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Centre d’accueil thérapeutique à temps partiel Travail d’équipe En quoi consiste notre travail ?

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Academic year: 2022

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Centre d’accueil thérapeutiqueà temps partiel Travail d’équipe En quoi consiste notre travail ?

J-L. SARRADET Pédiatre-Fondation Pré-Aut et F. RENAÏ Psychomotricienne-Fondation Pré-Aut

ous avons ouvert un centre d'accueil thérapeutique à temps partiel, dans le 11ème arrondissement de Paris, il y a deux ans, avec une petite équipe déjà présente dans notre structure de pédopsychiatrie publique (3 personnes, 4 demi-journées par semaine), et y avons reçu, depuis, huit enfants.

L'intérêt de vous rapporter cette expérience réside dans l'économie des moyens et son efficacité sur la pathologie des enfants accueillis.

Les moyens

- en personnel : 2 infirmières, une psychomotricienne, un médecin qui y consacrent au plus un quart de leur temps ;

- en locaux : une pièce de jeu de 25 m2 environ ; - en temps : quatre demi-journées de 2 heures.

Pour la mise en oeuvre de ces moyens

Nous avons accepté tous les enfants qui nous étaient envoyés et qui présentaient l'éventail des pathologies les plus diverses : autisme, psy- chose, débilité même d'origine organique, dépression, troubles du ca- ractère.

Chaque personne du groupe encadrant apporte une formation différente : psychomotricienne, stagiaires psychomotriciennes, infirmière, psy- chanalyste, stagiaires psychologues. Cette diversité enrichit le travail de groupe à condition que tous se soient choisis, s'acceptent et se res- pectent.

La technique du groupe favorise l'éveil intellectuel, la socialisation et la désinhibition par : le dessin, e modelage, l'écriture, les contes, les jeux de rôle, le respect des contraintes et des sorties en ville.

Les effets positifs ; à court terme (avant un an), à moyen terme (au bout d’un an), ou plus, nous avons vu, chez les enfants pris en charge, les symptômes disparaître ou régresser.

Nous allons vous en donner trois exemples :

1) Une fillette de 4 ans nous est adressée par l'école maternelle où elle se montre bébé, atone, en retrait, absente et surtout molle. Elle a pour

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cela, été explorée dans un hôpital pour enfant pour suspicion d'hypoto- nie, mais les examens n'ont montré aucun déficit organique.

Nous faisons alors l'hypothèse en entendant ses parents qu'entre l'âge de 8 et 11 mois sa mère l'a laissée sans elle, à sa famille en Algérie, et qu'un retard psychotonique s’en est suivi.

Elle participe à un groupe de 3 enfants d'abord : l'un dont je parlerai tout à l'heure, l’autre une petite fille plus âgée, très vive, tonique, cho- quée d'avoir assisté, 2 ans plus tôt, au suicide de sa mère par défenes- tration. S. la colle et progresse dans son sillage. Puis, arrive un qua- trième enfant de 5 ans, nain, dont le mutisme et l'opposition cachent une profonde dépression abandonnique.

Bien que S. évolue de façon satisfaisante son père veut interrompre les séances. Il ne supporte pas que sa fille côtoie le petit garçon nain. C'est l'occasion de resserrer les liens avec les parents, d'entendre mieux la mère, qui, contrairement à notre hypothèse, n'a pas laissé sa fille en Algérie, mais l'y a accompagnée. Et c'est elle qui a eu de la peine à abandonner sa mère, ses parents, ses coutumes, son pays. S. n'est que le témoin de la dépression de sa mère. S. progresse alors et rattrape son retard psychoténique d'abandonnée précoce.

C'est ainsi que vers la fin de son séjour au CATTP, au bout d'un an, lors d'une promenade au cimetière du Père Lachaise, son amie, celle qui l'entraîne, et qui, elle aussi, va quitter le CATTP, sort de son deuil, interroge l'une des accompagnatrices : « Les morts peuvent-ils ressus- citer ? ». Il lui est répondu que le voeu est pieu et sympathique mais que la loi organique s'y oppose : la petite fille ne peut faire plus.

