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L école d expression française en Afrique. Histoire inachevée de domination et d émancipation sociale

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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L’école d’expression française en Afrique

Histoire inachevée de domination et d’émancipation sociale

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Points de vue

Collection dirigée par Denis Pryen et

François Manga-Akoa

Déjà parus

Erick Césaire QUENUM et OSWALD PADONOU, Le Bénin et les opérations de paix. Pour une capitalisation des expériences, 2011.

Roger Démosthène CASANOVA, Putsch en Côte d’Ivoire, 2011.

Ismaël Aboubacar YENIKOYE, Intelligence des individus et intelligence des sociétés, 2011.

Pierre N’DION, Quête démocratique en Afrique tropicale, 2011.

Emmanuel EBEN-MOUSSI, Le médicament aujourd’hui.

Nouveaux développements, nouveaux questionnements, 2011.

Koffi SOUZA, Le Togo de l’Union : 2009-2010, 2011.

Lucien PAMBOU, Conseil Représentatif des Associations Noires. Le CRAN, de l’espérance à l’utopie, 2011.

David GAKUNZI, Côte d’Ivoire : le crime parfait, 2011.

Djié AHOUE, Et si Ouattara n’avait pas gagné les élections ?, 2011.

Emmanuel KIGESA KANOBANA, Dipenda, Témoignage d’un Zaïrois plein d’illusions, 2011.

Joseph NELBE-ETOO, L’Héritage des damnés de l’histoire, 2011.

Marcel PINEY, Coopération sportive français en Afrique, 2010.

Cyriaque Magloire MONGO DZON, Pour une modernité politique en Afrique, 2010.

Thierry AMOUGOU, Le Christ était-il chrétien ? Lettre d'un Africain à l'Eglise catholique et aux chrétiens, 2010.

Thimoté DONGOTOU, Repenser le développement durable au XXIe siècle, 2010.

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Gaston M’bemba-Ndoumba

L’ÉCOLE D’EXPRESSION FRANÇAISE EN AFRIQUE

Histoire inachevée de domination et d’émancipation sociale

L’Harmattan

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Du même auteur

Ces Noirs qui se blanchissent la peau : la pratique du « maquillage » chez les Congolais. Ed. L’Harmattan, Paris 2004.

Les Bakongo et la pratique de la sorcellerie : ordre ou désordre social.

Ed. L’Harmattan, Paris 2006.

La femme, la ville et l’argent dans la musique congolaise : regard sociologique sur l’imaginaire urbain. Ed. L’Harmattan, Paris 2007.

Un coup de théâtre : histoire du théâtre congolais. Ed. L’Harmattan, Paris 2008.

La folie dans la pensée Kongo. Ed. L’harmattan, Paris 2010.

Ma première colo. Ed. Bénévent, Nice 2010.

Transports Urbains Publics et Privés au Congo : Enjeux et pratiques sociales. Ed. L'Harmattan, Paris 2010.

La Gare d'Austerlitz dans les yeux d'un Africain. Ed. Bénévent, Nice 2011.

© L’Harmattan, 2011

5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris http://www.librairieharmattan.com

diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr ISBN : 978-2-296-55836-6

EAN : 9782296558366

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A Gloria Fanny etClaire

A André Désiré LOUTSONO kinzénguélé

"pona bilili na yo"

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Approche générale

Comme dans la plupart des écoles d’expression française d’Afrique, l’année scolaire de l’école primaire que j’ai fréquentée au Congo-Brazzaville commence toujours le premier octobre. Si cette date tombe un samedi ou un dimanche, la rentrée des classes est fixée au premier lundi du mois, après le week-end.

Ce grand retour à l’école intervient après les grandes vacances de l’année qui durent trois mois, du premier juillet au trente-et-un août. La reprise est souvent difficile pour les anciens élèves parce que les vacances sont très longues.

Pour les tout nouveaux qui arrivent au CP1 (parce qu’en Afrique il existe une classe de CP1 et une classe de CP2 avant de passer au CE1), aller a l’école pour la première fois est un événement important où l'on est pris entre deux sentiments.

Il y a à la fois une grande joie, parce qu’on n'est plus un petit enfant et qu’on va pouvoir apprendre a lire et écrire, et en même temps une angoisse due a ce que Françoise Dolto appelle la castration symbolique ; c’est-à-dire, renoncer aux plaisirs d’être simplement un enfant et se jeter dans l’inconnu, ce monde immense que représente l’école.

