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La limitation de responsabilité en matière de préjudices corporels

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La limitation de responsabilité en matière de préjudices corporels

CHAPPUIS, Christine

CHAPPUIS, Christine. La limitation de responsabilité en matière de préjudices corporels. In: F.

Werro / P. Pichonnaz. Le préjudice corporel: bilan et perspectives . Berne : Staempfli, 2009. p. 292-324

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:5006

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(2)

La limitation

'de

la responsabilité en matière de préjudices corporels '

Christine Chappuis

Professeure à la ,Faculté de droit de l'Université de Genève

1. Les préalables 292

A. Rappels et délimitations 292

B. 'Limitation de responsabilité en praiique 294

C. ' Quelques cas iIlustratifs 297

li. Les exceptions à la liberté de limiter la responsabUité et leur

incidence sur les préjudices corporels 297

A. Le dol et la faute grave 298

B. Autres limites 300

1. Droit suisse 300

2. Instrumentsintemationaux et européens 302

C. Les bonnes moeurs 3'04

D, Appréciation personnelle 306

III. L'existence

et

la portée des conventions limitant la pour préjudices corporels

A. Clauses contenues dans des conditions générales 1. Contrôle de l'incorporation

2. Contrôle du contenu B. Interprétation restrictive C. Portée personnelle de la clause D. Avis unilatéral..!de non responsabilité IV. Conclusion'

Ouvrages cités

responsabilité 307 307 ,,308 309

312 317 319 ,321 323

Une chose est certaine:. p'ersonne n'aime les clauses limitatives de resp-~::m·

sabitite, sauf le dépiteur, bien sil!. Que tout sujet de droit doive assUmer sa responsabilité 'découlant des préjudices qu'il a causés lorsque les condi, tians reqüises en sont réunies, semble relever de'la justice la plus élémen- taire. Cela est d'autant plus vrai lorsque ce préjudice se rapporte à la per- sonne humaine atteinte dans son bien juridique le plus précieux, sà vie ou son intégrité physique ou psychique. L'on aurait ainsi ,spontanément ten- dance à considérer que l'ordre juridique ne peut pas tolérer une limitation de la responsabilité pour les préjudices corporels., L'Avant-projet de révi-

291

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CHRISTINB CHAPPUIS

sion du droit. de la responsabilité civile (AP) va dans· ce sens en prévoyant que « toute convention excluant ou limitant par avance la responsabilité pour une atteinte à la vie ou à l'intégrité physique ou psychique d'une personne ou pour une atteinte à l'environnement est nulle» (art. 57. al. 1 AP).

Après les préalables indispensables, nous examinerons si l'on peut admet-. tre, en droit actuel, l'existence d'une interdiction générale de se libérerpar avance des préjudices corporels causés à autrui et quelles sont les limites à l'autonomie des parties dans ce domaine.

1. Les préalables

A. Rappels et délimitations

La présente contribution part de deux points qui seront considérés comme admis. Premièrement, un dommage corporel a été causé à la victime. L'on entend par là une diminution patrimoniale ou un tort moral résultant d'une atteinte à l'intégrité corporelle ou à la vie. Deuxièmement, les cpnditions de la responsabilité sont réunies dans le cas d'espèce, ce qui signifie que la victime est en principe titulaire d'un droit à réparation dirigé contre celui à qui le dommage corporél est imputable. En d'autres termes,. ce dommage est en lien de causalité naturelle et adéquate avec un chef de responsabilité quelconqüe - qu'il s'agisse d'une responsabilité fondée sur un acte illicite propre (art. 41 CO) ou l'acte illicite d'un auxiliaire (art. 55 CO)', d'une responsabilité fondée sur la violation d'une obligation par le débiteur (art. 97 CO) ou par une personne dont celui-ci répond (art. 101 CO)' ou encore d'une responsabilité fondée. sur un autre chef de respon- sabilité prévu par le CO (aIt. 56, 58 CO, etc.) ou une loi spéciale (LRFP, LCR, etc.).

n

est généraleinent acquis que les parties peuvent aménager· les. consé- . quences de leur responsabilité par convention avant qu'un dommage ne se produise. Ce· n'est là qu'une expression du principe général de l'autonomie de la volonté en matière contractuelle (art. 19 CO). L'effet juridique d'une telle convention est la renonciation par la victime d'un dommage à l'avantage légal lui conférant le droit d'en demander la ré-

Art. 41 CO et 55 CC si l'acte illicite est le fait de l'organe d'une personne rn~rale.

Art. 97 CO et 55 CC si l'inexécution est le fait de J'organe d'une personne morale . .

292

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La limitation de la rçsponsabilité en matière de préjudices corporels

paration en vertu des dispositions susmentionnées'. L'accord surl'éiendue de la responsabilité des parties déroge au régime prévu par la loi en rela- tion avec les effets d'une convention ou d'un acte illicite. Il faut partir du principe qu'un tel accord est possible partout où la loi ne l'interdit pas.

Lorsque toutes les conditions de la responsabilité d'une partie - qui de- vient alors débitrice de la victime - sont réunies, les clauses supprimant cette responsabilité ou en limitant l'étendue sont regardées avec méfiance.

Cette réticence s'explique notamment par le fait que le consentement à' renoncer au droit d'obtenir la réparation d'un dommage, ou à limiter ce droit, intervient avant que ne survienne le dommage. Dans ces conditions, il est difficile all rerionçant de prévoir concrètement Ce à quoi il renonce.

Une fois' qlle le dommage est effectivement' survenu et que les consé- qllences d'une violation sont concrétisées, la disposition de la victime à renoncer à son droit n'est évidemment plus la même4La réticence géné- rale observée face aux clauses restrictives de responsabilité augmente encore lorsque le responsable d'un dommage oppose une telle clause à la demande de la victime visant l'indemnisation du dommage corporel subi.

N'est-il pas inacceptable de porter atteinte à l'intégrité corporelle ou à la vie d'autrui et de refuser d'indemniser le tort ainsi causé?

Par ailleurs, une convention sur les conséquences de la responsabilité' du débiteur ne se conçoit que si le débiteur et la victime ont eu un contact préalable à la survenance du préjudice corporel et se sont mis d'accord sur , le fait que le débiteur n'en répondrait pas ou seulement de manière limi-

tée. Le champ de i'analyse se recoupe donc pour l'essentiel avec le champ du contrat.

Du point de vue des délimitations, il convient de signaler trois difficultés.