Et S. l'hypotonique, celle qu'il fallait porter pour monter un escalier dévale les marches et se met à courir devant le groupe. Sa dépression motrice s'en est allée avec celle de son amie.

2) Y. nous a été adressé par un hôpital de jour, qui le suivait depuis l'âge de 3 ans. Cet enfant n'a jamais été scolarisé, il présentait trop de traits autistiques. Nous le voyons parce que ses parents ont déménagé dans notre secteur de soin.

Il s'exprimait par des mots adaptés aux situations, sans phrases, était capable de rester et jouer seul. Présent à l'autre avec des aménagements dont il témoignera dès sa première séance au CATTP.

Je ne participe pas aux séances directement, mais une fois par semaine, déplie le travail des séances hebdomadaires.

Sauf pour la première séance d'Y., je ne pensais qu'y passer pour dire bonjour. Mais, pendant une heure sous l’œil effaré des autres partici- pants réduits au rôle de spectateur, je me suis battu avec cet enfant que j'essayais de contenir, qui refusait que je le touche et se frappait dure- ment, ou jetait sa tête brutalement contre les murs.

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Cette épreuve initiatique dépassée, Y. ne marque plus que symboli- quement son dépit ou son opposition en se frappant et se mordant, en prononçant mon nom.

Par contre, chez lui, à l'hôpital de jour, ou à l'hospitalisation (de nuit), en fin de semaine; il continue à reproduire des scènes brutales et éprouvantes.

Avec lui, notre travail consiste à repérer et rassembler le morcellement qu'il a de la représentation de son propre corps. F. Renaï vous expli- quera le travail qui est, aussi, pour nous, un gros travail de représenta- tion car nous avons beaucoup de peine à penser un corps désuni, qui ne serait pas celui du miroir.

3) R., 4 ans est un petit garçon qui nous a été adressé par l'école mater- nelle, pour débilité. Il est porteur d'une maladie génétique, débilisante, ainsi qu'une soeur aînée qui a hérédité du même gène pathogène. J'ai tendance à oublier cette marque organique je peux attribuer à sa seule maladie, son aspect décourageant : bavant, l'oeil rond, écholalique, geignard, mou, accroché à sa mère, une malice dans l'oeil, une ten- dresse sympathique, m’ont fait passer outre son déficit génétique.

Deux ans auparavant, cet enfant a basculé d’un balcon du 3ème étage, sans rien se casser, mais sa mère s'est vue retirer aussitôt son agrément d'assistante maternelle.

R., stimulé par le CATTP s'intéresse à la compétition avec les autres enfants. Pris au sérieux par moi, qui le suis en psychothérapie favori- sant une idée de sa mère qui n'est pas sûre de sa débilité (il a survécu à sa chute) il évolue rapidement. Il ne bave plus, parle, court, devient de plus en plus vif, au point de déranger sa famille par son activité et son opposition (il ne se laisse plus faire).

Cependant sa place, sa position nouvelle en famille, ne se font pas sans mal. Il vient de se brûler le dos de la main gauche, en trempant sa main dans une casserole de liquide bouillant, il porte un gant protecteur. Là au moins, il porte un stigmate que sa chute ne lui a pas laissé. A noter que ces deux accidents sont survenus en présence de sa sœur qui a la même pathologie génétique.

Quoiqu'il en soit, cet enfant miraculé, aujourd'hui, ex-débile, bat des enfants intelligents par sa rapidité dans les jeux, où il faut donner une réponse le premier.

Pour tous les ateliers proposés et tous les moments vécus au CATTP, le travail de décryptage des situations, amène une réflexion soutenue et active.

Lors de la synthèse hebdomadaire, chaque intervenant expose sous forme de narration descriptive les événements, et, ensemble, nous es- sayons de trouver une possibilité de compréhension et d’analyse.

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L’élaboration de situations pratiques apporte une base de réflexion qui nous aide dans la suite de la prise en charge.

L’intérêt de l’échange des éléments cliniques est essentiel : l’évolution motrice, les variations de l’humeur, les moyens de communication utilisés, la relation avec les enfants et les adultes, l’aptitude à être en groupe, l’adaptation aux différents espaces, la variation de comporte- ments dans les ateliers.

