194
Ann. Endocrinol., 2004 ; 65, 3 : 194-200
© Masson, Paris, 2004
ARTICLE ORIGINAL
Troubles sexuels chez 78 hémodialysés chroniques marocains de sexe masculin :
étude clinique et endocrinienne
M. Zamd
(1), M. Farh
(2), O. Hbid
(2), M. Zabari
(2), M. Benghanem Gharbi
(1), B. Ramdani
(1), D. Zaïd
(1), N. El Abbadi
(3), K. Lalaoui
(3), A. Belhouari
(3), E. Hassan Tahri
(2)(1) Service de néphrologie-hémodialyse, CHU Ibn Rochd, Casablanca, Maroc.
(2) Laboratoire d’endocrinologie moléculaire et de métabolisme phosphocalcique, Faculté des Sciences Ben M’sik, Casablanca, Maroc.
(3) Centre national de l’énergie des Sciences et des Techniques nucléaires, département d’application médicales et biologiques, Rabat, Maroc.
Tirés à part : B. Ramdani, à l’adresse ci-dessus.
e-mail : younesramdani@hotmail.com
Sexual dysfunction among 78 Moroccan male hemodialysis patients : clinical and endocrine study
M. Zamd, M. Farh, O. Hbid, M. Zabari, M. Benghanem Gharbi, B. Ramdani, D. Zaïd, N. El Abbadi, K. Lalaoui, A. Belhouari, E. Hassan Tahri
Ann. Endocrinol., 2004 ; 65, 3 : 194-200
Purpose:To investigate the correlation between biochemical and endocrine vari- ables with sexual disorders in 78 male patients on chronic hemodialysis at the Ibn Rochd University Hospital (Casablanca-Morocco).
Methods:Seventy-eight male hemodialysis patients with chronic renal failure were evaluated with regard to their sexual function. All patients answered a personal questionnaire on their sexual activity. Hormone (FSH, LH, prolactin, testosterone, and parathyroid hormone) and zinc and ferritin assays were also performed.
Results:The men reported erection (44.9%), libido (44.9%), ejaculation (26.8%), and orgasm (21.8%) disorders. Gynecomastia was observed in 17.9% of the pa- tients. There was no correlation with weight nor the nature of the causal nephro- pathy nor with duration of dialysis. Levels of gonadotropins (FSH, LH), prolactin, and parathyroid hormone were elevated. Testosterone levels were low. Ferritinemia was elevated but there was no significant variation in zincemia. There was a negative curvilinear relationship between serum testosterone and sexual disorders, and be- tween gynecomastia and ferritinemia. LH and prolactin levels were positively corre- lated with gynecomastia.
Conclusion:Abnormal hormonal and iron overload could be important factors in- volved in the complex pathogenesis of sexual dysfunction in chronic renal failure patients undergoning hemodialysis.
Key words: Hormonal profile, sexual dysfunction, gynecomastia, chronic renal failure, ferritin.
Troubles sexuels chez 78 hémodialysés chroniques marocains de sexe masculin : étude clinique et endocrinienne
Propos :Rechercher la corrélation entre quelques paramètres biologiques et les trou- bles sexuels chez 78 patients en hémodialyse périodique au Service de néphrologie- hémodialyse du CHU Ibn Rochd (Casablanca-Maroc).
Méthodes : Réalisation d’une étude transversale chez des patients hémodialysés de sexe masculin présentant des troubles sexuels et dosage des hormones sexuels, de la parathormone, du zinc et de la ferritine.
Résultats : Nous avons observé des troubles d’érection (44,9 %), de la libido (44,9 %), d’éjaculation (26,8 %) et d’orgasme (21,8 %). Nous avons également rapporté une gynécomastie chez 17,9 % des patients étudiés. Nos résultats n’ont montré aucune corrélation ni avec le poids, ni avec la nature de la néphropathie causale ou la durée de dialyse. Nous avons mis en évidence une augmentation des taux plasmatiques des gonadotrophines (FSH, LH) de la prolactine et de la parathor- mone associée à une diminution de ceux de la testostérone. D’autre part, une aug- mentation de la ferritinémie a été notée ; cependant aucune variation significative
INTRODUCTION
La fonction gonadique de l’homme en insuffisance rénale se dégrade d’autant plus que s’aggrave le déficit rénal. Ainsi au stade terminal de l’in- suffisance rénale chronique, plus de 50 % des patients de sexe masculin présentent des troubles érectiles [27]. Des troubles de la spermato- genèse [15, 31], des variations des taux plasmatiques des gonadotrophi- nes, de testostérone, de prolactine [19, 22, 39], et du zinc sérique [16]
ont été également rapportés. La genèse des troubles sexuels chez l’hémodialysé est multifactorielle et complexe. En effet plusieurs équipes ont incriminé la perturbation de l’axe hypothalamo-hypophyso-gonadique [5], l’hyperparathyroïdie secondaire [30], l’anémie [3] et d’autres facteurs organiques et psychiques [32].
