugni­

court, qu'elles fassent si rarement l'objet d'études et qu'el­

les soient si facilement négligées. Cette première hypothèse oblige également les comfDratistes - et ce n'est pas un de ses moindres mérites -à s'interroger sur l'adéquation de leurs méthodes à une recherche sur 11 la question régionale".

(1) R. Ryba School and comunity: concepts of territory and their implications, Manchester, 1975.

"Aspects of territorial inequalities" in Comparative Education Review, 1976, 12,No 3.

(2)

J. Bugnicourt Physical planning and educational pla­

ning, Dakar, mimée, 1964.

J. Bugnicourt Disparités régionales et aménagement du territoire en Afrique. Dakar, 1970 et Paris, 1971.

5

(7)

En parHculier, à examiner de façon plus critique les données avec lesquelles ils travaillent comme par exemple, celles four­

nies par les services nationaux de statistiques.

Comme le montre l'auto-évaluation des responsables d'une vaste1.recherc

e internationale sur les disparités régio­

nales

(1),

1 information telle qu'elle existe et dont on peut le pl�s facile.ment disposer, n'est pas adaptée à ce type de questions, puisqu'elle a été recueillie à la demande d'une administration centrale. C'est pourquoi des données aussi simples -en apparence -que les taux d'analphabétisme s�t so�vent présentées sous la forme de moyennes dont la d1spers1on est sous-estimée et parfois même ignorée; celles sur les migrations n'indiquent que les origines extérieures sans informer sur les lieux d'origine ni, surtout, sans indi-1 quer les cheminements suivis

(2).

Il fout également tenir compte que les procédures de recensement modifient pro­

fondément les résultats. Ainsi pour toutes les données où interviennent les différences entre le milieu urbain et le milieu rural, il faudrait se rappeler que si, aujourd'hui, les recensements ne sont plus seulement faits dans les villes ils se réalisent toujours encore à partir de celles-ci; plus / on s'en éloigne, plus on tombe dans les approximations et les (sous) estimations.

. .P

us grave encore, ces statistiques n'expriment les d1sparites que sous la forme dichotomique de simples diffé- rences. El les indiquent mal leur signification dans des espa-

(l) (2)

F. Caillods, G. Carron et C. Ta Ngoc Recherches sur les disparités régionales dans le développement de l'é­

ducation. Paris, llEP,

1975.

Voir cependant un essai intéressant dans l'article de S. Julia Diaz "El analfabetisme portatil" in Cuadernos p<11n ol dial.°.1;t�,

1973,

abri!, pp.

136-139.

ces morcelés, déséquilibrés et parfois littéralement dislo­

qués par un développement inégal. Il est vrai qu'elles per­

mettent de mettre en parallèle les différences dans l'alloca­

tion des ressources et les inégalités qu'elles peuvent engen­

drer dans les conditions d'enseignement avec les résultats de l'action éducative tels qu'ils sont mesurés par les taux de rétention ou de transition d'un niveau à un autre d'en­

seignement. Néanmoins il est difficile de trouver des indi­

cateurs pour apprécier le degré de dépendance d'une région par rapport à une autre ou directement à l'égard du Centre, c'est-à-dire d'une région où la population n'est plus ou que partiellement maîtresse de sa destinée. Il faudrait trouver les moyens - indispensables pour programmer "une éducation pour un développement régional" - pour révéler, par exem­

ple, la vitalité d'une poputation; pour savoir si le processus d'urbanisation est fonction d'une croissance parasitaire des services ou du tertiaire; s'il est fonction d'un développement rural et/ou d'une industrialisation; si le marché de l'emploi est réellement accessible aux indigènes; quels sont les en­

dettements et les accès aux sources de financements et de crédits; si le niveau et le type des qualifications ne sont pas dictés de l'extérieur, etc.

LA QUESTION DES "NATIONALITES" DANS LES DIAG­

NOSTICS DE LA SITUATION EDUCATIVE ESPAGNOLE Pour démontrer l'intérêt d'une étude comparée des différences infranationales, peu de situations semblent aussi indiquées que l'espagnole où un spécialiste

(l)

a pu distin-

(l)

J.J. Linz, cité par M. Tunon de Lara in Estudios de historia contemporânea, Barcelone,

1976,

p.

50.

(8)

guer au moins huit nationalités dont l'ensemble forment cet­

te Espagne que Ortega y Gasse� a pu qualifier "d'inverté­

brée"

(1).

Certes une telle nation n'aurait pu subsister si longtemps malgré les divisions géographiques; les disparités fondamentales

(2)

de ses peuplements et de ses structures agraires; la persistance des particularismes - dont l'attache- . ment à la "patria chica" et le phéncmène du "caciquisme"

n'en sont pas les moindres expressions; la permanence des conflits armés et des litiges entre le pouvoir central et les pouvoirs régionaux - la question du statut du catalan ne remonte-t-elle pas à

1716

quand fut supprimée l'Uni­

versité de Barcelone, première des innombrables mesures vexatoires qui devaient progressivement interdir l'usage public de cette langue dans chaque sphère d'activités - si un Etat centralisateur et une Eglise exclusive autant

dans son orthodoxie spiritue

e que temporelle n'avaient en commun exercé une action constante et convergente d'unification nationale. Cependant, comme le reconnait un chercheur espagnol

(3)

11 pour des raisons difficiles à spécifier, la monarchie n'a pas réussi son homogénéisation linguistique, culturelle, sociale et économique". De sorte que l'Etat moderne a hérité d'une situation déchiquetée dont il n'a pu que contenir les forces centrifuges dont l'inextrica­

ble enchev.êtrement des oppositions idéologiques, politiques

(1) (2) (3)

Ortega Y Gasset Espana lnvertebrada. Madrid,

1922.

G. Brenon. Le labyrinthe espagnol. Paris,

1962,

pp.

70

et suivantes.

P. Gonzales Blasco Modern rationolism in old nations as a consequence of earlier state-building: the case of Basque-Spain, p.

346.

8

et culturelles rendit la lie République ingouvernable et dont on a pu constater Io violence lors de leur déchaî­

nement pendant la Guerre Civile

(1).

L'unité nationale à laquelle croit inébranlablement la bureaucratie de l'Etat contemporain recouvre mal une complexité où il est facile - surtout quand on est étranger - de s'égarer puisque, selon un interprète particulièrement averti, es­

sayer de comprendre cette situation, c'est entrer en fait dans le "labyrinthe espagnol"

(2).

