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Prise en charge des effets secondaires de l’hormonothérapie dans le traitement du cancer de prostate
Hormone replacement therapy in prostate cancer: Side effects and their management
R. Bonniol
a,b, M.-O. Timsit
a,∗,baServiced’urologieHEGP—Necker,AP—HP,20,rueLeblanc,75015Paris,France
bUniversitéParisDescartes,SorbonneParisCité,75006Paris,France
Rec¸ule22avril2012;acceptéle23avril2012
Résumé L’hormonothérapiedanslecancerdeprostateest unesuppressionandrogénique.
Cettesuppressionentraînedeseffetsindésirablesquisontbienconnus.Leseffetssecondaires lesplusfréquentssontlesboufféesdechaleur,lestroublesdel’érectionetlestroublesdela libido.Cescomplicationsontunimpactfortsurlaqualitédeviedupatient.Lesautreseffets secondairessontplusraresmaisontunpronosticplusgravecarilsontunimpactsurl’espérance de viedu patient. Ceseffets secondaires sont principalement le syndromemétabolique et l’ostéopénie.Lesyndromemétaboliquesetraduitpardestroubleslipidiquesetunerésistance àl’insuline.Lespatientsdoiventavoirunbilanparticulierlorsdel’initiationdutraitementet lorsdelasurveillance.Ledépistagedeceseffetssecondairesetleurpriseenchargespécifique doiventêtreaucœurdelasurveillancedespatientssoushormonothérapieprolongée.
©2012ElsevierMassonSAS.Tousdroitsréservés.
Summary Hormonereplacement therapyinprostatecancer isandrogendeprivation.This deprivationcausessideeffectsthatarewellknown.Themostfrequentcomplicationsarehot flashes,erectile dysfunctionandlibidodisorders. Thesecomplicationshaveastrong impact onthequalityoflifeofthepatient.Theothersideeffects,namelymetabolicsyndromeand osteopenia,arelessfrequent,buthaveaworseprognosisduetotheirsignificantimpacton
∗Auteurcorrespondant.
Adressee-mail:marc-olivier.timsit@egp.aphp.fr(M.-O.Timsit).
1166-7087/$—seefrontmatter©2012ElsevierMassonSAS.Tousdroitsréservés.
http://dx.doi.org/10.1016/j.purol.2012.04.017
patients’ survival. The metabolic syndromeresults in dyslipidaemia andinsulin resistance.
Patientsunderhormonetherapymusthaveaninitialevaluationandasubsequentclosemoni- toring.Screeningforthesesideeffectsandtheirspecificmanagementmustbeessentialduring themonitoringoflong-termhormonetherapy.
©2012ElsevierMassonSAS.Allrightsreserved.
L’hormonothérapieestletraitementderéférencedescan- cersdeprostateaustademétastatique.Cetraitementest égalementutilisédans certainscas decancer deprostate austadelocaliséenassociationàdelaradiothérapie.Cette hormonothérapieapourbutunesuppressionandrogénique, ce qui entraîne une diminution du taux de testostérone sérique.Celle-ci se fait soitavec une castrationchirurgi- caleparlapulpectomie,soitavecunecastrationchimique (Fig. 1) par injection d’analogue de la Luteinizing Hor- moneReleasingHormone(LH-RH)oud’unantagonistedela GonadotropinReleasing Hormone(GnRH). Cette hormono- thérapieestuntraitementpalliatif,l’objectifn’estpasde guérirlepatientdesoncancerdeprostate,maisdedifférer pouruntempslaprogressiondelamaladie.Letraitement hormonalestdoncuntraitementquiseprendsurdulong termeetainsiexposelespatientsàdeseffetssecondaires (Tableau 1). Laprévention et le traitement de ces effets indésirablessontdesélémentsprimordiauxpouraméliorer laqualitédeviedespatients,assurerunebonneobservance du traitement et prévenir la survenue de complications graves(Fig.2).
Figure 1. Niveaux d’action des différentes formes d’hormonothérapie.Enrouge:actionsinhibitrices.
Effets secondaires généraux de l’hormonothérapie
Effets secondaires précoces
Lesboufféesdechaleur
L’hormonothérapieentraîneuneinstabilitévaso-motrice,ce quiprovoquedesboufféesdechaleur.Lespatientsontune sensation de chaleurau niveaude laface etde la partie supérieuredutronc,associéeàdesrougeursetdessueurs.
