G ERGONNE
Statique. Recherche directe des conditions de l’équilibre, entre des forces dirigées d’une manière quelconque dans l’espace, et appliquées à des points invariablement liés entre eux
Annales de Mathématiques pures et appliquées, tome 1 (1810-1811), p. 5-16
<http://www.numdam.org/item?id=AMPA_1810-1811__1__5_0>
© Annales de Mathématiques pures et appliquées, 1810-1811, tous droits réservés.
L’accès aux archives de la revue « Annales de Mathématiques pures et appliquées » implique l’accord avec les conditions générales d’utilisation (http://www.numdam.org/conditions). Toute utilisation commerciale ou impression systématique est constitutive d’une infraction pénale.
Toute copie ou impression de ce fichier doit contenir la présente mention de copyright.
Article numérisé dans le cadre du programme Numérisation de documents anciens mathématiques
http://www.numdam.org/
STATIQUE.
Recherche directe des conditions de l’équilibre,
entredes
forces dirigées d’une
manièrequelconque dans l’es- pace,
etappliquées à des points invariablement liés
entre
eux ;
Par M. G E R C O N N E.
ANNALES
DE M A THÉMATIQUES
PURES ET APPLIQUÉES.
LES
conditions del’équilibre
entre despuissances appliquées à
unsystème
solidelibre
se déduisent fortaisément,
comme l’onsait,
duprincipe
des vitessesvirtuelles; mais,
dans les élémens deStatique,
où l’on ne fait pas usage de ce
principe ,
on se trouveobligé
de dé-duire directement ces conditions du
Principe
de lacomposition
desforces.
Il existe pour cela ungrand
nombre de méthodesdiverses,
et
chaque jour
en voit éclore denouvelles
encore ; mais leur mul- titude même semble prouverqu’aucune d’elles, jusquici,
n’a réuni6
CONDITIONS
cette
simplîcité,
cettegénéralité ,
cetterigueur
et cetteélégance qui
seules
peuvent
entraîner tous lessuffrages.
Quelques géomètres ,
pourparvenir
aubtit ,
ont eu recours a desfigures
surlesquelles
ils ont exécute desconstructions ; mais,
outreque cette manière de
procéder
rend les méthodescompliquées ,
embar-rassantes à suivre et difficiles à
retenir ,
les résultatsauxquels
ellesconduisent ne sauraient
pleinement
satisfairel’esprit,
parcequ’ils
sem-blent
toujours dépendre
del’hypothèse particulière
delaquelle
on lesa déduits.
Presque
tous ontsupposé
que l’on connaissaitdéjà
les conditions del’équilibre
entre despuissances
situées dans un mêmeplan :
con-ditions
qu’ils
ont au reste, pour laplupart,
déterminées d’une manièreassez laborieuse.
Mais ,
bien que la recherche de ces conditions semble naturellement devoirprécéder
celle des conditions del’équi-
libre entre des
puissances dirigées
d’une manièrequelconque
dansl’espace,
commenéanmoins
lespremières
se trouventimplicitement
ren-fermées dans les
dernières,
il sembleplus simple
etplus élégant
d’arriverdirectement à
celles-ci,
sans supposer que les autres soientdéjà
connues.On
peut
remarquer d’ailleurs que, pour déduire les conditions del’équilibre
dansl’espace
de celles del’équilibre
sur unplan ,
on estobligé
des’appuyer
duprincipe
del’indépendance
desforces
rec-tangulaires :
or , ceprincipe n’est
pasexempt
dedifficultés ,
commeM. Poinsot l’a fait voir dans sa
Statique (*) ;
etquand
bien mêmeil n’en
présenterait
aucune , il sembleraitplutôt
devoir être une consé-quence des conditions
d’équilibre qu’un
moyen deparvenir
à cesconditions. On en doit dire autant
du, principe
des momens, et decet autre
principe ,
savoir : que deuxpuissances
non situées dans un mêmeplan,
ne sauraientavoir
unerésultante ;
lepremier,
eneffet,
ne doit
plus
êtreenvisagé désormais que
comme un moyen commoded’énoncer
enlangue vulgaire
desrésultats fournis
parl’analise;
et,quant
audernier ,
loinqu’il puisse
être considéré comme unaxiome,
(*) Voyez
pages II0 et III.D’ÉQUILIBRE.
7ce n’est
peut-être
que deséquations
même del’équilibre qu’on peut
en déduire une démonstration satisfaisante.