Si l'Espagne apparait comme le pays par excellen­

ce des différences et des disparités, pour les Espagnols eux-même "l'Espagne est différente", c'est-à-dire incom­

parable, et pour les autres, incompréhensible. Ce slogan a pendant longtemps servi un régime qui s'était retran­

ché derrière un isolationnisme international et dons une autarcie irrationnelle de contre-réformes ou, si l'on pou­

vait le dire, d'onti-réformes

(3).

Il justifiait une clôture stricte qui permettait aussi bien de filtrer toutes les in­

fluences "néfastes" que d'éloigner les gêneurs nationaux et les étrangers trop curieux. Une de ses conséquences est la rareté des étudès actuellement disponibles dans l'échange international - malgré d'exceptionnelles re­

cherches malheureusement peu connues. Cette rareté n'a même pas pu être compensée en quantité, foute de moyens, par les publications rédigées, éditées et diffusées

(1) (2)

(3)

C.M. Rama ldeologia, regiones, clases sociales en la Espana contemporanea, Montevideo;

1963.

G. Brenan op. cit ., dont le titre complet mérite d'être rappelé : Le labyrinthe espagnol : origines sociales et politiques de Io Guerre Civile.

J. Monès 11L1educoci6n franquista11 in Cuadernos de Pedogogia,

1967,

sept.

9

(9)

par des exilés en Europe et en Amérique latine

(1).

Il

nous semble d'autant plus urgent de dépasser cette barriè­

re - faite d'ignorance et de méfiance mutuelles - qu'en­

tre temps, une nouvelle génération d'éducateurs, d'intel­

lectuels et de chercheurs est apparue avec qui il est ex­

trêmement facile de dialoguer et qui, pendant plus d'une décennie, s'est forgé, dans des conditions difficiles de travail, les instruments et les méthodes d'une analyse ori­

ginale qui éclairent en profondeur la nouvelle situation espagnole.

Car, malgré la volonté du régime franquiste, la pé­

riode d'autarcie a commencé à se désagréger à partir du milieu des années

50.

L'afflux des devises dues au touris­

me; la reprise des échanges commerciaux internationaux;

l'effondrement du secteur agricole qui provoqua une accé­

lération brutale de la migration interne et une expulsion de l'excès de la main d'oeuvre sur les marchés européens de l'emploi, alors en pleine expansion; l'amélioration du niveau de vie moyen qu'on peut admettre, malgré l'inéga­

lité dans la répartition des revenus, puisqu'en vingt ans, le PNB par habitant a plus que doublé; tous ces change-·

ments ont modifié les structures socio-économiques et en­

traîné une libéralisation des moeurs que le mora1isme et la stricte discipline sociale du régime n'ont plus réussi à endiguer.

(1)

Par exemple dans l'excellente revue publié à Paris, Ruedo lbérico, où ont paru les premiers travaux

d'A. Linares comme "Las ideologias y el sistema de en­

senanza en Espano", Horizonte espanol, volume 11,

1966,

pp.

131-168

ou "L'évolution de l'école et des idéolo­

gies scolaires en Espagne", in Education, démocratie et _c!éveloppement,

1957,

pp.

151-174.

Cette 11croissance dans la dépendance" non seulement réintègre l'Espagne clans les marchés européens, mais, selon la comparaison frappante d'un sociologue de cette nouvelle génération

(1)

fait passer l'Espagne en vingt ans par tous les bouleversements que ses voisins européens avaient mis plus d'un demi-siècle à réaliser et à digérer.

Dès lors, profitant de l'afflux de capitaux d'étrangers attirés par un pays où le régime offre de bonnes condi­

tions fiscales, puisqu'il ne limite pas la réexportation des bénéfices, et où le rendement de la force de travail res­

te très intéressant, d'autant plus que la législation inter­

dit tous les conflits de travail, l'Etat s'engage dans une phase d'industrialisation accélérée, balisée par le Premier plan de développement

(1964-1967)

et le Deuxième

(1968-1971).

Celle-ci va accentuer les distorsions du dé­

veloppement et précipiter une crise due aux conditions dans lesquelles cette croissance s'est déroulée jusque vers

1973.

L'ampleur de ces bouleversements et l'effet de la crise économique semblent si profonds qu'il aura suffi que disparaisse physiquement le Caudillo pour que l'échafau­

dage politique qu'il avait destiné à lui survivre, se fissu­

re immédiatement. Encore qu'il soit bien prématuré de prévoir vers quel(s) régime(s) s'oriente l'Etat espagnol, la nation, elle, est enfin entrée dans une de ces périodes de transition dont nous savons qu'elles sont propices aux surgissements de nouvel les idées, aux affrontement idéolo­

giques et politiques en particulier quant au rôle que doit,

(l)

A. de Miguel, "Planificaci6n de los recursos humanos"

in Planificaciôn educativa, Barcelona,

1975,

pp.

57

et

suivantes.

'

(10)

que peut jouer l'éducation (et la formation) dans un pro­

cessus que nous souhaitons enfin devenir celui d'un déve­

loppement en démocratie.

Hélas, entrer dans le vif d'une telle étude sur les rapport entre le développement des systèmes de formation en Espagne et le développement politique actuel. non seu­

lement serait prématuré, mais prétentieux. Il dépasserait d'ailleurs le cadre de ce rapport. Par contre, i

1

y a un aspect, pour nous essentiel, qui se rapporte directement à notre première hypothèse qui suppose le rôle révélateur de la question régionale. N'y a-t-il pas un contraste surprenant dans cette situation contemporaine espagnole - en tous les cas aux yeux toujours étonnés d'un étranger - entre la réalité et la vivacité des nationalités et leur ignorance ou leur occultation chez ceux qui théorisent, organisent, administrent et décident au niveau de l'édu­

cation nationale ? Tout se passe comme si cette réalité des Espagnes n'était visible qu'aux yeux des historiens et des poètes comme en témoigne la convergence de deux Espagnols au-dessus de tout soupçon de traditionnalisme.

En effet, commentant les vers fameux d1Ant6n io Machado (1)

"Mas otra Espano noce,

La Espano del cincel y de la maza, con esa eterna juventud que se hace del pasado macizo de la .raza.