Premièrement, il n',st pas aisé de distinguer les clauses affectant la res- ponsabilité proprement dite, c'est-à-dire l'obligation de réparer le dom- mage causé à autrui, d'àutres conventions qui sont proches dans leurs effets juridiques (clauses modifiant la répartition des risques, définissant les obligations des parties ou limitant la garantie), A vrai dire, ces diverses

4

YUNG, p. 141.

C'est la ra'ison pour laquelle plusieurs lois spéciales de responsabilité font une distinc- tion entre les conventions excluant ou restreignant la responsabilité par avance (nulles) et les conventions par lesquelles les parties fixent le montant de l'indemnité (annu- lables) : par ex., art. 87 al. 1 et 2 LCR, art. 8 al. 1 et 2 LR.CN et le récent art. 40e al. 1 et 2 LCdF (voir infra, n. 30). Voir aussi les art. 57

et

58 de l'Avant-projet de révision et d'unification du droit de la responsabilité civile (AP).

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CHRISTINE CHAPPUIS

clauses sont soumises aux mêmes restrictions, du moins Pat: analogie, en . raison de la similitude de leurs effets juridiques péjorant pour la situation juridique du créancier'. Deuxièmement, l'on 'distingue' traditionnellement entre les relations commerciales (entre professionnels) et les relations civiles (entre professionnels et consommateurs). Selon les' parties à un contrat, les problèmes se posent de manière très différente. Entre con- sommateur et professionnel, un besoin de protection de l'un contre l'autre est supposé, alors qu'entre professionnels, l'on présume l'égalité des forces. Il est vrai que, même dans les rapports entre professionnels, il peut exister un fossé entre les parties, notamment en terme de èonnaissances spécifiques à la branche concernée. En dernier lieu, la distinction entre contrats (ou clauses) négociés par' opposition aux contrats d'adhésion a pris une importance grandissante, même entre professionnels. Cette dis- tinction, issue du droit de la consommation, ne se confond pas avec la distinciion plus traditionnelle entre affaires civiles et commerciales. Met- tant en lumière le consentement nécessaire au contrat, elle permet de mieux cibler la partie faible afin de diriger efficacement la protection nécessaire.

B. Limitation de, responsabilité en pratique

Les conventions limitant la responsabilité du débiteur sont susceptibles d'être contenues dans des contrats de tous types. Les conventions d"exo- nération totale sont probablement plus rares que celles tendant à restrein- dre la responsabilité du débiteur. L'on entendra ici les conventions « limi- tatives» de responsabilité COllime comprenant les conventions eXonérant totalemont une partie. Sont intéressants dans le présent cadre les contrats dans l'exécution (voire la conclusion) desquels une,partie est susceptible de subir un préjudice corporel. L'on peut songer à la vente d'objets mobi- liers comportant un danger pour l'intégrité corporelle de l'utilisateur (pro- duits en général, notatnment pharmaceutiques', engins de sport, électro- ménager, etc,), au contrat d'entreprise concernant la réalisation ou la ré- paration d'objets du même ordre (harnais d'un électricien'), aux contrats de transport et à ceux de la construction (effondrement d'une grue ou de l'immeuble à construire), aux contrats conclus dans le domaine du sport

CR CO I-THÉVENOZ, CO 100 N 8 ss; SCHWENZER, p. 122 S.; SCHMlD, p. 310 s.

Voir JUNOC V., p. 27s8.

ATF 66 II 254, JdT 19391 42.

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La limitation de la responsabilité en matière de préjudices corporels

(contrat de fitness, de piscine, etc.), ainsi qu'aux contrats du domaine médical.

En matière contractuelle, l'accord des parties prend la forme d'une clause, ou d'un ensemble de clauses, figurant souvent en fin de contrat. L'on ren-. conlre une grande variété de clauses intervenant sur la responsabilité du débiteur. Les plus communes parmi ces clauses sont répertoriées cl-après.

a) La fixatiori d'un plafond de responsabilité est courante. Elle peut no- tamment intervenir par l'indication d'un montant forfaitaire (ou d'.un pourcentage) ou par la limitation des dommages-intérêts au montant de

la rémunération: . .

« ThetotalliabilitY of Company Y for allel.ims in respect of the Warran- ties shall not exeeed [ ... j Euros

»'.

« La responsabilité totale du Vendeur'en rapport avec l'exécution de ses obligations contractuelles sera limitée au prix d'achat des Marchan-

~~.

. .

« Without prejudice ta Articlès [ ... j, Company's eontractualliability shall be limited in amount ta fifleen percent (15%) of the Contract Priee »'0.

b) Les parties peuvent également procéder par l'exclusion de certains postes du dommage. L'exclusion du dommage indirect, en particulier, est fréquente dans les contrats commerciaux". Cette exclusion peut êlre explicite:

« En toufétat de cause, le préjudice indirect n'est pas couvert par le bureau d'études techniques »12,

ou implicite:

«Le bureau d'études assume l'entière responsabilité des dommages ,di- rects résultant d'erreurs ou omissions dont seraient entachés les études, calculs, plans et autres' documents' fournis par lui en exécution du présent

contrat)} /3 .

. Exempté tiré de CHAPPUIS, Clauses, p. 65.

9 Exemple tiré de MARCHAND, p. 199.

10 Exemple tiré de FONTAlNBI DE Ly, p. 404.

II MARCHAND, p. 198; FONTATNE/DELy, p. 406 ss; CHAPPUIS, Clauses, p. 65 s.

12 Exemple tiré de FONTAINE 1 DE Ly, p. 407.

13 Exemple tiré de FONTAINE 1 DE Ly, 'p. 407. Une clause semblable est prévue par le Règlement SIA 102 (1984) à l'.art. \.6 qui fait l'objet de l'ATF 126 III 388:

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CHRISTINE CHAPPUIS

c) Une autre limitation possible est liée à la prévisibilité du dommage'4:

« Dans. le cas où l'une des parties est tenue envers l'autre à des dom- mages-intérêts, ceux-ci ne peuvent excéder la réparation du préjudice que la partie fautive pouvait prévoir lors de la fonnation du contrat »15,

L'exclusion du dommage imprévisible est parfois confondue avec celle du dommage indirect. Même si un dommage indirect risque de ne pas être prévisible, tel n'est cependant pas nécessairement le cas.

d) Une autre méthode, indirecte, consiste à prévoir une clause de liquida- tion forfaitaire du dommage ou une clause pénale. Lorsque le montant prévu par l'une ou l'autre ne couvre pas l'intégralité du dommage effectivement subi, ces clauses ont pour effet de limiter l'étendue'de la responsabilité du débiteur".

