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Traduire Revue française de la traduction

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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231 | 2014

À table !

Édition électronique

URL : http://journals.openedition.org/traduire/648 DOI : 10.4000/traduire.648

ISSN : 2272-9992 Éditeur

Société française des traducteurs Édition imprimée

Date de publication : 1 décembre 2014 ISSN : 0395-773X

Référence électronique

Traduire, 231 | 2014, « À table ! » [En ligne], mis en ligne le 01 décembre 2016, consulté le 09 octobre 2020. URL : http://journals.openedition.org/traduire/648 ; DOI : https://doi.org/10.4000/traduire.648 Ce document a été généré automatiquement le 9 octobre 2020.

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NOTE DE LA RÉDACTION

Comité de rédaction : Aurélie Barbe, Noëlle Brunel, Géraldine Chantegrel, Christine Cross, Vanessa De Pizzol, Hélène Ladjadj, Danièle Laruelle, Maurice Morvillez, Lakshmi Ramakrishnan Iyer, Maurice Voituriez

Le comité de rédaction remercie Nicolas Lefebvre pour ses illustrations – http://

nikopoisson.tumblr.com

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SOMMAIRE

Édito

Géraldine Chantegrel et Lakshmi Ramakrishnan Iyer

Cahier « Vin et gastronomie » Une plume dans le vin

Jane Maylin

La crème de la crème

Miranda Joubioux

La langue des vignes. Vitis vinifera, une liane invasive à la terminologie exubérante

Dominic Michelin

Vivre avec un traducteur culinaire

Céline Petit

Un thé indien avec Dominique Vitalyos

Propos recueillis par Lakshmi Ramakrishnan Iyer Dominique Vitalyos et Lakshmi Ramakrishnan Iyer

Le vin et sa terminologie

Florence Ludi

Réflexions sur la traduction allemande d’Une gourmandise, de Muriel Barbery

Sylvain Farge

L’adaptation, côté cuisine. Traduire la gastronomie française à l’international

Propos recueillis par Vanessa De Pizzol Vanessa De Pizzol et Daniel Boulud

Gastro & Co.

Jean-François Allain

Compte rendu

Compte rendu : The Language of Food, Dan Jurafsky

Hélène Ladjadj

Cahier général

Retraduire Mark Twain aujourd’hui : entretien avec Bernard Hœpffner

Propos recueillis par Corinne Wecksteen-Quinio Corinne Wecksteen-Quinio et Bernard Hœpffner

Parlez-vous écossais ?

Marian Dougan

La transmission de l’étrangéité : traduire et retraduire Camus en suédois

Elisabeth Tegelberg

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Billet d’humeur

De l’influence inattendue du traducteur sur son entourage

Florence Lesur

Rétrospective N° 21

Maurice Voituriez

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Édito

Géraldine Chantegrel et Lakshmi Ramakrishnan Iyer

1 Les anecdotes autour de traductions fantaisistes de cartes et de menus de restaurants ne manquent pas. Il n’y a pas si longtemps, des touristes se voyaient, par exemple, proposer dans un restaurant de Beijing un plat à base de chicken without a sex life (« poulet sans vie sexuelle »). Il s’agissait de tongziji (littéralement « jeune poulet »). En 2008, soucieux d’améliorer l’image de la ville avant les Jeux olympiques, le Bureau des affaires étrangères de la municipalité de Beijing a publié un manuel à l’intention des restaurants de la capitale chinoise, avec les traductions officielles des plats en anglais.

Ainsi, on découvre que le tongziji n’est ni plus ni moins qu’un… coquelet (spring chicken).

2 Intitulé Enjoy Culinary Delights, ce manuel de 196 pages (disponible en anglais uniquement) a été édité après une consultation auprès des internautes et d’un groupe de linguistes, qui ont analysé les noms des plats en fonction de plusieurs critères : ingrédients, méthode de cuisson, goût… Une initiative à saluer, car une grande cuisine mérite une communication claire.

3 Peu de domaines sont aussi malmenés en traduction que la gastronomie. Toute personne se sentant concernée peut se croire compétente. Or, c’est d’autant plus une affaire de spécialistes que la traduction culinaire passe souvent par un travail d’adaptation. Il en va de même des traductions vitivinicoles, qui exigent de solides connaissances techniques et terminologiques. « Paroles d’experts » : voici donc le mot d’ordre de ce numéro de Traduire, où des intervenants spécialisés, traducteurs professionnels en exercice pour la plupart, nous montrent l’envers du décor de la traduction dans ces deux domaines exigeants.

4 Pour ouvrir ce cahier « Vin et gastronomie », Jane Maylin, spécialiste des traductions vitivinicoles, nous raconte avec force détails techniques et terminologiques comment elle trempe chaque jour sa plume dans le vin.

5 La crème, produit alimentaire en apparence très simple, couvre une réalité tout à fait différente dans les pays anglophones et francophones. Miranda Joubioux nous aide à distinguer les nuances de cet univers immaculé.

6 Dominic Michelin, quant à lui, nous emmène dans l’univers de la vigne. Son

« défrichage » à la fois historique, botanique, sémantique et terminologique est aussi

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exhaustif que fascinant – avec, en prime, des exemples concrets de difficultés de traduction et moult anecdotes intéressantes. Savez-vous par exemple ce que fait l’« ampélographe » ?

7 Le gastronome qui se frotte les mains à l’idée de partager la vie d’un(e) spécialiste des traductions culinaires, avec tous les bons petits plats qui semblent se profiler, ferait bien de lire le billet de Céline Petit. Car le traducteur culinaire est surtout très fort… en théorie. Mi-détective, mi-écrivain, il (ou elle) manie plus souvent les mots que les spatules.

8 Au fil des pages de ce Traduire, nous partons également en Inde, à travers le parcours étonnant d’une traductrice littéraire française qui a choisi de s’approprier une langue insolite : le malayalam. Préparez-vous une bonne tasse de thé aux épices pour savourer cet entretien avec Dominique Vitalyos – traductrice, entre autres, d’un recueil de nouvelles (La colère des aubergines) où il est question, non seulement de mets, mais aussi de la vie.

9 Comprendre la terminologie du vin pour mieux traduire les textes œnologiques ; déguster le vin pour mieux le décrire : Florence Ludi, traductrice spécialisée dans le domaine et animatrice d’une formation SFT sur le sujet, nous livre quelques précieux secrets.

10 Sylvain Farge explicite la difficulté de la traduction gastronomique en analysant la traduction allemande du roman Une gourmandise, de Muriel Barbery. S’agissant de deux langues si différentes dans l’expression de l’art culinaire, l’exercice peut s’avérer périlleux…

11 Le chef étoilé Daniel Boulud traduit et adapte depuis plus de trente ans la cuisine française à l’international – et cela lui a plutôt réussi. Au-delà des considérations linguistiques, cet expatrié de renom raconte son parcours et sa vision de la gastronomie à Vanessa De Pizzol : un entretien qui replace la cuisine dans son contexte hautement culturel.

12 Jean-François Allain nous propose un exposé aussi érudit que divertissant sur le mot

« gastronomie » et les mots de la gastronomie : à lire avec délectation.

13 Enfin, quand un linguiste s’intéresse aux menus (6 500, pour être exact), le résultat est un livre passionnant. Hélène Ladjadj a lu pour nous The Language of Food de Dan Jurafksy – où l’on apprend, entre autres, que le mot « ketchup » signifiait à l’origine « sauce de poisson » dans un dialecte chinois, le hokkein.

14 Hors cahier thématique, deux articles mettent en lumière la retraduction de deux grands classiques de la littérature. Dans un entretien avec Corinne Wecksteen, le traducteur Bernard Hœpffner revient sur sa retraduction de Huckleberry Finn, de Mark Twain. Elisabeth Tegelberg, de l’Université de Göteborg, analyse quant à elle la deuxième traduction en suédois de L’Étranger d’Albert Camus dans l’optique de l’hypothèse d’Antoine Berman : la retraduction est-elle plus fidèle au message du texte source que la première traduction ?