Une Espano implacable y redentora Espano que alborea

con una hacha en la mono vengadora, Espano de la rabia y de la idea."

( 1) 1 , 1 E�pn

n_a_ del maiiana.

12

M. Tunon de Lara rappelle que "la formation sociale que nous appelons l 1 Espagne comprend une pluralité de nationalités et de régions aux divers niveaux de dévelop­

pement, qui s'est également développée en fonction des contradictions que cette pluralité suppose et de celles qu'engendre l'unicité de 11 Etat qui coexiste avec la plu­

ralité des nationalités" (1). Mais n'est-ce pas là une

�érité "poétique" plus dramatique que convaincante, encore qu'elle provienne d'un des meilleurs historiens de l'Espagne contemporaine ? Ne devrions-nous pas plutôt suivre l'opinion rassurante d'un des défenseurs du Plan de 1964-1967 qui introduisait son analyse des inégalités régionales (2) en affirmant "bien que la bataille en fa­

veur du développement régional paraisse déjà résolue dans notre patrie, note irréversible qui caractérisera historique­

ment la nouvelle ligne de notre politique économique davantage par les moyens et les méthodes qu'on en pro­

pose pour son développement que pour la nouveauté de son objectif, nous croyons qu'il est encore intéressant en Espagne de continuer de parler du développement régio­

nal" ?

En tous les cas, tant que la politique d'industriali­

sation et de modernisation proposée par l'équipe gouver­

nementale de cette dernière époque de l'Etat franquiste - et dont une des pièces maîtresses aurait dû être la Loi Générale de

I'

Education {LGE) de 1970 (3) qui devait

(1) "Dos Espanas? Unidad y pluralidad",

op.

cit., p. 58.

(2)

J.

Giménez Mel lado, 11Desigualdades sectoriales y re­

gionales en la economia espafiola" in Arbor , 1964, No 219,p. 187.

(3) Ley 14/1970 de 4 agosto General de Educacion

y

Financiamiento de la reforma educativa, i'-Aadrid, 1970.

13

(11)

réformer de fond en comble le système éducatif - n'au­

ra pas entraîné la résorption de toutes ces singularités et anomalies collectives'. Pour confirmer les poètes et contredire les technocrates, ne faut-il pas souligner que ce sont justement les régions périphériques, celles que constituent les nationalités les plus actives, qui,· comme on pouvait s'y attendre, ont manifesté le plus' de déter­

mination dans la contestation culturelle et politique con­

tre ce régime ? Et, ce qui est assurément beaucoup plus surprenant, celles 06 les initiatives personnelles, les ex­

périences collectives, les mouvements semi-institutionna­

lisés 011t montré le plus de créativité et d'originalité dans le domaine de l'éducation et dans les pratiques de formation ?

Nous regrettons infiniment que - faute de contacts directs avec des réalités très dispersées et de connaissan­

ces linguistiques suffisantes, mais aussi à la suite du statut parfois clandestin de certains témoignages - nous ne soyons pas encore en mesure d'en présenter un inven­

taire systématique. Pour l'instant, nous nous contenterons d'étayer nos thèses par des informations partielles qui au­

ront surtout une valeur indicative.

Ce n'est assurément pas par hasard si une des criti­

ques les plus virulentes de la LGE vient de la Galice, une des régions les plus éloignées du Centre. Celle qui non seulement manifeste, selon les indicateurs en usage, les taux les plus élevés de déficiences et de retards sco­

laires entre autres, mais dont la représentation et l'image dons l'intelligentsia espagnole ont le plus souffert des sté- 1(•11lypcs négatifs et dépréciatifs. X. Cambre Marino

(1)

( 1 l

X. c·11111lxe Marino Estructura y problemas de la ensenan­

'" u11 L,porî·°-' Barcelona,

1971,

pp.

90

et ss. Cf. du

n'a pas de difficultés pour démontrer que la LGE, mal­

gré la reconnaissance officielle dans le

§ 3

de son arti­

cle premier des "particularités régionales"; l'autorisation accordée à l'usage de la "langue native" dans l'ensei­

gnement préscolaire

l de l'article

14)

et la latitude offerte (au Ministère '.) d'autoriser 1 'adaptation des cur­

riculum aux "différentes zones géographiques"

(§ 2

de

l'article

17)

en particulier n'apporte dans les faits aucune solution viable aux difficiles problèmes de la double appartenance linguistique chez les enfants d'ori­

gine basse et modeste. Qu'elle n'a aucune position claire quant aux répercussions concrètes de ces articles sur l'organisation de la vie scolaire, le programme, l 'é­

valuation, ni même la formation des enseignants. Que d'ailleurs sa réorganisation administrative n'envisage nu 1- lement de déboucher sur une régionalisation aussi peu au niveau des faits, qu'au niveau des possibilités théoriques.

C'est pourqu9i l 1 implantation concrète de la LGE - telle qu'elle est décrite par exemple dans l'étude publiée par le BIE

(1)

- n'a abouti dans le cadre de la Galice

(2)

qu'à une planification purement quantitative, basée sur une analyse de la demande sociale sans la parti ci pat ion réel le des populations de l a région. Elle n'inclut aucun

(1)

(2)

(suite de la note de la page précédente)

même auteur "Galicia: una planificaci6n banal" in Cuadernos para el dicilogo,

1973,

abril, pp. 60-65.

R. Diez Hochleitner, J. Teno Artigas et M. Garcia Cuerpo La reforma educativa espanola y la educacién permanente, Genève,

1977,

pp.

36-38.

Ministério de Educaci6n y Cultura Planificati6n de la educacion: Galicia, Madrid,

1970.

(12)

élément qui indiquerait comment cette planification s' in­

tégrerait

à

un plan de développement régional, même culturel, et encore moins

à

une planification intersecto­

riel le qui en assurerait le financement et qui pourrait simultanément modifier toutes les causes non éducatives qui expliquent l'essentiel du "retard" scolaire ·de la

Ga li ce en fait le mal-développement de cette région.

