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Définition des différentes entités digestives liées au glutenLa sensibilité intestinale au gluten est un terme générique qu'il faut circonscrire. On la distingue...

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82 | La Lettre de l'Hépato-gastroentérologue • Vol. XXI - n° 2 - mars-avril 2018

DOSSIER

Les maladies du grêle

Sensibilité intestinale au gluten

Intestinal gluten sensitivity

Georgia Malamut*

* Service d’hépato-gastroentéro logie- endoscopies digestives, hôpital euro- péen Georges-Pompidou ; UMR1163, laboratoire d’immunité intestinale Institut Imagine, université Paris- Descartes, faculté de médecine, Paris.

Définition des différentes entités digestives liées au gluten

La sensibilité intestinale au gluten est un terme générique qu’il faut circonscrire. On la distingue en général de la maladie cœliaque ou intolérance au gluten, qui correspond à une entéropathie auto- immune secondaire à l’ingestion de gluten, surve- nant chez des sujets génétiquement prédisposés (1).

Il faut également la distinguer de la sensibilité au gluten, ou hypersensibilité non cœliaque au gluten, et de l’allergie au gluten. L’allergie au gluten est une réaction d’hypersensibilité immédiate médiée par les immunoglobulines E (IgE), et des IgE spécifiques ont été détectées contre des épitopes des oméga-5 gliadines et gluténines de haut poids moléculaire (2).

L’hypersensibilité non cœliaque au gluten se mani- feste par des troubles fonctionnels digestifs amé- liorés par le régime sans gluten. Les IgA antigliadine sont observées chez moins de 8 % des patients, et les anticorps antitransglutaminase sont absents (3).

Il n’existe aucune lésion d’atrophie villositaire intes- tinale détectable, ce qui infirme le diagnostic de maladie cœliaque.

Hypothèses

physiopathogéniques

Au cours de l’hypersensibilité au gluten, il n’y a pas d’atrophie villositaire, mais une hyperlympho- cytose intraépithéliale est observée dans 40 % des cas (4). Les différentes études sérologiques révèlent la négativité des anticorps sériques antitransgluta- minase (IgA et IgG), ce qui témoigne de l’absence de réponse immune adaptative dans le chorion. Dif- férentes hypothèses ont été avancées pour rendre compte de l’hyperlymphocytose intraépithéliale parfois observée. Il a été proposé que des épitopes du gluten pourraient induire un ”stress épithélial” au niveau de la muqueuse intestinale et, comme chez les patients apparentés à des malades cœliaques,

favoriser une réponse innée avec hyperproduction d’interleukine-15 (IL-15) et de protéines de stress de type Heat Shock Protein (HSP27 et HSP70) [5].

Une altération de la perméabilité intestinale a été suggérée par le travail de Vazquez-Roque et al. (6).

Certains patients semblent davantage présenter une hypersensibilité aux FODMAP (Fermentable Oligosaccharides, Disaccharides, Monosaccharides and Polyols) qu’au gluten. Ces carbohydrates à chaînes courtes (fructose, fructane, lactose, galac- tanes, polyols) exercent un effet osmotique dans la lumière intestinale, et leur fermentation est respon- sable de libération d’hydrogène favorisant ainsi la distension abdominale (7). Comme le blé contient des FODMAP, un effet confondant avec le gluten est possible. L’équipe de Biesierkierski a d’ailleurs montré qu’il n’y avait plus d’impact de l’éviction du gluten lorsque les patients ”hypersensibles” sui- vaient un régime allégé en FODMAP (8). Le fruc- tane est une molécule de stockage énergétique du blé et fait partie des FODMAP. Sa concentration dans les blés modernes est nettement supérieure à ce qu’elle était dans les blés anciens (9). Par ail- leurs, d’autres composants du blé comme les ATI (inhibiteurs de l’amylase et de la trypsine) sont capables de stimuler l’immunité innée intesti- nale (10). Les ATI sont des protéines présentes dans les grains de céréales et leur rôle principal est de rendre le blé plus résistant aux insectes et aux parasites. Le blé moderne a une teneur en ATI plus élevée que les variétés anciennes. Des études ont montré que les ATI peuvent activer les récepteurs toll-like (Toll-Like Receptor-4 ou TLR4) et le com- plexe TLR4-MD2-CD14 au niveau des monocytes, des macrophages et des cellules dendritiques de la muqueuse intestinale. Cela entraînerait une cascade d’événements menant à la production de cytokines pro-inflammatoires : interleukine-8 (IL-8), interleukine-12 (IL-12), TNF (Tumor Necrosis Factor), MCP-1 (Monocyte Chemoattractant Protein-1) et RANTES (Regulated on Activation, Normal T cell Expressed and Secreted) [10, 11]. L’inflammation intestinale ainsi produite pourrait être à l’origine