Outre les clauses susmentionnées qui sont fondées sur un accord des par- ties, nous envisagerons également les avis unilatéraux d'exclusion de re- sponsabilité dont quelques exemples sont donnés ci-dessous:

Vestiaire non gardél7,

Accès au chantier interdit.

« The roof has many steps and may be slippery. Bicycles or skateboards not allowed. Use of the area is at your own risk )}IS.

L'on notera pour terminer que nombre de conventions limitant la respon- sabilité du débiteur sont prévues dans des conditions générales préfor- mulées par l'une des parties, une technique courante tant dans les relations avec les consommateurs qu'entre professionnels.

Aucun des exemples cités ci-dessus ne vise spécifiquement à limiter la responsabilité en matière de préjudices corporels. Toutefois, chacune de ces clauses est susceptible d'intervenir sur l'étendue de la responsabilité en matière de préjudice corporel, lorsque l'ensemble des préjudices causés à la vie ou à l'intégrité corporelle n'est pas couvert par l'indemnisation telle que limitée par les clauses. Il faut ainsi prendre en considération les

( L'architecte est tenu de réparer le dommage direct subi par le mandant, résultant d'une exécution défectueuse et fautive de son mandat ». '

14 MARCHAND, p. 199; FONTAfNE IDE Ly, p. 410 s.

15 Exemple tiré de FONTAINE/DELy, p. 411.

16 CHAPPUIS, Clauses, p. 84.

11 A TF 10811449.

18 Panneau apposé sur le« toit)) de l'Opéra d'Oslo.

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(8)

La limitation de la responsabilitê en matière de préjudices corporels .

clauses. excluant le dommage indirect ou imprévisible dans la mesure pù d'autres faits s'interposent entre la violation d'une obligation et un préju- dice corporel; ces clauses pourraient avoir pour effet d'exclure l'in- demnisation de préjudices corporels qui seraient considérés' comme des conséquences indirectes ou imprévisibles de la violation.

C. Quelques cas iIIustratifs

1. Un architecte convient avec son dient de réaliser un escalier design sans barrière de protection pour la beauté de la villa qu'il réalise pour son client et sa famille; le client accepte que la responsabilité de l'architecte en cas de chute dans l'escalier ne soit pas engagée.

2. Un garagiste accepte de réparer provisoirement la voiture dont le client a besoin immédiatement, les deux parties étant conscientes du fait que la réparation permettra au véhicule de rouler, mais ne supprimera pas tout danger d'accident. Le client accepte que la responsabilité du gara- giste ne soit pas engagée en cas d'accident.

3. Un patient atteint de cancer refuse l'opération qui pourrait prolonger sa vie; le médecin accepte de se limiter à soulager sa souffrance à condi- tion de ne pas être tenu pour responsable d'un décès prématuré.

4. Une personne morale convient avec un entrepreneur de travaux de rénovation de l'immeuble dans lequel son activité industrielle est exer- cée .. Les conditions générales de l'entrepreneur, dûment incorporées au contrat, prévoient un droit étendu du maître d'ouvrage à la réparation, mais limitent· la responsabilité de 1; entrepreneur au montant de la

rémunération. .

II. Les exceptions à la liberté de limiter la responsabilité et leur incidence sur les préjudices corporels

Une grande majorité d'auteurs s'accordent sur le fait qu'il n'est, par prin- cipe, pas possible de s'exonérer à l'avance de sa responsabilité pour le -préjudice corporel

l'.

En d'autres termes, nul ne pourrait valablement

Ir; . BSK OR I-WIEGAND, CO 100 N 4; TERCIER, Contrats spéciaux, N 902, Droit des obligations, N 1157; SCHWENZER, N 24.14; BK-BREHM, CO 41 N 232b; MüLLER- CHEN, p. 64; SCHMID, p. 316 s. (et réf. cit. n. 66); PETlTPIERRE, p. 347, 349; BUOL,

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CHRISTINE CHAPPUIS

renoncer par avance à être indemnisé d'un préjudice corporel. Il convient de vérifier si une telle interdiction'existe dans l'ordre juridique suisse, En vertu du principe de la liberté contractuelle, les parties peuvent déroger aux règles sur la responsabilité dans les limites de la loi (art 19 aL,l CO)20, Lorsque la loi interdit une dérogation, la clause en question est illicite; lorsqu'il n'existe pas de disposition impérative, il faut vérifier si la clause n'est pas immorale, Dans les deux cas, la clause est nulle (art, 20 al. 1 et 2 CO)21 L'illicéité ou l'immoralité de la clause limitative de responsabilité ne conduit pas à la nullité de l'intégralité du contrat si l'on peut admettre que le contrat aurait été conclu sans ladite clause (art, 20, al, '2 CO), ce qui n'est pas nécessairement le cas pour les contrats com-

merciaux.

La partie générale du CO prévoit certaines limites aux conveiltions limita- tives de responsabilité, qui sont d'application générale en matière de res- ponsabilité pour violation d'une obligation (art 100 et lOI CO) et, le cas échéant, pour acte illicite (art, 99 al. 3 CO) (A.), Certaines lois spéciales interdisent les conventions contraires en matière de responsabilité (R), La limite plus ,générale à la liberté contractuelle, posée,par l'art, 27 CC, peut également jouer un rôle dans le présent cadre (C), Nous examinerons à propos de chacune de ces exceptions à l'autonomie de la volonté quelle est leur incidence sur la limitation de responsabilité en matière de préju- dices corporels et terminerons par une appréciation d'ensemble (D,),

A, Le dol et la faute grave

La règle est connue, Le débiteur ne peut pas s'exonérer par avance des conséquences de son dol ou de sa faute grave22, Par dol, l'on entend la faute intentionnelle; quant à la faute grave (négligence grave), elle vise la violation des règles de la plus élémentaire prudence, qui est donnée lors- que le débiteur néglige les précautions qui se seraient imposées à l'évidence à toute personne raisonnable piacée. dans les mêmes cir-

N 336; WlDMER 1 WESSNER, p. 260; STAUDER; Droit suisse, p. 129; RDS~CHAPPUIS,

p. 380. Cependant, HUOUENIN, N 746, note que' l'Avant-projet va très (trop 1) loin en interdisant la limitation de responsabilité pour le dommage corporel et environne- mental; MARCHAND, p. 21, note que la jurisprudence n'a pas confirmé cette option.