Si la contestation a pu prendre dans le cas du Pays basque les dimensions d'une véritable "rébellion culturelle" (1), c'est qu'elle exprimerait, dans ce cas, la prise de conscience d'une stagnation, peut-être même d'une régression de la prospérité relative relative qui distinguait depuis le XIXe siècle cette région des autres

(2). El le correspondrait sur le plan culturel

à

une reven­

dication générale d'un pouvoir régional qui serait capable, sinon d'imposer, du moins de négocier avec le pouvoir central une politique qui ferait moins peser sur cette ré­

gion le poids d'un modèle de développement inégal.

C'est pourquoi comme le montre l'analyse détaillée que fait P. Gonzalez Blasco (3) de l'évolution des attitudes nationalistes basques et de la diversification des revendi­

cations entre les mouvements politiques basques, pour cer­

tains les revendications culturelles n'ont plus qu'une va­

leur tactique, l'essentiel de l'enjeu étant,

à

la limite, exclusivement politique. Pour d'autres, qui probablement

(1)

M.

Zugesti "El problema nacional vasco" in Horizonte espanol, volume Il, 1966, pp. 101-109.

(2) la carte No 7 de "la distribution par province du revenu par habitant" donne une image frappante de cet­

te distinction basque {Cf.

R.

orez Hochleitner et al.

op. cit., p. 98)

(3) _9_p_. cit., pp. 364-366 surtout.

16

réunissent la majorité de la population favorable au na­

tionalisme, les revendications culturelles se sont en tous les cas profondément transformées.

Dans ses origines, le nationalisme basque exaltait une singularité ethnique où s'agglutinaient les éléments, assez ambigus il faut bien le dire, d'un catholicisme om­

brageux, de traditions aussi ancestrales que mythiques, d'un enracinement tellurique qui pouvait passer pour du chauvinisme, des valeurs quasi raciales.

11

constituait un ensemble qui était en quête d'une expression linguistique qui pourrait démontrer la supériorité d'une civilisation;

qui aura légitimé au niveau culturel une indéniable réus­

site et prospérité économiques. Aujourd'hui, les revendi­

cations se sont éloignées de ce triomphalisme ethnique.

Elles se préoccupent bien davantage du futur, en particu­

lier de la langue dont le développementest fortement entravé par la répression comme par les divisions de la réalité basque : entre les provinces tout d'abord; entre les milieux urbains et les campagnes ensuite; sans négli­

ger l'incompréhension entre des élites traditionnellement attirées et acculturées par le centre madrilène et des po­

pulations prises dans un régionalisme défensif. li ne s'a­

git plus d'exalter un passé, mais bien de s'engager dans un développement culturel qui fasse sortir la culture basque traditionnelle de sa glorieuse stagnation; qui en démontre le potentiel créateur au niveau des oeuvres de civilisation; qui suscite une communication culturelle entre des classes et des groupes qui soit propice

à

une renaissance dans un maximum d'unité. C'est ce que sem­

ble vouloir réaliser le mouvement original des lkastolas {l)

(1) Voir un rapport anonyme dans Cuadernos para el dialogo, 1973, abril, pp. 58-59.

17

(13)

qui ont commencé par scolariser les régions les plus dé­

favorisées; puis qui ont formé les populations les plus marginalisées et qui tendent actuellement à se transfor­

mer en un réseau de centres d'animation et de formation populaire qui envelopperaient et intégreraient les tâches de scolarisation. Comme nous le verrons dans le cas du Jura, c'est un exemple assez frappant d'une inversion entre les fonctions scolaires et culturelles des interven­

tions de formation dans. un cadre régional.

Sans doute la situation catalane n'échappe pas à certaines des contradictions que nous avons rencontrées dans le Pays basque. El le aussi est marquée par le phé­

nomène de la concentration géographique de la finance dans la capitale. Ainsi, en

1968, 25,8

% des sociétés anonymes dont le domicile social était à Madrid contrô­

laient déjà

49,5

% du capital, faisant de la majorité des sociétés établies en Catalogne et dans le Pays basque de petites sociétés aux possibilités réduites d'expansion de

financement

(1).

Cette situation pourrait devenir d'autant plus inquié­

tante que la part revenant à l'Etat dans les dépenses pu­

bliques en éducation tend - malgré les fluctuations entre celles relevant du Ministère de !'Education, des autres Ministères et des Organisations autonomes de l'Etat - à augmenter, faisant retomber sur la fiscalité locale le fi­

nancement des activités culturelles et éducatives en ca­

talan

(2).

Cette charge est d'autant plus lourde qu'il y a un besoin urgent d'acculturer et d'intégrer la forte

(1)

"Madrid, capital del capital" in La Banca,

1968,

pp.

35-38.

(2)

M. Beltran Villalba "�I gasto publico en educaci6n"

in La Educacién en Espano, 1970, pp.

111

et suivantes.

proportion d'immigrants venus des autres régions espagno­

les pour éviter que ne s'accentue une division linguisti­

que où, à l'inverse du Pays basque, c'est la bourgeoisie et les élites qui sont attachées à une langue qui reste­

rait étrangère aux nouvelles classes moyennes et au pro­

létariat. Néanmoins, il n'y a pas que ces difficultés pour maintenir une base démographique suffisante à l'unité lin­

guistique. Ce que revendiquent les mouvements catalans est l'abolition d'une série de mesures et d'interdits aussi illégitimes, selon le droit international des minorités, à l'égard d'une des langues et civilisations les plus ancien­

nes d'Europe occidentale, qu'inefficaces dans le cas par­

ticulier. Car, malgré la répression féroce et le silence policier imposé de

1939

à

1958,

il n'aura fallu que quel­

ques années de détente pour que la Catalogne recommen­

ce irrésistiblement à reconquérir et à reconstruire ses ins­

titutions culturelles. Pour nous limiter au seul domaine éducatif, nous assistons actuellement à la multiplication d'institutions de recherches, d'études et d'expérimentations comme la Fondation Artur Martorel 1

(1),

le Centre Rosa Sen sa

(2),

à l'organisation régulière de réunions annuelles comme celles du Séminaire pédagogique de Valence

(3)

ou des Congrès de Formation·

(4),

sans parler de la produc-

(1)

J.A. Benach "Cataluna: el bilinguisme y la escuela in Cuadernos para el dialogo,

1973,

abril, pp.

55-57.

(2)

Publicaci6 "Perspectiva escolar", Barcelone,

1977

et

suivantes.

(3)

Por una reforme democrati ca de la ensenanza. Barce­

lona,

1975.

(4)

Planificacién educativa (Ille Congresso de la forma­

ci6n), Barcelona,

1975.