Ma castration symbolique s’est faite un lundi premier octobre il y a plusieurs décennies dans une école primaire du Congo-Brazzaville. Comme tous les enfants de mon âge j’étais content d’aller a l’école mais en même temps j’avais peur de laisser ma maman a la maison. De toute façon je n’avais pas beaucoup de choix, puisque tous les enfants âgés de six ans devaient aller à l’école.

Ma mère n’avait pas eu cette chance, parce qu’en son temps l’école était prioritairement réservée aux jeunes garçons.

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Ma mère, comme les autres filles de son âge, avait dû apprendre les tâches domestiques auprès de sa propre mère.

Donc pour elle l’école était le chemin du salut. C’était le passage obligé que devait emprunter chaque enfant pour réussir dans la vie. Elle avait compris que l’école d’expression française ouvrait désormais les portes de la réussite sociale.

Pour mon père, le problème ne se posait pas, car, ayant été a l’école, il était logique que ses enfants y aillent aussi. Mais ma mère qui ne savait pas lire en français était malheureuse de ne pas pouvoir suivre et aider ses enfants à faire leurs devoirs.

Le jour de la rentrée, comme elle l’avait fait régulièrement pour mes sœurs quelques années avant, c’est elle qui m’accompagna à l’école. La veille, elle avait préparé toutes mes affaires. Et le lendemain matin, alors que j'étais habillé en uniforme, comme les autres élèves de mon école, un cartable a la main, ma mère m’accompagna jusque devant ma classe.

S’agissant de l’uniforme, il était obligatoire. Les garçons portaient une chemisette kaki et un bermuda bleu. Les filles mettaient, comme les garçons, une chemisette kaki et une jupe bleue.

A huit heures justes, après la sonnerie de l’école, le directeur demanda aux parents de laisser leurs enfants et de rentrer chez eux. Lorsque ma mère me dit au revoir, j’ai éclaté en sanglots. Elle me demanda de ne pas pleurer et essuya mes larmes avec son pagne. Elle me promit de m’acheter tout ce dont j’avais besoin le soir. Pour faire bonne figure vis-à-vis de mes nouveaux camarades, j’ai arrêté de pleurer mais dans mes yeux l’angoisse était palpable.

Une fois dans la classe, un homme se présenta en disant qu’il s’appelait : Monsieur Thomas, et qu’il était notre maître.

C’est lui qui était chargé de nous transmettre les connaissances.

Dans son long discours, il insista sur les règles de vie commune, sur la morale et sur la langue qu’on devait utiliser à l’école pour communiquer avec tout le monde. Il nous a dit

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que la seule langue qui était autorisée dans la classe et au sein de l’école était le français.

Son discours, qui avait duré une éternité, avait d’abord été prononcé en langue kongo, la langue maternelle que parlaient presque tous les enfants de la classe, puis en français. Il insista en disant que tout enfant qui serait surpris en flagrant délit en train de parler kongo à l’école serait sévèrement sanctionné.

Monsieur Thomas nous demanda ce matin-la quelque chose d’impossible, puisque aucun enfant de la classe ne parlait français. Notre langue maternelle a tous était le kongo et c’est cette langue qu’on parlait et qu’on entendait depuis notre conception jusqu’a ce premier jour d’école, c’est-à-dire a six ans. C’est comme si, dans le cas de la France, on demandait aux enfants qui se sont toujours exprimé en français, qui est leur langue maternelle, de parler en japonais a l’âge de six ans et ceci durant toute leur scolarité.

Le choc était immense, je me rappelle que ce premier jour et les jours qui ont suivi, on ne se parlait pas entre nous.

Le soir du premier jour d’école, lorsque je suis rentré à la maison, ma mère m’a demandé de lui parler de l’école. J’ai fondu en larmes pendant de longues heures. Je me souviens n’avoir pas mangé ce soir-la, tellement le choc était important.

Aujourd’hui, rien qu’en l’écrivant, je ressens encore la terreur au fond de moi. D’ailleurs, c’est pour cela que j’ai mis autant de temps à écrire ce livre. J’ai beaucoup hésité avant de coucher les premiers mots sur le papier. Mais je me suis dit que la meilleure façon de dépasser cela était d’écrire un livre.