20 KOLLER. § 13 N 2 SS,

11 Sur l'é'ventuelle réductibilité d'un engagement excessif, voir KOLLER, § 13~N ]47 SS.

22 Art. 100 al. 1 CO.

298

(10)

La limitation de la responsabilité en matière de préjudices corporels constances. En réalité, la seule exonération envisageable concerne la res- ponsabilité pour faute légère23Le débiteur ne peut pas même toujours obtenir une exonération de sa faute légère, en particulier s'il exerce Il une industrie concédée par l'autorité»". En revanche, le débiteur peut obtenir nne exonération complète de la responsabilité lui incombant lorsque l'obligation est violée par un auxiliaire, sous la même réserve quant à l'exercice. d'une indust~e concédée par l'autorité~ .

. Cette distinction est triplement malvenue. Preinièrement, dans les rda- tioris juridiques modernes, le débiteur est le plus souvent une personne morale et ce ne sont pas ses organes, mais ses auxiliaires qui interviennent lors de l'exécution d'un contrat. Etant donné cette évolution des relations commerciales, la large possibilité de s'exonérer·devient en réalité la règle.

Deuxièmement, la qualité de la personne (débiteur ou auxiliaire) qui viole une obligation importe peu du point de vue du créancier. Les textes mo- dernes ne font d'ailleurs plus cette distinction". L'Avant-projet de révi- sion du droit de la responsabilité civile, qui proposait d'abolir le régime différencié des clauses restrictives de la responsabilité du débiteur pour son propre fait et de la responsabilité du débiteur pour le fait de tiers, a été applaudi sur ce pain!". Troisièmement, étant donné que la faute de l'auxiliaire n'est pas nne condition de la resppnsabilité de l'employeur selon l'ilrt. 101 al. 1 CO, il est étonnant que la loi utilise ce critère pour. limiter l'exonération partielle ou totale par le débiteur de sa responsabilité

pour ses auxiliaires. .

La limitation de la possibilité d'aménager les ~onséquences de la-respon- sabilité, fondée sur les conditions de cette dernière, soit la gravité de la faute du débitellr ou de l'auxî1iaire, constitue nne règle générale trouvant de nombreuses expressions légàles dans le Code. des obligations. Il en va ainsi pour le dol (Absicht, dola) ou la faute grave (grobe Fahrléissigkeit, colpa grave) aux art. 199 et 234 al. 3 COz,. Le dol est défini comme la

2l BSKORI-WlEGAND, CO 100N 4; CRCOI-THÉVENoz, CO 100N 15.

" Art. 100 al.

2

co.

" An. 101

ru.

2 et 3 CO.

26 Art. 74 et 79 CVIM, art. 7.U et 7.1.7 PU, art. 8:101, 8:107 et 8:1.08 PECL.

27 Art. 57 M, approuvé sur ce point notamment par PETlTPIERRE. p. 354 s.j RDS·

CHAPPUIS, p. 381. Sur le caractère inadéquat de la distinction, voir SCHWENZER, N 24.05; CR CO I-THÉVENOZ, CO 101 N 37 55,

" Pour d'autres conséquences attachées au dol, voir art. 125 ch. J, J93 al. 2, 203, 234 al. 1,248 al. J, 452 al. 1,454 al. 3, 769 al. 2, 966.1. 2 CO; art. 105.469,540 CC.

(11)

CHRISTINE CHAPPUIS

faute intentionnelle, qui comprend l'intention et le dol éventuel". Agit ainsi par dol le débiteur qui a la volonté de violer ses obligations ou 'qui a, du moins, envisagé la possibilité que ses obligations soient violées et s'est accommodé de ce résultat pour le cas où il se produirait.

S'agissant des conventions limitatives de responsabilité, la limitation de leur portée touche ici aux conditions même de la responsabilité. Si le dé-' biteur a commis une faute caractérisée - dol ou faute grave - la conven- tion n'a pas l'effet initialement voulu de limiter ou d'exclure la responsa- bilité du débiteur une fois le dommage survenu. La limitatIon, fondée sur la gravité de la faute du débiteur, ne vise pas l'hypothèse du dommage corporel résultant du comportel)1ent (peut-être fautif) du débiteur ou de son auxiliaire. Lorsque le dommage corporel ne résulte pas d'un compor- tement intentionnel ou grav~ment fautif, la restriction prévue par les art.

lob al. 1 et 2 et 101 al. 2 et 3 CO ne trouve pas application, que le préju- dice soit matériel, corporel ou autre.

B. Antres limites

Le droit suisse pose d'autres limites encore aux conventiolls restrictives' de responsabilité, qu'il vaut la peine de comparer aux limites réSultant des instruments internationaux et européens.

1. Droit suisse

Plusieurs lois spéciales de responsabilité civile excluent complètement la possibilité de restreindre la responsabilité du débiteur, ainsi eh matière de circulation routière (art. 87 al. 1 LCR), d'installations électriques (art. 39 LIE), de chemins de fer (art. 16 LRespC)3o, en matière nucléaire (art. 8 LRCN) et de responsabilité du fait des produits (art. 8 LRFP). Ces restric-

, tians ne visent pas spécifiquement le préjudice corporel. Le champ de

protection de certaines des lois concernées est toutefois restreint au préju-

29 BSK ORI·WIEGAND, CO 99 N 5; CRCOI·TH~vENoz. CO 100 N 15.

JO La loi fédérale sur la responsabilité civile des eritreprises de chemins de fer, de naviga- tion à vapeur et de La Poste suisse du 28 mars 1905 (LRespC) est abrogée par la loi

fédéral~. sur les modifications du droit des transports du 18 décembre 2()08 cFF 2009 217. ss) dont l'entrée en vigueur n'est pas encore fixée; voir l'at:t;. AOe <le la loi sur les chemins de fer du .20 décembre 1957 (LCdF), -modifiée par la loi fédérale sur les modi- fications du droit des transports du 18 décembre 2008.

300

(12)

La limitafion de la responsabilité en matière de préjudices corporels

dice ·corporel et matériel, ce qui a pour conséquence que l'interdiction d'écarter la responsabilité fondée sur ces lois s'applique au préjudice cor- porel et· matériel. Tel est le cas en matière de circulation routière (art. 58 al. 1 LCR), d'installations électriques (art. 27 LIE) et de produits (art. 1 al.

1 LRFP). La responsabilité en matière nucléaire vise tout dommage

« d'origine ·nucléaire», une expression qui est susceptible d'englober aussi bien le préjudice corporel que le préjudice matériel (l'art. 2 al. 1 let.

a-c LRCN ne contient aucune précision à cet égard). Quant à la responsa- bilité des chemins de fer fondée sur la loi fédérale du 28 mars 1905 (desti- née à être abrogée)31,"elle vise spécifiquement le préjudice corporel à l'exclusion du préjudice matériel (art. 1 LRespC)". Les nouvelles règles de responsabilité introduites par la loi fédérale sur les modifications du droit des transports du 18 décembre 2008 étendent la protection au préju- dice matériel.