(14)

tien d'une nouvelle littérature pédagogique ou d'une re­

vue aussi originale que Cuadernos de Pedagogia. Evidem­

ment, tant que le statut de la Generalitat ne sera pas reconnu, que les droits de la Catalogne ne seront pas établis, toute cette exubérante vitalité reste à la merci de mesures vexatoires et répressives toujours aussi "léga­

les". C'est pourquoi, elle garde un caractère ·marginal ce qui permet aux institutions éducatives officielles de les ignorer. Son audience nationale reste limitée, faute d'une intégration et d'une conquête des organes de presse de grande diffusion et des moyens de communication de mas­

se.

Pour sommaines qu'ils soient à l'égard de la com­

plexité de chaque réalité évoquée, et partiels par rapport à la diversité que représenteraient huit régionalismes pos­

sibles, ces trois essais de caractérisation des revendica­

tions et des mouvements régionaux en Espagne devraient suffire pour faire comprendre notre étonnement quant à la place infime qui leur est faite dans les diagnostics de

la réalité éducative espagnole qui se sont succédés de­

puis 1962 et auxquels, parfois, les esprits les plus brillants, nationaux et étrangers, ont été associés.

Ces documents seraient, selon les promoteurs de la LGE

(1),

autant d'étapes préparatoires qui trouveraient

(l)

R. Diez Hochleitner et al., op. cit., pp. 12-15 et 17- 29. Pour une interprétation beaucoup plus critique de cette succession de documents qui manifesterait surtout le caractère discontinu des différents essais de plani­

fication, voir l'article de J. Seagle et M.P. Medela

"la Planificacion educativa en Espano" in Revista de Educaci6n, Madrid, 1975, No 236, pp. 41 et suiv.

20

leur synthèse dans le fameux "Libre blanco" (1) dont la diffusion exceptionnelle aurait suscité une vague de fond qui porterait irrésistiblement la réforme espagnole vers l'avant malgré les remous politiques dont elle fut accom­

pagnée (2). Or, ces diagnostics, non seulement minimisent les revendications régionales, mais ils occultent les pro­

positions et les expériences de rénovation suscitées par les mouvements régionaux. Tout. se passe comme si, cha­

que fois que l'on doit reconnaitre l'existence de dispari­

tés régionales, celles-ci seront toujours perçues ou présen­

tées comme autant de failles, de misères, d'infériorités qu'il faut à tout prix éliminer par des mesures ponctuel­

les et sectorielles. Pour le document élaboré à la suite du colloque de l'UNESCO en 1962 (3), il faudrait tout à la fois unifier la coordination éducative au niveau des provinces et favoriser la ruralisation de l'ens�ignement . primaire en créant des moyaux de concentration éducative.

Selon le diagnostic du Projet Régional Méditerranéen (PRM) (4), - dont A. de Miguel a montré, par ailleurs, qu'il conduisait à sous-utiliser le potentiel éducatif espa­

gnol (5) - c'est en diminuant l'inégalité des ressources

(1)

(2) (3)

(4) (5)

Ministério de Educaci6n y Ciencias La Educaci6n en Espano. Bases para une politica educativa. Madrid, 1969.

R. Diez Hochleitner et al., op. cit. pp. 69-81.

UNESCO La Educaci6n y el desarrollo econ6mico­

social : planeamiento integral de la educaci6n. Ob­

jectives de Espano para 1970. Madrid, 1962.

OCDE Le Projet Régional Méditerranéen. Espagne.

Paris, 1965, pp. 43-45.

A. de Miguel "Planificaci6n de los recursos humanos"

op. cit.

21

(15)

pédagogiques par une "saine" {sic) politique de décentra­

lisation que l'on y parviendrait. Malheureusement, celle­

ci n'est recommandée que pour l'en.seignement supérieur.

Enfin dans le "Libro Blanco"

(1),

si les allusions aux dif­

férences provinciales (sic) sont les plus nombreuses puisqu' elles sont évoquées à propos du taux de scolarisation dans l'enseignement moyen {pp. 30-32), du toux d'analphabétis­

me {p.40), et surtout du développement de l'enseignement supérieur {pp. 81-85) et des migrations intérieures {pp.

182-184), la réponse, telle qu'elle est inscrite dans un des principes "généraux et fondamentaux .de la nouvelle politique éducative" est de structurer un système éducatif qui "répondra à un critère d'unité et d'interrelation {?

sic) pour que l'éducation se développe comme un processus continu adopté aux étapes de l'évolution psycho-biologique de l'élève et établira, en même temps, les spécialisations nécessaires pour satisfaire la diversité des aptitudes indi­

viduel les et les opportunités d'emploi de main-d'oeuWe et de professionnels qu'offre le pays" (8). En clair, qui favorisera : la promotion des individus qui en sont les plus capables; Io formation et le "perfectionnement continu"

{identifié de façon discutable à l'éducation permanente) des professionnels dont a besoin le processus d' industriali­

sation et de rationalisation du système; la mobilité de la main d'oeuvre qualifiée pour unifier le pays dans un mê­

me projet de modernisation.

Nous n'insisterons pas sur toutes les oppositions que ce projet a rencontrées dans les milieux les plus divers

(1)

Op. cit.

(2) Op. cit. p. 207. {C'est nous qui soulignons.)

(1), ni sur les obstacles qui ont singulièrement retardé l'implantation de la réforme dont I 'évolution officiel le n'a fait l'objet que d'une diffusion quasi confidentielle

(2).

Notre propos n'est pas, en effet, d'évaluer un tel projet mais, à son propos également, de comprendre les raisons profondes des réticences à l'égard des revendica­

tions et des mouvements régionaux qui ne peuvent pas seulement s'expliquer de façon simpliste par le caractère totalitaire du régime politique qui a commandité et accep-

té ces diagnostics. ·

En effet, comme le soulignent J. L. Romero et A. de Miguel (3), si de 1857 {Ley Moyano) à 1970 (LDE) il

(1)

(2) (3)

Quelques exemples pris à différentes époques:

Federaci6n espai'lola de religiosos de la ensenanza (FERE) Hacia una nueva ley de educacién, Madrid, 1969.

A. Seguro Crrti ca del 1 i bro blanco y del proyecto de Ley de educaci6n, Barcelone, 1970.

"Ensenanza bésica y média en Espano", No spécial de Cuadernos para el dia logo, 1973, abri 1.