À notre connaissance, jusqu’à pré- sent aucune étude à grande échelle concernant la fonction sexuelle chez les hémodialysés marocains n’a été réalisée.
Notre objectif consiste d’une part,
à étudier le profil des hormones
sexuelles, de la parathormone, de le
ferritine et du zinc, et d’autre part à
établir une corrélation entre ces pa-
ramètres et les dysfonctionnements
sexuels observés chez des patients
de sexe masculin, présentant une
insuffisance rénale chronique termi-
nale en hémodialyse périodique.
Vol. 65, n° 3, 2004 Troubles sexuels chez 78 hémodialysés chroniques marocains de sexe masculin
195
PATIENTS ET MÉTHODES
Patients
Il s’agit d’une étude transversale à visée descriptive et analytique menée au service de néphrologie-hémodia- lyse, CHU Ibn Rochd de Casablanca.
Nous avons inclus dans cette étude tous les patients adultes de sexe masculin (n = 78) Insuffisants rénaux chronique en hémodialyse périodique. 18,6 % des pa- tients sont sous traitement antihypertenseurs centraux (alphaméthyldopa, clonidine) et la cimétidine.
Un consentement libre et éclairé a été exigé de tous les patients ayant participés à cette étude.
Méthodes
Examen clinique des patients
L’examen clinique, a été réalisé par le même médecin avec une recherche systématique d’une gynécomastie, des trou- bles d’éjaculation, d’érection, d’orgasme et de la libido.
La définition des troubles sexuels s’est basée essentiel- lement sur l’estimation subjective des patients. Ils ont été retenus chaque fois que le patient rapportait l’alté- ration d’une ou plusieurs étapes de la réponse sexuelle (désir, érection, éjaculation et orgasme) qui perturbait le vécu sexuel du sujet.
Bilan biologique
Les prélèvements prédialytiques ont été rapidement cen- trifugés à froid puis stockés à – 20
°C jusqu’aux dosa- ges. Le zinc sérique a été dosé par absorption atomique à flamme.
Les hormones folliculostimulante (FSH) et lutéinisante (LH), la prolactine et la parathormone (PTH) (Biosource, Belgium), et la ferritine (Orion, Finlande) ont été mesu- rées par une technique IRMA (Immunoradiometric Assay). Dans les conditions expérimentales de dosage de la FSH de cette étude, les variations intra- et inter-dosages ont été respectivement de 2,7 % et 5,3 %. La sensibilité de la méthode a été de 0,1 mIU/ml. Pour la LH les varia- tions intra- et inter-dosages ont été respectivement de 3,5 % et 4,5 %. La sensibilité de la méthode a été de 0,20 mIU/ml. Pour la prolactine les précisions intra- et
inter-dosages ont été respectivement de 6,4 % et 6,8 %. La sensibilité de la méthode a été de 0,35 ng/ml.
Pour la parathormone la sensibilité de la méthode a été de 0,5 pg/ml. Dans le cas de la ferritine la sensibilité de la méthode a été de 1
μg/l. Les variations intra- et inter- dosages ont été respectivement de 3,04 % et 3,72 %.
La détermination des concentrations plasmatiques de la testostérone (Biosource, Belgium) a été réalisée par une technique RIA (Radio-Immuno Assay). Dans nos condi- tions expérimentales, les précisions intra- et inter-dosages ont été respectivement de 4 % et 8,3 %. La sensibilité de la méthode a été de 0,044 ng/ml.
Analyses statistiques
Les résultats ont été exprimés en moyenne
±erreur standard à la moyenne pour les variables quantitatives ou en pourcentage pour les variables qualitatives.
Pour les variables quantitatives, le test de Student a été utilisé, si les distributions étaient normales. Les tests non paramétriques de Kruskall-Wallis et Mann-Withney ont été utilisés dans les autres cas. La régression logistique a été utilisée pour analyser un paramètre binaire (présence ou absence de troubles et/ou de gynécomastie). Le seuil de si- gnification a été fixé à 5 % (p inférieure à 0,05).
RÉSULTATS
La moyenne d’âge des patients a été de 46,27
±15,68 ans, leur durée moyenne de dialyse a été de 7,70
±0,47 ans.