15 Le 18 septembre dernier, les Écossais ont dit « non » à l’indépendance, à l’occasion d’un référendum historique dont l’issue est restée indécise jusqu’au scrutin. En marge de cette actualité, l’article de la traductrice écossaise Marian Dougan nous fait découvrir non pas ce pays, mais ses langues.

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16 L’influence inattendue du traducteur sur son entourage est le sujet du billet d’humeur vitaminé de Florence Lesur. Enfin, les fidèles lecteurs retrouveront, pour leur plus grand plaisir, la Rétrospective de Maurice Voituriez.

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Cahier « Vin et gastronomie »

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Une plume dans le vin

Jane Maylin

Traduction : Hélène Ladjadj

1 J’ai pris le chemin de la traduction assez tardivement. J’avais choisi des études de langues par passion mais comme bien des jeunes diplômés, j’ai commencé à travailler dans un domaine qui n’avait pas vraiment de rapport avec mes études. Mais voilà, la vie nous conduit parfois en des lieux inattendus et pour moi, ce fut la France.

La culture du vin

2 La France – pays emblématique, pour le monde entier, de l’art de vivre, de la gastronomie et du vin. C’est inscrit dans la conscience collective : la France est le pays du bon vin, et cela malgré l’émergence de pays producteurs comme l’Argentine, le Chili ou l’Australie, qualifiés de « nouveau monde », et l’existence d’excellents vins dans d’autres pays du vieux monde. En vérité, le vin est probablement né au Moyen-Orient et nous devons remercier les Romains et les Grecs pour sa diffusion en Occident.

3 Mais la France a élevé le culte du vin à un niveau inégalé avec un classement hiérarchique et un système d’appellations complexe propre à ses vins, que leur réputation prestigieuse place encore aujourd’hui parmi les plus chers et les plus recherchés au monde.

4 Ce véritable phénomène culturel a engendré sa propre terminologie dont certains mots sont passés dans la langue anglaise. Tout comme l’industrie aéronautique française, à l’origine des mots « aileron » et « fuselage », les a vus repris tels quels par l’anglais, les termes « château », « grand cru », « appellation », « bouteille » (transformé en bottle),

« apéritif » et « sommelier » ont intégré la langue de Shakespeare. Sans oublier, bien sûr, le mot le plus symbolique de tous : « terroir ». Le concept a d’ailleurs longtemps donné du fil à retordre aux traducteurs qui ont proposé soil, situation, origin, terrain, voire territory. Mais si territoire et terroir ont une même origine étymologique, la notion de terroir est bien plus complexe.

5 Ce mot associe type et âge du sol (par exemple : sols typiques issus de marnes ou de calcaires durs de l’ère secondaire – grès, calcaires blancs, calcaire à gryphées, pierres

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dorées, plus quelques grands îlots volcaniques et schisteux), climat, exposition, écosystème local et végétation, plus une dimension culturelle spécifique. C’est une interaction unique de facteurs biophysiques et humains. D’ailleurs, le fait que l’UNESCO ait créé une Charte des Terroirs en dit long sur l’importance du concept1.

6 Étant donné la difficulté à saisir l’essence du mot « terroir » pour l’exprimer en anglais, on a commencé à employer le mot français, (parfois avec une brève explication, en fonction du lectorat visé). D’autres mots (chiaroscuro, kindergarten, perestroika et chutzpah), venus de langues diverses, ont aussi fini par intégrer progressivement la langue anglaise selon le même processus.

7 Terroir est désormais accepté dans un texte anglais, même s’il est le plus souvent placé entre guillemets pour signaler qu’il ne fait pas encore tout à fait partie de la langue. Le traducteur, pour lequel certains termes sont parfaitement clairs, risque alors de croire, à tort, qu’un mot a déjà parcouru la distance entre les deux langues et peut donc être employé dans sa langue d’origine sans aucune autre explication.

La traduction comme vocation

8 Vocation vient du latin vocatio (appel). Il faut parfois un certain temps pour identifier sa propre vocation et même emprunter bien des chemins avant de la trouver.

9 Vivant dans une région viticole en France, j’ai été directement impliquée dans le monde du vin pendant plus de quinze ans avec des rôles professionnels divers, allant de la commercialisation à la production. J’ai découvert l’ampélographie (la France possède la plus grande richesse d’espèces et de variétés de vignes au monde, avec 267 variétés autorisées par le ministère de l’Agriculture), et les maladies et ravageurs de la vigne.

J’ai tout appris sur la réglementation concernant les traitements du vin et les mentions obligatoires sur l’étiquette, les teneurs en pH et en sucre résiduel, sans oublier les Documents d’accompagnement électronique. Je sais désormais qu’un groupe de vendangeurs s’appelle une colle, à ne pas confondre avec la colle – agent utilisé pour la clarification du vin tels la bentonite ou le blanc d’œuf qui captent les particules en suspension, processus appelé collage, ou fining en anglais. J’ai étudié l’art de l’assemblage, commandé des matières sèches (un terme à la signification clairement énoncée : tout ce qui fait une bouteille de vin, hormis le liquide) et organisé des mises en bouteille. C’était absolument passionnant et ce fut en outre une occasion exceptionnelle d’apprendre, une source infinie d’informations fascinantes.

10 Le vin est alors entré en symbiose avec mon amour des langues et, moi qui pratiquais la traduction depuis des années, j’ai su à ce moment-là que je voulais en faire mon métier à plein temps.

11 L’une des singularités de bien des métiers c’est l’emploi du jargon. Le monde du vin et de la viticulture ne fait pas exception :

Ébourgeonnage, levurage, piégeage, chaptalisation, cuvaison, dégorgement, délestage, éraflage, ouillage, mutage, palissage… la liste est longue.

12 Pour le non-spécialiste il existe des dictionnaires de référence, dont l’excellent LexiVin, mais un traducteur spécialisé doit posséder une connaissance approfondie du sujet.

Armée de mon expérience professionnelle et de ma formation linguistique, je pouvais transmuer ce savoir en mots et j’ai décidé de tremper ma plume dans le vin.

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Le monde de la viticulture et de l’œnologie

13 L’univers du vin et des spiritueux présente bien des aspects et ne se limite certes pas au liquide versé dans le verre. De la grappe au verre, chaque étape possède ses spécificités dont la traduction devra tenir compte.

14 Tout commence dans le vignoble, avec ses différentes méthodes de culture et de taille, les techniques de maîtrise des rendements, la panoplie des traitements phytosanitaires.

C’est le domaine de la biologie et de la botanique. Le développement des techniques de viticulture biologique et biodynamique m’impose des mises à jour permanentes en tant que traductrice. Les techniques biodynamiques emploient des produits allant de la bouse de vache aux orties et aux fleurs de pissenlits et tiennent compte de l’effet des forces cosmiques sur le vivant, ouvrant ainsi à la fois un vaste champ sémantique et un débat philosophique.

15 Puis on passe à la cave et les choses deviennent plus techniques : analyses, mesures, traitements ; bactéries et levures, leur action sur le vin. Que se passe-t-il en cas de présence de Brettanomyces ou autres micro-organismes indésirables, comment prévenir ou lutter contre le problème ? Cet environnement a son vocabulaire propre, un lexique précis, scientifique, relevant de la chimie et de la microbiologie. Il ne peut y avoir d’ambiguïté. Crushing et pressing semblent quasi équivalents en anglais, mais il existe une nuance subtile pour la vinification et il ne faut pas les confondre en traduisant car en français, foulage et pressurage sont des opérations bien distinctes nécessitant un matériel spécifique (fouloir et pressoir). Dans certains cas la traduction peut varier selon la phase du processus de vinification, ainsi marc peut être traduit par cap au stade de la fermentation (lorsque la masse de peaux de raisin flotte en surface), et devient pomace après pressurage (lorsque les peaux ont été séparées du vin).