Celaestdûàunevaso-dilationpériphérique.Cesbouffées dechaleurssonttrèsfréquentes,ellessurviennentchez50à 80% despatients.Ellespeuventsurvenirplusieurs foispar jour, jusqu’à 20à 30fois pour les cas les plus sévères et peuventêtre déclenchéesparde simplesgestesduquoti- dien.Cesboufféesdechaleurontunimpacttrèsimportant surlaqualitédeviedupatient.
Denombreuxtraitementsontétéutiliséspourdiminuer lesboufféesdechaleur.Lesprogestatifsontététestésavec unebonneefficacité.L’acétatedecyprotéroneetl’acétate demégrestolsontutilisablesparvoieorale.Cestraitements permettraient d’améliorer environ 80% des patients alors que le traitement placebo a montré une efficacité dans unpeu plus de 30% des cas.La médroxyprogestérone est administrableparvoieintramusculaireetréduiraitde50% lasévérité etle nombredeboufféesdechaleurchez75% des patients. Le veralipride doit être utilisé avecla plus grande prudence car il s’agit d’un authentique neurolep- tique quipeut doncinduire des troubles extrapyramidaux potentiellementsévères.Certainsantidépresseursinhibant larecapturedelasérotoninesontégalementefficaces.
Laduréedutraitementestdifficileàdéfinircarellevarie enfonctiondespatientsetdelapersistancedeleurssymp- tômes.
Lestroublesdelasexualité
Lestroublesdelasexualitésontdedeuxtypes:lestroubles dela libidoetlestroublesdel’érection. Lasexualité des
Tableau1 Effetssecondairesdel’hormonothérapieen fonctiondeleurdélaid’apparition.
Hormonothérapie
Effetssecondairesprécoces Effetssecondairestardifs Boufféesdechaleur Ostéopénie
Troublesdel’érection Syndromemétabolique Troublesdelalibido Troublesdel’humeur
Anémie Troublescognitifs
Gynécomastie
patients est fortement modifiée par l’introduction d’une hormonothérapie.Lespatientsetleurspartenairesdoivent êtreprévenusducaractèrequasisystématiquedelasurve- nuedecestroubles.
Lestroubles de lalibidose traduisentparune diminu- tiondu désir etde l’intérêtpour lesrapportssexuels.Ils sont directementlaconséquence deladéprivationandro- génique.
Lestroublesdel’érectionentraînentunediminutionde laqualitédesérectionsquesesoitentermesd’amplitude, derigiditéet/oudedurée.Lafréquencedesérectionsper- mettantunrapportdiminue,impactantsurlaqualitédevie despatients.
Pour diminuer les troubles de la sexualité liés à l’hormonothérapie, un traitement intermittent peut être misenplacechezlespatientstraitésparagonistesdelaLH- RH.Ainsi,lacastrationchimiqueestréaliséeparintervalles, autorisantdespériodessanstraitementdeduréevariableet accompagnéesd’uneré-ascensioninconstantedelalibidoet desperformancesérectiles.Cetraitementintermittentdoit êtreproposéenévaluantaucasparcaslabalancebénéfice (diminutiondeseffetssecondaires)—risque(progressionde lamaladienéoplasique).
Par opposition à lacastration chirurgicaleou chimique paranaloguesdelaLHRH(ouantagonistedelaGnRH),le traitementparanti-androgèneestaccompagnédemoinsde troublesdel’érectionetdelalibido.
La prise en charge des troubles de la sexualité liée à l’hormonothérapien’estpasspécifique.Lestraitementsdis- poniblespour luttercontrelestroubles del’érectionsont nombreux.Lestraitementsmédicamenteuxorauxavecles inhibiteursdelaphospho-diestérasedetype5(IPDE-5)sont modérémentefficaces. Ilfautparfois yassocierles injec- tions intracaverneuses de prostaglandines pour avoir une efficacitésatisfaisante.
Les traitements sont à adapter aux demandes des patients.
L’anémie
L’anémieestunrisquefréquentetprécocechezlespatients traitésparanaloguedelaLH-RH.L’anémiepeutsurvenirdès lepremiermoisdetraitement.
Cetteanémieentraîneunefatigue,cequialtèrelaqua- lité de vie des patients. L’anémie peut être facilement corrigéeavecdestransfusionsdeculotsglobulairesoupar l’utilisationd’érythropoïétinerecombinante.
Lagynécomastie
Il s’agit d’une complication fréquente de l’hormonothé- rapie,surtoutaveclebicalutamide.Onnote3à5%degyné- comastie avec la castration chirurgicale ou chimique. En dehors del’aspect esthétique quipeut être déconcertant pour lepatient,la gynécomastiepeut êtreassociée àdes douleursplusoumoinsimportantes.
