• Aucun résultat trouvé

~~- ~"" -,,,fo ornai

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "~~- ~"" -,,,fo ornai"

Copied!
24
0
0

Texte intégral

(1)

~~-·~""·-··· ,,,fo ornai 8juin 1996 llSe année - N° 5805

Bureau de dépôt: Mons X Hebdomadaire, sauf juillet/août

des ~

.. c.·;···.cc •

.cribunaux

Editeurs :

LARCIER,

rue des Minimes, 39 - 1000 BRUXELLES

Edmond Picard (1881-1899)- Léon Hennebicq (1900-1940)- Charles VaJ'Reepïl.gfidl~f'-966)-Jean Dai (1966-1981)

Rr- ... ~·. ,

L'ADMISSIBILITE EN BELGIQUE

DE L' ADMINISTRATIEKANTOOR, DE LA FIDUCIE- ET DU TRUST PORTANT SUR DES ACTIONS

D'UNE SOCIETE DE DROIT BELGE

c1)

I . -Il'lTRQDUCTION

1.-L'administratiekantoor, la fiducie et le trust sont des institutions juridiques bien con- nues en droit comparé, surtout en droit anglais, droit américain, droit néerlandais et droit suis- se (2).

En Belgique, comme en France, ces institutions · sont longtemps demeurées inconnues en droit positif. La pratique des affaires n'a cependant jamais ignoré ces institutions. Cela explique que de multiples études doctrinales ont progres- sivement été consacrées à l' administratiekan- toor (3), à la fiducie (4) et au trust (5).

(1) Ce texte constitüe le rapport, légèrement rema- nié, qui a été présenté par Raphaël Prioux au sémi- naire de droit des affaires C.E.P.A.C. (U.L.B.) des 10 ét 14 octobre 1995, consacré aux « Techniques belges et étrangères de contrôle des sociétés ano- nymes».

(2) En droit. comparé, voy. notam. Beraudo, Les trusts anglo-saxoris et les droit français, L.G.D.J., 1992; Dyer et Van Loon, «Rapport sur les trusts et institutions analogues », Document préliminaire n° 1 de mai 1992, in Actes et documents de la quinzième session de la Conférence de La Haye; t. II; Dreyer, Le trust en droit suisse, Genève, 1981; Eland-Golds- mith, « The trust and its use in commercial and financial transactions », Rev. dr. aff int., 1985, p. 683; Maerten, « Le régime international du trust après la Convention de La Haye du 1er juillet 1985 », J.C.P., 1988, éd. G, n° 3319; voy. aussi les diffé- rentes contributions nationales aux colloques des 20 et 21 septembre 1984, Les opérations fiduciaires, F.E.D.U.C.I., 1985.

(3) Hamer, « Administratiekantoor de droit néerlan- dais et actions de sociétés de droit belge : convention de vote et de blocage ? », R.P.S., 1993, p. 285; On- kelincx, « Belgische fiscale aspecten van het certifi- ceren van aandelen van een Belgische vennootschap via een stichting administratiekantoor », A.F.T., 1992, p. 167; De Broe, « Fiscale aspecten van het certificeren van Belgische aandelen, middels een Ne- derlandse stichting-administratiekantoor », T.R. V., 1991, p. 115; Van Ommeslaghe, « lnterventie over het gebruik van het Nederlandse administratiekan-

On constate une très grande diversité dans cette doctrine : on y rencontre même des prises de positions diamétralement opposées (6). Cer- tains auteurs ne peuvent cacher leur attrait pour la fiducie, l' administratiekantoor ou le trust, ce

toor voorde certificering van Belgische aandelen », in Openbaar bod en beschermingsconstructies, recente evoluties in wetgeving en praktijk naar Belgisch, Nederlands en Europees recht, Kalmt- hout, Biblo, 1990, p. 216; Peeters, « Het Nederland- se stichting-administratiekantoor », A.F.T., 1988, p. 165; Ecker en Haelterman, « Het Nederlands ad- ministratiekantoor », Fiskofoon, 1988; Swennen,

« Trustachtige rechtsfiguren in België », T.P.R., 1992, p. 1097; Bouckaert, « Nederlands administra- tiekantoor en Belgisch intemationaal privaatrecht », T.R. V., 1989, p. 182.

( 4) Herbots, « Pleidooi voor de invoering in België van het fiduciecontract naar het trustnabootsende Franse model », R.W, 1993-1994, blz. 313; Jeghers,

« Du trust à la fiducie », in Relations familiales internationales, 1993, p .. 433; de Guillenschmidt,

«La France sans la fiducie », Rev.jur. comm., 1991, p. 49; Larroumet, « La fiducie inspirée du trust », Dalloz, 1990, chron. ·XXI, p. 119; Foriers, «La fidu- cie en droit belge », in colloque précité sur Les opérations fiduciaires, 1985, p. 263; Witz, Lafiducie en droit privé français, 1981.

(5) Lepaulle, Traité théorique et pratique des trusts, 1932; Lycops, «Aspects fiscaux belges de l'In- Substance Defeasance et d'un type particulier de trust », Rev. gén. fisc., 1990, p. 304; Droz et Revil- _ lard, « Libéralités, donations, trusts », in Jurisclas- seur droit international privé français, fasc. 557-B, 1988; de Poulpiquet, «Le trust inter vivos dans le droit fiscal français », Rev. not., 1988, p. 129; Depret et Declerck, « Le trust», in Journées notariales de Charleroi, 1983, p. 152; Oppetit, « Le trust dans le commerce international», Rev. crit. dr. int. priv., 1973, p. 1; Van Hecke, «Trust en successierech- ten », in Liber amicorum, Van Houtte, 1975, t. II, p. 1063; Schnitzer, «Le trust et la fondation dans les conflits de lois », R.C.D.l.P., 1965, p. 479; Aubert,

« Trust », in Encyclopédie Dalloz, p. 972.

(6) M. Zondervan (loc. cit., p. 245) explique -cette situation de manière très convaincante : « ... l'insti- tution du trust a engendré parfois chez certains ju- ristes étrangers au droit anglo-saxon des prises de position quasi affectives. Les uns ont été séduits par le trust, et dans la frustration qu'ils éprouvaient de le voir inconnu en droit .civil, n'ont pas échappé à un certain enthousiasme... D'autres traditionalistes et

- 'OTHEEKzz

1 ISSN oozi-812X

1

1 0 JUNI 19'J;

TI,..· .·•strci,- •1 ·:·:-::.:::'E\

30~:.~ lEt,: VEN : :· (}.:·\:

S 0 M··M,!:A 1RE

1 L'admissibilité en Belgique de

l'administratiekantoor, de la fiducie et du trust portant sur des actions d'une société de droit belge, par R. Prioux . . . 449 1 Avocats- Traité C.E. -

Directive du Conseil, du 22 mars 1977- Libre prestation de services - Droit d'établissement

(C.J.C.E., 30 novembre 1995, observations de Y. Brulard et P. Demolin) ... 460 1 Procédure pénale - Ordonnance de renvoi -

Mesure de suspension - Refus - , . Appel de l'inculpé- Irrecevabilité

(Bruxelles, ch. mis ace., 15 février 1996, observations de O. Klees) ... 469 1 Chronique judiciaire :

L'affaire I.N.U.S.O.P. devant la Cour de cassation : l'ambiance des grands jours - La vie du Palais - Courrier des Revues - Echos - Mouvement judiciaire.

Vient de paraître :

la mise à jour au 1er janvier 1996

LA RÉPARATION

DUDO~GECORPOREL

EN DROIT COMMUN

PAR

·Jean-Lùc FAGNART et

Robert BOGAERT

Grand format,) volumes reliés : édition de base(1994, 498 pages) et complément

*

(1996, 212 pages).

*

Le complément actualise au 1er janvier 1996 l'ouvrage paru en avril1994 en renvoyant à ses pages.

V édition de base et le complément 10.100 FB Le complément seul . . . 3.200 FB (t:v.a.c., franco Belgique) COMMANDES : LARCIER, c/o Accès+, s.p.r.l.