16 Des visites régulières aux caves et des contacts et discussions avec des œnologues sont donc indispensables à mon travail, tout en m’offrant d’agréables échappées loin de mon clavier !

Internet et la « glouglousphère »

17 Il existe aussi sur internet nombre de forums et groupes bien utiles pour apporter une réponse à quelque question technique épineuse. Viticulteurs, bloggeurs, critiques et journalistes sont présents en grand nombre sur les réseaux sociaux, et cette vaste communauté du vin sur la toile est désignée par le charmant vocable de

« glouglousphère ». La traduction étant une activité plutôt solitaire, ces contacts sont une ouverture bienvenue sur le monde extérieur.

18 Il est vrai qu’internet est devenu pratiquement indispensable. Je suis sûre de ne pas être la seule à recevoir tous mes textes à traduire par courrier électronique, mais c’est surtout une source d’information inestimable pour les recherches sur le sujet que je traduis, sur l’entreprise ou le client qui m’a commandé la traduction, afin de connaître son positionnement sur le marché et donc le style requis. Cela veut dire aussi que le travail peut nous arriver du monde entier, ce qui est un avantage considérable, mais aussi une source de forte pression en termes de délais. Sur le plan pratique, je stocke mes fichiers dans le nuage (autrement dit le cloud) : ainsi, je peux y accéder où que je

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sois et ils sont à l’abri en cas de panne de matériel. Internet est en outre ma vitrine principale via mon site et ma présence sur les réseaux sociaux.

19 Mais passer le plus clair de son temps devant son écran expose à la tentation de surfer sur internet au lieu de travailler surtout que, même en déplacement, on est sollicité par son smartphone. Il faut une discipline de fer pour rester concentrée et garder une approche professionnelle face aux réseaux sociaux. Me considérer comme mon propre Community Manager (animateur de communauté) m’aide toutefois à maintenir l’équilibre entre travail et distraction face au web.

La veille technologique

20 Revenons au travail à la cave, qui ne se limite pas à la vinification. En français, on dit joliment du vin qu’il est élevé, comme un enfant, mais en anglais il est matured ou aged (vieilli). Cela peut indiquer l’utilisation des barriques ou, dernièrement, l’introduction de morceaux de bois – autorisée en France depuis 2005 seulement – pour l’élevage du vin et depuis 2009 en vinification. Pour la traduction, il faut savoir distinguer entre copeaux, barriques ou douelles, et comprendre ce que l’on entend par les différents degrés de chauffe du bois.

21 Pour tenir compte des évolutions techniques, il faut prendre le temps de se constituer un ensemble de connaissances que l’on maintient à jour, par exemple la mise au point de capteurs optiques portables pour l’évaluation de la maturité phénolique à partir de la fluorescence des raisins et qui, dans les vignobles, peut servir à déterminer les dates optimales de vendange.

22 Parmi les nouveautés intéressantes, citons l’emploi de cuves béton œuf : « La forme œuf induirait la création de mouvements browniens dans le liquide, dit(s) mouvement(s)

“vortex”, et maintiendrait les lies constamment en suspension comme un bâtonnage naturel2 ». Passionnant !

23 Ou encore, l’utilisation de récipients en terre cuite (dolia) pour la vinification, des essais d’élevage de vin sous la mer, voire des tests de vieillissement des molécules de whisky dans l’espace ! Je ne me lasse jamais d’apprendre sur ces nouvelles méthodes et je suis une lectrice avide de revues sur l’œnologie et de blogs sur le vin, en français et en anglais. L’acquisition de vocabulaire et de connaissances est une quête sans fin.

Adapter l’approche linguistique

24 L’étape suivante est la mise en bouteilles, ou conditionnement. C’est une opération technique qui renvoie à plusieurs opérations mécaniques et à du matériel spécifique.

Pour traduire un document traitant de questions techniques de ce genre, il me faut savoir quel est le niveau de connaissances du lecteur et il est donc impératif de bien communiquer avec la personne qui a commandé la traduction.

25 En Champagne il y a un objet très précis appelé « bidule » – oui, c’est bien ça, un machin, une chose – mais comment le traduire correctement ? Faut-il utiliser des équivalents anglais ou simplement parler d’un morceau de plastique ? Cela dépendra du contexte. Dans une présentation orale à un groupe de visiteurs, la traduction littérale provoque toujours un sourire. Un peu de folklore passe aussi sur un blog ou une lettre d’information informelle. En revanche, dans un document formel, je

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considère que le mot bidule est tout simplement le nom désignant cet élément. Pour ceux qui s’interrogent, il s’agit d’un opercule creux (comme un dé à coudre) en plastique, placé dans le goulot de la bouteille de champagne après ajout de la levure pour la seconde fermentation, ou prise de mousse. Il sert de réceptacle pour les cellules mortes de la levure accumulées dans le goulot après remuage, et facilite leur retrait.

26 S’agissant du bouchage, la traduction demande de la précision. En anglais, on utilise le mot cork (bouchon) mais en français, il y a le bouchon liège et le bouchon synthétique, et même le bouchon en verre ; il faut donc qualifier le terme en anglais. Ce sera natural cork ou synthetic cork, et glass closure (glass cork étant une sorte d’oxymore – cork signifiant liège).

27 Le bouchon de liège soulève bien sûr la question des vins bouchonnés, problème dû au trichloro-anisole ou TCA, un composé qui peut altérer le bouchon et donner au vin une odeur de carton mouillé ou de torchon sale. Pour traduire des documents évoquant ce problème il faut choisir la formulation selon le destinataire : s’il s’agit de professionnels, on veillera à l’emploi de formules chimiques et termes techniques précis, s’il s’agit de lecteurs non spécialisés, les explications devront être simples et dépourvues de jargon.

28 Il y a un autre genre de bouchage souvent désigné par son nom anglais, screwcap, parfois préféré au français pour une bonne raison : les Français n’en sont pas très amateurs et il est plutôt associé aux vins étrangers. Bague à vis, ou capsule à vis, sont en effet des termes techniques qui n’ont pas la même tonalité. Là encore, le choix se fera en fonction du public visé.

Marketing et communication

29 À l’automne, les vins terminent tranquillement leur fermentation en cave. Certains vins sont déjà mis sur le marché comme primeurs, tel le Beaujolais nouveau mis en vente chaque année le troisième jeudi de novembre. Tout un rituel est né autour de ce vin dont 31 millions de bouteilles sont commercialisés dans le monde entier, et les Japonais et les Américains en sont particulièrement amateurs. Dans les pays anglophones, mais aussi dans bien d’autres parties du monde comme la Scandinavie, l’Asie et la Russie, l’anglais est la langue de prédilection d’une vaste campagne de communication, qui impose à tous les intervenants des délais stricts, y compris au traducteur.

30 Dans un contexte commercial, je suis souvent sollicitée pour des traductions dans des univers associés comme l’œnotourisme (et maintenant le spiritourisme dans le monde des spiritueux), et la gastronomie bien sûr, avec les accords mets-vins. Les documents à traduire vont du site web complet au communiqué de presse en passant par les brochures, notes de dégustation ou fiches techniques. Cela fait appel à des compétences dans des registres complètement différents de celui des rapports d’œnologues ou des articles techniques. Il s’agit avant tout d’outils marketing à des fins promotionnelles et le vocabulaire doit donc être choisi en conséquence.