Les étiologies de l’insuffisance rénale ont été les suivantes : inconnue : 28 cas (35,9 %) ; glomérulonéphrite chronique : 26 cas (33,33 %) ; vasculaire : 5 cas (6,4 %) ; diabète : 4 cas (5,1 %) ; polykystoses : 1 cas (1,3 %) ; autres causes : 14 cas (17,9 %).
Chez les 78 patients en hémodialyse périodique nous avons mis en évidence des troubles érectiles dans 44,9 % des cas (à type d’absence d’érection spontanée dans 54,7 % des cas, d’absence d’érection matinale dans 43,0 % des cas, une érection réactive (en présence d’une stimulation érotique) conservée dans 75,6 % des cas, une érection complète dans 41,9 % des cas seule- ment, absence de toute érection dans 22,1 % des cas).
Des troubles du désir sexuel ont été noté dans 44,9 % des cas, d’orgasme dans 21,8 % des cas. Les troubles
de la zincémie n’a été observée. Notre étude a montré une corrélation négative d’une part, entre la testostéronémie et les trou- bles sexuels, et d’autre part entre la gynécomastie et la ferritinémie. Cependant, les taux plasmatiques de la LH et de la prolactine ont été positivement corrélés avec la gynécomastie.Conclusion :Les perturbations des taux plasmatiques des hormones sexuelles et la surcharge en fer pourraient contribuer, au moins en partie, à la compréhension de l’étiopathologie des troubles sexuels chez les patients hémodialysés chroniques.
Mots-clés : Profil hormonal, troubles sexuels, gynécomastie, insuffisance rénale chronique, ferritine.
M. Zamd et al. Ann. Endocrinol.
196
d’éjaculation étaient présents dans 26,9 % des cas (volume de éjaculât réduit dans 45,8 % des cas, éjacula- tion précoce dans 22,8 % des cas et retardé dans 8,8 % des cas, rétrograde dans 6,9 % des cas) et une gynéco- mastie a été notée dans 17,9 % des cas. Dans 94,2 % des cas les patients avaient une activité sexuelle avant le début de l’hémodialyse. Cependant après traitement par hémodialyse périodique, plus des 2/3 des cas (69,4 %) ont rapporté une diminution de cette activité.
Les taux plasmatiques de la LH, la FSH, la ferritine et la parthormone ont été très élevés (respectivement 15,75
±2,03
vs0,8-10 mUI/ml ; 10,27
±0,76
vs0,9- 8,9 mUI/ml ; 353,57
±42,62
vs15.3-306
μg/l et 334,10
±
44.51
vs13-66 pg/ml). Ceux de la Prolactine sont situés à la limite supérieure de la normalité (14,50
±
1,57 vs 1,8-15,9 ng/ml). Alors que les concentrations plasmatiques de la testostérone sont situées à la limite inférieure (2,68
±0,12
vs 2,55-7,53 ng/ml). Toutefois lestaux plasmatiques du Zinc n’ont montré aucune varia- tion significative par comparaison aux valeurs normales
(tableau I).Les taux plasmatique de la LH, de la prolactine, de la parathormone et du zinc n’ont montré aucune variation significative chez les patients qui présentaient des trou- bles d’érection, de la libido, d’orgasme et d’éjaculation par comparaison aux patients n’ayant aucun trouble sexuel
(tableaux IIA et IIB).Nous avons montré une diminution significative de la testostéronémie chez les patients présentant des troubles érectiles, de libido et d’orgasme (p < 0,02) et d’éjacula- tion (p < 0,01) (fig. 1). Les taux plasmatiques de la FSH ont montré une augmentation significative chez les pa- tients qui ont présenté des troubles d’éjaculation
(p < 0,02) par comparaison au groupe n’ayant pas ce type de trouble (fig. 2).
Les patients présentant une gynécomastie ont montré une augmentation significative des taux plasmatiques de la LH et de la prolactine par comparaison aux sujets
Tableau I
Concentrations plasmatiques de la LH, de la ferritine, de la FSH, de la pro- lactine, de la testostérone, de la parathormone et du zinc chez 78 patients en hémodialyse périodique et les valeurs normales (Range).
Table I
Plasmatic rates of LH, ferritine, FSH, prolactin, testosterone, parathormon and zinc in 78 patients undergoing haemodialysis and normal values (Range).