Ce moyen est le plus important des médiateurs. C’est la notion de faire des liens ; c’est donner sens à l’action, par l’intermédiaire de la parole qui n’est pas vaine, mais compréhensible.

Si ces moyens sont éparpillés, cela donne l’impression de flou, de tourner en rond. La fatigue s’installe et l’intérêt s’épuise. Par contre, lorsque le lien est soutenu, la communication circule dans toute la structure entre le médecin, l’équipe et le patient.

A l’origine, le CATTP a défini de recevoir des enfants pouvant être scolarisés ou non, dès l’âge de 2 ans. Les groupes s’organisent essen- tiellement en fonction de la pathologie que présente l’enfant, et les possibilités d’interactions que nous supposons possibles, avec les en- fants déjà présents.

Le médecin référent, qui reçoit l’enfant et sa famille lorsqu’ils vien- nent en consultation au CMP, relate leur histoire et nous propose de les recevoir.

L’accueil

Une première rencontre se fait au sein des locaux en présence du mé- decin référent, et de l’ensemble des intervenants.

Un entretien débute souvent par la prise de parole du médecin qui sollicite les parents à expliciter leur demande. Puis, en fonction du déroulement, chaque personne présente peut poser une question. Cela est possible dans les deux sens : équipe - personnes accueillies. Puis, nous exposons les différents ateliers et présentons succinctement les groupes existants.

A la fin de la rencontre, nous leur proposons de les recontacter, pour la suite à envisager. L’ensemble de l’équipe décide ou non de l’admission.

Une fois l’enfant admis, nous sollicitons les parents pour les formali- tés administratives d’admission, afin de rendre transparente la dé- marche d’accueil. Cet engagement reste moral et il est essentiel.

L’équipe est responsable de l’enfant sur le temps du CATTP, avec l’accord des parents.

Les différents ateliers

Nous allons vous relater les différents ateliers et je développerai plus longuement l’élément eau, comme moyen d’investigation,

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d’élaboration clinique, autour de la problématique du corps chez S. et Y.

Le graphisme

Participants : tous les enfants avec la psychomotricienne, l’infirmière et une stagiaire psychomotricienne.

Nous entendons par graphisme l’ensemble des moyens utilisés pour mettre en action l’acte scripteur, par l’utilisation de moyens d’expression picturale : dessin libre, modèle de figures, expressivité du corps.

L’atelier peinture

L’atelier est animé par l’infirmière seule avec les enfants, dans la salle.

Moyen de création sans intervention d’une technique spécifique. Ex- pression libre.

Un matériel est mis à disposition : pinceaux, rouleaux, gouaches et des feuilles de dimensions différentes et de différentes couleurs.

L’enfant s’installe comme il veut, assis, debout, il peut choisir sa place ; un grand tableau recouvert de veléda est à leur disposition, ainsi qu’un bac à eau, à proximité.

Atelier terre - argile - pâte à modeler

Moyen utilisé pour permettre à l’enfant d’explorer la consistance de la matière, d’avoir un effet sur celle-ci et de se rendre compte du volume.

L’enfant peut décider de ne pas toucher la terre. Cependant, nous l’incitons à rester dans la salle et, au mieux, avec le groupe. Des usten- siles en bois ou en plastique : des fils, des rouleaux, des évideurs, des couteaux, des lisseurs, sont mis à la disposition de l’enfant.

Jeux de société

Loto sonore, jeux de cartes, puzzles, jeu de l’oie, etc... Ces supports sont utilisés dans les temps libres, ou lorsque se présente un remanie- ment dans l’organisation du travail.

Entraide, attention, concentration, performance.

Contes

Histoires sélectionnées par la psychomotricienne et l’infirmière.

L’infirmière est seule avec les enfants, elle lit l’histoire choisie par chacun des enfants.

Activités extérieures

Confrontation à la réalité de la société et découverte de lieux de loisirs et de savoir.

« Le graphisme et l’écriture dans la ville ».