Le lexique de la perception sensorielle

31 Nous en arrivons maintenant au vin dans le verre. L’un des aspects les plus fascinants du vin c’est l’immense diversité de ses arômes. Il y a un rapprochement évident ici avec

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la gastronomie. La traduction quitte alors la sphère technique pour le monde de la perception individuelle et la problématique devient tout autre : il ne s’agit plus de trouver des définitions précises mais d’arriver à transmettre une expérience sensorielle. La mémoire olfactive est très puissante – qui ne connaît le célèbre exemple de la madeleine de Proust ?

L’odeur et la saveur restent encore longtemps, comme des âmes, à se rappeler, à attendre, à espérer, sur la ruine de tout le reste, à porter sans fléchir, sur leur gouttelette presque impalpable, l’édifice immense du souvenir3.

32 Un texte est déjà la traduction de ces sensations ressenties en bouche et fixées par la mémoire. La traduction dans une autre langue doit veiller à conserver l’émotion originale, mais dans un domaine aussi subjectif, la relation entre les mots et les caractéristiques décrites est plus complexe. L’objectif principal est de capter l’essence de l’expérience puisque le plaisir est un élément clé du vin. Les souvenirs olfactifs seront transmis par un choix judicieux des mots.

33 La fiche de dégustation française classique se présente en général dans l’ordre œil-nez- bouche et s’il faut évoquer l’aspect (couleur, limpidité, intensité), l’odeur (arômes primaire et secondaire), le goût (texture, consistance, parfum) et la persistance (caudalies), le lecteur anglophone tend à préférer un texte descriptif à une liste d’attributs.

34 Il faut en outre s’adresser au consommateur en des termes qu’il puisse apprécier et comprendre. On sait que certaines références sont totalement incompréhensibles pour les Chinois qui n’ont jamais goûté ni même vu nombre des fruits habituellement évoqués pour parler des vins en Europe4. Si les différences culturelles entre la France et le monde anglophone ne sont pas aussi marquées, il faut néanmoins en tenir compte.

35 L’homme dispose d’un grand éventail de perceptions, mais d’un nombre restreint de mots pour les décrire. Déguster du vin est une première étape pour trouver ces mots et un cours de dégustation professionnel m’a été extrêmement utile pour développer ma sensibilité à la palette des arômes et à leur position sur le spectre olfactif. Un lexique des arômes est souvent utilisé dans le secteur industriel pour décrire des produits aux fins de comparaison et de contrôle de qualité. Sivertsen et Risvik5 ont démontré que les vins rouges français pouvaient être différenciés par région d’origine avec un lexique sensoriel. Pour les néophytes, la Roue des arômes6 peut être un outil très utile pour trouver les correspondances au sein d’une famille d’arômes.

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36 Certains professionnels anglophones emploient avec succès une langue concise mais très évocatrice. De bons exemples sont consultables en ligne : Jancis Robinson (http://

www.jancisrobinson.com), Jamie Goode (http://www.wineanorak.com/wineblog), ou, pour une version plus américaine, Joe Roberts (http://www.1winedude.com) ou David White (http://www.terroirist.com). On peut améliorer ses propres compétences par la lecture régulière des fiches d’un dégustateur expérimenté, un peu comme en cuisine le simple fait de feuilleter un livre de recettes peut inspirer l’envie d’en essayer de nouvelles…

Le défi du vocabulaire

37 Pour évoquer les qualités organoleptiques d’un vin, il existe plusieurs groupes de mots, chacun avec ses difficultés particulières.

38 Ceux qui résistent à la traduction : typicité, ciselé (excellent, celui-là, on le ressent presque sur la langue), ou vineux (un vin qui a le goût de vin !), souvent employé à propos d’un degré d’alcool élevé, difficile à exprimer de façon non négative. D’autres mots posent problème en raison de leur connotation négative en anglais : ainsi, on ne peut parler directement de l’acidité du vin alors même que c’est l’une de ses composantes essentielles. On dira plutôt good acidic balance (bon équilibre de l’acidité) ou acidulous notes (notes acidulées). Sucrosité non plus n’a pas les mêmes implications en anglais et il faut donc trouver le bon équivalent lorsqu’il s’agit de décrire un vin sec.

39 Gouleyant, gras, aérien, croquant sont également difficiles à traduire. Seule l’approche intuitive permettra d’éviter au texte de « sentir la traduction ». Pour obtenir un résultat le plus naturel possible à la lecture, je procède à une révision bilingue puis unilingue.

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40 Ceux qui ont trop servi : élégant, gourmand, finesse. Rien à leur reprocher sinon une utilisation un peu trop répétée. Si l’auteur emploie plusieurs fois les mêmes mots, je ne m’interdis pas une certaine liberté pour obtenir un texte fluide et agréable à lire en version traduite. D’où la nécessité de disposer d’un bon dictionnaire des synonymes.

41 Les néologismes : parfois, le mot français semble si parfait qu’en l’absence d’équivalent adéquat, il est anglicisé. C’est le cas du mot minerality, formé pour saisir une expérience quasiment impossible à décrire. Vous ne le trouverez pas dans le dictionnaire et il a fait l’objet de bien des débats avant son acceptation, mais il est désormais largement employé dans le milieu vinicole. La tentation est grande d’en faire autant pour d’autres mots au risque de rendre son texte abscons.

42 Ceux qui décrivent les défauts du vin : goût de serpillère, de dissolvant, vin réduit (l’opposé de l’oxydation) dont la meilleure solution de traduction est notes of reduction ou reductive aromas. Et puis il y a le mercaptan et son odeur d’œuf pourri. Ces mots, souvent familiers pour l’expert, nécessiteront quelques explications pour le profane.

43 La spécificité des spiritueux : si le vin est le produit de la fermentation, les spiritueux sont le résultat de la distillation qui a sa terminologie propre : cœur de chauffe, têtes et queues de distillation, la part des anges. Le registre est différent de celui du vin et la force et l’intensité de l’alcool doivent être exprimées de façon positive. Parmi les arômes caractéristiques des spiritueux : tourbé, iodé, salé, fumé, hespéridé, botanique, caramélisé, rancio.

44 Les termes techniques : à manier avec précaution. Un exemple : « empyreumatique », qui vient du mot grec empureuma (la braise) et recouvre toute une famille d’arômes aux odeurs brûlées.

« Désormais, si vous sentez dans votre verre de vin une odeur torréfiée, grillée, fumée, brûlée... vous pouvez lever le petit doigt et lancer d’un ton très dégagé : "Je kiffe bien les nuances empyreumatiques de ce vin". Succès garanti. »

Ophélie Neiman – MISS GLOUGLOU – dans « M » Le Magazine du journal Le Monde

Conclusion

45 La force du traducteur réside dans l’étendue de son expérience autant que dans ses connaissances linguistiques. L’acquisition de savoirs est une source constante de plaisir et d’enrichissement qui demande un esprit ouvert et une curiosité toujours en éveil.

46 Un traducteur spécialisé doit se tenir en permanence au courant des évolutions dans son domaine. Dans mon cas, cela peut avoir trait à des innovations techniques qui mettent en question la définition du vin, à l’utilisation des ressources naturelles, à de nouvelles techniques œnologiques ou à de nouveaux règlements sanitaires ou normes d’étiquetage. En outre, on ne saurait ignorer la croissance du mouvement écologique avec la multiplication des producteurs passant au bio, les préoccupations pour l’environnement à l’origine de pratiques comme la confusion sexuelle en viticulture et l’intérêt accru pour les vins naturels, donc sans intrants, et le nouveau vocabulaire y afférent.

47 C’est un monde en constante évolution, ce qui le rend d’autant plus fascinant.

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NOTES

1. http://www.unesco.org/new/fileadmin/MULTIMEDIA/HQ/SC/pdf/sc_mab_terroirs_FR.pdf 2. http://www.oenologuesdefrance.fr/gestion/fichiers_publications/444_ART251_1_V.pdf 3. Marcel Proust, 1987 [1913], À la recherche du temps perdu. Du côté de chez Swann, Paris, Gallimard, La Pléiade, vol. I, p. 46.

