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Article pp.382-384 du Vol.25 n°141-142 (2007)

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382 Réseaux n° 141-142/2007

Le discours du journal

Rhétoriques et médias au XIXe siècle De Corinne SAMINADAYAR-PERRIN Par Jean-Pierre BACOT

Sous l’égide de la Civilisation du Journal, le renouveau des études sur la presse au XIXe siècle se confirme avec l’ouvrage que nous propose Corinne Saminadayar-Perrin, à propos de ce qui s’est construit en France comme espace du discours entre les journaux quotidiens, les livres, les lieux d’expression culturels, universitaires, politiques, religieux et judiciaires.

L’un des intérêts du livre réside dans la présence de l’histoire, qui modifie notablement ce que l’auteur pose comme la scénographie du discours et qui, au gré des changements successifs du régime politique et du droit, aura déterminé des lieux d’interaction de la parole verbale et de l’écrit, dans un tissage qui non seulement construisit l’opinion publique, mais installa aussi un style que l’on dira français, fait de brillance et d’approximations, de grandes envolées et de petits mensonges.

Corinne Saminadavar-Perrin commence par envisager le rôle de porte-voix de la presse du XIXe siècle, dans un mouvement dont l’origine se trouve dans la Révolution Française et détaille la manière dont les parlementaires et les journalistes se complètent ou se nuisent en authentiques « frères ennemis », mais souvent complices. Tel discours sera amélioré ou au contraire entouré de remarques sur l’accueil négatif qu’il aurait reçu à la chambre, tel journal le reprendra in extenso, telle lecture publique le reprendra. C’est non seulement des accointances politiques souvent opportunistes qui se jouent, non seulement un jeu avec les contraintes qui s’effectue, mais un style d’éloquence nouveau qui se diffuse petit à petit pour des publics de plus en plus larges. Une presse que l’on savait vénale s’avère ici capable d’enjoliver à l’envi les réactions jugées trop banales.

Dans un deuxième moment, l’auteure analyse deux forums particulièrement intéressants du point de vue de la construction et de la scénarisation du discours, le Palais de Justice et l’Académie. Les portraits d’avocats, les psychodrames et solennités des élections à l’Académie française deviennent des sujets de rubriques et à ce qu’ont laissé les mémoires des contemporains,

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Notes de lecture 383

on peut reconstruire ce qui depuis les propos de brasserie jusqu’aux salles d’audience en passant par l’Institut, fournit un ensemble de lieux d’épate et

« d’événements oratoires », mais aussi d’opposition plus ou moins feutrée au pouvoir, entre le Moniteur qui fonctionne comme journal officiel, le Figaro, la Presse, le Constitutionnel, le Siècle et autres titres quotidiens aux lectorats variés. Prédications ritualisées des saint-simoniens, conférences à la Sorbonne de la quinzaine de ce que l’on n’appelait pas encore des intellectuels et qui en assurent le magistère, les espaces de parole relayés par l’écrit, se multiplient à mesure que le siècle avance. L’éloquence devient un spectacle, s’installe comme une performance théâtrale. Commentée, provisoirement immortalisée, elle peut se situer dans les cours de littérature universitaire, à la chambre des députés, comme dans les églises où les ténors religieux de diverses sensibilités prêchent pour des publics acharnés.

Les journalistes sont à la fois, nous montre Corinne Saminadavar-Perrin, des praticiens d’une certaine forme d’éloquence, mais aussi les porteurs de l’idée selon laquelle cette éloquence serait à jamais perdue. Il n’est pas que le Charivari et les journaux satiriques pour se gausser à l’envi des discours prononcés ça et là, parfois en latin, par des personnages qui sophistiquent volontiers la banalité, même – et cela montre à quel point cet univers d’interactions langagières est tissé de paradoxes – si la banalité put être une arme dans le périodes où la répression était la plus forte. La langue évolue, la presse le note, le désapprouve souvent, mais n’en contribue pas moins à apporter le changement, tout en défendant, derrière Lamartine, une qualité de parole de classe.

L’auteure rappelle que le métier de journaliste n’était pas encore professionnalisé, même à la fin du XIXe siècle et que, du coup, les rédacteurs relevaient de plusieurs fonctions, orateur, écrivain, chroniqueur. La deuxième partie du livre s’attache à dépeindre sous diverses facettes l’une de ces fonctions, le « journaliste en orateur ».

Dans la troisième et dernière partie de l’ouvrage, c’est l’émergence d’une éloquence démocratique qui est envisagée, notamment avec la construction de nouveaux espaces de parole et la véritable reconfiguration de l’espace public qu’impliquent les journaux. Spécialiste de Jules Vallès, Corinne Saminadayar-Perrin explicite entre autres passages éclairants ce que furent à la fois l’événement de la naissance des quotidiens populaires à un sou et les réactions hostiles ou favorables qu’elle suscita.

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La conclusion revient sur ce que l’auteure appelle le paradigme rhétorique,

« la révolution communicationnelle dont la presse est à la fois la condition et la manifestation, tout comme la crise de la littérature qui en est le corollaire ne peuvent se comprendre en en faisant l’économie ».

Mais auparavant, l’auteure replace, et le fait fort bien, l’histoire du journalisme dans celle, plus générale, de la littérature. Elle montre également son attachement à ce modèle français à l’œuvre, expliquant du coup au passage la très faible présence de l’évocation de la presse étrangère dans le livre : « La formation et la compétence propres aux écrivains de la presse – écrit-elle – expliquent la permanence et le prestige renouvelé des modèles rhétoriques, auxquels seul mettra fin le triomphe, dans les années 1880, du journal d’information « moderne » – mutation qui sera d’ailleurs dénoncée comme une décadence esthétique et une trahison culturelle, les pratiques anglo-saxonnes du reportage pervertissant, puis annihilant les prestigieuses traditions littéraires du journalisme français (p. 98) ».

Même si, surtout en son début, le livre comporte quelques notations sur la manière dont d’autres conceptions du fonctionnement de la presse, de son discours et de son rapport à la société, anglaises ou américaines, sont connues et relayées tout au long de l’époque étudiée, on est donc conduit à penser que ce modèle se sera bâti dans un espace national et se sera pensé comme tel. Une prise en compte de l’ensemble des publications, et notamment toutes celles qui, illustrées, relevaient largement d’un modèle anglais bien avant 1880, aurait peut-être complexifié un paysage au demeurant finement étudié dans son contenu évolutif. On se plaît également à imaginer comment un tel travail, aussi documenté et argumenté pourra servir d’assise à une mise en perspective plus large que purement nationale.

Quoi qu’il en soit de ce débat, ce livre soigné au contenu théorique fort aura essentiellement montré combien c’est par un élargissement disciplinaire, celui de l’histoire littéraire, une ouverture à dimension sociologique, qu’un véritable approfondissement de l’histoire de la presse est en cours, que Corinne Saminadayar-Perrin balise remarquablement pour une situation de la presse française qui n’eut sans doute pas d’équivalent.

Corinne SAMINADAYAR-PERRIN, Le discours du journal. Rhétoriques et médias au XIXe siècle, Publications de l’Université de Saint-Etienne, 2007.

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