Fond Jean-Pâques, 4 - 1348 Louvain-la-Neuvè Tél. (010) 48.25,00-Fax (010) 48.25.19

2Li?ournal

des

:~cri

bunaux

,_..,._;;;·..:--_-;

-~~ -~-

1 9 9 6

lj

~4~

j j

---!''

ii

~

Ji

1 IJ

!

1

ii

rJ

~

1

1 ,,

l'

j!

~

!i 1

1

r:

~-:~:"::i:;::,i

(2)

1 9 9 6

~)~

qui les conduit parfois à ignorer tout ou partie des objections soulevées par ces institutions étrangères. A l'opposé, on trouve certains au- teurs sceptiques, qui ont parfois été jusqu'à considérer que l'administratiekantoor, la fidu- cie et surtout le trust étaient inconciliables avec les concepts du droit civil (voy. infra).

fl faut évidemment se garder de tout 1excès d().IlS un sens ou dans un autre.

2. - Dans cette perspective,· il cdnvient, en premier lieu, de distinguer d'une part laques- tion de la reconnaissance ou de l'admissibilité de ces techniques étrangères en Belgique et d'autre part la constitution sous l'empire du droit belge d'institutions identiques 1ou compa- rables. Le présent rapport sera exc~usivement

consacré à cette première question: de recon- naissance ou d'admissibilité en Belgique (7).

Le respect du droit international PiiÏVé devrait également permettre d'éviter autant que possi- ble les prises de position excessives en cette matière.

Lorsqu'il est question d'utiliser en ~elgique un administratiekantoor, une fiducie ou un trust constitués à l'étranger, l'on s'inscrit nécessai- rement dans l'ordre international, ce qui oblige à déterminer la ou les lois applicables et ce, avant toute autre chose :en effet, lei droit belge n'est applicable que s'il est désigpé par une règle de conflits de lois, ce qui n' ~st pas sou- vent le cas dans la matière qui nous1occupe ici.

Curieusement, cette démarche p~éalable de conflits de lojs est fréquemment pe~due de vue par la doctrine et la jurisprudence (18).

3. - On a parfois expliqué cette perte de vue du droit international privé par le fait que ces institutions étrangères ont surtout été abordées en France et en Belgique en fonction de la pratique.

C'est ainsi par exemple que la doctrine et, dans une moindre mesure, la jurisprudence fiscales se sont essentiellement attachées à découvrir les vertus et à minimiser les obstacles de l'ad- ministratiekantoor en Belgique, sans beaucoup se préoccuper du droit international privé (9).

Par ailleurs, la fiducie a connu,

à

partir. des années 1980, un succès croissant en France et en Belgique, surtout en matière de garan- ties (10).

formalistes se sont dressés contre une intruse qui ne correspond à aucune des fiches signalétiques des catégories classiques reprises au catalogue du Code

civil... ». 1

(7) La seconde question a fait l'objet du rapport parti- culier de M. Dieux au séminairè C.E.P.A.C. précité des 10 et 14 octobre 1995, sous l'intitulé« Constitu- tion en Belgique d'institutions identiques ou compa- rables au trust, à l'administratiekantoor et à la fidu- cie ».

(8) Déjà en 1964, M. H. De Croo relevait cette re- grettable situation et expliquait ainsi de nombreux errements doctrinaux et jurisprudentie~s en matière de trust : L'incidence du trust anglo-américain en droit successoral français belge, Travaux de la Fa- culté de droit de l'U.L.B., 1964, 11, p. 84~ Pour une critique dans le même sens, voy. Bismuth,« Les opérations fiduciaires en droit international privé », in Colloques de Luxembourg des 20 et 21 septem- bre 1984 consacrés aux Opération~ fiduciaires, F.E.D.U.C.I., 1985, pp. 187 et s. 1

(9) Voy. toutefois, Bouckaert, loc. cit.

( 1 0) Voy. surtout V an Ommeslaghe, « Sûretés issues

ournal

des·f1tribunaux

Enfm, c'est essentiellement par le biais de la matière successorale que le trust s'est répandu dans les pays civilistes (11).

Ces trois institutions ne se limitent évidemment pas respectivement au droit fiscal, au droit des sûretés et au droit successoral. La doctrine et la jurisprudence ont d'ailleurs montré dans d'au- tres matières les multiples utilisations pratiques possibles de l'administratiekantoor, de la fidu- cie et du trust (12).

ll en va notamment ainsi en matière de contrôle de sociétés et en particulier, de contrôle d'une société anonyme de droit belge. C'est essentiel- lement sous cet angle que le présent rapport est rédigé (13).

4. - Il est bien connu, dans la pratique, que de nombreuses sociétés belges sont contrôlées di- rectement ou indirectement à l'intervention d'un administratiekantoor de droit néerlandais.

Cette situation a d'ailleurs conduit certains pra- ticiens à plaider en faveur de l'adoption en droit belge d'une institution comparable à celle du droit néerlandais. Plusieurs projets de lois se sont succédés à cet effet en Belgique et il sem- ble que le dernier projet en date pourrait aboutir prochainement, si l'on en oroit la déclaration gouvernementale du 4 octobre 1995 (voy. in- fra).

La formule suivie est généralement la sui- vante : les actionnaires (souvent issus de la même famille) d'une société de droit belge transfèrent à une société ou une fondation de droit néerlandais ayant la personnalité juridique les actions qu'ils détiennent en vue d'assurerla gestion patrimoniale de ces actions, d'où l'ap- pellation administratiekantoor ou bureau d'ad- ministration (14). En -echange de ces actions, les actionnaires reçoivent des certificats qui leur permettent, à certaines conditions, de récu- pérer lesdites actions. Le mécanisme de l' admi- nistratiekantoor permet une grande souplesse afin de rencontrer au mieux les préoccupations des actionnaires, notamment en matière de ges- de la pratique et autonomie de la volonté »,Colloque des sûretés, F.E.D.U.C.I., 1984, pp. 386 et s.; du même auteur, «Les sûretés nouvelles issues de la pratique - Développements récents », Colloque des sûretés, J.B., 1992, pp. 380 et s.; voy. aussi les nom- breuses contributions au colloque précité de Luxem- bourg des 20 et 21 septembre 1984 consacré aux - opérations fiduciaires et notamment le rapport de synthèse du professeur V an Ommeslaghe, pp. 450 et s. et les nombreuses références faites aux rapports nationaux en droits allemand, belge, italien, luxem- bourgeois, néerlandais et suisse.

(11) Voy., par ex., De Croo, loc. cit.; Jeghers, loc.

cit., 1993, p. 433; Droz et Revillard, op. cit.

(12) Ainsi, par ex., le professeur Oppetit a montré les très nombreuses utilisations possibles du trust dans des opérations sophistiquées de la vie des affaires :

«Le trust dans le droit du commerce international », R.C.D.l.P., 1973, pp. 1 et s. et les nombreuses réfé- rences citées.

(13) En pratique, de multiples variantes sont égale- ment possibles en matière de contrôle,· surtout si 1' on a recours au trust. Compte tenu du caractère limité de ce rapport, nous serons contraints de nous limiter à des réflexions générales, sans rentrer dans le détail des variantes possibles, ni a foriori dans le détail des multiples clauses que l'on rencontre dans la pratique en matière d' administratiekantoor, de fiducie et de trust.

(14) Pour la facilité, nous utiliserons uniformément

- dans le present rapport l'expression « adminïstratie- kantoor ».

ti on, de contrôle, d'exercice du droit de vote ou de paiement des dividendes (15).

En pratique, la fiducie et le trust sont plus rare- ment utilisés, en tout cas. pour le contrôle d'une société anonyme de droit belge.

Ces deux institutions ne présentent sans doute pas l'avantage de l' administratiekantoor quant à la personnalité juridique distincte (16).