Range Moyennes± SEM
LH 0,8-10,0 mUI/ml 15,75 ± 2,03
FERRITINE 15,3-306 μg/l 353,57 ± 42,62
FSH 0,9-8,9 mUI/ml 10,27 ± 0,76
PROLACTINE 1,8-15,9 ng/ml 14,50 ± 1,57 TESTOSTÉRONE 2,55-7,53 ng/ml 2,68 ± 0,12 PARATHORMONE 13-66 pg/ml 334,10 ± 44,51
ZINC 70-130 μg/dl 106 ± 3
Figure 1 : Taux plasmatiques de testostérone chez des patients hémodialysés Marocains de sexe masculin présentant ou non des troubles sexuels : troubles érectiles (Er.), de la libido (Lib.), d’orgasme (Org.) et d’éjaculation (Eja.). Valeurs exprimées en moyenne±SEM. **p < 0,01 ; *p < 0.02.
Figure 1: Plasmatic rates of testosterone in male Moroccan hemodi- alyzed patients with or without sexual dysfunction : disturbances of erection (Er.), libido (Lib.), orgasm (Org.) and ejaculation (Eja.). Val- ues are expressed in means ±SD. **p< 0.01; *p< 0.02.
0 1 2 3 4
Er. Lib. Org. Eja.
TESTOSTERONE (ng/ml)
Présence de troubles absence de troubles
*
* * **
Figure 2 : Taux plasmatiques de l’hormone folliculostimulante (FSH) chez des patients hémodialysés Marocains de sexe masculin présen- tant ou non des troubles sexuels : troubles érectiles (Er.), de la libido (Lib.), d’orgasme (Org.) et d’éjaculation (Eja.). Valeurs exprimées en moyenne±SEM. *p < 0.02.
Figure 2: Plasmatic rates of follicular stimulating hormone (FSH) in male Moroccan hemodialyzed patients with or without sexual dys- function: disturbances of erection (Er.), libido (Lib.), orgasm (Org.) and ejaculation (Eja.). Values are expressed in means ±SD. *p< 0.02.
0 2 4 6 8 1 0 1 2 1 4 1 6
Er. Lib. Org. Eja.
FSH (mUI/ml)
Présence de troubles absence de troubles
*
Vol. 65, n° 3, 2004 Troubles sexuels chez 78 hémodialysés chroniques marocains de sexe masculin
197
normaux (respectivement p < 0,02 et p < 0,01) (tableau III). Alors qu’une diminution significative de la ferritinémie a été noté chez les patients avec gynéco- mastie par comparaison aux sujets sans gynécomastie (p < 0,02) (tableau III).
Nous avons noté une corrélation positive entre les taux plasmatiques de la prolactine et de la LH avec la gynéco- mastie d’une part (respectivement r = 0,25 ; p < 0,04 et r = 0,24 ; p < 0,03) ; et une corrélation négative avec la ferritine d’autre part (r = 0,25 ; p < 0,02) (tableau IV). Une corrélation négative a été mise en évidence entre les taux de testostérone et les troubles érectiles (r = – 0,26 ; p < 0,02), de la libido (r = – 0,27 ; p < 0,01), d’orgasme (r = – 0,27 ; p < 0,01) et d’éjaculation (r = – 0,29 ; p < 0,009). Cependant les troubles d’éjaculation ont été positivement corrélés avec les taux plasmatiques de la FSH (r = 0,25 ; p < 0,02) (tableau IV).
DISCUSSION
Il a été largement démontré que les sujets hémodialysés font l’objet de troubles sexuels plus ou mois fréquents
[2, 29] et pouvant être corrigés à la suite d’une trans- plantation rénale [27].
Dans notre étude nous avons noté des anomalies sexuelles : d’érection (44,9 %), de désir sexuel (44,9 %), d’éjaculation (26,8 %) et d’orgasme (21,8 %). Notre étude a révélé la présence d’une gynécomastie chez 17,9 % des patients étudiés. Nos valeurs sont faibles par rapport à celles de la littérature. Ainsi, chez des hé- modialysés de sexe masculin, 61 % présentaient des troubles d’érection [4] et 59 % une gynécomastie [17].
Ces différences pourraient être dues au moins en partie à l’âge de la population étudiée. En effet, nos patients sont jeunes comparativement à ceux de la littérature (46,27
±15,68 ans). D’ailleurs, de nombreuses études ont souligné l’importance de l’âge comme facteur es- sentiel dans l’activité sexuelle [12].
Plusieurs médicaments ont été incriminés dans les troubles sexuels [27]. Dans notre série la prise des anti- hypertenseurs centraux et la cimetidine n’était associée à aucun trouble sexuel chez 16 patients hémodialysés (18,6 % des cas).