4. http://online.wsj.com/news/articles/SB10001424127887324735304578354481799586190 5. Sivertsen, H.K. and Risvik, E., 1994, « A study of sample and assessor variation: A multivariate study of wine profiles », Journal of Sensory Studies, 9: 293-312

6. http://www.chemins-vignerons.com/wfr/2009/02/la-roue-des-aromes/

AUTEURS

JANE MAYLIN

Jane Maylin est traductrice depuis plus de 10 ans, spécialisée en viticulture et œnologie. Elle entretient des liens privilégiés avec le monde du vin dans lequel elle a travaillé jadis. En 2013 elle a été évaluée Niveau 1 (excellent) ISO-9001 pour ses traductions. De nationalité anglaise, elle habite la région des Corbières, dans le sud de la France, depuis 1987.

www.traduction-vins-spiritueux.com

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La crème de la crème

Miranda Joubioux

1 En Irlande, les paysages sont d’une verdure époustouflante, le climat est tempéré et, avec plus d’un million de vaches laitières, le pays est l’un des premiers producteurs laitiers du monde. C’est là que j’ai grandi. À l’époque de ma mère, on barattait le beurre manuellement à la ferme, à partir de la crème du lait de la ferme. Elle nous a transmis son amour pour le beurre et surtout pour la crème. C’est pour cela que je me suis particulièrement intéressée à la nature de la crème en Irlande, au Royaume-Uni où j’ai vécu un certain temps, et en France.

2 La production de la crème varie d’une crème à l’autre, et d’un pays à l’autre.

3 En République d’Irlande, on trouve de la fresh cream1 et de la whipping cream2. On ne se complique pas la vie. Depuis quelque temps, on voit également de la crème fraîche à la française. En Irlande du Nord, sous l’influence des pratiques anglaises, on trouve de la single cream, de la double cream, de la whipping cream, de la sterilised half cream et de la half cream. En France, par contre, les principales crèmes sont la crème fraîche, la crème épaisse, la crème liquide et la crème fleurette.

4 Avant d’expliquer les différences entre toutes ces variantes, il faut d’abord comprendre comment on fabrique la crème. Il s’agit de séparer la matière grasse du lait. Ceux qui ont connu le lait livré à domicile par le laitier (en Irlande et Angleterre) sauront qu’on y trouvait souvent une séparation naturelle, la couche de crème remontant vers le haut.

On pouvait donc la décanter et l’utiliser comme une single cream.

5 De manière industrielle, la crème se fait au moyen d’une centrifugeuse. La machine est réglée pour produire la quantité de matière grasse désirée. Ensuite, la crème est pasteurisée pour tuer les bactéries. Plus elle est pasteurisée, plus son goût et sa durée de vie sont altérés.

6 Cependant, il reste encore des méthodes plus traditionnelles, telles que la méthode de la clotted cream ou de la Devonshire cream. Le lait de vache est d’abord filtré, puis laissé dans un grand récipient peu profond jusqu’à ce que la crème remonte. L’ensemble est chauffé au bain-marie à 80 - 90 °C pendant 40 - 45 minutes. Au bout de 24 heures, une couche de crème se forme avec une croûte solide que l’on peut facilement séparer du résidu de lait au-dessous. Cette méthode crée une crème à plus de 55 % de matière

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grasse. Elle est encore utilisée dans les îles Anglo-Normandes et dans le Devon, le Somerset et les Cornouailles. Désormais, il existe des méthodes plus industrielles pour faire de la clotted cream. Mais quelle en est l’utilisation ? On la mange souvent en accompagnement des scones, une pâtisserie écossaise.

7 Revenons aux différents types de crème. La double cream n’est pas une crème épaisse.

C’est une crème liquide contenant au moins 48 % de matière grasse. Cette crème peut être fouettée, mais difficilement. Cela demande plus d’effort qu’avec une whipping cream. On la verse souvent sur les desserts tels que les tartes aux pommes (apple pie). Le goût n’est pas du tout acide, puisqu’il n’y a pas de fermentation (souring). En France, les crèmes liquides sont souvent légèrement maturées par l’ajout de ferments. C’est pour cela qu’une crème liquide française ne s’utilise pas de la même façon.

8 La single cream est une crème liquide. Elle contient au moins 18 % de matière grasse et elle n’est pas stérilisée. On l’utilise dans le café, on la verse sur les desserts et on l’intègre dans les soupes et autres plats salés.

9 Qu’est-ce que la whipping cream, alors ? C’est une crème avec au moins 35 % de matière grasse et un fort pouvoir de foisonnement, ce qui permet d’y incorporer de l’air pour la rendre plus légère et volumineuse. Elle pourrait se comparer à la crème fleurette en France, qui contient 30 % de matière grasse.

10 La sterilised cream contient au moins 12 % de matière grasse et a été stérilisée, ce qui tue quasiment toutes les bactéries et permet une conservation de plusieurs mois hors réfrigérateur, avant ouverture. On l’appelle aussi UHT cream (ultra-high temperature), car la stérilisation se fait à très haute température.

11 La half cream est une crème à 12 % de matière grasse, mais qui n’a pas été stérilisée.

12 Il fut un temps où l’on trouvait encore de la sour cream en Irlande et au Royaume-Uni, une sorte de crème fraîche. Elle contient au moins 18 % de matière grasse et on lui ajoute des ferments lactiques qui en modifient le goût, la rendant plus acidulée et plus épaisse.

13 Désormais, on trouve très souvent de la « crème fraîche » (à la française) dans les îles britanniques. C’est très à la mode ; cet engouement s’explique par les nombreuses émissions de télévision relatives à la cuisine. Le pourcentage de matière grasse est précisé sur les emballages avec des versions « light », comme en France. Elle est un peu moins acidulée que la sour cream.

14 Pour ce qui est des crèmes françaises, la crème entière contient au moins 30 % de matière grasse. Le fait qu’elle soit liquide ou épaisse n’influence que sa texture, son goût, plus ou moins acidulé, et son comportement en cuisine. Sa texture n’a rien à voir avec le taux de matière grasse. On la reconnaît souvent par son capuchon rouge pour ce qui est de la version liquide.

15 La crème légère (bouchon bleu) compte entre 12 et 30 % de matière grasse.

16 Ces deux crèmes sont des crèmes fraîches. Elles ont été pasteurisées et ensemencées avec des ferments lactiques, ce qui leur donne leur goût et leur consistance.

17 Quelle que soit sa forme, la crème en France est maturée avec des ferments lactiques, à l’exception de la crème fleurette, qui est simplement pasteurisée (sauf mention contraire).

18 La crème anglaise, dont la traduction anglaise est souvent custard, n’est pas de la famille des crèmes ; il s’agit d’une sauce sucrée faite avec des œufs et du lait.

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19 La Chantilly est une crème fouettée (souvent UHT) aromatisée à la vanille et avec du sucre ajouté.

20 La crème a toute son importance dans la cuisine anglaise. Quand on entre dans une pâtisserie en Irlande ou au Royaume-Uni, on voit des quantités de pâtisseries à la crème (fouettée, avec ou sans sucre ajouté). Quand on parle de pâtisseries à la crème en France, il s’agit le plus souvent de crème pâtissière, préparée avec du lait, du sucre, de la farine et des œufs, ou de crème au beurre, fabriquée avec du beurre et des œufs, et donc très riche.