La fiducie et le trust peuvent néanmoins servir utilement comme technique de contrôle de so- ciétés. La jurisprudence française illustre par- faitement cette opportunité à propos d'un« va- ting trust agreement » conclu dans le cadre de la célèbre affaire de la Métro Goldwin Mayer (17). Il existe également quelques exemples en matière de fiducie.

5.-Les commentaires en sens divers qu'ont suscité ces exemples pratiques et jurispruden- tiels expliquent à quel point les idées reçues sont nombreuses en cette matière.

La plupart de ces idées reçues concernent des objections qui ont été avancées de façon tradi- · tionnelle à l'encontre de l'utilisation de l' admi- nistratiekantoor, de la fiducie et du trust, es- sentiellement en France et en Belgique. Para- doxalement, ce sont parfois même les plus fer- vents partisans de ces institutions qui ont sou- levé ces objections à titre de réserve.

On ne compte plus les réserves ainsi formulées par une référence à l'ordre public international et à la fraude à hi loi. Mais, ces réserves de droit international privé sont rarement analysées.

(15) Voy., par ex., Ramer, loc. cit., pp. 286 et 287;

Swennen, loc. cit., p. 1103. · (16) Contrairement à ce que l'on enseigne souvent, il existe néanmoins certains cas particuliers de trusts possédant la personnalité juridique (voy., par ex., Hayton, The law of trusts, Sweet & Maxwell, 1993, pp. 151 et 152; voy. aussi, Dyer et Van Loon,« Rap- port sur les trusts et institutions analogues », 1982, Actes et documents de la quinzième session de la Conférence de La Haye, 154). Dans le cadre li- mité du présent rapport, nous n'examinerons pas ces cas ·particuliers.

(17) Trib. Pari~, 10 févr. 1993, Clunet, 1995, p. 599 et la note Kessedjian. Dans le cadre d'une tentative de contrôle de la fameuse société américaine de cinéma, la Métro Goldwin Mayer (M.G.M.), par un groupe financier italien, le Crédit Lyonnais Bank Nederland (C.L.B.N.) avait accordé un fmancement considérable assorti de diverses garanties. Parmi celles-ci, figurait un « voting trust agreement » par lequel le Crédit Lyonnais était désigné comme

«trustee» des actions M.G.M. du groupe italien. La convention de trust conférait au « trustee » le pou- voir d'exercer le droit de vote à certaines conditions.

C'est précisément ce pouvoir qui est au coeur du litige : le Crédit Lyonnais . exerça effectivement le droit de vote attaché aux actions M.G.M., ce qui fut contesté par le groupe italien. Plusieurs procédures judiciaires furent introduites aux Etats-Unis par le Crédit Lyonnais et ensuite en Italie par le groupe italien. Dans l'ensemble, les jugements américains furent favorables au Crédit Lyonnais, tandis que les décisions de justice italiennes allaient en sens con- traire. Le tribunal de grande instance de Paris fut saisi d'une demande en exequatur des décisions judi- ciaires américaines par le Crédit Lyonnais. La ban- que demanda également au tribunal que les décisions italiennes lui soient déclarées inopposables. A cette occasion, la juridiction française écarta 1' exception d'ordre public international que le groupe italien avait soulevé à l'encontre des décisions américaines en invoquant le « voting trust agreement » (pour plus de détails dû point de vue de cette exception, voy.

infra).

(3)

En droit interne, on a également souvent af- fmné que l' administratiekantoor, la fiducie et surtout le trust se heurteraient au nombre limité des droits réels, au principe « pas de privilège sans texte »,ou encore à plusieurs règles impé-.

ratives de droit successoral (le droit à la réserve en nature, la prohibition des substitutions fidéi- commissaires, 1' interdiction des pactes sur suc- cessions futures et même parfois les règles d'administration et de tutelle des incapables).

En droit des sociétés, plusieurs règles impéra- tives ou d'ordre public ont également été avan- cées en guise d'objection, en particulier pour ce qui concerne le droit belge l'article 1855 du Code civil, les articles 13ter, 41, 46, 74ter et surtout 200 des lois coordonnées sur les so- ciétés commerciales.

C'est essentiellement à ces objections tirées du droit des sociétés que nous consacrerons notre rapport. Nous envisagerons également, mais de manière plus limitée, les autres objections pro- pres aux droits réels et ·droits successoraux, dans la mesure où ces règles peuvent concerner l'utilisation d'un administratiekantoor, d'un contrat fiduciaire ou d'un trust destiné à contrô- ler une société anonyme de droit belge.

DE L' ADMTI«A&JM.4iRiEKANTOOR, DE LA FIDUCIE ET DU TRUST

EN BELGIQUE

6 . - On peut distinguer deux catégories d'ob- jections.

La première regroupe les objections générales tirées du droit international privé, ou à tout le moins celles qui font référence à des concepts particuliers de droit international privé.

La seconde catégorie d'objections se compose des règles de droit interne belge qui ont été avancées spécifiquement en tant qu'obstacle ou réserve à l'admissibilité de l' administratiekan- toor, du trust et de la fiducie en Belgique (18).

A. - Objections générales de droit international privé relative à l'admissibilité de l'administratiekantoor, de la fiducie et du trust en Belgique 7 . - L'ordre public international et la fraude à la loi sont sans doute les deux notions le plus souvent invoquées au titre d'objection ou ré- (18) Nous sommes évidemment conscients de la re- lativité de cette classification, dans la mesure où de . nombreuses objections spécifiques à caractère de droit interne sont avancées ou devraient être avan- cées par le biais de règles de droit international privé.

Un exemple classique dans ce sens peut être trouvé dans les règles impératives en matière de réserves successorales, qui sont souvent avancées comme preuves ou indices d'une violation de l'ordre public international belge ou d'une fraude à la loi. Nous verrons ci-après qu'en réalité, un troisième concept de droit international privé, celui de lois de police, est plus approprié pour appréhender l'objection fon- dée sur les règles impératives en matière de réserves successorales. ll en va également ainsi de nom- breuses règles impératives (voy. infra).

serve en la matière. Plus rarement, il est ques- tion de~ lois de police (19).

Avant d'aborder ces concepts de droit interna- tional privé, il convient de se pencher sur la détermination des lois applicables à ces institu- tions étrangères et ce, dans la perspective de leur reconnaissance dans 1' ordre juridique in- terne belge. Cela implique l'examen d'une question dite de qualification, qui est souvent ignorée, mais qui est préalable à toute autre considération de droit international privé ou de droit interne.

1. - La reconnaissance de l' administratiekantoor,

de la fiducie et du trust et la détermination des lois

qui leur sont applicables

8 . - La reconnaissance de l'administratiekan- toor, de la fiducie et surtout du trust (20) a parfois fait l'objet d'un rejet pur et simple en Belgique et et en France. Selon les partisans de cette solution extrême, celui-ci se justifierait par le fait que l' administratieka:ntoor, la fiducie et le trust sont des institutions sui generis qui ne peuvent être rangées dans les classifications classiques du droit belge ou du droit français

(21). .

En vérité, cette justification - d'ailleurs de plus en plus rare- procède d'une erreur de raisonnement. Le fait que l' administratiekan- toor, la fiducie ou le trust n'existent pas comme tels en droit positif belge ne rend nullement inadmissible leur utilisation en Belgique, dès lors qu'ils ont été valablement constitués sous l'empire d'une loi étrangère (22).

Or, le plus souvent, la loi étrangère applicable à la constitution de l'administratiekantoor, de la fiducie ou du trust valide l'institution concer- née. Ce constat s'explique aisément par le bon sens des praticiens : dès lors que l'administra- tiekantoor, la fiducie et le trust sont reconnus et utilisés valablement dans de nombreux pays, il est rare que des praticiens constituent un admi- nistratiekantoor, une fiducie ou un trust sous l'empire d'une loi qui ignore ou invalide l'insti- tution concernée.