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La Lettre de l'Hépato-gastroentérologue • Vol. XXI - n° 2 - mars-avril 2018 | 83

Points forts

» Le diagnostic d’hypersensibilité au gluten nécessite d’éliminer préalablement celui de maladie coeliaque.

» L’hypersensibilité au gluten est définie par des troubles fonctionnels intestinaux résolutifs sous régime sans gluten.

» Il n’existe aucun rationnel scientifique à ce jour pour l’hypersensibilité au gluten.

» L’hypersensibilité au gluten peut être confondue avec l’hypersensibilité aux FODMAP.

» Le régime sans gluten reste débattu dans l’hypersensiblité au gluten.

Mots-clés

Hypersensibilité au gluten non cœliaque Régime sans gluten FODMAP

(Fermentable Oligosaccharides, Disaccharides, Monosaccharides and Polyols)

Hypersensibilité au blé

Maladie cœliaque

Highlights

»Diagnosis of non-celiac gluten sensitivity is made after exclusion of celiac disease.

»Non-celiac gluten sensitivity is defined by irritable bowel syndrome responsive to gluten- free diet.

»Today, there is no scientific rational for the non-celiac gluten sensitivity.

»Non-celiac gluten sensitivity must not be confused with FODMAPs sensitivity.

»Gluten-free diet remains debated in non-celiac gluten sensitivity.

Keywords

Non-celiac gluten sensitivity Gluten-free diet

FODMAPs (Fermentable Oligosaccharides, Disaccharides, Monosaccharides and Polyols)

Wheat hypersensitivity Celiac disease des symptômes digestifs. D’autres protéines comme

les lectines du blé WGA (Wheat Germ Agglutinin) pourraient également stimuler l’immunité innée.

Comme les ATI et les WGA, les carbohydrates et les fructanes du blé pourraient être impliqués. Le terme d’hypersensibilité au blé serait alors plus approprié que celui d’hypersensibilité au gluten. Une étude récente montre que l’hypersensibilité au blé sur- vient préférentiellement chez des patients ayant un terrain auto-immun (12).

Épidémiologie, manifestations cliniques et diagnostic

L’hypersensibilité au gluten pourrait concerner jusqu’à 1 % de la population européenne et nord-américaine et toucherait davantage les femmes (6). Une étude épidémiologique regardant le pourcentage de sujets hypersensibles et de sujets cœliaques parmi les patients au régime sans gluten montre de fortes disparités de fréquence. Ainsi, aux États-Unis, les patients cœliaques représentent 69,8 % des patients au régime sans gluten, alors qu’ils sont 94,7 % en Argentine (p < 0,0001). Cela suggère une forte influence des conditions socio- économiques sur l’hypersensibilité, qui semble davantage concerner les pays riches (13).

Le diagnostic d’hypersensibilité au gluten reste à ce jour exclusivement clinique et repose sur des symp- tômes à type de troubles fonctionnels intestinaux (douleurs abdominales, ballonnements et alternance diarrhée/constipation), améliorés par l’exclusion du gluten (14). Des troubles extradigestifs, tels que des douleurs ostéoarticulaires, une humeur dépressive, des céphalées ou de la fibromyalgie peuvent être associés (14). Le bénéfice de l’éviction du gluten a été prouvé par un essai randomisé en double aveugle versus placebo (15). Il n’existe pas de test biolo- gique diagnostique, même si des IgG antigliadine, très peu spécifiques, ont été retrouvées dans 56 % des cas et, de façon plus rare, des IgA antigliadine (environ 8 % des cas), les anticorps antitransgluta- minase ou anti-endomysium restant négatifs (3).