21 Naturellement, la langue anglaise a sa part d’expressions idiomatiques faisant référence à la crème :

The cream of the crop

Le meilleur de tous, impressionnant, le meilleur choix, le fleuron The cream of society

Le beau monde, l’élite, la jet set, la bourgeoisie The cat that got the cream

Une personne très satisfaite d’elle-même ou suffisante There are more ways of choking a cat than killing it with cream Il y a plusieurs façons d’atteindre son objectif

To cream someone

Vaincre ou détruire quelqu’un Cream rises to the top

La qualité d’une personne ou d’une idée finit toujours par se faire remarquer Peaches and cream

Quelque chose de très plaisant

Qualifie aussi un teint doux sans imperfection He’s a cream puff (argot)

Quelqu’un de faible, une mauviette, une poule mouillée Crème de la crème

Les meilleurs, la crème (même signification que Cream of the crop)

Comment trouver une traduction convenable ?

22 Nous, traducteurs, savons qu’une recette ou qu’une ligne sur la carte d’un restaurant peut être difficile à traduire, parce qu’il n’y a pas forcement d’équivalent en français ou en anglais. Pour ce qui est des recettes, voici quelques conseils : si vous traduisez de l’anglais en français, faites attention à votre choix de vocabulaire concernant la crème.

S’il s’agit d’une recette salée et que la crème est chauffée, alors il suffit de choisir l’équivalent en pourcentage de matière grasse. Le petit goût acidulé que l’on trouve dans les crèmes françaises ne changera pas trop le résultat.

23 Un exemple qui démontre que chaque cas se traite individuellement : les tagliatelles carbonara. Selon les recettes, ce plat est réalisé avec de la single cream (Jamie Oliver), de ladouble cream(BBC Good Food & Deliaonline.com), de lathickened cream(Taste.au) ou de la heavy cream (www.foodandwine.com USA). Pour les deux derniers exemples, on optera dans la traduction pour l’expression « crème fraîche ». On pourra traduire single cream par « crème liquide légère » et double cream par « crème liquide entière ». Sour cream pourra se traduire par « crème fraîche épaisse ». Et les mêmes questions se poseront pour les soupes, les quiches, etc.

24 Si le plat est sucré, les choses se compliquent. De manière générale, la crème qui est incorporée dans une recette anglaise sucrée n’a pas le goût acidulé si familier en

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France. Pour certaines recettes chauffées ou acidulées par nature, comme le cheesecake ou la custard tart (flan pâtissier), cela n’a pas vraiment d’importance. Par contre, pour la plupart des recettes sucrées, il faudra utiliser une crème sans ferments. La whipping cream peut être traduite par « crème fleurette », qui n’a pas de ferments lactiques. Il faut savoir qu’on peut également utiliser la crème fleurette sans la battre pour faire office de double cream. Par exemple, on pourra traduire la double cream utilisée pour faire une glace (ice-cream) maison par « crème fleurette liquide ». Cela évitera une glace au goût acidulé.

25 Quand on traduit la crème qui accompagne une recette ou un plat, on reste dans le même esprit. Face à des spécialités telles que la clotted cream qui accompagne les scones, il faut laisser le terme tel quel, quitte à l’expliquer avec une note de bas de page ou entre parenthèses.

26 Dans le sens contraire, du français en anglais, on a plus de liberté. C’est la matière grasse qui importe.

27 Si vous aimez cuisiner ou même préparer votre Irish Coffee pour agrémenter les longues soirées d’hiver, vous le saurez : la crème est tout un art !

NOTES

1. Il ne s’agit pas de crème fraîche, mais de crème liquide sans ajout de ferments lactiques.

2. Crème à fouetter.

AUTEUR

MIRANDA JOUBIOUX

Miranda Joubioux est de nationalité irlandaise. Elle a obtenu une maîtrise de linguistique à l’University College Dublin en 1987. Traductrice du français vers l’anglais depuis 1996, elle exerce en indépendante depuis 12 ans. Ses spécialisations sont le nautisme, la marine, l’architecture, la construction et le marketing. Pour plus d’informations : www.art4u.fr

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La langue des vignes. Vitis vinifera, une liane invasive à la terminologie exubérante

Dominic Michelin

Seule, dans le règne végétal, la vigne nous rend intelligible ce qu’est la véritable saveur de la terre. Quelle fidélité dans la traduction ! Elle ressent, exprime par la grappe les secrets du sol.

Colette1

1 Quel meilleur aphorisme pour lancer une réflexion sur la traduction liée au domaine de la culture de la vigne et aux nombreux sous-domaines qui en émanent ? L’univers de la vigne et du vin constitue en soi un véritable vivier terminologique, culturel et sociologique parfois digne d’une jungle. Aussi, comme avant d’introduire toute culture sur un terrain encore sauvage et touffu, il convient de procéder à un défrichage à la fois historique, botanique, sémantique et terminologique.

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Illustration de Casal parue dans Le Nouvelliste (Suisse) et réalisée pour le site http://

www.sigales.fr/etudes_sols_terroirs/contacts_sigales.html

2 Avant de devenir traducteur et de me spécialiser dans certains domaines agronomiques dont celui de la vigne et du vin, j’ai occupé différents postes liés au commerce et à la communication dans un cadre international, notamment pour un négociant en vins de Côte-d’Or. Mon travail, outre le suivi des commandes et la prise en charge des clients étrangers dans la triple combinaison linguistique français-anglais-espagnol, consistait à faire visiter les parcelles et la cave ancestrale du domaine et à animer les dégustations, autant dire une mission récurrente d’interprétation qui nécessite de bien connaître non seulement les termes appropriés mais aussi – et surtout – l’« amont » du vin (origine, terrain, culture, histoire) afin de bien pouvoir parler de l’« aval », le jeu de mots sur ce dernier terme étant évidemment fortuit, puisque comme chacun sait, lors de la dégustation, le vin est servi, observé, humé, goûté, et bien sûr recraché !

3 Depuis que je suis traducteur, j’ai eu l’opportunité – et le plaisir – d’utiliser ces connaissances et cette expérience en différentes occasions : traduction d’un questionnaire d’examen en sommellerie, retranscription de scripts d’un film sur les dégustations de porto, communiqués de presse pour une maison de champagne ou encore comme interprète pour une tonnellerie de ma région, mission qui m’a notamment rappelé l’importance extrême du contenant, le fût en l’occurrence, dans la qualité d’un vin prestigieux. L’objet de cet article est donc de donner un aperçu de la typicité de ce domaine et du vocabulaire spécifique requis pour un traducteur- interprète, tout en essayant de montrer et de transmettre l’intérêt et le plaisir que l’on peut en tirer.

4 Les peuples méditerranéens commencèrent à sortir de la barbarie quand ils apprirent à cultiver l’olivier et la vigne. Justin2

5 Immémoriale, la culture de la vigne est liée à l’activité agricole humaine depuis ses balbutiements. D’abord pratiquée en Europe et en Asie (Moyen-Orient, Caucase), son réel essor est à mettre à l’actif – via les Phéniciens – des Grecs et des Romains qui en développent l’attrait et l’intérêt dans le reste des régions européennes et méditerranéennes quelques siècles avant le début de l’ère chrétienne. En réalité, le vin serait apparu 11 000 ans avant notre ère, quand l’oubli supposé de quelques grappes de raisin au fond d’une cruche révélèrent tout l’intérêt de la fermentation de ces fruits, jusque là simplement consommés à maturité. On peut imaginer que les premiers

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échanges de cette denrée déjà prometteuse ont nécessité le recours à des traducteurs et des interprètes pour transmettre l’ensemble des techniques de culture, de fabrication et de consommation, sans parler de la promotion, de la vente et de l’exportation de ce tout nouveau produit nécessitant déjà des connaissances et un savoir-faire appropriés.