Cela étant, les questions de conflits de lois sou- levées par l'utilisation de l'administratiekan- toor, de la fiducie et du trust en Belgique ne se (19) Les lois de police sont parfois appelées « lois de police et sûretés » ou encore « lois d'application immédiate». Nous avons déjà eu l'occasion de con- tester le bien fondé de la distinction entre ces diffé- rentes notions : voy. Prioux, « L'incidence des lois de police sur lès contrats économiques internatio- naux », Rev. dr. U.L.B., 1994-2, pp. 131 et 132 et les

références citées. ·

(20) Le professeur Motulsky est souvent considéré comnie le plus grand partisan de cette opinion traiJ.- , chée à la suite de son article «De l'impossibilité

juridique de constituer un trust anglo-saxon sous l'empire de la Joi française », R.C.D.l.P., 1948, pp. 450 et s.

(21) Cela étant, certaines de ces institutions, surtout la fiducie, ont fait l'objet de consécrations implicites par le législateur belge : voy. Swennen, loc. cit., pp. 1110 et s.; Colin, «De cessie-retrocessietransac- tie (wet van 2 januari 1991): een wettelijke regeling inzake fiduciaire eigendomsoverdacht ais zeker- heidstelling », R. W., 1991-1992, col. 1.

(22) Voy. notam., à· ce propos Zondervan, «Ré- flexions sur la division du patrimo.lne », Rev. Ban- que, p. 259.

limitent pas à la seule question de leur constitu- tion.

IJ convient à cet égard de distinguer l'adminis- tratiekantoor, la fiducie et le trust.

(i) L' administratiekantoor.

9 . - Cette institution propre au droit néer- landais vise en principe une société ou une fondation qui, dans tous les cas, possède la personnalité juridique (23) (24). C'est donc lo- giquement au regard de la lex societatis, c'est- à-dire la loi applicable à cette institution, qu'il convient d'examiner la validité de sa constitu- tion d'une part et les règles propres à son fonc- tionnement d'autre part.

En principe, il en résulte une application du droit néerlandais, sous réserve de l'hypothèse dans laquelle le siège réel de 1' administratie- kantoor n'est pas situé aux Pays-Bas mais dans un autre pays (25). Dans ·ce cas, l'article 197 des lois coordonnées sur les sociétés commer- cial es commande en principe l'application de la loi de cet autre pays en tant que lex societa- tis (26).

10.-Plusieurs auteurs se sont demandés si l'ordre public international belge (27) n'était pas violé· par la reconnaissance en Belgi- que d'institutions comme l'administratiekan- toor (28).

La réponse à cette question est assurément né- gative. En effet, le droit belge reconnaît à toute société, association ou fondation étrangères quelles qu'elles soient la jouissance de tous les droits qui découlent de leur personnalité. juri- dique, pour autant bien entendu que cette per- sonnalité leur soit coriférée par le droit national

(23) Rappelons à ce propos que dans le présent rapport, nous avons choisi de viser indistinctement l'hypothèse de la société et celle de la fondation en utilisant dans tous les cas la notion générique d'« ad- ministratiekantoor », dans un souci de facilité.

(24) Voy. les références précitées à la note de bas de page n° 3.

(25) Cette hypothèse pose une délicate question, sou- vent ignorée dans la pratique. Nous avons déjà eu 1' occasion de nous interroger à plusieurs reprises sur l'article 197 des lois coordonnées, qui crée souvent des surprises désagréables dès lors qu'on l'applique à la lettre. En effet, combien de sociétés constituées sous l'empire d'un droit étranger ne sont-elles pas en fait gérées par des personnes physiques ou morales à partir d'un autre pays ? Or, le lieu de cette gestion de fait est précisément le critère déterminant du siège social réel au ~ens de l'article 197 des lois coordon- nées sur les sociétés commer-Ciales. Cette hypothèse se pose non seulement pour les sociétés dites « off- shore » mais aussi pour des sociétés commerciales ou civiles, parfois de dimension mondiale : voy.

Prioux, «L'article 197 des lois coordonnées sur les sociétés commerciales, disposition méconnue de·

droit international privé belge », R.G.D.C., 1989, p. 479.

(26) Théoriquement, il est possible d'échapper à cette solution, par application de la théorie du renvoi, si la loi de 1' autre pays renvoie à la loi du lieu de l'« incorporation » de l'administratiekantoor (sur des cas semblables de renvoi consacrés par la juris- prudence française, voy. Prioux, ibidem, R.G.D.C., 1989, p. 485).

(27) L'objection fondée sur l'ordre public internatio- nal belge est abordée ici de manière spécifique du point de vue de la reconnaissance de l' administratie- kantoor. Elle est également abordée en tant que telle de manière plus générale (voy. infra).

(28) Voy. notam. Bouckaert, loc. cit., p. 184; Zon- dervan, loc. cit., pp. 248 et s.

.·:_/>ournal

des ·Ltribunaux

~ ... -.... -~_.:-·

1 9 9 6

l''

1 ~~

: ~ :

::: •'J '1 '1

'il "J

; ~ . :::

l

':i

'1

:;:

~

ir] 1:: ,;i

1:1 •'1 i'J

I'J

''1

l ::.i '1 ,;j ,,

j.j

''1 ,,, ,,

ri

~

:ii r·1

:;: >'1

•'1

.. 1

•'J :~j

i:1

I

ii!

~ i ,,

!;1

~

l!

il ii

f!

':

~i

J'

!ii

~ ; j

·~

---""'1,:1 i]!

! ~ i

4)1

•'1 •'J ;:J iij 1:,

i

(4)

1 9 9 6

~)1

sous l'empire de laquelle elles ont i été consti- tuées. Ce principe a été confrrmé pat] un arrêt de la Cour de cassation de 1978 (29), et par la doctrine majoritaire (30).

Cette réponse négative est encore renforcée par plusieurs conventions internationales, qui ont été conclues sur ce sujet pour éviterltoute diffi- culté de reconnaissance des personnes morales étrangères (31). Il s'agit essentiel~ement (32) de la Convention de La Haye du 1 ~r juin 1956 concernant la reconnaissance de la nersonnalité

j~ridique des sociétés, associations ef fonda- tions étrangères d'une part et de la Convention C.E.E. du 29 février 1968 sur la recdnnaissance mutuelle des sociétés et personnes morales d'autre part. Ces deux Conventions bnt été rati- fiées par la Belgique mais elles ne sont toujours

pas en vigueur (33). 1

11.-Une fois la lex societatis déterminée, encore faut -il en définir le champ d'application.

En droit belge, il est relativemen!t large : il s'agit en principe de la constitutioh de la so- ciété, l'émission des titres représentatifs du ca- pital et leur régime, la personnalité juridique et la capacité d'ester en justice, 1' orga.fnisation in- terne, le fonctionnement des organes et leur pouvoir, les droits et devoirs des actionnaires, la dissolution et la liquidation. Par contre, échappent traditionnellement à la lex societatis certaines questions liées aux apport:s en nature, à la responsabilité des administrateurs et à l'ac- tivité des sièges d'opération et des succursa- les (34).

1

Ce champ d'application ne s'étend, à notre avis, pas aux conventions d' actionmaires, mais

,,,,,"''i'''c'c::::::E:::;;,,;::'D'ë"'ë3:;c:;;;c::';';':;:-;;~c:G~'T,:C;7::c:,'i:t'C::I,;u::::''·''i!2':::: :::; ,::;;,;

(29) Cass., 13 janv. 1978, Pas., 1978, 1; p. 543;

R.C.J.B., 1979, p. 41 et la note Ganshdf.

(30) Watté, « Quelques remarques suri la notion de l'ordre public en droit international privé », R.C.J.B., 1989, p. 88; De Page et van de Wallel de Ghelcke,

«La constitution d'une société d'une! personne et

·l'ordre public international belge », Rev. prat. soc., 1979, 6004; Sace, « Chronique ide jurispru- dence », Rev. dr. intern. dr. camp., 1979, p. 190;

Speth, « L'entreprise d'une personne et l'ordre pu- blic international », Rev. not., 1978, ep. 570 et s.;

comp. t'Kint et Hislaire, «La constitution d'une so- ciété d'une personne et de l'ordre public internatio- nal belge », R.P.S., 1976, 5887.