Presente y futuro de la reforma educativa, revisi6n crftica de la Ley de educaci6n en el primer trieno de su applicocién. Madrid, 1973.

"Cine anys de llei d'educaci6n", No spécial de Perspective escolar, Barcelone, 1975, No 3.

C. Lerena Aleson Escuela, ideologia y closes socia­

les en Espano, Madrid, 1976.

J. Blat Gimeno "la cri sis del sistema educativo 11"

in El Pals, 10.4. 1977.

J. l. Romero y A .de Miguel la Educaci6n en Espano, 1970, pp� 3-61.

(16)

n'y a pas eu de réforme globale de l'éducation en Es­

pagne, c'est que l'incompatibilité des différents groupes de pression qui s'y intéressaient rendait "ce problème na­

tional sans solution". C'est dans ce contexte de tensions qu'il fait envisager les principaux facteurs qui ont empêché la reconnaissance de l'intérêt des questions régionales.

Le premier obstacle découle du rôle que joua l'Egli­

se dans la constitution de la nation. Si la seule homogé­

néisation culturelle qui ait réussi a été introduite par l'u­

nité de la foi, ce fut au prix de l'imposition d'une stricte orthodoxie qui, au cours des siècles, sclérosa l'institution et stérilisa la réflexion théologique. Au XIXe siècle

(1)

- sous l'influence il est vrai des congrégations d'enseigne­

ment explusées de Fronce - son traditionnalisme devint un véritable obscurantisme qui pe·sa lourdement sur l'éducation dont elle avait le monopole. Il n'est pas étonnant que fa­

ce aux résurgences des nationalités, elle manifesta un rejet catégorique - qui ne trouvera son égal que dans celui de l'armée - pour tout ce qui ne pouvait être à ses yeux que la traduction dans un séparatisme temporel d'une hétérodo­

xie spirituel le. Bien qu'elle dût, peu à peu, céder devant le processus de sécularisation de la société, elle ne l'ac­

cepta pas. De sorte qu'elle s'associa - malgré le drame basque - à la constitution d'un Etat théocratique national­

catholique où se conjuguaient l'orthodoxie d'une église intégriste, l'idéologie pré-capitaliste des oligarchies tra­

ditionnelles et surtout l'autorité d'une armée strictement hiérarchisée en castes.

L'ironie de !'Histoire a voulu que c'est au moment où le Caudillo a associé les catholiques à son gouvernement que ceux-ci, sous l'influence du lie G:mcile du Vatican - et en particulier J. Ruiz-Gimenez, alors Ministre de l'é-

(1)

M. Tunon de Lara La Espano del Siglo XIX, Paris,

1961

24

ducation - s'engagent dans une lutte pour plus de libéra­

lisation. Cette transformation du catholocisme espagnol est si profonde qu'un G. Brenon, jusqu'alors si critique à l'égard de son rôle néfaste

(1),

reconnait qu'il en a sousestimé le potentiel de résistance démocratique et la vitalité de ses rénovations comme source de développe­

ments possibles qui font aujourd'hui de ces catholiques les plus ardents défenseurs des minorités et des nati ona­

lités.

Ce premier handicap soulevé, un autre, théorique­

ment beaucoup plus complexe, comme nous le verrons plus loin, apparait dont on peut en mesurer l'importance à propos d'un des mouvements les plus originaux de réno­

v?tion éducative culturelle et scientifique que l'Espagne art connu et au sujet duquel nous disposons d'ailleurs d'une excellente thèse française

(2)

: L' lnstitucion Libre de Ensenanza (ILE). L'obscurantisme ecclésiastique était aussi au service d'un bloc oligarchique qui, pendant tout le XIXe siècle déjà utilisa les appareils étatiques, cen­

tralisés, uniformisés et bureaucratisés qu'avait créés la dynastie des Bourbons pour s'opposer à la révolution bour­

geoise qui avait besoin de liberté (s) pour s'épanouir et développer le potentiel d'un capitalisme naissant. En effet, la "liberté" à laquelle fait allusion l'ILE a beau­

coup moins à voir avec la "libre pensée" des mouvements anticléricaux et radicaux européens contemporains qu'avec

la poussée d'un libéralisme économique et politique qui souhaitait remplacer des classes dirigeantes incapables de hisser l'Espagne au niveau de ses voisins. Son projet

(1) (2)

Comparer les premières pages de son introduction aux pages

35-39

de Le Labyrinthe espagnol, op. cit.

Y. Turin L'éducation et l'école en Espagne,

1874-1902.

Paris,

1959.

25

(17)

"utopique", selon la formulation de M. Tunon de Lara, était ·de préparer la transformation du pays en commen­

çant par une transformation de l'éducation "afin de former les équipes nécessaires, les experts sur lesquels s'appuye­

rait immédiatement une extension éducative et culturelle.

La haute signification historique de l'ILE se fonde sur la formation de ces équipes qui seront, en fin de compte, les cadres d'une bourgeoisie non-oligarchique qui aspire au pouvoir et de quelques secteurs· plus radicalisés ...

Elle crée peu à peu le modèle éducatif qui devrait cor­

respondre b une société capitaliste développée"

(1).

Bien que le récent centenaire de l'ILE ait enfin ranimé la dis­

cussion autour de cette institution

(2),

bien des points res­

tent à éclaircir. Ainsi l'évident esprit de tolérance qui animait Giner de Los Rios et ses collaborateurs, leur pas­

sion pour l'éducation "populaire" (c'est-à-dire ''pour" le peuple :) - qui suscitera une pléthore de vocations qui marquera aussi bien le Bureau International de !'Educa­

tion à Genève (avec Rosselo) que la plupart des pays latino-américains à travers la diaspora républicaine et qui trouvera son expression exemplaire en

M.

B. Cossfo

(3),

tout cela ne les rend nullement sensibles aux problème s des nationalités, aux disparités culturelles ou à la validité des différentes langues en Espagne. Les "institutionnalistes"

(l) (2)

(3)

M. Turion de Lara Estudios de historia contemporénea, Op. cit., pp.

70-71.

Voir par exemple les numéros spéciaux de Revista de Educaci6n,

1976,

No

243

et Cuadernos de Pedagogia,

)976,

No

22

dont les bibliographies critiques présen­

tent les études monographiques récemment publiées.