Je dois
ajouter
enfin que,parmi
les méthodesemployées jusqu’ici
pour
parvenir
aux conditions del’équilibre , plusieurs
ne font que masquer la difficultéqui
naît de l’existencepossible
despuissances égales
etparallèles
,agissant
en senscontraire,
sans être directementopposées ,
et que d’autres se bornent presqueuniquement
à montrerque les conditions
auxquelles
elles conduisent assurentl’équilibre,
ousont une suite de son
existence ,
sans faire voir nettement que ces conditions sont à la fois nécessaires etsuitisantes ;
cequi
estpourtant
lepoint
essentiel dans cetterecherche.
On trouvera ici une solution du
problème qui
meparaît
n’étresujette
à aucun de ces divers inconvéniens. Bienqu’elle
soit assezsimple ,
elle ne suppose néanmoins que leprincipe
de lacomposition
des forces
qui
concourent en un mêmepoint ,
et celui de la com-position
des forcesparallèles,
pour le cas seulement où ces forces admettent une résultanteeffective.
Elle ne repose d’ailleurs que surcet
unique
axiome deStatique ,
savoir : que, pourqu’un système
soiten
équilibre ,
il est nécessaire etsuffisant qu’en
y introduisant despuissances
arbitraires de nature à avoir à elles seules une résultanteeffectipe ,
lesystème
ainsimodifié
ait aussi une résultanteeffective qui
soitidentique
avec celle despuissances arbitrairement
introduites.Je
n’ignore
pas , ausurplus ,
que , par la belle et neuve théorie descouples
que nous devons à M.Poinsot ,
onparvient
d’une manière’non moins
élégante
querigoureuse
aux conditions del’équilibre
d’un
système
de formeinvariable ; mais , quelque
satisfaisante que soit cettethéorie ,
elle me sembleplus
propre àdevenir
lesujet
d’untraité à
part , qu’à
être introduite dans les livresélémentaires ;
ilparaît
peunaturel,
eneffet ,
de baser laStatique ,
etconséquemment
l’édifice entier de la
mécanique ,
sur un casd’exception
queprésente
le
problème
de lacomposition
de deux forcesparallèles.
Soient P’, P", P’’’,...des puissances dirigées dans l’espace d’une
8 CONDITIONS
manière quelconque
etappliquées
a despoints
invariablement liésentre eux. Soient
xl y’ , z’
les coordonnéesrectangulaires
de l’un despoints
de la direction dePl ,
considéré comme sonpoint d’application ;
soient de
plus
XI ,Y’, ZI ,
sescomposantes parallèles
aux axes, et soientadoptées
des notationsanalogues
pour les autrespuissances
dusystème.
Soient
augmentées
lespuissances X’, X", des quantités
arbitraires
A’, A", A’’’,....;
lespuissances Y’ , Y’’, Y’’’,
desquantités
arbitrairesB’, BIII
.... ; et enfin lespuissances Z’, Z", Z"’,
..., desquantités
arbitrairesC’ , C’’, C’’’,
... lespuissances
introduites dans le
système
auront,parallèlement
aux axes, troisrésultantes
partielles A=03A3(A’), B=03A3(B’) , C=03A3(C’) (*), lesquelles
pourront toujours, à
raison de l’indétermination descomposantes,
être
supposées
différentes de zéro : on pourra mêmeadmettre,’
en outre , que ces résultantes
passent
toutes trois par un mêmepoint quelconque ; alors ,
endésignant
para , b,
c, les coordonnéesde
cepoint,
on aura , par leprincipe
connu de lacomposition
desforces
parallèles,
ce
qui emportera
les conditionslesquelles
seront satisfaitesd’elles-mêmes, lorsqu’il n’y
aura dans le(*) Le symbole 03A3(A’) est
employé
iciy suçant l’usage ,
comme une abréviation deA’+A"+A’’’+....;
il en faut entendreautant
des autres , ainsi que de toutes lesnotations analogues auxquelles
nous aurons recours dans cequi
va suivre.système
système
D’ÈOUILIBRE.
9système que la
seulepuissance Pl ,
etqui pourront
avoirlieu d’une
infinité de manières dans tous les autres cas.
Si ,
au lieu de composer àpart
lespuissances introduites ,
nousles considérons comme formant un tout avec celles du
système primitif,
en posant, pour
abréger,
nous aurons,
parallèlement
aux axes, les trois résultantespartielles
et nous pourrons ,
à
cause despuissances arbitraires,
admettrequ’au- cune
de ces résultantes n’estnulle,
et que deplus
ellespassent
toutes trois par un même
point quelconque ; désignant
alorspar d, e, f,
lescoordonnées
de cepoint ,
nous auronsce
qui emportera
les trois nouvelles conditionslesquelles .
comme leséquations (I),
serontsatisfaites d’elles-mêmes,
Tom. 1. 2.