6 L’art de planter, replanter, tailler et cultiver la vigne fut surtout pratiqué par les Grecs et les Romains qui l’érigèrent en véritable culture dans les deux sens du terme. L’Italie, grâce aux Étrusques, Carthaginois et Romains, fut le premier territoire d’implantation à grande échelle de la vigne et de son commerce. Au fur et à mesure de l’extension de l’Empire romain, des vignobles furent plantés à proximité des lieux de garnison afin d’approvisionner l’armée et de remonter le moral des troupes, marquant incidemment la genèse d’une certaine géographie viticole européenne. Par la suite, l’expansion du christianisme préconisant l’usage du vin autant dans le cadre ecclésiastique que médicinal, contribuera au développement de la viticulture en Europe au cours des premiers siècles de l’ère chrétienne avec l’apparition de nombreux monastères et sites dédiés qui en intensifieront la pratique et la consommation, ainsi que l’influence sociale. Les propriétés aussi multiples que mystérieuses de ce liquide complexe justifient d’ailleurs son rôle central dans bien des rites religieux ou païens. L’art comme les représentations historiques et culturelles prendront en outre la vigne comme symbole incontournable de la vie et de la civilisation occidentale.

Présentation botanico-agronomique

7 Mais commençons par le début : la vigne (genre botanique vitis) est un arbrisseau ligneux de la famille des Vitaceae (ou Ampélidées) et comporte deux sous-genres déclinés en plusieurs dizaines d’espèces. Elle croît dans les régions chaudes ou tempérées et compte de multiples espèces dont la vitis vinifera, cultivée pour ses fruits en grappes appelés raisins, qui constitue par essence la principale espèce des vignes cultivées en Europe et dans le monde. Le jus de ces raisins possède la propriété naturelle de se transformer en vin après fermentation alcoolique.

8 Ladite vitis est à l’origine de très nombreux cultivars3, appelés cépages, qui produisent des vins de différentes qualités dont ils déterminent en grande partie l’arôme et le goût, et dont la complexité demeure encore aujourd’hui mystérieuse, fruit de divers facteurs allant du plant au territoire en passant par le climat, avant même de parler de la vinification.

9 La vigne préfère les sols caillouteux et poreux qui se réchauffent facilement, tels les terrains siliceux qui produiront des vins plutôt légers, ceux essentiellement argileux qui engendreront des vins colorés, alcooliques, corsés et tanniques, ou encore ceux à dominante calcaire qui donneront naissance à des vins alcooleux4 et bouquetés5. En l’occurrence, la célèbre « Côte » bourguignonne réunit les trois, ce qui explique en partie la richesse et la variété de ses vins. La vigne est capable de se développer en maints endroits du monde y compris en des lieux assez inattendus, même s’il convient de reconnaître que les régions où elle est cultivée intensivement se situent entre le 30e et le 50e parallèle en raison de l’équilibre idéal atteint en termes de température, d’ensoleillement et de précipitations, et du fait que ces contrées ont pour la plupart bénéficié des traditions culturelles et culturales européennes en la matière au cours de leur histoire. Si la vigne est extrêmement sensible au type de sol et au climat, elle possède une surprenante capacité d’adaptation climatique et géographique, au vu des

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pentes et des hauteurs exceptionnelles qu’elle gravit et atteint dans certaines parties du monde et des fortes amplitudes de température qu’elle supporte pour produire au final d’excellents vins, notamment quand ces conditions naturelles l’obligent à lutter pour survivre. Ainsi, quelques arpents de vigne judicieusement situés sont susceptibles de créer – avec l’aide de l’homme – une cuvée mémorable ! Cette plante constitue donc un spécimen d’étude botanique éminemment intéressant pour la recherche agronomique.

10 Au fil du temps, la vigne a été introduite sur tous les continents, et la viticulture a pris une réelle importance en Amérique, en Australie, en Afrique du Sud et en Chine, pour ne citer que les régions les plus florissantes de ce qui est communément appelé le

« Nouveau Monde ». Elle est aujourd’hui cultivée, sous forme d’alignements, de treilles ou encore de cultures palissées, aux quatre coins de la planète, démontrant ainsi ses qualités d’adaptation géographique, son ancrage historique et son influence culturelle et linguistique. Et pourtant… Il s’en est fallu de très peu que son destin, et celui du vin, ne bascule dans l’oubli à la fin du XIXe siècle.

Le phylloxéra, un fait historique déterminant

11 Tout le monde ou presque a entendu parler du phylloxéra, responsable de la quasi- éradication des plants de vigne européens. Le Phylloxera vastatrix, improprement nommé à l’origine (parasite des feuilles), est un minuscule mais redoutable insecte découvert peu avant 1870, qui s’attaque aux racines des plants de vigne en se dissimulant dans le sol. Comble d’ironie, il provient du continent américain via des plants importés en Europe à des fins de recherche sur un autre parasite, un champignon appelé oïdium. Ses morsures, mortelles et dévastatrices pour les plants européens (le vignoble français fut réduit de moitié en dix ans), furent heureusement inoffensives pour les plants américains, notamment le typeVitis labrusca. Il fut donc procédé, après des dizaines d’années de lutte et de dévastation, à un greffage progressif des plants français sur des porte-greffes américains, résistants, eux, à leur compatriote d’insecte. Autre belle surprise et joli retournement de l’histoire, les plants français greffés ne perdirent aucunement en qualité !

12 La vigne est une plante qui peut vivre très longtemps. Peu de gens le savent, mais il existe encore quelques rares vignes dites « préphylloxériques ». C’est le cas de la « vigne de la ferme Pédebernade », située dans le Val d’Adour près du piémont pyrénéen, à Sarragachies (Gers), au cœur de l’appellation Côtes-de-Saint-Mont, et dont la plantation remonte aux environs de l’année 1820. Particularité extraordinaire, elle conserve des pieds non greffés endémiques au piémont pyrénéen ayant échappé au phylloxéra à la fin du XIXe siècle, et a même été inscrite au titre des monuments historiques en 2012, une première en France. Par ailleurs, la maison Bollinger, en Champagne, produit une cuvée Vieilles Vignes Françaises à partir d’un vignoble épargné par le phylloxéra. Ces vignes sont franches de pied (non greffées), conduites en foule (à l’alignement aléatoire) et travaillées manuellement. Cette cuvée n’est commercialisée que millésimée, et permet de retrouver le goût du Champagne tel qu’il était au XIXe

siècle.

13 Au Portugal, dans la vallée du Douro, une parcelle de vigne appelée La Nacional couvrant 2,5 hectares et produisant le rarissime Porto Vintage Noval Nacional, a elle aussi été épargnée par le phylloxéra. En Australie, dans la Barossa Valley, le vignoble de Langmeil

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planté en 1843 a été classé au Barossa Old Vine Charter pour empêcher son arrachage.

Enfin, l’unique pays de culture de vigne au monde où le phylloxéra n’a jamais pénétré est le Chili, où toutes les vignes sont donc « franches de pied » ou « à pied franc ».

14 Et savez-vous où se trouve la vigne la plus ancienne du monde ? À Maribor en Slovénie, où elle fut plantée il y a… 400 ans. Cette stara trta (« vieille vigne » en slovène) croît le long de la façade de la Maison du vin, musée dédié au vin et à la vigne, et produit 35 à 55 kilos de raisins par vendange dont le vin est conditionné dans une centaine de bouteilles miniatures.

De l’importance du contexte… en viticulture aussi !

15 Avant d’entamer la partie purement terminologique de la viticulture, penchons-nous sur les facteurs majeurs influençant les spécificités de la vigne et du vin.

16 On sait depuis longtemps que le climat influence considérablement le développement de la vigne et donc la qualité gustative du raisin et du vin. Le climat, s’il est essentiel en termes de pluviométrie, de température, d’ensoleillement et de luminosité, ne doit cependant être ni trop froid ni trop chaud, car il influe sur l’acidité et la teneur en sucre du raisin et sur les incontournables polyphénols (molécules organiques présentes dans le règne végétal, et dont le rôle éminent d’antioxydants s’avère extrêmement bénéfique pour la santé), autrefois appelés – et pour cause – tannins végétaux.