M. B. Cossfo De su jornada, fragmentos, tv\adrid,

1966.

restent en effet profondément méfiants, sinon franchement hostiles, à tout .ce qui pourrait être récupéré et utilisé par les représentants locaux - les "caciques" - des oli­

garchies qu'ils combattent

(1).

Et, après tout, le comporte­

ment de la bourgeoisie en Catalogne, ne montre-t-il pas qu'on peut tout aussi bien être un farouche régionaliste qu'un féroce réactionnaire face aux revendications popu­

laires ? C'est à ce souci de moderniser à trqvers un Etat libéral que l'on doit son infiltration des "institutionna­

listes11 en particulier dans l'appareil éducatif.

Ne faudrait-il pas pourtant suivre une autre sug­

gestion de M. Turion de Lara : "qu'il n'y a pas seule­

ment un élitisme au sein de l'IL.E, mais aussi un "popu­

larisme" qui parfois pourrait conduire à la reconnaissance du protagonisme populaire

(2)"

? Comme il le propose, ne conviendrait-il pas d'examiner de plus près l'expérien­

ce d'extension universitaire d'Oviedo ? La découverte de la réalité nationale à travers 11 l'excursionnisme", premiers essais

(3)

de ce qui se développera ensuite dans les "mis­

sions culturelles" de la lie République ? P.our l'exprimer dans une autre terminologie

(4),

i 1 existait une

conception du développement culturel. Mais celle-ci con­

çue selon un double processus de diffusion des oeuvres de civilisation et d'initiation à la culture scolaire grâce à l'ex­

tension d'une éducation systématique, visait seulement une

(1) (2) (3) (4)

J. Costa Oligarquia y caciquismo, Madrid,

1902.

Ibidem, p.

75

et pp.

78

et suivantes.

J. Costa Educaci6n y revolucién, Madrid,

1969.

M. Bassand et al. Un essai de démocratisation culturelle:

le CCJ. Berne,

1976,

pp.

13

et suivantes.

P. Furter Desenvolvimento cultural e educaçào permanente.

Rio,

1974,

(le édition).

(18)

démocratisation culturelle, c'est-à-dire une redistribution des bénéfices d'une culture dominante. Néanmoins n'y avait-il pas a"ussi l'ébauche d'une politique culturelle qui voulait une démocratie culturelle, c'est-à-dire la créa­

tion des conditions d'un pluralisme où chacun peut cons­

truire son identité et où les "micro-cultures" peuvent, en se communiquant, se comprendre et s'affronter libre­

ment entre el les ?

Or, cette ambiguïté de l'ILE, qui ouvrait toute une série de nouvelles possibilités, s'est complètement perdue lorsque le "projet utopique" de l' ILE s'est transformé dans le mythe de l'éducation comme instrument d'ascension so­

ciale, dont l'utilité fonctionnelle dans le système néoca­

pitaliste et l'illusion mobilisatrice qu'il exerce sur les classes populaires ont été analysées en détai 1 par C. Lere­

na

(1).

Ce qui nous intéresse ici, ce n'est pas tant de rappeler combien cette idéologie éducative justifie la ra­

tionalisation technocratique et légitimise la fonction re­

productrice des systèmes éducatifs. C'est qu'elle propose un modèle de la formation qui exclut la possibilité même de reconnaître les re vendications régionales et culturel­

les. Car, même si cette mobilité verticale se réalisait pour l'individu, elle se traduirait par une tendance à une mobilité horizontale qui dissocie les liens de solidarité de classes comme de groupes et qui ne modifie en rien l'im­

passe dans laquelle se trouvent les régions. D'autre part, le succès de cette mobilité est fonction d'une intériorisa­

tion et d'une acculturation qui favorisent l'hégémonie d'une seule culture, sans susciter les moi.ndres conditions d'une créativité collective distincte. Il n'est pas étonnant que ce soit à l'occasion de la discussion des articles 49

(1)

C. Lerena Alenson Op. cit.

28

l

j

!

}

et 50 de la Constitution de 1931, dans lesquels la l le République confirmait ce mythe en proclamant le carac­

tère unitaire, lare et le monopole de l'Etat sur le systè­

me éducatif que se brisa l'élan unitaire de la République, déjà malmené par l'incapacité à trouver une solution à la question agraire dans le contexte de la crise mondia­

le

( 1).

Le modèle éducatif auquel se référait la Répu­

blique n'était-il pas implicitement contracdictoire avec les mesures généreuses qu'elle allait, par ailleurs, prendre en reconnaissant la Generalitat et l'autonomie de l'Uni­

versité de Barcelone ?

Nous sommes, quant à nous, persuadés que cet échec - s'il y a "échec", compte tenu des circonstances adverses - dépasse de loin la problématique espagnole.

En effet, ce que nous semble indiquer l'évolution qui va du "projet utopique" de l'ILE à l'impossibilité de trouver une formule d'organisation éducative qui tienne compte des "nationalités" en Espagne, c'est, d'une part, une in­

capacité politique de l'Etat-nation à résoudre le problè­

me des minorités et même, nous le verrons, du statut de ses oppositions, et d'autre part, une incapacité culturelle à résoudre les problèmes de formation par la rationalisa­

tion et l'expansion de .systèmes éducatifs seulement. Sans remettre en cause l'Etat -nation et l'identité Formation = Ecole, il est difficile de trouver�n Espagne, ou ailleurs, une solution à la démocratie culturelle. Celle-ci passe, au niveau du développement culturelle, par la reconnais­

sance prioritaire de la culture vécue au sein de micro­

cultures qui sont les supports d'une formation diffuse de base; par ia nécessité d'une initiation contrôlée aux codes

(1)

M. Pérez Galan La ensenanza en la lia Republica espanola, Madrid, 1973, pp. 88-96 et 179-202.

29

(19)

de communication, rôle essentiel de la formation scolari­

sée; et par des interventions occasionnel les extrascolaires lorsque les circonstances et les besoins les rendent indis­

pensables

(1).

La finalité des revendications culturelles des mouvements régionaux dépasse la constitution d'un système propre d'éducation ou la promotion d' interven­

tions extrascolaires. Elle débouche sur une politique cul­

turelle globale qu i crée l'ensemble des conditions d'une démocratie culturel le.