L’étude du profil hormonal a permis de mettre en évi- dence une faible téstostéronémie et des taux plasmatiques
Tableau IIA
Concentrations plasmatiques de la LH, la PRL, la PTH et le Zinc chez des patients présentant ou non des troubles érectiles ou de la libido.
Table IIA
Plasmatic rates of LH, PRL, PTH and zinc in patients with or without disturbances of erection or libido.
Population globale Troubles érectiles Troubles de la libido
Présence Absence Présence Absence
LH (mUI/ml) 15,75 ± 2,03 13,94 ± 2,72 17,23 ± 2,95 18,41 ± 4,02 13,58 ± 1,68 PRL (ng/ml) 14,50 ± 1,57 18,06 ± 3,16 11,59 ± 1,11 16,01 ± 2,98 13,26 ± 1,52 PTH (pg/ml) 334,10 ± 44,51 269,37 ± 49,99 386,77 ± 69,23 385,12 ± 75,08 270,24 ± 52,16
Zinc (μg/dl) 106 ± 3 1,08± 0,05 1,04 ± 0,04 1,06 ± 0,04 1,06 ± 0,04
Effectif 78 35 43 35 43
Tableau IIB
Concentrations plasmatiques de la LH, PRL, PTH et le Zinc chez des patients présentant ou non des troubles d’orgasme ou d’éjaculation.
Table IIB
Plasmatic rates of LH, PRL, PTH and zinc in patients with or without disturbances of orgasm or ejaculation.
Population globale Troubles d’orgasme Troubles d’éjaculation
Présence Absence Présence Absence
LH (mUI/ml) 15,75 ± 2,03 14,90 ± 1172 17,38 ± 2,54 15,38 ± 4,35 15,89 ± 2,30
PRL (ng/ml) 14,50 ± 1,57 16,84 ± 3,33 13,84 ± 1,79 17,14 ± 2,71 13,52 ± 1,91 PTH (pg/ml) 334,10 ± 44,51 199,14 ± 37,88 355,99 ± 55,22 199,02 ± 33,45 367,04 ± 58,63
Zinc (μg/dl) 106 ± 3 1,07± 0,07 1,06 ± 0,03 1,07 ± 0,07 1,06 ± 0,03
Effectif 78 17 61 21 57
M. Zamd et al. Ann. Endocrinol.
198
élevés en prolactine, en hormone lutéinisante (LH), en hormone folliculostimulante (FSH) et en parathormone par rapport aux valeurs normales (tableau I). Des résul- tats analogues ont été rapportés chez les hémodialysés [6]. L’augmentation des taux de la LH pourrait être ex- pliquée au moins en partie par la diminution de la pro- duction de la testostérone par les cellules de Leydig et/ou la diminution de sa clairance rénale [8]. D’autre part, une réduction de la sécrétion d’inhibine par les cel- lules de Sertoli pourrait être responsable des taux élevés
en FSH [25]. L’hyperprolactinémie a été observé chez 19 % de nos patients. Cependant de nombreuses étu- des ont rapporté une hyperprolactinémie modérée dans 15 % à 50 % des cas de patients en hémodialyse. L’hy- perprolactinémie serait due à une augmentation de la production par baisse du PIF (Prolactin Inhibitor Factor) [28], combinée à une diminution de la clairance méta- bolique rénale et extra-rénale [9].
L’implication de l’hyperparathyroïdie dans la genèse des troubles sexuels chez les hémodialysés chronique a été rapporté par Massry SG et coll [23]. Cette hypersé- crétion d’hormone parathyroïdienne pourrait être à l’ori- gine de l’augmentation des taux plasmatiques de la FSH et la prolactine via une modification du contenu intracel- lulaire en calcium des cellules hypothalamo-hypophysaires sous l’influence de la parathormone (PTH) [24]. Dans notre série aucune corrélation entre les troubles sexuels et l’hyperparathyroïdie n’a été mise en évidence.
Il est bien connu que l’hypozincémie est fréquemment observée chez les hémodialysés présentant une IRC [13, 33]. Le déficit en Zinc pourrait être lié en partie à la ma- labsorption au niveau du tractus gastro-intestinal ou à une perte durant la dialyse par pertes sanguines itératives [20]. Plusieurs études ont rapporté que la carence en zinc serait à l’origine des troubles sexuels chez les hé- modialysés chroniques [20] et qu’une amélioration de ces troubles a été notée après une supplémentation orale ou perdialytique en cet oligo-élément [11]. Toute- fois nos résultats et ceux rapporté par Joven et coll [21]
n’ont montré aucune variation significative de ce para- mètre.