(31) ll en va de même pour d'autres institutions n'ayant en principe pas la personnalité juridique mais qui sont inconnues dans certains pays. Tel est essen- tiellement le cas du trust dont une convention de 1985 prévoit la reconnaissance p~. les pays signa- taires de la Convention (voy. infra);

(32) Voyez les autres textes cités et reproduits (en partie) dans l'ouvrage de Erauw et Watté, «Les sources du droit international privé belge et commu- nautaire », 1993, pp. 313 et s. Voyez en particulierle Protocole du 3 juin 1971 concernant l'interprétation par la Cour de justice de la Convention du 29 février 1968 ainsi que la directive de l'O.C:D.E. du 21 juin 1976 concernant les entreprises multinationales.

(33) Pour le texte de ces conventions, voy. Vander Elst, Droit international pr{vé belge - Conflits de

· lois, 1983, n°s 55.4 et 55.7.

(34) Loussouam et Bredi:ri, « Droit du ~ommerce in- ternational », 1969, n°s 324 à 412; Vian Hecke et Lenaerts, « Intemationaal privaatrecht », A.P.R., 1989, nos 732 à 745; Prioux, «L'article 197 des lois coordonnées sur les sociétés commerciales, disposi- tion méconnue de droit international privé », loc. cit., n° 5; en matière de fusion internationhle, voy. Til- quin, « Fusions et scissions - Aspects . transfronta- liers », Dictionnaire Joly Sociétés, 199S, n°s 14 et s.

'lLdlJ:ournal

des i~tribunaux

··1

la question est assurément délicate (35). Nous croyons en tout cas qu'échappent au domaine d'application de la lex societatis les conven- tions d'actionnaires préalables ou postérieures à la constitution d'ün administratiekantoor.

De même, échappent à la lex societatis de l'ad- ministratiekantoor les questions propres au fonctionnement de la société belge (c'est -à-dire celle dont les actions ont, dans notre hypothèse, été cédées à l' administratiekantoor). Concrète- ment, cela signifie qu'une société_ belge dont tout ou partie des actions ont été apportées à un administratiekantoor continue logiquement à être régie par sa propre lex societatis, à savoir la loi belge en principe (36).

C'est notamment cette « seconde » lex socie- tatis qui détermine les conditions d'accès à l'assemblée générale et l'exercice du droit de vote. Il s'agit là d'un point très important du point de vue de l'application de l'article 200 des lois coordonnées sur les sociétés commer- ciales (voy. infra).

Il en va de même, à notre avis, des règles pro- pres aux actions cédées à l' administratiekan- toor. Cette dernière question est toutefois con- troversée, en tout cas pour les actions au porteur (37).

Cette application concurrente de plusieurs lois est rendue encore plus compliquée par l'inter- férence des lois de police. Ainsi par exemple, on s'est parfois demandé si 1' article 200 des lois coordonnées sur les sociétés commerciales n'est pas de nature à s'appliquer à tout adminis- tratiekantoor détenant des actions d'une société belge (38).

(ii) La fiducie.

12. - Le régime de la reconnaissance de la fiducie en droit international privé se pose dans des termes sensiblement différents de ceux pro- pres à 1' administratiekantoor : il n'est pas ques- tion ici d'une personne morale dont il s'agirait de reconnaître l'existence et les activités.

(35) Pour plus de détails à ce sujet, voy. Prioux,

« Les conventions d'actionnaires internationales »,à paraître, R.P.S., 1996.

(36) Sous la réserve habituelle qui découle de l' arti- cle ·197 des lois coordonnées sur les sociétés com- merciales (voy. supra).

(37) Traditionnellement, on enseigne en effet que le régime des actions relève du statut des biens et donc de la lex rei sitae (voy. notam. Bismuth,« Les opéra- tions fiduciaires en droit international privé »,in Les opérations fiduciaires, op. cit., 1985, pp. 200 et 201;, Hamer, loc. cit., p. 289). Les actions seraient dès lors régies par la loi du lieu de leur situation, ce qui peut conduire à des lois différentes pour les actions au porteur. Quant aux actions nominatives, on considère généralement qu'elles sont situées au siège social de la société qui les a émises (Vander Elst et Weser, Droit international privé belge, 1983, p. 248) ce qui fait ainsi coïncider en principe la lex rei sitae et la lex societatis. A notre avis, cette solution traditionnelle de rattachement des actions à la lex rei sitae est artificielle car les actions d'une société sont indisso- ciablement liées à l'existence et au fonctionnement de la société émettrice : c'est pourquoi, nous croyons dès lors que le régime des actions est à ranger dans le domaine d'application de la lex societatis et non pas dans celui de la lex rei sitae (voy. notam.; à ce sujet, Cass. civ. fr., 17 oct. 1972, R.C.D.l.P., 1973, p. 520 et la note Battifol).

(38) Pour une réponse négative à cette question, voy.

infra.

La fiducie est en règle générale considérée comme un contrat (ou parfois un acte unilaté- ral) dont il existe de multiples variétés.

On peut dès lors qualifier la fiducie par réfé- rence au régime de la lex contractus, c'est- à-dire la loi applicable aux obligations contrac- tuelles. li en va ainsi même si, comme en l'es- pèce, le contrat de fiducie porte sur la gestion ou sur la mise en garantie d'actions d'une so- ciété anonyme de droit belge.

Il n'est en principe pas nécessaire d'opérer à cet effet une autre qualification plus précise (ou plus exactement une sous-qualification) de la fiducie. Il en est d'autant plus ainsi que la fidu- cie est une institution sui generis qui n'est ré- . ductible à aucune qualification de droit interne

belge (voy. supra).

Il convient néanmoins d'être attentif à cette particularité du contrat de fiducie lorsqu'on vé- rifie si la Convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contrac- tuelles est effectivement d'application ici. Cet- te Convention prévoit en effet une exception propre au trust qui pourrait s'étendre à un con- trat de fiducie si, nonobstant la dénomination que lui auraient donnée les parties, il s'à gis- sait en réalité d'un mécanisme de trust (39).

13.-Dès lors que la Convention de Rome s'applique, il est en principe aisé de déterminer la loi applicable aux contrats de fiducie : il suffit de se référer à la volonté des parties ou, à défaut, aux critères objectifs prévus à cet effet dans la Convention, surtout celui de la presta- tion caractéristique (40) (41).

Qans la pratique, beaucoup de contrats de fidu- cie, surtout lorsqu'ils portent sur des actions de sociétés belges, sont conclus à l'étranger et soumis à une loi étrangère. En vertu de ce choix, la loi étrangère applicable a en principe vocation à régir la plupart des questions juri- diques qui se posent en relation avec la conclu- sion, l'exécution et l'éventuelle dissolution de la convention de fiducie.

Les réserves d'usage en matière contractuelle peuvent néanmoins conduire en pratique à une perturbation de ce choix de la loi étrangère.

Comme en toute matière, il convient d'exami- ner si le contrat ne peut donner lieu à l' applica- tion de l'exception d'ordre public international, de la théorie de la fraude à la loi ou de la théorie des lois de police (voy. infra).

(iii) Le trust.

14.-La problématique de la reconnaissance du trust en droit international privé belge se (39) L'article 1.2., 9), dispose dans ce sens que « les dispositions de la Convention ne s'appliquent pas à la constitution des trusts, aux relations qu'ils créent entre les constituants, les trustees et les bénéfi- ciaires ».

(40) Voy., parex., à ce propos, Van Gysel et lngber,

« A la recherche de la prestation caractéristique », Rev. dr. U.L.B., 1994-2, p. 55.

