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Albert Duhamel

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Academic year: 2022

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Texte intégral

(1)

Albert Duhamel : - Je suis qui ? On est où là ? Je ne suis certain de rien.

Je ne comprends rien à ce qui m’arrive…

Joseph : - Calme-toi mon grand ! Tu es un héros, mort pour la France, comme nous tous ici.

Albert Duhamel : - Quoi, je suis mort ? Mais qui va aider ma Marine- Eugénie ? Qui va s’occuper des vaches ? Et surtout qui va labourer les terres ? C’est que le travail est dur à la ferme !

Adolphe : - C’est moins dur que ta femme !

Albert Duhamel : - Ne manque pas de respect à l’élue de mon cœur !

Il s’avance menaçant vers l’autre

Albert Houlier : - Calmez-vous ! On est tous morts de toute façon.

Adolphe : - Ah bah ça, pour être crevés, on l’est, pour sûr ! La mort elle a de l’humour ; elle a attendu le dernier jour avant la relève pour me faucher : le 25 septembre 1915. J’avais 36 ans : presque toutes mes dents mais plus mes bras !

Louis-Auguste : - Ouais, et morts pour quoi ? pour qui ? Pour les richards, les gros civelots qui engraissent sur nos dos alors que nos familles sont dans le pétrin !

Adolphe : - Les poilus dans la terre, les femmes dans la misère : le beau programme de nos chefs militaires !

Louis-Auguste : - J’en ai vu des camarades se faire menacer, le pistolet sur la tempe, pour aller monter au front se faire trouer la peau !

Achille : - J’ai vu mon beau frère se faire fusiller devant mes yeux car il n’en pouvait plus. J’ai dû regarder sans rien faire son dernier supplice. Et j’ai dû l’écrire à Bertille, ma sœur. T’imagines ! Les coups de fusil

résonnent encore à mes oreilles.

Louis –Auguste : - Pour ces gros lards de colonels, on n’est que de la viande !

Eugène : - Ouais, et les masques à gaz ! Les généraux en avaient bien avant nous !

Louis : - La viande, la boucherie ! Le sang ! Le sang ! Partout !

(2)

Eugène : - Et quand c’est pas les boches, c’est le froid et la vermine ! Un jour, je me suis réveillé en voyant mon camarade mort de froid à mes côtés. Raide qu’il était, et tout bleu. Les rats avaient déjà attaqué les yeux.

Albert Houlier : - Moi, j’ai gardé mes yeux mais je suis quand même mort d’une pneumonie.

Adolphe : - J’vous l’dis, la seule à avoir de l’humour dans ce monde de fous, c’est la grande faucheuse, la sale gueuse !

Joseph : - Attendez. Je comprends votre douleur. Moi aussi les miens sont morts. Mais c’est pour l’honneur de la France.

Achille : - Quel honneur ? L’honneur de quelle patrie ? La patrie qui nous a envoyés à la mort ?

Joseph : - La patrie qui nous a vus naître, la patrie à qui on doit tout.

Achille : - On ne lui doit rien. Elle nous a volontairement sacrifiés.

Joseph : - Mais c’est la France que l’on a défendue ! Nos amis, nos familles, nos valeurs.

Albert : - Du calme ! A quoi ça sert de se battre. Restons unis dans la mort !

Achille : - La mort n’a pas enlevé ma colère.

Joseph : - La mort ne me fait pas peur.

Ils commencent à s’éloigner dans des directions opposées

Louis : - Ils avaient de jolies fleurs rouges à la boutonnière, mes

camarades. De jolies fleurs rouges. Rouge sang…Les papillons. Etranges papillons noirs. Les papillons au long sifflement. Les papillons ! Au

secours ! Ahhhhh ……..

Il tombe à terre et reste prostré.

Eugène : - Le bruit des avions, je l’entends encore.

Achille : - Ce sifflement qui nous serrait le cœur. On se tapissait comme on pouvait au fond de notre trou, dans la boue. Et quand on se relevait, il y en avait toujours un ou deux qui restaient au fond, la bouche ouverte, l’œil vide…crevés, quoi ! comme des chiens, comme les rats que nous étions devenus.

(3)

Joseph : - Oui, mais ce sifflement, c’est aussi celui de la victoire, de nos valeureux aviateurs qui affrontent dans le ciel les nuées ennemies.

Jacques –François : Eux au moins c’étaient pas des lâches ! Pas comme ces dégonflés qui ont torpillé le Gallia sans nous laisser la moindre chance de nous défendre. On était 2350 gars ! Et seulement 600 survivants ! Eugène : -T’en a pas fait partie, mon pauvre vieux.

Louis-Auguste : - Comme nous tous…

Ils se regardent tous, comme un peu gênés. Joseph regarde au loin.

Joseph : - Venez les gars, j’en vois d’autres qu’arrivent. Allons les accueillir dignement.

Jacques-François : -Ouais, et c’est pas fini !

Ils s’éloignent tous dans la même direction.

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