L’implication des hormones sexuelles dans la genèse des troubles sexuels a été largement discutée. De nom- breuses études ont rapporté une diminution de la tes- tostéronémie chez les patients hémodialysés présentant des troubles érectiles, de libido et d’orgasme [34, 36].
Nos résultats sont en accord avec ces données. Toute- fois Rodger RS [4] a montré que le traitement par la tes- tostérone exogène n’a pas d’effet sur les troubles sexuels observés chez les hémodialysés. Par ailleurs Handelsman DJ et Liu PY [26] ont mis en évidence une corrélation entre le dysfonctionnement gonadique et les taux élevés de gonadotrophines chez l’homme présen- tant une insuffisance rénale chronique, tels que l’atro- phie testiculaire et la diminution de la spermatogenèse.
L’hyperprolactinémie a été largement incriminée dans l’éjaculation rétrograde et les troubles érectiles [22]. Des essais cliniques visant à baisser les taux de prolactine chez les hémodialysés par des agents dopaminergiques telle que la bromocriptine ont aboutit à des résultats contradictoires. Certains auteurs affirment leur efficacité sur le traitement des troubles sexuels [14], tandis que d’autres soutiennent le contraire [38]. Dans notre série aucune corrélation n’a été mise en évidence entre la
Tableau III
Concentrations plasmatiques de la LH, ferritine, FSH, prolactine, testosté- rone chez des patients présentant ou non une gynécomastie.
Table III
Plasmatic rates of LH, ferritine, FSH, prolactine, testosterone in patients with or without gynecomastia.
Population globale
Gynécomastie Présence Absence LH
(mUI/ml) 15,75± 2,03 25,03 ±8.04* 13,72 ±1,69 Ferritine
(μg/l)
353,57± 42,6 2
155,82± 64,11* 396,86 ± 48,53 FSH
(mUI/ml)
10,27± 0,76 11,39 ± 1.58 10,02 ± 0,86 Prolactine
(ng/ml)
14,50± 1,57 19,3 ± 3,09* * 13,43 ± 1,78 Testostérone
(ng/ml) 2,68± 0,12 2,38 ± 0,31 2,75 ± 0,13
Effectif 78 14 64
P **p < 0,01 ;
*p< 0,02
Tableau IV
Régression logistique entre la gynécomastie et/ou les troubles (Tr.) sexuels avec les hormones sexuelles et la ferritine.
Table IV
Logistic Regression between gynecomastia and/or sexual dysfunction (Tr.) and sexual hormones and ferritine.
X r p
Gynécomastie LH 0,24 < 0,03
Ferritine – 0,25 < 0,02
Prolactine 0,25 < 0,04
Tr. d’éjaculation FSH 0,25 < 0,02
Testostérone – 0,29 < 0,009 Tr. érectiles Testostérone – 0,26 < 0,02 Tr. d’orgasme Testostérone – 0,27 < 0,01 Tr. de la libido Testostérone – 0,27 < 0,01
Vol. 65, n° 3, 2004 Troubles sexuels chez 78 hémodialysés chroniques marocains de sexe masculin
199
prolactinémie et les troubles sexuels observés. Des tra-
vaux récents ont prouvés l’existence d’une corrélation entre les hormones sexuelles et le traitement par erythropoïetine [17]. Dans notre série aucun patient n’a reçu ce traitement.
Chez les patients présentant une gynécomastie nous avons noté une augmentation des taux plasmatiques de la prolactine et de la LH. Par contre aucune variation no- table de la testostéronémie n’a été mise en évidence chez les patients avec ou sans gynécomastie. L’hyper- prolactinémie est fréquemment rencontrée [37]. Par contre d’autres études n’ont pas trouvé de corrélation entre les taux de prolactine élevés et l’apparition ou l’absence de gynécomastie [15, 36]. Le rôle de la LH et de la FSH a été très discuté [1]. Sawin et coll. [10] ont observé des gynécomasties lorsque les taux de ces deux gonadotrophines sont très élevés tandis que les taux de testostérone, œstrogène et prolactine sont normaux chez ces patients. Il a aussi rapporté des cas de gynéco- mastie sans augmentation des gonadotrophines.
Dueymes et Caron [4] ont rapporté l’existence d’une ferritinémie plus élevée chez les malades ayant une gy- nécomastie, et que cette surcharge en fer se présente comme un facteur favorisant la gynécomastie chez les sujets urémiques. Dans notre cas nous avons noté une diminution de la ferritinémie chez les patients avec gynécomastie. De tel résultats apparemment contradic- toires avec ceux de la littérature doivent être pondérés par le fait que nous n’utilisons pas d’erythropoïetine chez nos malades. Les transfusions sanguines multiples chez pratiquement tous nos patients expliquent les taux élevés de férritine retrouvés chez nos patients sans gy- nécomastie (groupe contenant le plus grand nombre de patients).