(41) A notre avis, c'est le fiduciaire qui exécute la prestation caractéristique du contrat de fiducie : on peut invoquer dans ce sens l'opinion dominante se- lon laquelle le prestataire de services ou l'intermé- diaire est celui qui exécute la prestation caractéris- tique au sens de l'article 4 de la Convention de Rome :Van GyseLet lngber, «A la recherche de la prestation caractéristique »,loc. cit., 31, pp. 79 et 80; Prioux, «L'incidence du droit international privé lors de la conclusion et 1' exécution des contrats com- merciaux : la détermination de la loi applicable », Colloque Euroforum, 1991, nos 7 et s.

(5)

pose dans des termes similaires, mais avec cer- taines nuanc,es.

Pour le trust, la qualification de « contrat » est parfois contestée, ce qui s'explique notamment par l'immense variété de trusts. Le plus sou- vent, il s'agit néanmoins de mécanismes con- tractuels ou unilatéraux, qui sont soumis à la loi applicable aux obligations contractuelles (lex contractus) (42).

Du point de vue du droit international privé, nous limiterons en tout cas notre analyse à cette hypothèse contractuelle (43).

La deuxième différence entre la fiducie et le trust concerne- l'application de la Convention - de Roine de 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles. L'article 1er de cette Convention exclut en effet expressément le trust de son champ d'application (voy. supra).

Cette exclusion s'explique par la préparation à l'époque de la conclusion de la Convention de Rome, d'une autre convention relative à la loi applicable au trust et à sa reconnaissance. Cette convention propre au trusl a fmalement été con- clue le 1er juillet 1985 mais n'a été ni signée, ni ratifiée par la Belgique et elle n'est pas encore en vigueur ( 44 ). _ -

ll convient donc de s'en référer aux règles clas- siques de conflits des lois tel~es que consacrées par la jurisprudence, tout en pouvant s'inspirer de celles prévues dans la Convention du 1er juillet 1985 (45). En pratique, la _priorité est toujours donnée à la loi choisie expressément ou implicitement par les parties. A défaut d'un tel choix, le juge belge a recours à des indices, qui sont quelque peu différents de ceux énoncés dans la Convention de Rome, niais qui condui- sent souvent au même résultat (46). _

Concrètement, le trust est généralement régi par un droit étranger qui reconnaît l'institution du trust et valide son utilisation.

(42) Voy. notam. Lepaulle, op. cit., p. 388; Oppetit, loc. cit., p. 10, qui procède à une analyse circonstan- ciée de cette question; voy. aussi, Van Hecke et Lenaerts, « International privaatrecht », A.P.R., 1989; n° 97, p. 62; Maerten, loc. cit., n° 3319; De Croo, loc. cit., p. 83.

(43) Pour la facilité, nous ferons référence indistinc- tement dans le présent rapport au trust ou au contrat de trust.

(44) Erauw et Watté, op. cit., p. 125. Pour un com- mentaire de cette Convention, voy., par ex., Maerten, loc. cit:, n° 3319; Gaillard et Trautman, «La Con- vention de La Haye du 1er juillet 1985 relative)lla loi applicable au trust et à sa reconnaissance », R.C.D.l.P., 1986, p. 1.

( 45) Au fil du temps, les règles classiques consacrées par la jurisprudence ont été influencées par celles prévues par la Convention de Rome (Hanotiau et Fallon, « Chronique de jurisprudence - Les conflits de lois en matière d'obligations contractuelles et non contractuelles », J.T., 1987, p. 101, n° 18; Prioux,

«L'incidence du droit international privé lors de la conclusion et de l'exécution des contrats commer- ciaux : la détermination de la loi applicable», loc.

cit., p. 3 et les autres références citées). On peut dès lors raisonnablement supposer une influence compa- rable de la Convention de La Haye sur le trust.

(46) Watté, «Les contrats internationaux : l'inci- dence de la Convention de Rome du 19 juin 1980 sur la jurisprudence belge »,R.D.C., 1993, p. 1076;

Prioux, «'L'incidence du droit international privé lors de la conclusion et l'exécution de contrats inter- nationaux : la détermination de la loi applicable », loc. cit., pp. 8 et s.

2. - L'atteinte

à l'ordre-public international belge 15. - Compte tenu des nombreuses confu- sions que 1' on rencontre entre 1' ordre public international belge et 1' ordre public de droit interne, il n'est pas inutile de rappeler la portée limitée de l'ordre public international.

La notion d'ordre public international éonstitue un correctif exceptionnel aux règles de conflits de lois : elle permet au juge du for de refuser d'appliquer le droit étranger normalement ap- plicable lorsque son application in concreto conduirait à une solution inadmissible dans - l'ordre interne du for (47) (48).

Selon la défmition classique de la Cour de cas- sation, « une loi d'ordre public interne n'est d'ordre public international privé que si par les dispositions de cette loi, le législateur a entendu consacrer un principe qu'il considère comme essentiel à l'ordre moral, politique ou écono- mique et qui, pour ce motif, doit nécessaire- ment exclure l'application en Belgique de toute règle contraire ou différente d'un droit étranger, même lorsque celle-ci est applicable suivant les règles ordinaires des conflits de lois » ( 49).

16. ,_ Malgré son caractère limitatif, la notion d'ordre public international figure au premier rang des objections opposées à l'utilisation en Belgique de l' administratiekantoor, de la fidu- cie et du trust.

Même les auteurs les plus favorables à l'utilisa- tion de ces techniques en Belgique, voire de leur introduction dans le droit belge, ont pres- que systématiquement émis la réserve « clas- sique » de l'ordre public international. La sys- tématisation de cette réserve procède, à notre avis, d'une prudence excessive.

(47) Parmi l'abondante littérature consacrée à la no- tion d'ordre public international, voy. notam. Watté,

« Quelques remarques sur la notion de l'ordre public en droit international privé », R.C.J.B., 1989, p. 66;

Talion, « Considérations sur la notion d'ordre public dans les contrats en droit français et en droit an- glais »,Mélanges Savatier, 1965, p. 889; Heyvaert,

« De grenzen van de gezinsautonomie in de interna- tionale openbare orde in België », R. W., 1981-1982, col. 2221; Vander Elst, « Ordre public international, lois de police et d'application immédiate », Mé- langes R. Legros, 1985, p. 659.

(48) En doctrine, un important courant prône l'élar- gissement de la notion d'ordre public international en invoquant les notions voisines d'ordre public « trans- national », « réellement -international » ou encore

« supra:..national » : voy. notam., dans ce sens, Ro- lin, « Vers un ordre public réellement internatio- nal», Mélanges Basdevant, p. 441; Rigaux, Droit international privé, t. 1, 1988, nos 512 et 513; Ma- tray, «Quelques problèmes de l'arbitrage commer- cial international », in Colloque de Liège du 9 dé- cembre 1988 sur L'arbitrage international européen et national, pp. 50 et s.; Moitry, «Arbitrage interna- tional et le droit de la concurrence : vers un ordre public de la lex mercatoria », Rev. Arb., 1989, pp. 35 et 36; Lalive, « Ordre public transnational ou réelle- ment international et arbitrage international », Rev.

Arb., 1986, p. 329; Battifol et Lagarde, Traité de droit international privé, t. 1, ge éd., 1993, pp. 587 et 588 et les autres références citées.

(49) Cass., 4 mai 1950, Pas., 1950, 1, p. 624; Cass., 13 janv. 1978, Pas., 1, 1978, p. 643; Cass., 27 févr.

1986, R.C.J.B., 1989, p. 56 et la note Watté : « Quel- ques remarques sur la notion de l'ordre public en droit international privé >>'.

L'ordre public international est parfois invoqué isolément ou par le biais d'une référence à une disposition légale plus spécifique,' comme par exemple aux articles 41, 74ter ou 200 des lois coordonnées sur les sociétés commerciales (voy. infra).

17. - Sans qu'il soit nécessaire de rentrer à ce stade dans le détail des objections spécifiques qui découlent de ces textes, nous croyons pou- voir écarter l'objection fondée sur l'ordre pu- blic international et ce, de manière presque ab- solue.

Plusieurs raisons justifient, à notre avis, cette solution.