Deux réglementations prévoient un régime distinct pour les préjudices corporels et matériels. La loi sur les voyages à forfait interdit toute limita- tion de la responsabilité pOur les dommages corporels résultant de l'inexécution ou de l'exécution imparfaite du contrat (art. 16 al. 1 LVF).

En revanche, elle permet une limitation de la responsabilité au double du prix du voyage à forfait s'agissant des « autres dommages», notamment du dommage matériel, sous réserve d'un dommage causé par faute inten- tionnelle ou négligence (art. 16 al. 1 LVF). Quant à la réglementation sur les modifications du droit des transports, elle opère également une distinc- tion entre le préjudice corporel et le préjudice matériel. Elle interdit totalement les conventions contraires en ce qui concerne le préjudice cor-

o 33

porel (art. 40b al. 1 et 40e LCdF ).

Ces exemples montrent que le législateur des lois spéciales a accordé une attention particulière à la responsabilité pour les préjudices corporel et matériel. Il a pris soin d'exclure les conventions contraires dans des lois qui visent" des hypothèses dans lesquelles les parties ne sont généralement pas dans un rapport juridique préalable, comme en matière nucléaire ou de circulation routière. En matière de voyages à forfait et de produits, les parties peuvent être dans un rapport juridique préalable mais ne le sont pas

JI Voir supra n. 30.

32 L'art. 40b LCdF, modifiç par la loi fédérale sur les modifications du droit des trans·

pon:s du 18 décembre· 2008 (n. 30), soumet la responsabilité à la condition qu'un être humain ait été tu~ ou bfessé ou un dommage causé à une chose.

33 Voir supra o. 30. .

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CHRISTINE CHAPPUJS

nécessairement. La législation coupe court à toute discussion sur cep.oint en excluant les conventions contraires sur l'étendue de la responsabilité.

Plusieurs lois de responsabilité civile mettent sur un même plan le préju- dice corporel et le préjudice matériel (par ex., art. 58 LCR, art. 1 LRFP). Il ne s'ensuit pas nécessairement que l'absence de tolérance des conventions limitatives de responsabilité vaut dans la même mesure pour les deux types de préjudices. Un traitement différencié est en erfet prévu dans le domaine des voyages à forfait (art. 16 al. 1 LVF) qui exclut toute conven- tion l.imitant la responsabilité en matière de préjudices corporels seule- ment. Il en va de même dans le domaine des transports où le droit suisse à venir exclut toute convention contraire en ce qui concerne le préjudice corporel (art. 40b al. 1 et 40e projet LT), mais soumet le préjudice matériel à un régime juridique différencié (an. art. 40b al. 2 LCdF).

L'on Ilotera pour terminer que, dans le domaine du bail, le locataire est susceptible de subir un dommage corporel du fait d'un défaut de la chose louée (art. 258 et 259 ss CO). La responsabilité du bailleur qui en découle (art. 25ge CO) ne peut p'as être restreinte lorsqu'il s'agit d'un bail d'habitation ou de locaux commerciaux (art. 256 al. 2 let. b CO). Si la chose louée n'est pas un im!rieuble, mais un bien mobilier (par ex., un véhicule automobile), uue restriction de la responsabilité est possible pour autant qu'elle n'intervienne pas sur la base' d'une clause contenue dans des conditions générales préimprimées (art. 256 al. 2 let. a CO). Ces dis- positions ont une incidence, quoiqu'indirecte seulement, sur l'étendue de la responsabilité pour les préjudices corporels.

2. Instruments internationaux et européens

Dans le domaine des transports, la Convention de Montréal34, ·entrée en vigueur pour la Suissé le 5 septembre 2005, est applicable au transport aérien international de personnes, marchandises et bagagès. Elle prévoit

Ul1 système de paliers (art. 17 CMont). Un seuil est fixé pour les préju- dices corporels à 100'000 droits de tirage spéciaux (DTS)" par passager,

)4 Convention du 28 mai 1999 pour l'unification de certaines règles relatives au transport . aéden international, RS 0.748.411 (CMont).

)S Le DTS est un instrument créé par le Fonds Monétaire International en 1969, qui sert notamment d'unité de compte au FMI et à certains autres organismes internaiionaux; sa valeur est détenninée â. partir d1un panier de mOtmaies (http://www.imf.org/

extemal/np/exr/facts/fre/sdrf.htm, site visité le.3I.08.2009).

302

(14)

La limitation ,de la responsabilité en matière de préjudices corporels

en des.sous duquel le transporteur ne peut pas exclure ou limiter sa respon- sabilité (art. 21 al. j·CMont). Pour tout préjudice corporel dépassant ce seuil, le transporteur dispose d'une pteuve libératoire double. II peut se libérer dé sa responsabilité s'il prouve que le dommage n'est pas dû à une négligence oU omission préjudiciable de sa part ou des personnes dont il répond, ou que le dommage est imputable à un tiers (art. 21 al. 2 CMont).

La limite de 100'000 DTS (env. 168'000 CHF), est impérative et ne peut pas être môdifiée par convention entre les parties (art. 25 CMont). Le transporteur ne peut pas non plus convenir d'écarter ou de limiter la part de responsabilité dépassant le seuil fixé, pour laquelle il dispose cepen- dant d'une preuve libératoire (art. 26 CMont). La Convention de Montréal met ainsi en place un système impératif de protection visant spécifique- ment les préjudices corporels en matière de transports aériens. La respon- sabilité sans faute du transporteur est toutefois limitée à un montant qui, en matière de préjudices corporels, n'est pas très élevé36

Les directives européennes de protection du consommateur entrent en considération dans ce cadre. Les directives concernant les produits ou les voyages à forfait ont été volontairement transposées avec leurs disposi- tions fixant de manière impérative le régime de responsabilité, qui vaut en particulier pour le préjudice corporel37Par ailleurs, le législateur suisse a adopté des règles de protection dans une série de textes sectoriels (denrées alimentaires, médicaments, appareils techniques, jouets) afin de les rendre euro-compatibles". L'on ne peut déroger à ces textes qui augmentent la sécurité dans les secteurs visés, ce qui diminu.e la pression sur les conven- tions de responsabilité pour le dommage corporel.