Pour revenir à mes premiers jours d’école, le maître, Monsieur Thomas, pour faire respecter la pratique du français, avait mis en place un SYMBOLE. Il s’agissait d’un collier que chaque élève, qui, par malheur, s’était exprimé en kongo ou dans une autre langue que le français, devait porter autour du cou dans la classe et dans la cour de l’école.

Le collier était fait d’un fil au bout duquel était attachée une partie de squelette d’un animal (la tête ou un os

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quelconque du corps). Chaque classe avait son symbole. Pour rendre l’épreuve plus difficile, certains enseignants, à défaut d’un os, attachaient au bout du fil une boîte de conserve contenant du « caca ». Cette méthode était dissuasive pour quiconque osait parler sa langue maternelle.

Chaque enfant porteur du symbole devait espionner et piéger un élève de sa classe qui s’exprimerait dans une langue africaine. Le porteur du symbole devait remettre l’objet à tout élève qu'il surprenait en flagrant délit en train de parler sa langue maternelle. Le symbole devait se porter autour du cou dans la classe et dans la cour.

À la fin de la journée, le dernier porteur devait apporter le symbole chez lui et le ramener le lendemain matin à l’école.

Cet élève était soumis à plusieurs coups de fouets par le maître.

C’est dans ce climat très particulier pour l’enfant que j’étais, que se sont produits les deux événements les plus humiliants de ma première année du CP1. Le premier s’est déroulé plusieurs semaines après ma rentrée.

Nous étions en récréation de dix heures. Je me suis battu avec un camarade de classe. Ce camarade était plus fort que moi. Il m’avait bien tapé. Les autres élèves applaudissaient.

Monsieur Thomas qui passait par là nous a séparés et nous a demandé de le suivre dans la classe. Il nous a frappés et nous a interdits de récréation pendant une semaine. Nous nous étions battus suite à un différend qui s’était produit en classe.

Comme j’étais persuadé que j’étais plus fort que mon camarade, j’avais accepté de me battre.

Dans mon quartier mes camarades ne voulaient jamais se battre contre moi parce que c’était toujours moi qui gagnais.

En arrivant à l’école, malgré mes angoisses liées à la séparation, j’étais persuadé que je pouvais frapper tous les garçons de ma classe en cas de bagarre. Mais, ce matin-là, j’étais tombé sur plus fort que moi. Depuis cet épisode, je ne me suis plus jamais battu par peur de me faire frapper.

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Le second événement qui m’a marqué est triste. Comme je ne savais pas parler français, un matin de la seconde semaine, alors que le maître, Monsieur Thomas, était en train d'écrire au tableau noir, j’ai fait « caca » en classe.

Je m’étais retenu longtemps, mais tout a lâché à un moment.

Je venais de faire « caca », assis sur mon banc et dans mes habits. C’est un camarade de classe qui m’a dénoncé. Tous les autres élèves criaient sur moi. Le maître a calmé tous les élèves, il n’était pas content bien évidemment. Il m’a demandé de rentrer chez moi.

À la maison, ma mère s’est occupée de moi, elle a tout nettoyé. Elle m’a consolé. J’ai encore beaucoup pleuré ce jour-là.

Je ne souhaitais plus retourner à l’école le lendemain. Mais pour ma mère, il n’en était pas question. Le lendemain elle est allée discuter avec mon maître.

Maman a notamment expliqué à Monsieur Thomas que si je n’avais pas demandé la permission pour aller aux toilettes c’est parce que j’avais peur et que je ne savais pas le dire en français.

Après le départ de ma mère, Monsieur Thomas a attiré l’attention des élèves de ma classe sur le fait que quiconque se moquerait de moi serait puni sévèrement. Mais, malgré cette mise en garde, il y avait de temps en temps certains élèves qui se moquaient de moi. Cela arrivait quelquefois lorsque je remportais une partie d’un jeu ; le jeu de billes par exemple.

Celui que j’avais battu se rapprochait de moi pour me dire

« ça sent pas bon par ici, tu as encore fait caca ». Je me fâchais et je menaçais ces élèves en leur promettant d’aller les dénoncer auprès de Monsieur Thomas. Ils me suppliaient de ne plus le refaire. Souvent, ces élèves, mauvais perdants, ne recommençaient plus jamais à m’embêter avec ça.

De conditionnement en privation, aujourd’hui l’école d’expression française a eu raison de moi. Il fallait certainement en passer par là pour écrire ce livre. C’est le plus beau destin que la société avait choisi pour moi. Car, dans ma langue

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