Le premier argument repose sur le principe de reconnaissance des personnes morales valable- ment constituées à l'étranger, ce qui vise sur- tout l'administratiekantoor. On peut notam- ment invoquer de manière déterminante l'arrêt précité de la Cour de cassation de 1978 (voy.

supra).

Dans le même sens, on peut invoquer à propos du trust 1' arrêt précité rendu le 10 février 1993 par le tribunal de grande instance de Paris dans l'affaire M.G.M. c. Crédit Lyonnais (C.L.B.N.) (50). La lecture de certains attendus de cet arrêt est particulièrement éclairante :

« Attendu, en premier lieu, que les défendeurs soutiennent qu'en violation des principes d'or- dre public prohibant la cession par les associés d'une société de leurs droits de vote ou le man- dat irrévocable portant sur lesdits droits, les décisions du 30 décembre 1991 et du 14janvier 1992 dépouillent des associés de leurs droits les plus .fondamentaux au profit d'un tiers etranger au pacte social, et admettent que ce tiers, ou ses propres mandataires, puissent exercer ces droits dans des conditions propres à pérenniser la confiscation ainsi réalisée; qu'ils font valoir, en second lieu, que le C.L.B.N., en violation des conditions prévues par le "Voting Trust Agreement'', a exercé ses droits de vote sans consulter préalablement la direction de la so- ciété M.G.M. et que les décisions américaines, en consacrant le droitpour la banque d'user de ses droits de "trustee" malgré une méconnais- sance des stipulations formelles du contrat, vio- lent elles-mêmes le principe de la force obliga- toire de la convention.

» Mais attendu que les décisions étrangères cri- tiquées ne heurtent pas la conception française de l'ordre public international - qui n'inter- vient en la cause que par son effet atténué - dès lors que le droit français des sociétés admet lui-même la validité des conventions de vote dans certains cas (article 355-1 et 356-1-3 de la loi du 24 juillet 1966) et que les décisions amé- ricaines litigieuses n'entérinent pas une con- vention qui serait prohibée de manière absolue dans le droit français comme constitutive d'une infraction pénale, telle celle prévue par l'article 440-3° de la loi du 24 juillet 1996; qu'enfin, il n'appartient pas au juge français de réviser et de rejeter, au nom d'une prétendue violation de l'ordre public international sans effet en la cir- constance, l'appréciation par la décision étran- gère des conditions dans lesquelles une partie a exécuté un contrat ».

(50) Pour un résumé des circonstances de fait de cette affaire, voy. supra, sect. 1.

"::.i5ournal

des'

1

îtribunaux

'1~

~

j

~;

~ I

l~

~~l ~

~

'J

m 1::

~

,,

~ ,,

,,,

i:i

11~

~

[;! ,,,

~

1 , :

'1

:1 ~

1 : :

'1~.'

~ ;:

~ I:J

H ~

"'

!

~

j!J l;j

1'1 ,,,

ill ~ 1'1 1~ '1

1:: 1~ ,,

rn

1 '.' l!

~

. f;

. l'

j:

li ~

1;1 m

1:!

~

~

1: ~ il

:j

~! :1

~

1'1

1 ::

1.

!1 ~

;l

~ :1 ti ~

l; 8

1 ,1

~

l' ~ j

~

- - - ' 1

:':'SJ01

(6)

1 9 9 6

4)4

Cette décision française a été, à juste titre, ap- prouvée par son annotateur (51).

On peut également invoquer la conClusion par la Belgique de traités internationatiOC qui font référence à la notion de trust. Il s' ~git no tarn- - ment des conventions préventives Ide double

imposition entre la Belgique et le Canada (art. 3, 1°, c), les U.S.A. (art. 3°, 1°, d) et le Royaume-Uni (art. 22) (52). '

On peut même invoquer la Conventi<m précitée sur le trust du 1er juillet 1985 : la Bt=ylgique n'a pas encore signé, ni ratifié cette c:onvention, mais elle a néanmoins participé à son processus d'élaboration (53), ce qui constitue un indice supplémentaire pour écarter l'exception d'or- dre public international en matière de trust (54).

(51) Kessedjian, note sous le jugement du 10 février 1993, loc. cit. Après quelques explications sur le voting trust agreement, cet auteur s' étbnne que le tribunal soit allé un peu vite « en n'étudiant pas de manière précise les modalités concrètes clu trust dont les dispositions lui étaient soumises en tant qu'elles avaient fondé la décision étrangère ». Ndus ne parta- geons pas totalement l'opinion de Mme i Kessedjian.

En effet, nous croyons que si effectivement l' excep- tion d'ordre public international implique un examen in concreto de la solution pratique à laquelle conduit l'application du droit étranger, cet examen peut de- · meurer succinct dès lors qu'il apparaît à l'évidence que l'application concrète du droit étranger ne heurte pas les principes fondamentaux de notre brdre public international. Or, le droit des affaires ne comporte pratiquement aucun exemple de sanctipns fondées sur l'ordre public international :voy. Watté, « Quel- ques remarques sur la notion de l' or~e public en droit international privé », R.C.J.B., 1989, pp. 39 et s. La doctrine et surtout la jurisprudence -arrivent, en droit des affaires, pratiquement toujours à la même solution, à savoir le rejet de l'exception' d'ordre pt;t- blic international. Les exemples très rares recensés dans le commerce international concernent quasi ex- clusivement l'hypothèse (tout à fait étrap.gère au cas d'espèce) des contrats de vente d'anines illicites (voy., à ce propos, Prioux, «Les lois apglicables aux contrats internationaux de vente d'armes », Rev. b.

dr. intem., 1993, p. 231, n° 19). Rappelons néan- moins que le caractère limitatif, voire dépassé, de la notion d' ordie public international semble avoir été transcendé par le recours à des notions nouvelles tel l'ordre public « transnational » ou l'ordre public

«réellement international »,ou encore Ii ordre public

« supranational » qui sont des notions recouvrant un certain nombre de principes fondamentaux jouissant . d'un consensus dans la communauté internationale (voy., par ex., à ce propos, Prioux, « Le droit interna- tional privé et les contrats illicites dans le commerce international», J.T., 1990, p. 737 et les nombreuses références citées). ·

(52) Lycops, loc. cit., p. 307 et les nombreuses réfé- rences citées à la note 30.

(53) Lors des travaux d'élaboration de cette conven- tion sur le Trust, la Belgique était représentée par deux fonctionnaires du ministère des Affaires étran- gères (Mme N. Rossignol et M. Y. Gauthier). Voyez les actes et documents de la quinzième session de la Conférence de La Haye sur le Trust, 1984, t. TI (voyez en particulier la liste des participants et les procès-verbaux des interventions et des votes).

(54) Un argument similaire avait été retenu par la Cour de cassation dans son arrêt précité du 13 janvier 1978 (R.C.J.B., 1979, p. 41 et la note Ganshot).

L'argument était toutefois plus fort dans ce cas car la Belgique avait signé et ratifié la Convention de Bru:..

xelles sur la reconnaissance mutuelle des sociétés.

Or, ici, la Convention du 1er juillet 1985 sur le trust n'a toujours pas été signée, ni ratifié par la Belgique.

Sur les trava1,1x préparatoires de cette ,Convention, voy. surtout Dyer et Van Loon, « RaJ!>port sur les -

ournal

des tribunaux

Enfin, on peut invoquer dans le même sens les projets· de lois déposés en vue de l'adoption dans le droit positif belge d'une institution comparable à l' administratiekantoor de droit néerlandais (voy. infra).

Tant en France qu'en Belgique, les aut~urs_ de droit international privé professent d'ailleurs quasi unanimement que le trust et la fiducie ne sont nullement contraires à l'ordre public inter- national. Cet enseignement est évidemment transposable à 1' administratiekantoor qui, de manière générale, est moins contesté en Bel- gique (55).

La seule réserve qui nous paraît pouvoir se justifier à propos de l'ordre public international concerne les trusts testamentaires ou établis dans une perspective successorale, dans la me- sure où ces trusts peuvent conduire à des solu- tions qui ont parfois été considérées comme contraires à l'ordre public international belge.