La Directive (CE) 93113 du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives, dont. le législateur suisse continue de refuser la transposition contre l'opinion de bien des auteursJ9 mérite qu'on s'y arrête. Elle a notamment pour but d'éviter que des clauses abusives ne soient incluses dans les con- trats conclus entre unprofessionnel et un consommateur. Une clause est

36 Le plafond de CHF 168'000 est bas au r.egard des chiffres tirés de la jurisprudence récente: indemnité en capital de CHF 774'144 et rente mensuelle de CHF 2'059 in

ATF,132 III 331; indemnité pour préjudice ménager de CHF 394'800 in A TF 131 III 360; indemnité de CHR 362'000 accordée par le Tribunal fédéral in ATF 129 III 135;

rejet d'Wle prétention au montant de CHF 500'000 in ATF 134 III 534.

11 Art. 8 LRFP, art. 16 LVF.

Ja STAUDEp" Le consommateur,

p . .

158 et n. 76·79; PICHONNAZ, p. 327.

39 KOLLER.TUMLER, p. 88 S.; BRUNNER, p. 142, 146 s. et o. 172; STAUDER, Le consom-

mateur~ p. 155 5S, 162; HUOUENIN JACOBS, p. 87 S3.

(15)

CHRISTINE CHAPPUIS

abusive, selon l'art. 3.1 de la Directive 93/13, si elle' n'a pas fait l'objet d'une négociation individuelle et qu'elle crée au détriment du consomma- teur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations 'des parties.

L'Annexe, qui contient une liste indicative de clauses pouvant être déclarées abusives, mentionne en tout premier les clauses dont l'effet est de limiter la responsabilité du professionnel « en cas de mort d'un con- sommateur ou de dommages corporels causés à celui-ci »40. La clause qui exonère le professionnel de sa responsabjlité découlant de la mort du con- sommateur ou de dommages corporels causés à celui-ci est présumée créer un dés.équilibre significatif au détriment du consommateur. Ce déséquilibre n'étant pas couvert par le consentement du consommateur faute d'une négociation individuelle du contrat, la clause ne lie pas celui- ci (art. 6 aL 1 Directive 93/13). Ce que proscrit"la Directive; dans les rap- ports avec les consommateurs, ce sont des clauSes qui re reflètent pas une négociation des parties tenant compte dans l'équilibré des prestations d'une exonération de responsabilité pour le dommage corporel. Dans les rapports· entre professionnels, que la Directive' 93/13 ne règle pas, une telle négociation aboutissant à un équilibre voulu par les parties, malgré une exonération de responsabilité pour le préjudice corporel, est envisage- able.

n

découle de ce qui précède ·que certains textes internationaux et euro- péens interdisent spécifiquement les limitations de la responsabilité touch- ant les préjudices corporels, de manière générale .en matière de transport de personnes et de' manière plus restreinte s'agissant de clauses non négoC ciées entre un professionnel et un consommateur. Tel n'est qu'indirecte- ment et partiellement le cas en droit suisse, sauf en matière de voyages à

forfait et de transports. ' .

C. Les bolnnes moeurs

Dans l'hypothèse où aucune disposition n'interdit une exclusion de res- ponsabilité ayant pour effet d'écarter ou de diminuer la responsabilité pour le dommage corporel, et que la clause n'cst donc pas illicite au sens de l'art. 20 aL 1 CO, il faut encore vérifier si elle ne heurte pas les bonnes mœurs. Est contraire aux mœurs, au sens des art. 19 al. 2 et 20 al. 1 CO, une clause qui heurte un principe moral généralement reconnu ou porte

40 Restriction reprise par'le Draft Common Frame of Reference, DCFR 11.-9:410(1)(a).

304

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La limitatioQ. de la responsabilité en matière de préjudices corporels atteinte aux principes et jugements des valeurs inhérents à l'ordre ju- ridique suisse41.

L'on pourrait être tenté de déduire un tel principe moral général de la multiplication des limitations introduites par les lois visant spécifiquement la responsabilité pour lès préjudices corporels, indices des valeurs fonda- mentales inhérentes à l'ordre juridique suisse",'!j faut toutefois se garder d'une trop grande généralisation. Les lois qui font obstacle à la limitation de responsabilité visent généralement tant le préjudice corporel que le. préjudice matériel. La justification par le caractère immoral de la clause . limitative de responsabilité, si elle peut valoir pour l'intégrité corporelle, ne peut pas être étendue sans autre au préjudice matériel". L'argument n'est pas aussi solide qu'il paraît à première vue.

Est aussi contraire aux mœurs la violation des droits de la personnalité par une renonciation excessive à l'exercice de la liberté (art. 27 al. 2 CC)44 L'on pourrait, ainsi, voir dans la renonciation au bénéfice de la loi en matière de préjudice corporel un excès dans 'l'exercice de la liberté per- sonnelle, L'art. 27 CC est invoqué dans ce sens par la doctrine à titre de fondementlégal de l'interdiction des conventions limitatives de responsa- bilité pourle préjudice corpord'.

Toutefois,. une entorse aussi générale au principe de la liberté contrac- tuelle est difficile à justifier, comme le montrent les cas illustratifs cités plus haut46Ainsi, nul ne songerait à interdire au patient atteint d'un can- cer de refuser une opération et de convenir avec le médecin d'un traite- ment destiné uniquement à diminuer la souffrance et non à prolonger la vie. en renonçant à tenir le médecin pour responsable d'un décès pré- maturé (cas 3). De même, l'on ne voit pas pourquoi le client, dûment averti du danger par l'architecte, ne pourrait pas cc;mvenir de la réalisation d'un escalier sans barrière de protection pour la beauté de l'art en excluant

'1 ATF 133 ru 167·c. 4.3; 129 III 604 c. 5.3; 115 il 232 c. 4 •.

42 Voir supra, n.B.

43 Voir les doutes exprimés pat PETITPIERRE, p. 349, sur la justification des limites posées par la loi.

4.4 SCHWENZER,N 24.14.

45 TERCIER, Contrats spéciaux, N 901 S., Droit des obligations, N 1157; BKwBREHM, CO 41 N 232b; SCHMlO, p. 317; BUOL, N 332 ss; RDS-CHAPPUlS, p. 380. HUGUEN1N, N 746, note cependant que l'Avantwprojet va très (trop?) loin en interdisant la limita- tion de responsabilité pour le dommage corporel et environnemen~al.