Il n’y a pas de traitement préventif de la gynéco- mastie. On peut utiliser des anti-estrogènes lorsqu’il y a l’apparition d’une gynécomastie gênante oudouloureuse.
L’anti-estrogène le plus utilisé et le plus efficace est le tamoxifène.
Le recours àla chirurgiepeut être nécessaire pourles gynécomastiesréfractairesautraitementmédicamenteux, maislesindicationssontrares.
Effets secondaires tardifs
L’ostéopénie
Les hormones sexuelles ont un rôle important dans l’homéostasie osseuse. Ainsi la suppression androgénique entraîneunepertededensitéminéraleosseuse.Cetteperte dedensitéosseuseestcinqàdixfoisplusimportantechez lespatientsporteursd’uncancerdeprostatetraitésparhor- monothérapiequechezlespatientsporteursd’uncancerde prostatesanssuppressionandrogénique.
Cette ostéopénie est précoce, dès la première année detraitement. Lacomplicationdecetteostéopénieestle risquefracturaire.Onconsidèrequel’ostéopénieaugmente de45%lerisquefracturaire.Lerisquedefracturedehanche estévaluéà5%età20%aprèscinqetdixansdetraitement hormonal.
Letraitementdel’ostéopénieestavanttoutsapréven- tion.Lesrègles hygiénodiététiquessont primordiales avec l’arrêt du tabagisme, la pratique d’une activité physique régulière(avecexercicecontrerésistance)etlamodération delaconsommationd’alcool.Ilfautégalementassurerun apportencalcium(entre1200et1500mg/j)etenvitamine D(entre400et800UI/j).
Onpeutproposerlaréalisationd’uneostéodensitométrie lorsdelamiseenrouted’untraitementparanaloguesdela LH-RH.Cetexamenvapermettrededépister despatients avecdesrisquesélevésdefracturespathologiques.Cetexa- menresteoptionnelcarlamiseenplacedelaprévention primairedoitêtresystématique.
Unefoisl’ostéopénieinstallée,onpeutproposeruntrai- tement par biphosphonates (acide zolédronique) ou par un anticorps dirigé contre une protéine de signalisation (RANKL)impliquéedans leremodelageosseux. Cestraite- mentsont étéinitialementdéveloppéspourle traitement del’ostéoporose.
Lesyndromemétabolique
Letraitement hormonalentraîneundésordremétabolique avecunerésistanceàl’insuline,cephénomèneesttrèspré- coce.Onconstatedoncuneaugmentationdel’insulinémie quiestréactionnelleàcetterésistanceetuneaugmentation del’hémoglobineglyquée(commedanslediabètedetype 2).
Il existe une diminution de la masse maigre et une augmentationde la masse grasse. Cette fonte musculaire s’associe d’une prise de poids d’environ 8%. Ces modifi- cations sont responsables d’une sensation de fatigue du patientetainsialtèrentsaqualitédevie.
Le syndrome métabolique est défini par la présence d’aumoinstrois des cinq critèressuivants:obésité abdo- minale,hypertension artérielle,triglycérides supérieurs à 150mg/dl,HDL-cholestérolinférieurà140mg/dletglycé- mieàjeunsupérieurà1g/l.
Lespatientssous analoguesdelaLH-RH modifientleur profil lipidique dans le cadre du syndrome métabolique.
Cettemodificationsetraduitparuneaugmentationducho- lestéroltotaldesLDL-cholestéroletHDL-cholestéroletdes
Figure2. Effetssecondairesdel’hormonothérapie.
triglycérides.Ces patients ontdonc une augmentationdu risquecardiovasculaire(sansimpactdémontrésurlamorta- lité).
Pourluttercontrecetteaugmentationdurisquecardio- vasculaire, il a été proposé de prescrire une statine aux patientssoushormonothérapiebienqu’aucunbénéficen’ait puêtreprouvé.
Lapréventionprimaireestdonclaseulepriseencharge possible. Il faut rappeler aux patients les règles hygié- nodiététiquesconsensuelles avecl’arrêt du tabagisme, la pratiqued’uneactivitéphysiqued’aumoins20minutespar jour,lanormalisationdupoidsetunealimentationvariéeet équilibrée.
Lestroublespsychologiques
La suppression androgénique a un retentissement sur l’humeur. Certaines études ont montré que le taux de dépressionétaitplusélevéchezlespatientssoustraitement hormonalparrapportàceuxsanstraitementhormonal.De même,des troubles cognitifs ontétédémontrés avecdes modifications del’attention,la mémoire etdes processus mentauxcomplexes.