I0
CONDITIONS
lorsqu’il n’y
auraqu’une puissance unique
dans lesystème primitif,
et
qui, conjointement
avecelles , pourront
avoir lieu d’une infi- nité de manièresdifférentes, lorsque
lespuissances
dusystème pri-
mitif seront au
nombre
deplus
de deux. Il nepourrait
donc y avoir de doute sur lapossibilité
de la coexistence de ces six con-ditions,
que dans le cas seulement où iln’y
aurait que deuxpuis-
sances P’ et P" dans le
système primitif;
attenduqu’alors,
le nom-bre des conditions établies se trouvant
précisément égal
au nombredes
puissances AI , A", B’, B", CI , C",
introduites dans lesystème,
on
pourrait craindre,
ou quequelques-unes
de ces conditions ne fussentcontradictoires,
ouqu’elles
nedonnassent,
pour lespuissances AI, A",
B’, BII, CI, C",
des valeursqui,
contrairement àl’hypothèse
quenous avons
établie,
rendissent nullesquelques-unes
des sixquantités A, B, C, X+A , Y+B
,Z+C.
Mais il est facile de
dissiper
cesoupçon :
si en effet on déve-loppe
leséquations (1)
pour le casparticulier
où lesystème pri-
mitif n’est
composé
que de deuxpuissances seulement,
il arrivequ’après
avoir fait lesréductions,
chacune d’elles se trouvecomportée
par les deux autres ; elles
n’équivalent
donc alorsqu’à
deuxéqua-
tions seulement : on n’a donc
réellement
dans ce cas, quecinq équations
entre les six forcesA’, A", BI , BII, CI , C" ;
ellesdemeurent donc encore
indéterminées ;
elles le sont donc dans tousles cas.
D’après
cequi précède,
on voit que la résultanteparticulière
desforces introduites a pour
équations
et que les
équations
de- larésultante
dusystème
modifié sontPrésentement
pour que lesystème primitif
soit de lui-même enD’ÉQUILIBRE.
IIéquilibre,
il est nécessaire et il suffitque
la résultante de cesystème
modifié soit
identique
avec celle despuissances
arbitrairement intro- duites : or , celaexige,
enpremier lieu ,
que leurscomposantes paral-
lèles aux axes soient
égales ,
chacune achacune ;
cequi
donned’abord
Au
moyen de cesconditions ,
leséquations (II) y
les seulesqui
renferment les
puissances
dusystème primitif,
sesimplifient ;
en leurretranchant
en outre leséquations (1)
etchassant
desdénominateurs , elles deviennent
Les
équations
des deux résultantes deviennentaussi ,
par suitedes
mêmes
conditions,
ces résultantes se trouvent donc
déjà parallèles ;
il suffitdonc,
pourqu’elles coïncident , qu’un point
de la direction de l’une satisfasseaux
équations
del’autre ;
onexprimera
donc que leur coïncidencea
lieu,
etconséquemment
oncomplètera
les conditionsd’équilibre,
en écrivant les deux
équations
nous
devons
doncavoir ,
outre les trois conditionsdéjà trouvées,
I2
CONDITIONS
toutes celles que
peuvent
fournir lescinq équations (III
etIV),
par l’élimination des
arbitraires qu’elles renferment ;
or , commed-a , e2013b, f2013c
se trouvent déterminées par cequi précède ,
etcomme d’ailleurs, en
posant A C
=M etB C =N,
nous n’avonsplus
que les deux arbitraires M et
N,
il en résulte que noscinq équations
doivent nous fournir encore trois conditions.
Pour
parvenir
facilement à cesconditions ,
soit d’abordchassé A
et B des
équations (III)
au moyen deséquations (IV) ; C
endisparaîtra aussi,
et ellesdeviendront
mais ,
dans le casprésent
oùX, Y, Z
sontzéro ,
on tire aisémentdes
doubles valeurs de a, b, c, d, e, f,
substituant donc ;
ilviendra
chacune de ces
équations
se trouvantcomportée
par lesdeux
autres,’elles
n’équivalent qu’à
deuxseulement ;
maisA, B,
Cpeuvent
aussi être éliminées entre les
équations (IH) ;
il suffit pour cela de lesmultiplier
entreelles ,
et il vientainsi ,
en renversantD’ÉQUILIBRE.