Il n’existe pas, par définition, d’entéropathie, bien qu’une légère hyperlymphocytose intraépithéliale ait pu être observée (6).

Traitement

Si le régime strict sans gluten est indiscutable en cas d’allergie au gluten ou au cours de la maladie cœliaque, il pose davantage question en cas d’hyper- sensibilité non cœliaque au gluten. Il n’existe en effet aucune complication évolutive liée à la consomma- tion de gluten chez les hyper sensibles. Le respect du régime sans gluten au cours de l’hyper sensibilité au gluten reste donc discuté. Si la définition de cette entité clinique repose sur la régression des troubles digestifs par l’éviction du gluten, une diminution de la consommation en FODMAP peut aussi entraîner une amélioration significative des symptômes (11).

L’attitude doit s’adapter au type d’aliments res- ponsables des troubles. Si les troubles digestifs sont induits aussi par des aliments contenant des FODMAP (lait/lactose, fruits/fructose, etc.), on peut d’abord préconiser une alimentation allégée en FODMAP. En effet, une étude récente suggère qu’un régime sans fructane, FODMAP naturel du blé, serait plus efficace chez les hypersensibles au gluten qu’un régime sans gluten (13). Cette étude rapporte les résultats d’un essai randomisé en double aveugle versus placebo en cross-over, en étudiant les scores de symptômes de l’intestin irritable et de ballonnement chez des patients hypersensibles au gluten. Ces patients étaient séparés en trois groupes : un groupe mis au régime avec gluten, un autre au régime avec fructane, et le troisième groupe rece- vant le placebo. Les deux scores du syndrome de l’in- testin irritable étaient significativement plus élevés dans le groupe consommant du fructane que dans celui consommant du gluten et que dans le groupe placebo. Il n’y avait pas de différence significative des scores entre le groupe consommant du gluten et le groupe placebo.

En revanche, si les troubles digestifs ne sont dimi- nués que par l’exclusion du gluten ou du blé, il faut éliminer une hypersensibilité au blé et pro- poser un régime sans blé moins restrictif que le régime sans gluten. Une étude récente, réalisée chez 200 patients hypersensibles au blé, montre que la grande majorité reste hypersensible (85 %) après 8 ans, mais que les symptômes sont toujours contrôlés par le régime sans blé pour 90 % d’entre eux (16). Ainsi, il est souhaitable de laisser entrevoir

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Sensibilité intestinale au gluten

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Les maladies du grêle

au patient hyper sensible non cœliaque un régime moins restrictif que le régime sans gluten et de lui rappeler en outre que, si l’exclusion isolée du gluten n’apporte pas de carence, les produits sans gluten sont 3 à 5 fois plus chers que les produits avec gluten et qu’aucune prise en charge n’est prévue par la Sécurité sociale.

Conclusion

Le diagnostic d’hypersensibilité au gluten est exclu- sivement clinique et une maladie cœliaque doit avoir

été préalablement éliminée. Il est d’ailleurs souvent nécessaire de réaliser des tests de réintroduction du gluten pour écarter une maladie cœliaque avant le contrôle endoscopique des patients hypersensibles s’étant auto-administrés un régime sans gluten depuis plusieurs mois. Aucune donnée n’indique qu’un régime strict soit nécessaire au cours de l’hypersensibilité au gluten car, contrairement à la maladie cœliaque, il n’existe aucune complication évolutive décrite. Certains patients hypersensibles peuvent bénéficier d’un régime allégé en hydrates de carbone (FODMAP) ou en blé, moins restrictif et onéreux que le régime sans gluten. ■ L’auteur déclare ne pas

avoir de liens d’intérêts.

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Références bibliographiques

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