Zoo, la vie des animaux, aquarium, musées, restaurants.

Panneaux publicitaires, enseignes utilisés comme support de pré- lecture et d’écriture.

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Place au corps - expression.

Eveil corporel

Utilisation de la totalité de l’espace de la salle, aménagement obliga- toire dû à la petitesse de la superficie exploitable. Par cet effet de con- traintes, une adaptation s’impose pour courir, sauter, escalader, se rouler par terre, s’allonger, toujours en prenant soin de l’autre et de soi.

Parcours

Schèmes d’action qui ont une fonction ludique. Aptitude de l’enfant à utiliser son corps dans différentes situations. Capacité à rester dans le groupe, attente, frustration, agressivité, violence, rébellion...Le corps est en mouvement, à la fois dans une idée de performance, mais aussi de plaisir.

Fausse bagarre

Limite du corps, appropriation de ses émotions, maîtrise du geste, faire avec l’autre, concentration, attention, action, détente, être à l’écoute de son corps et prendre en compte la personne en face, travail en synergie, adaptation gestuelle et expression corporelle, sont les ingrédients de cet atelier.

Piscine

Le projet de l’atelier piscine découle de l’expérience des intervenants, et surtout de la motivation à utiliser ce médiateur, comme un champ d’investigation, pour découvrir l’enfant dans un autre espace.

En effet, l’eau s’oppose à la connaissance que nous avons de l’effet de l’air sur le corps, et les représentations qui s’y rattachent. Le vécu pro- prioceptif, la sensorialité, n’ont plus les mêmes données dans l’eau.

L’expérience de l’eau suppose le constat que c’est une structure de contrainte, de limites et d’accueil. Les repères sont désorganisés. Il est nécessaire de trouver un aménagement par l’expérimentation : un nou- vel équilibre tonique.

Il existe une dualité permanente. L’eau est un espace de négociation ; l’ambivalence se situe entre ces deux espaces : air-eau. Cette structure de limites se réfère aux représentations personnelles, imaginaires et symboliques.

L’eau a aussi une fonction contenante, avec l’emboîtement de mul- tiples enveloppes. Par ses effets de contraintes, de limites, l’élément eau devient contenant de l’état émotionnel, et la problématique que l’enfant fait surgir.

Ainsi, nous avons envisagé cet atelier comme un espace de liberté dans un cadre contenant.

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Présentation de l’enfant Y.

Y. est un enfant que nous avons reçu depuis la création du CATTP, le 5 janvier 1998.

C’est un enfant qui se déplace sur la pointe des pieds. Lorsqu’il tra- verse les passages piétons, il se débrouille pour mettre les pieds sur l’espace foncé et, de même, lorsqu’il se déplace sur un sol carrelé. Il manifeste un intérêt massif à l’intersection des lignes. Il ne peut se déplacer sans ce rituel : ne pas toucher la ligne de démarcation.

Une sortie au square nous a permis de constater son impossibilité de monter l’escalier ajouré du toboggan. C’était pour lui un moment d’angoisse intense. Le fait d’être accompagné, à plusieurs reprises, par un soignant en corps à corps, durant la descente du toboggan, lui a permis de prendre de la distance et d’être moins envahi par la perte et / ou l’effondrement de son corps.

La verbalisation de l’action et la mise en mots de l’émotion, lui don- nent la possibilité de donner sens à ce qu’il vit, car tout en restant ob- servateur, il lègue l’action à l’autre en disant : « vas-y toi... ».

Y. était déjà allé en groupe, à la piscine, avec l'hôpital de jour qui l'ac- cueille. A chaque fin de séance, Y. avait un refus important pour sortir de l'eau. Lors d’une fin de séance, il mord une éducatrice et cet acte a provoqué son exclusion.

Il vivait alors difficilement le départ des autres enfants qui allaient encore, à la piscine.

Connaissant ses antécédents et sa difficulté à accepter les situations de changement, nous l'avons préparé à cet atelier pendant plusieurs se- maines. Nous lui avons décrit le trajet et les différents temps de notre présence à la piscine : vestiaires, douche, entrée et sortie de l'eau.