Mais cette prise de position est-elle encore te- nable en 1995 compte tenu de l'évolution des mœurs en la matière et compte tenu de l' évolu- tion de la pratique des affaires ? Nous croyons pouvoir répondre par la négative, même si la question ne saurait être tranchée uniformément . compte tenu de la très grande variété de situa-

tions dans lesquelles on utilise le trust (56).

3. -La fraude à la loi

18. - Le concept de fraude à la loi a, comme celui de l'ordre public international, fait couler beaucoup d' enere en matière d' administratie- kantoor, de fiducie et de trust.

Le parallèle avec l'ordre public international ne s'arrête pas là. En effet, comme cette dernière notion, la fraude à la loi vise en réalité deux _figures juridiques qu'il convient de distinguer clairement. Il s'agit de la fraude à la loi en droit interne et de la fraude à la loi en droit interna- tional privé, qui sont parfois confondues, sur- tout en matière de fiducie et de trust.

trusts et institutions analogues », 1982, Actes et do- cuments de la quinzième session de la Conférence de La Haye, n°s 1 à 5; Maerten, loc. cit., n° 3319; Gail-

larde~ Trautman, loc. cit., pp. 1 à 7. · (55) Voyez les références citées à la note de bas de page n° 3. Nous avons néanmoins recensé un auteur qui, tout en étant plus dubitatif sur l'utilité et la validité de l'administratiekantoor en Belgique, admet néanmoins le rejet de l'exception d'ordre public in- ternational : Bouckaert, loc. cit., p. 84.

(56) Evidemment, on peut, en tout cas sur le plan théorique, imaginer des cas dans lesquels l' applica- tion du droit étranger sous 1' empire duquel a été constitué une fiducie ou surtout un trust conduit in concreto à une situation intolérable du point de vue de l'ordre moral belge. On pourrait par exemple songer à un trust conduisant à une exclusion des héritiers du sexe masculin au profit des seuls héritiers du sexe féminin, ou l'inverse bien entendu. De même, un trust fondé sur une situation de bigamie ou de répudiation d'un des époux du constituant du trust (settlor) serait évidemment inadmissible en Belgique et pourrait conduire à la mise en œuvre de l' excep- tion d'ordre public international. Mais dans la plupart des cas d'école imaginables, l'exception d'ordre pu- blic international se fonderait non pas sur des règles caractéristiques du trust ou de la fiducie mais au contraire sur les règles prévues effectivement dans certains droits étrangers qùi, par hypothèse, autorise- raient la discrimination raciale ou sexuelle, la biga- mie ou encore la répudiation. Sur des cas d' applica- tion de l'ordre public international dans ces matières, voy. notam. Watté, loc. cit., pp. 83 et s.

19. - La fraude à la loi en droit interne est très contestée dans la doctrine belge. Sans rentrer dans le détail de ce débat, nous croyons pouvoir nous rallier à l'opinion du professeur V an Om- meslaghe selon laquelle il n'y a pas de place en droit positif belge pour une théorie de la fraude à la loi, sous réserve de la fraude à la loi spéci- fique au droit international privé (57) (58).

D'autres auteurs belges et français continuent néanmoins à se prononcer en faveur du recours à la théorie de la fraude à la loi, notamment en matière de fiducie (59). La confusion est par- fois même totale lorsque l'on fait ·également référence à la notion de simulation (60).

20. - En droit international privé, la fraude à la loi se définit traditionnellement comme l'uti- lisation volontaire d'une règle de conflits de lois, par la modification artificielle du facteur de rattachement et ce, dans le put d'échapper à une disposition impérative de la loi du for, voire d'une loi étrangère (61).

La fraude à la loi requiert clairement un élé- ment objectif (la modification artificielle du facteur de rattachement propre à la règle de conflits en cause, par exemple le domicile ou la nationalité) et un élément intentionnel (la vo- lonté d'échapper à la disposition légale norma- (57) Van Ommeslaghe, «Abus de droit, fraude aux droits des tiers et fraude à la loi », R.C.J.B., 1976, p. 303, spéc. n°s 20 et s.; dans le même sens, Dieux,

« Le contrat :instrument et objet de dirigisme ? »,in

«Les obligations contractuelles », J.B., 1984, pp. 287 et s.; voy. égalem. le rapport général du professeur V an Ommeslaghe aux colloques des 20 et 21 septembre 1984 consacrés aux Opérations fidu- ciaires, spéc. p. 478 et les références citées.

(58) A notre estime, cette situation n'a pas été modi- fiée par l'introduction, à partir de juillet 1993, de dispositions fiscales spécifiques (dites « anti-abus » ou de la « réalité économique ») qui autorisent des rectifications des qualifications juridiques adoptées dans le but d'éviter l'impôt (en particulier, l'article 344, § 1er, du C.I.R. 1992 (voy. notam. Kirkpatrick,

«Le régime fiscal des sociétés en Belgique », 2e éd., 1995, pp. 54 et s.; Mschrift, L'évitement licite de l'impôt et la réalité économique, 1994, pp. 73 et s~).

Au contraire, on peut même se demander si ces nouvelles dispositions spécifiques ne confirment pas a contrario l'absence de tout principe général de fraude à la loi en droit interne.

(59) Voyez en particulier le rapport belge de M. Fo- riers aux colloques des 20 et 21 septembre 1984, Les opérations fiduciaires, op. cit., p. 282.

(60) Là encore il existe des distinctions importantes entre le droit interne et le droit international privé. En droit interne, il s'agit d'une notion qui, cette fois, est unanimement admise en droit des obligations. Elle est toutefois dénuée de pertinence en matière de trust, de fiducie et d' administratiekantoor, sauf dans certains cas exceptionnels : voy. Van Ommeslaghe,

«Rapport général », in Les opérations fiduciaires, loc. cit., p. 476; Witz, « La fiducie en droit privé français »,op. cit., n°s 221 et s. En droit international privé, la théorie de la simulation n'existe pas comme telle. Elle constitue tout au plus un indice d'une fraude à la loi dans la mesure où cette notion im- plique un artifice dans la modification du facteur de rattachement (voy. infra).

(61) Vander Elst,« Fraude à la loi »,Mélanges Bau- gniet, 1976, p. 789; voy. égalem. pour d'autres réfé- rences : Prioux, « L'application internationale de la loi du 14 juillet 1991 sur les pratiques du commerce, l'information et la protection du consommateur », in Colloque des 3 et 4 février 1994, Bilans et perspec- tives d'application de la loi du 14 juillet 1991, U.L.B., 1994, p. 364, n° 26 et les références citées.

Références

Documents relatifs

Dans la mesure où l’auteur appelle, dans son introduction à l’édition française, les forces de progrès européennes à repousser les « vieilles idées » du néolibéralisme,

Tous sujets concernant la PAC surface et la déclaration des aides (hors aides MAEC et bio) : aides découplées et couplées végétales, relevés de situation, codes Télépac,

Dans le cadre de la nouvelle programmation européenne confiée à l’autorité de gestion du Conseil régional de Bretagne, 2016 s’est placée dans la continuité de 2015 avec

Unité logement privé Unité filières et territoires. Guillaume POULIQUEN

I…JS : Ht Mazens - CEPJ : Jt Pércout CEPJ – CAS : Ct Descharles, St De Lefe, MtLt Bentz – Atachére Ct Hervér – SA : Lt Le Meaux - Ct Toiuér Pichon –Lt Lérveiue AA St

Sous-préfet de DINAN Sous-préfète de GUINGAMP Sous-préfète de LANNION Secrétaire générale Sous-préfète – Directrice de Cabinet. Sous-préfète

la prévention et la lutte contre les exclusions, la protection des personnes vulnérables, l’insertion sociale des personnes handicapées, les actions sociales de

«les personnes qui résident sur le territoire de l’un des Etats membres», ainsi des étrangers ne peuvent être exclus de certaines prestations du seul fait