17 Le soleil est un facteur crucial du caractère final du vin. En captant l’énergie solaire, les feuilles de la vigne emmagasinent de la chaleur qui transforme les amidons des feuilles en sucres. Pour schématiser, beaucoup de soleil égale beaucoup de sucre mais insuffisamment d’acidité, sachant que c’est l’acidité qui donne sa structure au vin et que c’est le sucre qui alimente les levures produisant l’alcool. Trop peu de soleil implique un excès d’acidité et un taux insuffisant d’alcool dans le vin.

18 La pluie, quant à elle, affecte non seulement la quantité mais aussi la qualité du raisin, et en rend les grains gros, fermes et juteux ou petits, resserrés et plus secs selon son abondance. Au moment des vendanges, elle peut se révéler particulièrement calamiteuse en favorisant certaines maladies, champignons ou parasites nocifs, par une humidité permanente sur toutes les parties végétales.

19 L’emplacement géographique, la composition du sol et la structure géologique constituent les autres facteurs déterminants du développement de la vigne et de la qualité de sa production. En effet, un sol de qualité est la condition sine qua non d’un bon raisin qui est lui-même la condition sine qua non d’un bon vin. Le sol doit être poreux pour favoriser le drainage car si la vigne aime la chaleur, la sécheresse et le soleil, il lui faut un minimum d’eau. D’une façon générale, la vigne ne doit pas être prospère, mais plutôt « bonsaïsée6 » pour l’obliger à chercher dans le sous-sol en profondeur via le système racinaire les divers nutriments indispensables à l’élaboration d’un bon raisin, et donc d’un bon vin.

20 Enfin, pour terminer cette présentation du cadre naturel, intéressons-nous à cette notion qui prévaut par-dessus tout en viticulture, celle de « terroir ». Ce terme spécifiquement français souvent confondu avec « territoire », va bien au-delà de la combinaison complexe du sol, du climat, du travail de la vigne (humain ou mécanique) et de l’attention qui lui est prodiguée tout au long de sa croissance. Le mot « terroir » désigne en fait un territoire avec ses particularités physiques, ses productions, ses

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traditions, sa culture, individuellement et collectivement façonnés par l’activité et le caractère des personnes qui y vivent et y travaillent. Cette notion, essentielle afin d’en rendre tout l’impact et toute la précision dans une traduction selon le contexte, est détaillée dans la partie suivante consacrée à la terminologie.

Balade étymologico-terminologique

21 Pour intégrer l’ensemble du vocabulaire de la viticulture, il convient de commencer par quelques remarques d’ordre étymologique. Car si le mot « vigne » désignait à l’origine en latin (vinea) le lieu où l’on cultive la plante (vitis) aujourd’hui éponyme en français, il s’applique désormais autant à la plante qu’à la parcelle ou au domaine où celle-ci est cultivée à grande échelle. Rappelons à ce sujet que le terme « vigne » en français peut revêtir jusqu’à quatre acceptions distinctes : la plante, la parcelle, la souche ou pied et, au pluriel, un domaine planté d’une ou de plusieurs vignes !

22 Et si les termes dérivés de « vigne » tels que « vignoble » et « vigneron » s’avèrent assez transparents, en revanche, la « vignette », aux multiples significations qui semblent pourtant bien éloignées du mot « vigne », en dérive bel et bien. En effet, jusqu’au XVIe

siècle, on appelait ainsi les ornements en forme de pampres et de ceps dont on décorait les coupes ou les fourreaux d’épée avant que le mot ne passe dans le vocabulaire de l’imprimerie pour désigner de petites gravures ou illustrations et, enfin, dans une évolution plus récente, de petites images séparées, comme les timbres ou les illustrations. Autre méandre étymologique intéressant, la « vis », d’apparence si commune, vient en droite ligne – si l’on peut dire – de vitis, pour, vous l’aurez compris, la forme vrillée si particulière de son pied appelé cep. Le mot « viniculture », autrefois synonyme et demeuré quasi-homonyme – trompeur – de « viticulture », désignait alors l’ensemble des activités ayant pour but la production du vin, englobant la culture de la vigne et la fabrication du vin. Ces termes, apparus dans la terminologie de la vigne et du vin au cours du XIXe siècle, doivent être aujourd’hui dissociés, pour bien distinguer les activités de culture de la vigne (viticulture) et les activités ayant pour but l’élaboration du vin (viniculture). Cette évolution lexicologique a naturellement entraîné l’apparition du terme « vitiviniculture » ou « viti-viniculture » pour désigner la réunion des deux activités que pratique souvent une même personne ou une même entreprise. Les substantifs « viticulteur », « viniculteur » et les adjectifs « viticole »,

« vinicole » et « viti(-)vinicole » procèdent de la même origine lexicologique.

23 Il n’y a de sérieux ici-bas que la culture de la vigne. Voltaire7

24 Pour encore mieux cerner toute la portée de l’activité de la viticulture et son impact crucial sur son produit final, il est pertinent de la décomposer en sept parties distinctes, elles-mêmes composées de termes spécifiques. Ne sont mentionnés ici que les plus spécialisés et les plus évocateurs de la richesse de la terminologie vitivinicole, explicités dans le glossaire qui figure en fin d’article, accompagnés de leurs équivalents anglais et espagnols.

la plantation (défonçage, échalas, plantier, sous-solage), l’entretien du sol (fumure, millerandage),

le végétal (aoûtement, lignification, bourillon, grume, pruine, sarment, vrille, rafle), le cycle végétatif (débourrement, effeuillaison, défeuillaison, défoliation, nouaison, véraison, pleurs),

1.

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3.

4.

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la taille (ébourgeonnage, épamprage, cimage, palissage, rognage, défeuillage, effeuillage, recépage, relevage, éventail, palmette, gobelet),

la multiplication (clone, greffon, porte-greffe, sujet, aoûter),

le traitement des maladies (cochylis, botrytis, coulure, phylloxéra, mildiou, oïdium, pyrale).

25 Terme ô combien approprié, la « conduite » d’une vigne s’étale sur de nombreuses années. Cruciale parmi les activités précitées, et visant à limiter la croissance naturellement galopante de la vigne, la taille est une opération viticole indispensable qui s’effectue idéalement après les plus fortes gelées, lors du repos végétatif. Elle se décline en une multitude de techniques particulières que recouvrent des termes extrêmement imagés : cordon de Royat, courgées du Jura, gobelet, guyot (simple, double, mixte), lépine, ou encore sylvoz.

Quand la vigne pousse sur un sol quasi-lunaire… (Hauteurs de Collioure, P-O).

Photo D. Michelin 24/05/2014

26 Le fruit de la vigne, appelé raisin, peut quant à lui être consommé en tant que fruit frais et se dénomme alors tout simplement « raisin de table » ou « raisins secs » si séché, et peut bien sûr être pressé pour fabriquer du jus de raisin. Ce jus instable nécessite toutefois une stérilisation rapide pour être conservé en tant que jus de fruit, voire une transformation pour devenir du vin par un processus de fermentation alcoolique du raisin frais ou du moût de raisin, appelée en ce cas « vinification » ou, s’il est destiné à devenir du vinaigre, « acétification ». Enfin, la « distillation » (procédé permettant d’obtenir de l’alcool en chauffant un liquide faiblement alcoolisé) du vin donne de l’eau-de-vie. Dans ces trois derniers cas, on emploie des cépages spécifiques de « raisin de cuve ».

27 Revenons à la notion de terroir évoquée plus haut, qui n’a pas d’équivalent direct en anglais où le terme français est souvent utilisé pour l’exprimer. L’espagnol, également

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