Nos résultats concernant le profil des hormones sexuel- les, de la parathormone, de la zincémie et de la ferritiné- mie, sont les premiers rapportés chez l’hémodialysé Marocain, et constituent une contribution fort intéressante à la compréhension de l’étiopathogénie des troubles sexuels associés à l’insuffisance rénale chronique.
REMERCIEMENTS :
Ce travail a été financé par le programme d’Appui à la recherche Scien- tifique PARS.
(Projet PARS N° Médecine 170).
RÉFÉRENCES
1. Antoniou L, Shalhoub R. Zinc and sexual dysfunction. Lancet 1980 ; 2(8202) : 1034-35.
2. Caron P, Dueymes JM, Pourrat J, Conte JJ, Louvet JP. Gyneco- mastie et insuffisance rénale chronique. Mise en évidence d’une diminution de la fraction libre de la testosterone. Rev Med Interne, 1984 ; 5(6) : 110-3.
3. Caronic C, granata AR, Fustini MF, Marrama. Prolactin and testosterone: their role in male sexual function. Int J Androl 1996 ; 19(1) : 48-54.
4. Dueymes JM, Caron P, Pourrat J, Louvet JP, Conte JJ. Anoma- lie of human gonadal function in periodic hemodialysis: role of the etiology of kidney failure and the role of iron overload.
Néphrologie, 1983 ; 4(2) : 69-74.
5. Dura V, Weizman A, Maoz B, Zevin D, Ben david M. Hyperpro- lactinemia : a possible cause of sexual impotence in male patients undergoing chronic hemodialysis. Nephron 1980 ; 26(1) : 53-54.
6. Emmanuel DS, Lindheimer MD, Katz AI. Pathogenesis of endocrine abnormalities in uremia. Endocr Rev 1980 ; 1 : 28.
7. Feldman HA, Goldstein I, Hatzichriston DG, Krane RJ, Machin- lay JB. Impotence and ist medical and psychological correlates:
results of Massachusettes Male aging study. J Urol 1994 ; 151(1) : 54-61.
8. Foulks CJ, Cushner HM. Sexual dysfunction in the male dialysis patients: pathogenesis, evaluation, and therapy. AM J Kideny Dis 1986 ; 8(4) : 211-22.
9. Guevara A, Vidt D, Halberg MC, Weiland RG. Serum gonado- tropin and testosterone levels in uremic males undergoing intermittent dialysis. Metabolism 1969 ; 12 : 1062-66.
10. Handelsman DJ, Dong Q. Hypothalamo-pituitary gonadal axis in chronic renal failure. Endocrinol Metab Clin North Am 1993 ; 22(1) : 145-61.
11. Handelsman DJ, Liu PY. Androgen therapy in chronic renal failure. Baillieres Clin Endocrinol Metab 1998 ; 12(3) : 485-500.
12. Holdsworth S, Atkins RC, de Kretser DM. The pituitary-testicu- lar axis in men with chronic renal failure. N Engl J Med 1977 ; 296(2) : 1245-9.
13. Joven J, Villabona C, Rubies-Parat J, Espinel E, Galard R. Hor- monal profile and serum zinc levels in uraemic men with gono- dal dysfunction undergoing hemodialysis. Clin Chim Acta 1985 ; 148 : 3 : 239-45.
14. Krolner B. Serum levels of testosterone and luteinizing hor- mone in patients with chronic renal disease. Acta Med Scand 1979 ; 205(7) : 623-27.
15. Lawrence IG, Price DE., Howlett TA., Harris KPG., Feehally J., Walls J. Erythropoietin and sexual dysfunction. Nephrol Dial Transplant 1997 ; 12 : 741–747.
16. Levy NB. Sexual adjustment to maintenance hemodialysis and renal transplantation : National survey by questionnaire : Prelimi- nary report. Trans Am Soc Artif Inter Organs 1973 ; 19 : 138-43.
17. Lim VS, Kathapalia S, Frohman LA. Hyperprolactinemia in chronic renal failure. Impaired responsivenes to suppression and stimulation. Kidney Int 1977 ; 12 : 528.
18. Lim VS. Reproductive function in patients with renal insuffi- ciency. AM J Kidney Dis 1987 ; 9(4) : 363-7.
19. Lundberg PO, Hulter B. Sexual dysfunction in patients with hypothalamo-pituitary disorders. Exp Clin Endocrinol 1991 ; 98(2) : 81-88.