46 Voir supra, I.e.

(17)

CHRISTINE CHArPUIS

la responsabilité de l'architecte pour le dommage corporel. Les éven- tuelles prétentions de tiers contre le client comme. propriétaire d'un ouv- rage défectueux (art. 58 CO), voire contre l'architecte dont laréalisation crée un état de choses dangereux pour autrui (llfl. 41 CO) sont réservées".

Le même raisonnement peut être tenu pour les relations entre le client et le garagiste, celui-ci acceptant d'effectuer une réparation de fortune sur le . véhicnle du client qui, de son côté, le délie de toute responsabilité en cas d'accident (cas 2); à nouveau, il convient de réserver les éventuelles pré- tentions de tiers contre le détenteur du véhicule (art. 58 LCR) et contre le 'garagiste (art. 41 CO) .. Lorsque le client du médecin, de l'architecte ou du garagiste est correctement informé des risques qu'il prend, rien ne justifie que l'accord des parties ne puisse pas écarter la responsabilité du médecin, de l'architecte et du garagiste pour le préjudice personnel de·jeur client Dans les exemples analysés, une véritable négociation a lieu entre les parties, qui aboutit à une exclusion de la responsabilité, notamment pour le préjudice corporel. Ces exemples montrent que le raisonnement ne peut se limiter à constater qu'une telle exclusion n'est pas valable en ce qu'elle porte sur le préjudice corporel. Lorsque les parties parviennent à un véri- table accord, l'on ne voit pas pourquoi il faudrait les empêcher d'aménager la responsabilité pour inexécution à leur guise .

.A

vrai dire, ni le garagiste, ni l'architecte ne violent leurs obligations à l'égard de leur client puisqu'il est convenu entre les parties que le garagiste effectuera une réparation de fortune et que l'architecte construira un escalier sans barrière. L'un et l'autre ayant apporté la prestation convenue, le contrat est bien exécuté. La responsabilité du garagiste et de l'.arèhitecte n'est pas engagée à l'égard de leur client .

D. Appréciation personnelle

Le législateur suisse s'est surtout inquiété de la manière dont l'obligation est violée en ne permettant pas de s'exonérer par avance des conséquences dommageables de la faute .. grave. En revanche, il s'est moins préoccupé du bien juridique atteint, sauf de manière directe en matière de voyages à forfait et de transport, ainsi que, de manière indirecte, dans les lois spécia- les qui délimitent la responsabilité en fonction du bien juridique atteint. C'est donc le plus souvent de manière indirecte que le préjudic.: corporel

41 Voir infra, IlLe.

306

(18)

La limitation"de la responsabilité en matière de préjudices corporels

constitue une Iimiteà la possibilité de s'exonérer ou de limiter sa respon- sabilité.

A priori le panorama des lois interdisant les limitations de responsabilité inciterait à mettre sur un même plan le dommage matériel et le dommage corporel, ce qui paraît pourtant difficile.à justifier. Les intérêts purement économiques devraient être laissés à la libre disposition des parties, du moins lorsque ces intérêts font l'objet d'une négociation préalable, donc d'un consentement présumé éclairé.

Malgré la réticence que montrent jurisprudence ei doctrine à l'égard de la limitation de nisponsabilité pour le préjudice corporel, le droit suisse ne connaît pas d'interdiction générale de limiter ou d'exclure la responsa- bilité pour le préjudice corporel. Il prévoit des restrictions indirectes dans plusieurs lois spéciales et, seulement dans deux cas, une restriction visant spécifiq\lement le dommage corporel.

III.

L'e~istence

et la portée des conventions limitant la responsabilité pour préjudices corporels

Dans les' limites impératives exposées au point II., les parties peuvent convenir d'une restriction de responsabilité, lors même que cette restric- tion porte sur le préjudice corporel. Il s'agit à présent de vérifier le traite- ment juridique d'une. restriction de responsabilité pour le préjudice cor-

o porel contenue dans des conditions gérlérales (A.). Nous examinerons ensuite l'interprétation des clauses restrictivès qui a suscité bien des déCI- sions (B.) ainsi que la question de la portée de ces clauses à l'égard des personnes lésées dans leur intégrité corporelle (C.). Nous terminerons par quelques considérations sur l'avis unilatéral d'exclusion de responsabilité (0.).

A. Clauses contenues dans des conditions générales

Les conditions générales (a/lgemeine Geschiifisbedingllngen) sont carac- térisées par le fait qu'elles n'ont pas été l'objet d'une négociation indi- viduelle entre les parties au contrat, dès lors qualifié de contrat d' ad- hésion". Elles sont définies comme des conditions contractuelles for-

" Voir art. 2' i04 PECL; art. 2.1.9(2) PU; DCFR II.·9: 103(1).

(19)

CHRISTINE CHAPPUIS ,

mulées de manière unilatérale par l'une des parties, à l'avance et en vue d'une application généralisée à toutes les relations d'affaires de cette par- tie, Traditionnellement, le consommat~ur est considéré comme la partie faible à protéger contre des pratiques commerciales qui, vu leur géné- ralisation, empêchent l'application de pans entiers du droit supplétif sans possibilité pour le consommateur d'obtenir chez A. des conditions plus favorables qu'auprès de B. C'est ainsi que s'est développée une réflexion centrée sur le consommateur à protéger, réflexion qui a été étendue aux relations entre professionnels et intégrée dans la théorie générale' de la conclusion du contrat".

Contrairement au système européen de la Directive (CE) 93/13 du

5

'avril 1993, avec sa liste de clauses proscrites, qui. ne vise que le. consomma- teur", le droit suisse a développé des armes plus souples, applicables tant dans les relations entre professionnels et consommateurs que dans celles entre professionnels. On distingue ainsi trois étapes correspondant chacune à un test que doit subir une clause particulière: l'étape de l'incorporation (Einbeziehung), celle de l'interprétation (Auslegung)" et celle du contrôle du contenu (Inhaltskontrolle)", sachant que la frontière , entre.ces étapes n'est pas étanche,. II convient donc de soumettre Une limi-

tation de responsabilité pour le dommage corporel à ce triple test lors- qu'elle est contenue dans des conditions générales.

J. Contrôle de l'incorporation

Pour lier les parties au contrat, les conditions générales doivent avoir été acceptées par celle qui ne les a pas rédigées". Cette acceptation, générale- ment globale, se manifeste par une signature dans la case réservée à cet effet ou un simple clic de souris, pour autant que les conditions générales aient été accessibles au moment où le client les accepte. Selon la règle de l'inhabituel ou de l'insolite (Ungewohnlichkeitsregel), les clauses aux- quelles le client ne doit pas s'attendre sont soustraites de cette acceptation

49 La tendance est particulièrement évidente dans les Principes d'ynidroit élaborés spéci~

fiquement pour les contrats commerciaux internationaux (art. 2.1.19 à 2.1 .22).

