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Constitution et famille(s) : rapport suisse

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Constitution et famille(s) : rapport suisse

HOTTELIER, Michel

HOTTELIER, Michel. Constitution et famille(s) : rapport suisse. Annuaire international de justice constitutionnelle, 2009, vol. 24-2008, p. 341-354

DOI : 10.3406/aijc.2009.1939

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:6093

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Annuaire international de justice constitutionnelle

Suisse

M. Michel Hottelier

Citer ce document / Cite this document :

Hottelier Michel. Suisse. In: Annuaire international de justice constitutionnelle, 24-2008, 2009. Constitution et famille(s) - Urgence, exception et Constitution. pp. 341-354;

doi : https://doi.org/10.3406/aijc.2009.1939

https://www.persee.fr/doc/aijc_0995-3817_2009_num_24_2008_1939

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TABLE RONDE CONSTITUTION ET FAMILLE(S)

SUISSE

par Michel HOTTELIER *

INTRODUCTION

1. À teneur des articles 1, 3 et 47 de la Constitution fédérale du 18 avril 1999 \ la Suisse est un État fédéral. Le découplage entre autorités fédérales et cantonales, inspiré du fédéralisme des États-Unis a été institué en 1848, époque lors de laquelle la Suisse a abandonné le statut de Confédération d'États qui la caractéri¬

sait pour se constituer en fédération. Cette structure n'a jamais été abandonnée depuis ni même remise en cause. Elle continue de jouer un rôle déterminant dans la plupart des domaines juridiques, économiques, politiques et sociaux et elle trouve par conséquent également application dans le domaine de la famille tel que l'appréhendent le droit constitutionnel et les législations qui en découlent.

2. Pour être complète, l'image du statut constitutionnel de la famille en Suisse supposerait par conséquent une étude du droit aussi bien fédéral que cantonal, y compris dans de nombreux domaines relevant de la loi, tant il est vrai que la concrétisation et la mise en oeuvre des normes relatives à la famille est tributaire de la législation ordinaire, notamment de la législation civile. La présente contribution est toutefois centrée sur le droit constitutionnel fédéral.

I - NORMES CONSTITUTIONNELLES RELATIVES A LA FAMILLE

3. La notion de famille véhicule au moins trois significations sur le plan du droit constitutionnel suisse. La famille se présente d'abord comme une institution de l'ordre juridique que l'État a vocation à respecter et à protéger au niveau aussi bien national que local. Elle se décline ensuite, dans sa conception peut-être la plus classi¬

que, comme une liberté individuelle incluant un certain nombre de droits subjectifs permettant au justiciable de se défendre contre des interventions indues des pouvoirs publics. En complément de ces deux facettes, la famille représente aussi un enjeu de politique sociale. Elle renferme à ce titre une tâche de protection et de promotion constitutionnellement reconnue que les autorités tant fédérales que cantonales

* Professeur à l'Université de Genève.

1 Ci-après : Cst. ; Recueil systématique du droit fédéral suisse (RS) 101.

Annuaire international de justice constitutionnelle, XXIV-2008

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342 TABLE RONDE : CONSTITUTION ET FAMILLE(S)

s'emploient à réaliser à leur niveau respectif dans l'exercice des compétences que leur attribue la Constitution.

4. Droit fondamental, institution et chef de compétence, valeur éminemment libérale simultanément objet de politique sociale, mise en œuvre sur le plan national et local : on le voit, la réalisation des enjeux liés à la famille est complexe en Suisse en raison de la diversité des objectifs poursuivis d'une part et de la multiplicité des acteurs qui sont appelés à y contribuer d'autre part : Cour européenne des droits de l'homme, peuple et cantons, Assemblée fédérale, Tribunal fédéral, autorités canto¬

nales et communales, chacun de ces organes a potentiellement son mot à dire, avec à la clé une mise en œuvre extrêmement diversifiée et parfois contradictoire.

A - La définition de la famille

5. Reprenant la teneur de l'article 16 alinéa 3 de la Déclaration universelle des droits de l'homme, l'article 23 paragraphe 1 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques - qui lie la Suisse depuis le 18 septembre 1992 - désigne la famille comme « l'élément naturel et fondamental de la société », en précisant qu'elle « a droit à la protection de la société et de l'État ». L'instrument onusien, tout comme la CEDH d'ailleurs, ne contient toutefois pas de définition sur le sujet.