Déroulement des séances à la piscine

Pour aller à la piscine, nous nous déplaçons en métro. La séance dure quarante cinq minutes ; à cela, s’ajoute le temps passé aux vestiaires.

Le temps de déshabillage - habillage fait aussi partie de l’atelier. Ainsi, nous pouvons observer comment l’enfant s’occupe de son corps dans ce groupe.

Les premières séances se déroulent de telle façon que nous puissions être à tour de rôle, auprès de Y., à une distance suffisante, sans le tou- cher.

Puis, nous l'avons laissé exploiter seul le matériel qui pouvait être mis à sa disposition : tapis, frites, cerceaux, ballon. Il passe un certain temps à explorer le ballon et les effets de l'eau sur celui-ci. Il le mani- pule, le fait rouler sur l'eau, appuie dessus, le récupère. Tous ces mo- ments se passent dans une contemplation consciencieuse et silencieuse.

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Il décortique le moindre geste, donnant l'impression d'une séquence cinématographique vécue au ralenti, où chaque seconde est importante.

A une séance, il s'approprie une ceinture. Il enlève les blocs de mousse, et dans un geste répétitif, il lacère la surface de l'eau. D’un geste brusque, il laisse cet objet aller dans la profondeur. Il reste obnubilé par le mouvement qui se déroule sous ses yeux, jusqu'au moment où la ceinture revient à la surface. Puis, il répète plusieurs fois, l’action qui vient d’être racontée. Je m'approche et je récupère la ceinture. Vif, il la ressaisit de ma main. Puis, il use d'une grande énergie, pour ne plus la lâcher. Une bataille fictive s'installe, il s'approche de moi, me bouscule, me pousse et je résiste. Ne pouvant reprendre la ceinture facilement, il se détourne sur le côté, et se cogne la tête avec son avant bras et se mord. Je lui redonne la ceinture, il se calme. Je reste près de lui, il re- commence, alors, les mêmes gestes.

J’attends l'instant propice, ou je dois récupérer la ceinture, dans le but de la mettre au bord du bassin, à l'extérieur de l'eau. Il évalue comment il peut dévier mon attention, mais je résiste. Après un temps de négo- ciation, il réussit à se détacher de son idée de la récupérer, et il revient vers le groupe où nous avons organisé un jeu de ballon. Il y participe sur un petit temps.

Y. donne l’impression d’être à l’aise dans l’eau : un individu passant au bord du bassin, et, posant son regard sur lui, dira tout va bien : « il s'amuse, il découvre l'eau, il a un peu peur ». Cependant, en étant près de lui, on constate qu'il n'est pas à l'aise; quelque chose le dérange.

Je lui propose de se hisser sur le tapis en mousse, muni à ses extrémi- tés, de deux ouvertures, en forme de cercle. Une distance corporelle s'impose avec lui : je ne pouvais pas le toucher. Il se débrouille comme il peut pour monter sur le tapis. Un moment, il me supplie de le re- joindre sur le tapis. Je lui réponds que je suis bien dans l'eau..., tout en tenant le tapis et en remuant les pieds et les mains. Alors, Il dit en criant « vite - monte - dragon ! ».

Cet événement nous l'avons exploité en acceptant que, peut-être, pour lui, il y a un dragon dans l'eau. Le fait de monter sur le tapis à la de- mande insistante de l'enfant, de prendre un temps de calme, et presque de retrouvailles, ensuite de se laisser tomber dans l'eau sous son regard médusé, lui donne, petit à petit, la possibilité de se déplacer dans l'eau.

Au cours d'une autre séance, il s'installe sur le tapis, il prend de l'eau dans le creux de ses mains, lance le contenu en l'air et recueille les gouttelettes, par un mouvement qui happe le liquide projeté par l'autre main. Il fixe avec insistance le cheminement de l'eau qui tombe, et rattrape l'eau comme si chaque gouttelette avait une existence. Même si, j'interviens, il continue. C'est par un effet de surprise, que je l'aide à

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nouveau, à pouvoir être avec nous, en lui proposant de s'approcher des autres.