20. Mahajan S, Prassad A, Rabbani P, Briggs W, McDonald F. Zinc metabolism in uremia. J Lab Clin Med 1979 ; 94 : 5 : 693-8.
21. Mahajan SK, Abbasi AA, Prasard AS, Rabbani P, Briggs WA, Mc Donald FD. Effect of oral zinc therapy on gonadal function in haemodialysis patients. A double blind study. Ann Inter Med. 1982 ; 97(3) : 357-61.
22. Massry SG, Goldstein DA, Procci WR, Kletzky OA. Impotence in patients with uremia : a possible role of parathyroid hor- mone. Dial Transplant 1978 ; 7 : 916-23.
23. Massry SG, Goldstein DA, Procci WR, Kletzky OA. Impotence in patients with uremia : a possible role of parathyroid hor- mone. Nephron 1977 ; 19 : 305-10
M. Zamd et al. Ann. Endocrinol.
200
24. Massry SG, Goldstein DA, Procci WR, Kletzky OA. On the pathogenesis of sexual dysfunction of the uraemic male. Proc Eur Dial Transplant Assoc 1980 ; 17 : 139-45.
25. Milde FK, Hart LK, Fearing MO. Sexuality and fertility concerns of dialysis patients. ANNA J 1996; 23: 307-13.
26. Muir Jw, Besser GM, Edwards CR, Rees LH, Cattel WR, Ackrill P, Baker LR. Bromocriptine improves reduced libido and potency in receiving maintenance hemodialysis. Clin Nephrol 1983 ; 20(6) : 308-14.
27. Palmer B. F Sexual Dysfunction in uremia. J Am Soc Nephrol 1999 ; 10 : 1381-88.
28. Palmer BF. Sexual dysfunction in men and women with chro- nic kidney disease and end-stage Kidney disease. Adv Ren replace Ther 2003 ; 10(1) : 48-60.
29. Peces R, Horcajada C, Lopez-Novoa JM, Frutos MA, Casado S, Hernando L. Hyperprolactinemia in chronic Renal failure : impaired Responsiveness to stimulation and Suppression.
Nephron 1981 ; 28 : 11-16.
30. Ramirez G, Butcher De, Newton JL, Brueggemeyer CD, Moon J, Gomez-Sanchez C. Bromocriptine and the hypothalamic hypophyseal function in patients with chronic renal failure on chronic hemodialysis. Am J Kidney Dis 1985 ; 6(2) : 111-8.
31. Ramirez G, O’Neill WM, Bloumer HA, Jubiz W. Abnormalities in the regulation of prolactin in patients with chronic renal failure. J.Clin.Endocrinol.Metab, 1977 ; 45 : 658-61.
32. Rodger R, Sheldon W, Watson M, Dewar J, Wilkinson R, Ward M, Kerr D. Zinc deficiency and hyperprolactinaemia are not reversible causes of sexual dysfunction in uraemia. Nephrol Dial Transplant 1989 ; 4 : 10 : 888-92.
33. Rodger RS, Fletcher K, Dewar JH, Genner D, McHugh M, Wil- kinson R, Ward MK, Kerr DN. Prevalence and pathogenisis of impotence in one hundred uremic men. Uremia Invest 1984- 85 ; 8(2) : 89-96.
34. Sawin CT, Longope G, Schmitt GW, Ryan RS. Blood levels of gonadotrophins and gonadal hormones in gynecomastia asso- ciated with chronic hemodialysis. J Clin Endocrinol Metab 1973 ; 36 : 988-90.
35. Swerdloff RS, Kantor G, Kurenman SG. Gynecomastia of hemodialysis : consideration of pathogenesis. J Clin Invest 1970 : 49 : 94a.
36. Tourkantonis A, Spiliopoulos A, Pharmakiotis A, Settas L. Hae- modialysis and hypothalamo-pituitry-testicular axis. Nephron 1981 ; 27(4-5) : 271-72.
37. Willem L.D, Peter AV, Eric JH, Wim HD, Wim AJ, JO HM. Sexal dysfunction after renal replacement therapy. Am J Kidney Dis 2000; 35(5): 845-51.
38. Zarifian A, Case study of the anemic patient : epoetin alfa- focus on sexual function. ANNA J 1994 ; 21(6) : 368-71.
39. Zima T, Tesar V, Mestek O, Nemecek K. Trace elements in end-stage renal disease.2. Clinical implication of trace ele- ments. Blood Purif 1999 ; 17(4) : 187-98.