• Aucun résultat trouvé

Évolution de la taille des grains sur le Plateau Antarctique

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "Évolution de la taille des grains sur le Plateau Antarctique "

Copied!
3
0
0

Texte intégral

(1)

Évolution des propriétés physiques de la neige sur le Plateau Antarctique

S

i la réalité du réchauffement climatique est approuvée par la communauté scientifique (IPCC, 2013), ses origines physiques, son intensité actuelle et son évolution font encore débat. C’est pourquoi les climatologues s’efforcent de mieux comprendre et prévoir les changements climatiques en s‘appuyant sur des modèles numériques du climat. Ces modèles représentent cependant la Terre de manière très simplifiée et la qualité des prévisions est souvent limitée par une compréhension incomplète des processus physiques en jeu. Mes travaux de thèse ont visé à améliorer ces modèles, particulièrement sur la calotte polaire antarctique, dont l’avenir est déterminant pour la montée du niveau des mers.

Figure 2 : Vue aérienne des alentours de Dôme C.

L

es régions polaires sont les plus marquées par le réchauffement actuel, le retrait de la banquise et la fonte des calottes en étant ses conséquences les plus manifestes. Mais leur sort impacte l’ensemble de la planète, notamment par le biais de la montée des océans qui dépend de la fonte des calottes, au premier rang desquelles la calotte antarctique, dont il est primordial de prédire l’évolution.

Malheureusement, elle demeure peu connue, la faute aux observations qui y sont rares et rendues délicates par les conditions météorologiques. L’avènement des observations satellite ces dernières années a certes permis d’étudier des zones jusque-là inexplorées, mais il faut souvent aller observer sur place la réalité des processus physiques pour les appréhender. C’est ce à quoi je me suis attaché durant ma thèse.

P

our prédire l’évolution de la calotte antarctique, il faut bien comprendre les interactions entre sa surface et l’atmosphère. Je les ai donc étudiées en détail, surtout sur le Plateau Antarctique (Figure 1), région encore méconnue et grande comme 15 fois la France. Situé au cœur de la calotte, ce plateau est recouvert de neige en permanence (Figure 2), si bien que les échanges énergétiques à sa surface sont contrôlés par les propriétés physiques de la neige, notamment sa densité et la taille des grains de neige. C’est pourquoi j’ai cherché à comprendre quels facteurs influencent ces propriétés, en m’appuyant sur des observations in situ collectées autour de la station Concordia à Dôme C (Figure 1). Ces observations ont souligné l’importance du rayonnement solaire et du vent dans l’évolution du manteau neigeux, et m’ont permis de développer et d’améliorer des outils de simulation numérique utiles à la prévision du climat.

© Quentin Libois

Figure 1 : Carte du continent antarctique. Le contour rouge délimite le Plateau Antarctique, situé au-dessus de 2500m.

(2)

Évolution de la taille des grains sur le Plateau Antarctique

Si l’absorption d’énergie solaire nous intéresse tant, c’est qu’elle détermine les gradients de température dans la neige, eux- mêmes responsables du grossissement des grains. On parle de métamorphisme (Colbeck, 1982). Comme des gros grains absorbent plus d’énergie que des petits (Warren, 1982), cela donne lieu à une boucle de rétroaction positive (Figure 7). Sur le Plateau Antarctique, les températures sont tellement froides que ce processus est très lent, et l’on a longtemps cru que la neige n’évoluait pas. Ce n’est que récemment que des mesures satellite ont suggéré que les grains grossissaient au cours de l’été

(Picard et al., 2012). Ces observations satellite devaient cependant être confirmées sur le terrain, raison pour laquelle j’ai installé à Dôme C en 2012 un instrument permettant de mesurer en continu la taille des grains. En parallèle, j’ai amélioré le modèle Crocus pour simuler l’évolution de la neige. Pour la première fois, le grossissement des grains était observé directement, et nous parvenions à le simuler correctement (Figure 5). Cette version améliorée de Crocus a également permis de reproduire les variations de taille de grain observées par satellite depuis 2000 (Figure 6).

Absorption de l’énergie solaire dans le manteau neigeux

Schématiquement, la neige est constituée d’un ensemble de grains de glace. Comme la glace est translucide, la lumière pénètre à l’intérieur du manteau, puis est diffusée un grand nombre de fois avant d’être absorbée ou de ressortir (Figure 3).

En été sur le Plateau Antarctique, la plupart de l’énergie que reçoit la surface provient du rayonnement solaire. Il fallait donc comprendre comment la neige absorbe cette énergie. Nous avons pour cela utilisé un modèle de transfert radiatif qui représente les grains par des sphères. Afin d’évaluer ce modèle, un instrument permettant de mesurer l’intensité lumineuse à l’intérieur du manteau a été développé (Figure 4), et la comparaison des mesures avec nos simulations numériques a montré que le modèle surestimait la profondeur de pénétration du rayonnement (Figure 3). La représentation sphérique s’est avérée inappropriée, mais utiliser des formes plus complexes, telles des fractales, a permis de mieux rendre compte des observations. J’ai ainsi développé un code radiatif dans lequel la forme des grains peut être choisie librement. Ce code, qui a été implémenté dans le modèle de neige Crocus de Météo-France, est désormais disponible sur internet1.