Après plusieurs séances, il a pu mettre la tête sous l'eau. Par ailleurs, j’ai constaté, en l'accompagnant, que même dans l'eau, le contact avec le fond du bassin doit toujours se faire sur un point précaire. Il semble pratiquement relié au sol par la pulpe de son gros orteil.

Sous l'eau, ses yeux sont écarquillés, il semble impressionné par ce qu'il observe. Le premier instant où je le regarde, il ne fait pas atten- tion à ma présence. Je le suis, et me débrouille, pour que nos regards se rejoignent. C'est un moment de panique, il remonte à la surface, il est interloqué de me voir ! Dans sa mimique, il manifeste une douleur, voire une souffrance inimaginable.

Il peut avoir des moments de réels échanges avec les autres enfants. Il est souriant, il exprime un plaisir certain à narguer, en particulier A.. A.

se présente comme un enfant turbulent dans l'eau, qui n'a pas cons- cience du danger possible de cet élément.

Par contre, il a tendance à inviter S., pour jouer et s’amuser.

A. est autonome pour se déshabiller et s'habiller, il donne de l’intérêt à ses affaires, il les rassemble en tas. Il est pudique lorsqu'il remet ses vêtements, et cette pudeur n'est pas observée lors du déshabillage.

A une des séances, au cours de l'habillage, Y. s’assoie sur sa serviette mouillée. Le point d'impact a laissé une tache humide sur l'arrière du vêtement au niveau de la fesse et du flanc droit. Nous avons usé de stratégie pour sécher cette tache humide qu’il prenait pour « un trou ».

Le sèche - cheveux nous a permis de sécher et de faire disparaître la tâche humide. Il fallait le faire devant le regard de l'enfant.

L'enfant, dans une angoisse intense hurle, pleure et se tape, se cogne la tête. Il veut enlever son pantalon, ne peut le supporter tel quel. Il lui était plus acceptable d'être nu, que de porter ce vêtement.

Ces séquences à la piscine et son comportement de déplacement nous amènent à nous interroger sur la problématique et la relation qu'entre- tient Y. avec son corps.

Après maintes discussions, propositions, nous sommes amenés à pen- ser que l’espace vide/plein pour traverser le passage piéton, marcher sur la pointe des pieds, sont des stratégies de défense contre l’anéantissement du corps, manière d’organiser le monde. Moment de ritualisation qui apaise l’angoisse d’abandon, de dissolution, de mor- cellement.

« Le dragon dans l’eau », « le trou dans le pantalon » sont des mo- ments spontanés, insoutenables.

Le trou du vêtement devient le trou du corps par lequel s’engouffre la personne entière.

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Par le travail en piscine, nous pouvons dire que le morcellement s’amplifie dans son intensité.

Par cette proposition, l’idée du corps qui donne consistance aux émo- tions est encore perméable. L’enveloppe corporelle de Y. est faite de points disjoints, sans unification entre eux, même s’il manifeste une reconnaissance de son schéma corporel.

L’eau fait enveloppe, la notion de dedans/dehors est de suite vécue par Y. : ex : Y. ouvrant la bouche dans l’eau et jouant avec l’eau qu’il pro- pulse en crachant..

Il peut avoir une action sur cet élément, et il peut négocier avec ses propres limites. Comme nous l’avons dit : l’eau est un élément qui a des limites, des contraintes et qui peut tout de même être une structure d’accueil.

Présentation de S.

S. est une petite fille dont l’hypotonie évoque un tableau d’inhibition généralisée.

Les explorations fonctionnelles n’ont pas mis en évidence de maladie neuro-musculaire.

S. est la cadette d’une fratrie de trois enfants : une soeur de quatorze ans, un frère de treize ans et une sœur de onze ans. Lors de son admis- sion au CATTP, elle était âgée de quatre ans. Son père est à la retraite et sa mère est femme au foyer.

A son arrivée, S. se présente avec la bouche ouverte et pleine de bave.

Sa dentition est noircie et usée, probablement par une boisson sucrée contenue dans le biberon qu’elle suçote en permanence.