" Voirsupra, II.B.2: dans le mêm . . ens, DCFR II.-9:103, II.-9:104, Il.-9:105.

SI La question est examinée infra, B.

52 SCHWENZER, N 44.01 ss, 45.01 ss, 46.01 ss; CR CO I-THÉVENOZ,CO 100 N 4; CR CO I-DESSEMONTET, CO 1 N 42 ss; TERCIER, N 779 ss. ,

53 CRC'O I-DESSEMONTET, CO 1 N

43

ss.

308

(20)

La limitation de la responsabilité en matière de préjudices corporels

globale". C'est sur la base du principe de la confiance que se détennine la question de savoir si le client pouvait Ou ne pouvai~ pas s'attendre à une

o certaine clause. Plus une clause porte atteinte à la position juridique du partenaire, plus il se justifie de la considérer comme insolite. Ce contrôle dépend des circonst~nces du cas concr~t.

Du point de vue de l'incorporation, la question est de savoir si le client pouvait raisonnablement s'attendre à une clause limitant la responsabilité du débiteur pour le préjudice corporel. La réponse implique un jugement fondé sur les circonstances concrètes: si une partie est inexpérimentée, eUe ne s'aUendra pas aux mêmes clauses qu'une partie rompue aux. af- faires. Peut-on admettre pour autant de manière générale que la partie inexpérimentée non rédactrice ne doit pas s'aUendre à des clauses réglant la responsabilité du débiteur et qu'une clause est insolite dans la mesure où elle vise le préjudice corporel? Aucune réponse générale ne peut être donnée à cette question puisque l'appréciation dépend des circonstances 0 du cas concret. Le test du caractère insolite constitue toutefois un obstacle à ne pas négliger sur le chemin de la validité de la clause. Si l'on doit retenir l'incorporation de la clause au contrat, donc sa validité entre les parties, il restera à l'interpréter pour en détenniner la portée exacte".

2. Contrôle du contenu

Le respect par une clal,lse des limites impératives posées par le CO ou les lois spéciales56 doit être vérifié. Cependant, contrairement à ce que laisse entendre le Tribunal fédéral dans un arrêt" relatif à l'art. 1.6 du Règle- ment SIA 10258, la validité d'uJJ.e dause limitative de responsabilité ne suppose pas que ceUe clause réserve expressément le droit impératif. En

,. ATF 135 III 225 c. 1.3; 135 III c. 2; 119 Il 443 c. la; 109 II 452 c. 4b, JdT 19841470.

BRUNNER, p.136 55, 139 ss; KOl,.LER, § 23 N 39 55.

ss Cf. infra, B.

56 Cf. supra, n.B.

S7 ATF 126 III 388 c. 9d p. 391: «( [en1limitant la responsabilité de l'architecte au dom- mage direct, sans définir cette notion, l'art. 1.6 du règlement SIA 102 est ambigu. Si l'on considère Cette clause comme une véritable limitation à la responsabilité de l'architecte, on introd\lit une restriction qui est étrangère aux dispositions légales régis- sant tantlê contrat de mandat que le contrat d'entreprise, qui s'appliquent en principe à J'architecte ( ... ). En outre, une telle interprétation va à l'encontre de l'art. 100 al. 1 CO, dans la mesure où elle n 'exciut pas

les

cas de dol ou de faute grave commis par J'architecte» (italiques ajoutées).

SI Voir supra, n. 13.

(21)

CHRISTINE CHAPPUIS

effet, le rédacteur de contrat dispose de deux possibilités pour tenir compte du droit impératif: soit il adapte le contrat au droit impératif par une réserve expresse, soit il n'en lient pas compte du tout. Par nature, le droit impératif s'applique que le contrat contienne des dispositions contraires, n'en contienne aucune ou reprenne les limites du droit im- pératif'. Par ailleurs, l'art. 20 al. 2 CO permet de ne frapper de ilUllité que la seule clause contraire au droit impératifo. Il s'ensuit que la disposition litigieuse du Règlement SIA 102 n'a pas à être corrigée de la manière suivante: « [Sauf dol ou faute grave], l'architecte est [uniquement] tenu (je réparer le dommage direct subi par le mandant, résultant d'une exécution défectueuse et fautive de son mandat

,"1 .

Tant le contrat dans son ensem- ble, que la clause elle-même, sont valables sous la réserve implicite'du droit impératif dans les limites de l'art. 20 al. 2 CO. L'art. 1.6 du Règle- ment SIA 102 - pour autant bien sûr que les parties aient soumis le contrat à ce règlement ~ produit son effet limitatif en ce que la responsabilité de l'architecte est restreinte au dommage direct résultant d'une exécution défectueuse et fautive. La responsabilité de l'architecte n'est entière qu'en cas de dol ou de faute grave, car l'art. 1.6 n'a pas le pouvoir d'écartçr la limite impérative posée par l'art. 100 al. l-CO.

Après cette clarification de l'effet des règles impératives sur le contrat, examinons l'art. 8 LCD qui pose une limite spécifique relative aux condi:

tions générales. La doctrine critique cette disposition qui ne permettrait

pas' un contrôle adéquat des conditions générales, notamment parce

qu'elle exige une tromperie de la part de la partie rédàctrice de celles-ci", et a d'ailleurs trouvé peu d'écho dans la jurisprudence". Il convient mal-.

gré tout de vérifier quel moyen cette disposition est susceptible de fournir cohtre une clause limitant la responsabilité pour le préjudice corporel.

39 MARCHAND, p. 195 s.

60 La pratique contractuelle consacre ce principe avec les clauses dites de divisipilité:

MARCHAND, p. 246. .

61 Corrections entre parenthèses cairées, Autre fonnule que l'on trouve en pratique:

( Dans les'limites pennises par la loi, l'architecte est uniquement tenu de réparer le , dommage direct subi par le mandant ».

62 BRUNNER, p. 132 ss; CR CO I-THÉvENoz, CO 100 N 4; GAUCH 1 SCHLUEP 1 SCHMID, N 1155 et réf. cit. n. 335-337; SCHWENZER, p. 117.

6J ATF 122 III 373 c. 3a (art. 8 LCD inapplicable); il91I 443 c. le (application de. la règle de l'insolite, celle de l'art. 8 'LCDétant laissée ouverte); 117 II. 332 c. 5 (art. 8

LCD non appliqué). .

310

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