1 http://lgge.osug.fr/~picard/tartes/

Figure 3 : Représentation schématique de la pénétration de la lumière dans la neige. La lumière pénètre plus profondément lorsque la neige est constituée de grains sphériques que lorsqu’elle est constituée de grains de formes plus complexes.

Figure 4 : Mesure d’intensité du rayonnement solaire dans la neige réalisée à proximité de Dôme C.

© Quentin Libois

Figure 5 : Évolution de la taille des grains de neige à Dôme C durant l’été 2013-2014. Comparaison entre mesures et simulation numérique.

Figure 6 : Évolution de la taille des grains de neige à Dôme C de 2000 à 2014. Comparaison entre observations satellite et simulation numérique. Les bandes grises indiquent le métamorphisme estival.

(3)

Pour aller plus loin:

Colbeck, An overview of seasonal snow metamorphism, 1982. Reviews of Geophysics.

IPCC, 2013, Climate Change 2013: The Physical Science Basis, 2013. Cambridge University Press.

Fischer et al., Where to find 1.5 million yr old ice for the IPICS "Oldest-Ice" ice core, 2013. Climate of the Past.

Picard et al., Inhibition of the positive snow-albedo feedback by precipitation in interior Antarctica, 2012. Nature Climate Change.

Warren, Optical properties of snow, 1982. Reviews of Geophysics.

Impact du vent sur la neige

Nous avons expliqué les variations temporelles de la taille des grains, mais la variabilité spatiale observée à Dôme C et due au vent (voir Figure 2) n’est pas simulée par Crocus. Une méthode permettant de la simuler de manière stochastique a donc été développée. 50 simulations lancées en même temps représentent 50 zones proches les unes des autres. A chaque coup de vent, de la neige est transportée d’une zone vers une

autre. L’analyse comparée des 50 zones permet d’estimer la variabilité spatiale de la neige. Cette approche innovante a permis d’expliquer la variabilité spatiale de l’accumulation de neige à Dôme C, paramètre crucial pour la datation des carottes de glace. Elle permet aussi de prédire la qualité d’un site de carottage en fonction des conditions météorologiques locales, ce qui pourrait être utile dans la quête d’une glace d’un million d’années, objet de toutes les convoitises (Fischer et al., 2013).

Figure 7 : une boucle de rétroaction positive

1: Le grossissement des grains entraine une augmentation de l’énergie solaire absorbée.

2: L’énergie absorbée réchauffe les premiers centimètres du manteau.

3: Les gradients verticaux de température générés activent le métamorphisme et le grossissement des grains.

 La boucle s’amplifie.

E

n combinant travaux théoriques, développement instrumental, mesures de terrain et simulations numériques, ces travaux ont participé à accroître notre compréhension du climat antarctique. Au-delà de la thèse, ces résultats servent à la prévision du risque d’avalanche, à l’interprétation des carottes de glace, et à l’étude de l’impact du carbone suie au Groenland.

Notre modèle simulant correctement l’évolution de la neige en Antarctique, des prévisions climatiques plus réalistes peuvent aujourd’hui être envisagées dans cette région. Cependant la neige n’est qu’une composante parmi tant d’autres du système Terre et c’est à force de modestes contributions que l’on améliorera les prévisions. Pour ce faire, favoriser la pluralité des approches me paraît essentiel, tout comme investir dans les mesures in situ, qui font souvent défaut à la communauté des climatologues.

— Quentin Libois —

Références

Documents relatifs

Les deux chapitres suivants (chapitres 2 et 3) pr´esentent l’ensemble des m´ethodes d´evelopp´ees et / ou utilis´ees pour caract´eriser le manteau neigeux, sp´ecialement pour

Ce travail de thèse avait donc pour objectif premier de concevoir un nouvel instrument de mesure de la surface spécifique de la neige à partir de sa réflectance infra-rouge. Les

The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers.. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est

Différences entre les flux de chaleur sensible de Crocus et ERA-interim (juillet

hauteur, de forme arrondie, aux pentes douces. Grande élévation de terrain,

Sur certaines zones, par exemple la région sur la côte Est entre la Terre Adélie et la Terre de Guillaume II (Whilhem II land) (Figure 1.2), le biais d’amplitude Crocus n’est

Dans le domaine micro-onde, l’émission du manteau neigeux est dominée par plusieurs propriétés : la taille et la forme des grains de neige, les variations de densité

Puisque le vent horizontal n’est pas modifi´e, la formulation suppose que la masse d’air escalade les reliefs pleine pente plutˆot qu’il ne les contourne (cf.. 3.1 : Quantification