Elle se déplace à petit pas. Elle tombe à la moindre bousculade, son équilibre est précaire. Dans la salle d’activité, elle frôle le mobilier, sans s’engager au milieu de la salle. Souvent elle reste statique, elle regarde de biais. Rarement, elle accroche notre regard. Elle a peur des adultes, elle a peu d’échanges de communication.

Nous avons repéré qu’elle avait un manque d’autonomie, une passivité, et peu de moyens d’expression : verbal, graphique et corporel.

Au début de la prise en charge, l’objectif essentiel était de la stimuler, et de faire un travail de séparation avec les parents, afin qu’ils puissent la laisser grandir, et acquérir une autonomie nécessaire à ses besoins quotidiens.

Au bout d’un an de prise en charge, nous remarquons qu’elle a fait des progrès inattendus : elle s’exprime plus librement, elle a acquis un vocabulaire plus dense et elle l’utilise à bon escient. Elle ne bave plus.

Elle a moins peur des adultes. Elle est épanouie, elle a une démarche tonique. Elle commence à prendre des initiatives. Elle s’affirme dans le groupe : elle se défend et prend des risques.

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Evolution de S. dans les différents groupes Dans le groupe peinture

Elle parle, alors qu’au début, les séances se passaient dans le silence : elle était dans la position d’observatrice. Puis, elle s’impose, elle est moins dans l’imitation.

Elle utilisait seulement la couleur noire, puis elle mélangeait toutes les couleurs choisies pour en faire une ; ensuite, elle les juxtapose en les nommant. Le résultat est aéré, coloré et, elle peut dire de son travail :

« c’est beau ».

Elle utilise l’espace pictural de manière plus étendue, elle ne reste plus sur un point fixe. Elle peut exploiter l’ensemble de la feuille, et peut dire qu’elle dessine quelque chose. Elle est dans la représentation.

Dans ce groupe, elle prend du plaisir à peindre et à échanger avec les enfants participants, et l’équipe soignante.

A l’atelier graphisme

Nous constatons que l’utilisation de l’espace graphique est parallèle à l’évolution de sa dynamique générale. Elle prend des initiatives mo- trices (square, occupation de l’espace de la salle et utilisation du maté- riel mis à disposition).

A l’atelier terre

Elle peut rester longtemps à tenir sa motte de terre en main, sans la regarder, sans la malaxer, avec aucune initiative sur cet élément.

Une relation privilégiée s’installe entre elle et la stagiaire psychomotri- cienne.

S. reste observatrice et intéressée par le moindre geste d’un autre en- fant, D.

D., petite fille autonome, produit des fleurs, des vases, des colliers, des supports, pour les agencer et les organiser pour arriver à un produit fini. Elle envisage d’emporter chez elle ses productions.

Elle ne peut s’opposer à Y., il la dérange. Elle se laisse faire et devient inactive, sans réaction à ses bousculades. Puis, en cours d‘année, elle commence à avoir une action sur la terre. Sollicitée par la stagiaire, elle malaxe la terre, fait quelque chose. Elle parle de « montagne - bébé - grand bébé ».

Elle se donne de l’entrain, et appuie avec ses doigts, avec énergie. Elle est satisfaite. A la sollicitation de l’adulte, elle répond, sourit, rit de bon cœur.

Elle est contente de sa production et veut la garder.

Cet atelier est un temps qu’elle exploite pour se permettre de s’exprimer, de mettre des émotions, des mots, sur ce qu’elle produit.

Elle prend plus confiance en elle, et ose dire non, parler, demander,

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solliciter l’adulte. Elle a pu exploiter ce temps pour se détacher de D..

Elle a pu s’approprier ses productions et dire : « c’est à moi ! ».

A la piscine

Pour S., la piscine est un temps de soin corporel, d’hygiène et de dé- couverte de son corps. Nous avons exploité ce moment, pour l’aider à se donner confiance et à s’appuyer sur l’adulte qui l’accueille. L’eau sert comme médiateur entre elle et le soignant. L’adulte devient, ainsi, un désinhibiteur de son appréhension de l’eau.

L’objectif de l’atelier, est de lui permettre d’accéder à une autonomie, de connaître et de s’approprier son corps, et de donner sens à ses émo- tions.