Mais n'est-ce pas là une utopie de plus? En tout cas, dans la situation actuelle espagnole, si nous avons cru pouvoir y discerner des signes qui vont dans ce sens, il n'y existe assurément pas pour l'instant les conditio ns pour les concrétiser davantage. C'est pourquoi il nous a semblé intéressant de comparer ce futur possible avec ce qui s'est passé dans une région suisse où un mouvement régional semble avoir contribué au succès partiel d'une expérience d'animation culturelle qui se traduirait par une démocratie culturelle. Cet exemple nous semble d'autant plus important à évoquer que souvent la Confé­

dération suisse passe pour être un modèle d'organisation fédérale - P. Gonzales Bosco y fait allusion à la fin de son étude

(2)

- d'un système où "être différent, c'est normal"

(3).

Or, cet exemple a le mérite de mon­

trer que la Suisse n'échappe pas pour autant à (au moins) ''une question régionale"!

(1) (2) (3)

P. Furter Le planificateur face à l'éducation permanente.

Paris,

1977.

Op. cit., p.

371

J.

Kellerhals Quelques questions à propos du Jura.

LA SINGULARITE SUISSE, MAIS JURASSIENN E Malgré l'évidente différence d'échelle entre un pays où l'on recense les nationalistes par millions et une petite région où les séparatistes ne se comptent que par dizaines de milliers, la "question jurassienne" a réuni dans son microcosme toute la complexité des facteurs culturels et politiques. Ceux-ci, d'ailleurs, interviennent et pèsent de façon très différente selon les situations qu'a sans cesse modifiées une histoire plus que mil Iéna ire dont on trouvera, par exemple, dans l'ouvrage de nos collègues de l'Université de Genève, une excellente syn­

thèse

(1).

De cette interprétation du passé, nous souli­

gnerons quelques constatations qui nous semblent signifi­

catives pour la problématique de ce rapport. Tout d'a­

bord, et bien que le facteur religieux ait été fondamental, puisque la région trouve son origine dans 1 'Evêché de Bâle; qu'elle perd pour la première fois son unité cultu­

relle dans la division entre protestants et catholiques qu'introduit la Réfonne et qu'elle souffrira particulière­

ment du "Kulturkampf" au XIXe siècle, celui-ci, aujour­

d'hui, ne semble plus déterminant

(2).

Peut-être est-ce là un effet de plus de la profonde sécularisation de la société globale suisse ? Par contre, un ethnologue aussi attentif que P. Hugger observe une étonnante continuité d'une culture orale collective et ceci malgré la dispersion du peuplement et les difficultés géographiques de communication, créativité persistante

(1) (2)

M. Bassand et al., op. cit., pp.

101

et suivantes.

p. Hugger Rebelles et hors-la-loi en Suisse. Genèse et rayonnement d'un phénomène social, traduit de l'allemand. Lausanne,

1977,

p.

47.

(20)

qu'il explique par les liens étroits qui, dès le XVIIIe siècle et jusqu'à nos jours, identifie la chanson populaire à la chanson politique et idéologique

(1).

Le facteur culturel qui reste indiscutablement dominant est le linguistique, probablement parce que ce territoire, qui a toujours été inclus dans celui des langues d'oïl, dont le patois a été presque sans discontinuité dominé soit par des souverains germa­

niques, soit par un pouvoir central suisse-alémanique.

Certes dans les innombrables rébellions que cette région a connues et, en particulier, dans les six poussées sépara­

tistes qui s'y sont manifestées depuis qu'elle appartient à la Confédération suisse par son annexion par le canton de Berne, les facteurs politico-économiques confédérés et internationaux - car n'oublions pas qu'il s'agit d'une région frontalière - sont souvent déterminants. Néan­

moins, ils sont de plus en plus associés à la revendica­

tion linguistique du droit à l'existence d'une "ethnie fran­

cophone".

Dans l'explosion de

1947

où débute l'actuel mouve­

ment séparatiste dont le développement entraînera l'écla­

tement de la région, mais aussi la rupture politique qui permettra enfin la création d'un canton du Jura, la re­

vendication linguistique joue un rôle singulier. Du côté du gou�ernement bernois - dont les principes politiques et l'esprit centralisateur empêchaient d'entrer en matière sur le fond de la "question jurassienne" - on a cru, en

(1)

En particulier le chapitre intitulé "Pierre Péquignat:

survivance populaire de la chanson politique depuis les troubles de !'Evêché de Bâle

(1730-1740)

jusqu'à

la création du canton du Jura", Ibidem, pp.

41

et ss

et surtout

53

à

54.

32

faisant des concessions essentiellement culturelles que tout allait rentrer dans l'ordre établi.

C'est ainsi qu'à la suite d'une consultation populai­

re, en

1950,

la particularité culturelle du Jura est recon­

nue et que le français devient la deuxième langue offi­

cielle du cc:mton de Berne. Un effort de soutien est en­

trepris à l'égard des associations jurassiennes. Le système scolaire est modifié de manière à assurer un enseignement en français aux niveaux primaire, normal et secondaire inférieur et que soit respecté le principe du bilinguisme dans le secondaire supérieur et même à l'Université de Berne. Surtout une organisation régionale du système sco­

laire est admise au point que le Jura est considéré com­

me un canton scolaire suisse-romand et participe à la coordination scolaire romande. Cette autonomie - d'ail­

leurs relative puisqu'elle reste totalement dépendante financièrement et bureaucratiquement du bon vouloir du Centre bernois - est néanmoins assez large pour que, en

1972,

une commission de la Société Pédagogique Ju­

rassienne (SP J) - association professionnel le qui réunit tous les instituteurs - propose un projet de réforme sco­

laire qui est adopté par la SPJ

(1).

Or, c'est justement cette solution partielle (parce que seulement "culturelle") et politiquement insatisfaisante (parce qu'octroyée de façon paternaliste) que le Mouvement séparatiste refuse avec éclat. Devenu le Rassemblement jurassien

(RJ),

il

cherche à agglutiner toutes les forces dans une véritable

"union sacrée" dans laquelle interréagit la revendication culturelle

(2).

Ce que vise dorénavant le RJ, c'est la consti-

(1) (2)

SPJ Changer l'école. Janvier

1972.

M. Bassand et al., op. cit., p.

103.

33

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