I3multipliant
alors chacune des troiséquations (V) par
cette der-nière ,
onobtiendra .
enréduisant,
les troiséquations
distinctesles conditions nécessaires et suffisantes pour
l’équilibre
dusystème primitif
sont donc renfermées dans ces sixéquations :
Ces
équations renferment,
comme l’onsait,
celles del’équilibre
’entre des
puissances
situées dans un mêmeplan :
onpourrait
aussiparvenir
directement à cesdernières
en suivant une marche abso-lument
analogue à
cellequi
nous a conduit auxéquations ci-dessus;
mais,
dans le cas où toutes lespuissances
dusystème
sont situéesdans un même
plan,
ilexiste ,
pour arriver aux conditions de leuréquilibre ,
une autre méthodequi
esttrop simple
pour ne pas l’in-diquer
ici.Soient en effet
Pl, P", P"’,....
despuissances comprises
dans unmême
plan ;
soientx’, y;
les coordonnéesrectangulaires de
l’un despoints
de la direction de P’ considéré comme sonpoint d’application ;
soient de
plus X’,
YI lescomposantes
de cette forceparallèlement
aux axes, et soient
adoptées
des notationsanalogues
àl’égard
des autrespuissances
dusystème.
Soit
alors introduit ,
dans cesystème ,
unepuissance arbitraire ayant A
et B pour sescomposantes parallèles
aux axes , et a et b pour les coordonnées de l’un despoints
de sadirection,
considère commeson
point d’application.
Il est clair que le
système
ainsi modifiéaura, parallèlement
auxaxes, deux résultantes
partielles
I4 CONDITIONS
lesquelles
à raison de l’indétermmation de A etB, pourront toujours
être
supposées
différentes de zéro : elles secouperont
en un certainpoint;
et, en
désignant
par d et e les coordonnées de cepoint,
on auravaleurs
qui ,
parl’hypothèse,
ne seront ni l’une ni l’autreinfinies :
l’équation
de lapuissance introduite
seraet celle de la résultante du
système
modifié seraMaintenant,
pour que lesystème primitif
soit de lui-même enéquilibre,
il est nécessaire et suffisant que la résultante dusystème
modifié soit
identique
avec lapuissance
arbitrairement introduite.Or,
celaexige,
enpremier lieu, qu’elles
aient l’une et l’autreles
mêmes composantesparallèles
aux axes, cequi
donneau
moyen
de ceséquations,
on tire des valeurs de d et eet les
équations,
tant de lapuissance
introduite queJa
résultante du système modifié sont alorsces deux
forces
sont donc alorsparallèles ;
il suffitdonc , pour leur coïncidence, qu’un
despoints
de la direction de l’une satisfasse àl’équation de l’autre ;
oncomplétera
donc les conditions de léquilibre
du système primitifs en
écrivantD’EQUILIBRE.
I5ce
qui donnera,
ensubstituant
les valeursfournies par les équations (K).
les conditions nécessaires et suffisantes pour
l’équilibre
dusystème
primitif
sont donc renfermées dans les troiséquations
-J’ai dit que les
équations
del’équilibre,
entre des forces non com-prises
dans un mêmeplan y pouvaient
conduire à la démonstration de cetteproposition :
Deuxpuissances
noncomprises
dans unmême
plan
ne sauraient avoir unerésultante. Voici
parquel procédé
cetteconséquence peut
être déduite de ceséquations.
On sait que la seule condition nécessaire
et suffisante , pour qu’un système puisse admettre
une résultanteunique ,
estexprimée
parl’équation
si l’on
développe
cetteéquation,
pour le cas de deuxforce, seulement,
elledevient , après les- réductions ,
(*)
Je saisirai cette occasion pour faire remarquer que c’est par une pure inad-vertance que M.
Prony
la page II2 de saMécanique philosophique,
aexprimé
cette condition par trois
équations.
Lesystème
a en effet une résultanteunique, lorsque
ces troiséquations
ont lieu ; mais c’est seulement parce’qu’elles
vérifientl’équation
(M) ; en sorte que la résultante peut êtreunique,
sansqu’aucune
deces trojs
équations
soit vérifiée.Je crois cet avertissement d’autant
plus
utile quel’ouvrage
de M.Prony
estun de ceux que les
jeunes géomètres
peuvent consulter avec leplus
de fruit, etque l’autorité d’un savant aussi recommandable
pourrait
facilement les induire enerreur.
I6 CONDITIONS
D’ÉQUILIBRE.
les
équations
des deuxpuissances
sont d’ailleursSi l’on veut
exprimer
que ces deuxpuissances
sont dans un mêmeplan
ayant pouréquation
il faudra écrire
et,
si l’on veut deplus
que ceplan
soitquelconque,
ilfaudra
entre ces
quatre équations,
éliminer les trois arbitrairesA, B, C;
or , on retombe ainsi sur
l’équation (N) ,
etpar conséquent
surl’équation (M) ;
la condition nécessaire etsuffisante ,
pour que deuxforces
puissent
avoir une résultanteunique ,
est donc la même que cellequi exprime
que ces deux forces sontcomprises
dans un mêmeplan :
si donc les deux forces ne sont pas dans un mêmeplan ,
ni l’une ni l’autre de ces deux conditions ne sera