Déroulement des séances

S. se lève tôt, et demande à ses parents de préparer son sac.

Dans les vestiaires, nous remarquons qu’elle ne peut se déshabiller seule ; elle reste figée devant son sac et ne l’ouvre pas.

A l’habillage, elle est incapable de mettre son maillot de corps, le pan- talon encore moins.

Elle est gênée, regarde de biais et reste statique.

Pour rentrer dans l’eau elle nous montre une appréhension énorme.

Elle plie son corps en avant, tente de se retourner pour descendre l’échelle, puis, brusquement, elle recule. Il lui faut un temps de tâton- nement, et/ou d’hésitation, et/ou d’opposition. Avant de rentrer dans l’eau, elle s’asseoit au bord du bassin. Parfois, elle utilise des jeux d’éclaboussures avec ses pieds et des lancers de ballon avec le soignant qui se trouve dans l’eau.

Lorsqu’elle semble prête, elle tend les bras en avant, s’agrippe en hur- lant. Elle continue à hurler même si son corps n’est pas dans l’eau. Elle s’agrippe fortement à moi, au point où je sens mes os comme si son angoisse se diffusait dans tout mon corps. Et petit à petit, par l’aide de paroles rassurantes et de mouvements accompagnateurs, elle se dé- colle, sans pour autant lâcher prise. Pour l’aider à être dans l’eau, je m’accroupis, elle resserre sa prise et s’accroche avec ses jambes. Dans la panique, son tonus musculaire se transforme, elle devient hyperto- nique.

Sans aide, elle est incapable de poser les pieds au fond du bassin. Dou- cement, elle se détend, je l’aide à mettre les deux pieds en contact avec la surface solide du bassin. A ce moment, elle retire ses mains, vacille sur les pieds, se balance d’avant en arrière en fixant le fond du bassin, et hurle.

La démarche d’accompagnement, de mise en confiance, a été effectuée avec une présence quasi permanente auprès d’elle, sur une longue du- rée. Elle a pu, en fin de prise en charge, en s’accrochant au bord du

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bassin, se déplacer sur une petite distance. Par moment, elle a osé s’aventurer jusqu’au milieu du bassin, et profiter de cet espace pour jouer et apprivoiser les effets de l’eau.

Cette découverte d’appui solide dans un liquide lui impose un agence- ment tonique, un remaniement considérable de son état émotionnel et musculaire. Cette découverte semble solliciter toute sa personne. Elle a dû sûrement négocier avec elle-même, l’eau et le groupe, ce qui lui demande un effort considérable.

Dans l’eau, le réflexe premier que développe l’enfant est de tenter de retrouver sa position verticale. Mais l’eau influence le corps et dérange la dynamique d’équilibration verticale, par l’effet de portance et de résistance.

Si le corps ne fournit pas une lutte permanente et de chaque instant, il a tendance à se mettre à l’horizontal. Alors, l’enfant doit user de nou- veaux schèmes proprioceptifs afin de s’adapter à ce nouvel état to- nique. Les sensations du mouvement sont amplifiées, le mouvement est ainsi soutenu, et demande donc plus d’intention.

Se familiariser avec l’eau, passer de la symbiose corporelle, de l’agrippement à l’autonomie, suppose la capacité de l’enfant à affronter la peur déclenchée par l’eau. Les données sont différentes. La tempéra- ture, la résistance, la pression ne permettent pas de se déplacer comme d’habitude ; les mouvements sont freinés, le corps est déséquilibré, et se laisse attiré par le fond.

Ces éléments obligent l’enfant à rechercher une adaptation pour s’accommoder aux contraintes particulières de l’eau.

La prise de distance vis à vis de l’adulte, peut permettre à l’enfant d’exploiter d’autres possibilités psychomotrices ignorées : équilibra- tion, acquisition de réflexes respiratoires et redressement de la tête en dehors de l’eau. L’avantage de ces acquis, est de rendre possibles les positions verticale et horizontale. Ces dernières sont mieux appréhen- dées par l’enfant, il peut donc gagner en autonomie.

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