Ledépistage dusyndromedépressifestà réaliser chez lespatientstraitésparhormonothérapie.Cestroublespsy- chiquessontégalementàmettreenrapportaveclaréponse dupatientfaceàl’annonced’undiagnosticinquiétant(can- cermétastatique)oudel’évolutionpéjoratived’uncancer deprostateconnu.
Lemaintiendes activités socialesetintellectuelles est primordialdanslapréventiondestroublescognitifsetpsy- chologiques.
Bilan à réaliser avant la mise en place d’une hormonothérapie
LeTableau2représentelesexamenscliniqueetparaclinique d’unehormonothérapie.
Tableau2 Bilan à réaliser avant le début de l’hormonothérapie.
Examenclinique Recherchedesfacteursderisques cardiovasculaires
Recherchedesfacteursderisques d’ostéoporose
Poids—Taille Tensionartérielle Examen
paraclinique
NFS
Glycémieàjeun
Bilanlipidique(triglycérides, cholestérol,HDL,LDL)
Sifacteursderisqued’ostéoporose: ostéodensitométrie
Effets secondaires liés au mode d’hormonothérapie
Effets secondaires liés à la castration chirurgicale
La castration chirurgicale peut se faire soit par orchi- dectomie bilatérale (exérèse des deux testicules) ou par pulpectomiebilatérale(exérèsedelapulpetesticulaireen laissantenplacel’albuginée). Cesinterventionssefontle plus souvent sous anesthésie générale mais peuvent être réaliséessousanesthésielocaleparinfiltrationducordon.
Lescomplicationssontrares,ellessontliéesàlachirur- gie.Onretrouvesurtoutdes hématomesoudesinfections du site opératoire. Le risque de complications liées à l’anesthésieestàmettreenrapportavecl’âgedupatient oul’importancedesescomorbidités.
Effets secondaires liés à la castration chimique
La castration chimique se fait par injection le plus sou- ventd’agonistesdelaLH-RHoud’antagonistedelaGnRH.
Cesinjectionssontréaliséesparvoiesous-cutanéeouintra- musculaire.Cesinjections,enfonctiondesproduitsetdes dosages,sontàrenouvelertouslesmois,touslestroismois outouslessixmois.
Les injections intramusculaires sont contre-indiquées chezlespatientsayantdestroublesdel’hémostaseousous traitementanticoagulant.Lescomplicationssontraresetse fontauniveaudessitesd’injection(hématomes,douleurs, infections). Certainsproduits nécessitentune préparation minutieusepourqueleproduitsoitbienhomogène.Sicette préparationestmalfaiteousil’injectionesttroprapide,le produitrisquedenepasêtredistribué defac¸onoptimale.
Les conséquencessont, d’une part, une mauvaise castra- tiondupatientet,d’autrepart,l’apparitiond’unkysteou granulomesous-cutanédouloureux.Pourquelapénétration
duproduit soit optimale, ilfaut que l’IDE masse le point d’injectiondel’agonistedelaLHRH.Enrevanche,enraison desatoxicitécutanée,l’antagonistedelaGnRH(dégarélix) doitêtreinjectéensous-cutanéprofondenévitantabsolu- mentlecontactduproduitaveclapeauetenproscrivantle massagedupointd’injection.Pourleconfortdupatient,il fautéviterlesinjectionsauniveaudeszonesdecontact(plis ouvêtements).Commepourtouteslesinjections,ilfautres- pecteruneasepsierigoureuseetvarierlessitesd’injection.
Conclusion
Lapriseenchargedespatientssoushormonothérapiedoit êtreglobale.Ilfautoptimiserlapriseenchargedeseffets secondairesdutraitementpouraméliorerlaqualitédevie despatientsmaisaussipourquel’observancedupatientsoit optimale.
Ledépistagedes facteursderisquecardiovasculaire et d’ostéopénieetprimordialpuisquela préventionprimaire estlameilleurearmedel’arsenalthérapeutiquepourlutter contrel’augmentationdesrisquesliésàl’hormonothérapie.
Lesrègleshygiénodiététiquesaveclapratiqued’uneactivité physiquerégulière,unealimentation équilibréeetvariée, l’arrêtdutabac,uneconsommationmodéréed’alcoolsont primordiales. Les apports de calcium et de vitamine D doivent être quantifiés. Les activités intellectuelles et socialesdoiventêtreencouragées.Ainsilespatientsetleur entourageontunepartactivedanslaprise encharge des effetssecondairesdel’hormonothérapiedansletraitement ducancerdelaprostate.
Déclaration d’intérêts
Lesauteurs n’ont pas transmis de déclarationde conflits d’intérêts.