6. Même si elle est conçue comme une institution de l'ordre juridique et politique, la famille n'obéit pas non plus à une définition précise et rigide en droit constitutionnel suisse. De fait, ni la Constitution, ni la législation, ni le juge constitutionnel ne lui confère une définition stricte et invariable. Peut-être parce que, à l'image d'autres valeurs intégrées au champ des droits fondamentaux comme la liberté personnelle, la liberté d'expression ou la liberté économique, la famille est tellement empreinte d'une conception jusnaturaliste qu'elle véhicule des concepts qui paraissent aller de soi, sans qu'il s'avère nécessaire de préciser plus avant leurs contours ou leurs limites. Mais sans doute aussi parce que le concept est éminemment évolutif, dès lors qu'il se fonde sur une réalité sociétale que le droit peut tout au plus enregistrer a posteriori, mais difficilement anticiper. Face à un tel

contexte, aucun des acteurs étatiques ne paraît à même de donner une définition exclusive et stable de la famille. Leur approche respective est au contraire appelée à se compléter.

7. La définition traditionnelle empruntée aux sciences sociales voit dans la famille un groupe social caractérisé par la cohabitation et la coopération d'adultes des deux sexes, dont deux au moins entretiennent des relations sexuelles socialement approuvées et qui élèvent ensemble les enfants nés de cette union ou adoptés. Cette définition ne fait toutefois plus l'unanimité aujourd'hui ni sur le plan institutionnel, ni sur le plan statistique 2. L'institution de la famille, à l'image de la société au sein de laquelle elle est censée se développer et s'épanouir, ne manque ainsi pas de se modifier, prouvant ainsi que le droit constitutionnel n'est bien souvent, comme indiqué ci-dessus, que le reflet de processus et d'enjeux historiques et sociaux (ubi societas. ..) dont la génération et l'évolution lui échappent largement 3.

8. Sur le plan des sources formelles, la famille est protégée au premier chef par l'article 13 alinéa 1 Cst. La disposition présente une facette objective, de nature

2 Voir en particulier Jean KELLERHALS, « Famille », in Dictionnaire suisse de politique sociale , 2e éd., Lausanne 2002, p. 139, qui relève que « les cohabitations sans mariage, les familles monoparentales, les couples sans enfant, voire l'autonomie professionnelle des conjoints ou les formes de vie commune sans toit commun («défis à une définition unique du groupe familial. » living apart together ») apparaissent comme autant de 3 Andreas AUER, Giorgio MALINVERNI, Michel HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, vol. II, Les droits fondamentaux , 2e éd., Berne 2006, p. 189-

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suisse 343 institutionnelle, qui lie les autorités indépendamment de situations concrètes — les forçant ainsi à respecter et protéger la famille —, ainsi qu'une dimension subjective à même de fonder des prétentions individuelles devant l'administration ou le juge.

L'article 14 Cst. consacre pour sa part la garantie du droit au mariage et de la famille. De nombreuses dispositions constitutionnelles de rang cantonal protègent également la famille. L'article 2B de la Constitution de la République et canton de Genève de 1847 est intéressant à cet égard, qui prévoit que « la famille est la cellule fondamentale de la société ».

9. Inspiré de l'article 8 CEDH, l'article 13 alinéa 1 Cst. proclame de manière lapidaire le droit au respect de la vie familiale aux côtés de la vie privée, du domicile et de la correspondance. La disposition confère à toute personne - indépendamment de son lien de nationalité — le droit d'organiser sa vie et d'entretenir des rapports avec autrui sans intervention des pouvoirs publics. Intégrée dans ce cadre général, la protection de la famille fait partie des manifestations les plus élémentaires de l'épanouissement de la personnalité humaine. Elle entretient à ce titre des rapports étroits avec la garantie de la liberté personnelle au sens de l'article 10 alinéa 2 Cst. et de la jurisprudence qu'a développée le Tribunal fédéral au sujet de cette disposition au point que la délimitation entre les deux garanties ne paraît pas toujours évidente, en particulier pour les facultés relevant de la vie privée 4.

B - Genèse et idéologie des normes spécifiques à la famille

10. La conception de la famille qui prévaut encore largement en Suisse est d'inspiration judéo-chrétienne, soit la représentation classique d'un couple nécessai¬

rement marié dans le but de donner naissance puis d'élever des enfants. Mariage et famille sont ainsi indissolublement liés et présentés, de manière très classique, comme les fondements de la communauté étatique, le mariage apparaissant comme le fondement de la famille et la famille comme la conséquence naturelle du mariage 5.

11. Le lien entre les articles 8 paragraphe 1 et 12 CEDH, qui associent l'existence du couple au mariage d'une part et à la présence d'enfants d'autre part correspond fidèlement à la vision helvétique telle qu'elle figure aux articles 13 et 14 Cst. Cette représentation idéologique du groupe familial, étroite et même exclusive

— à l'origine tout au moins, fondée sur l'unité de la famille et la primauté maritale — est également illustrée par l'évolution somme toute assez récente qu'a connue le droit de la famille en Suisse sur le plan constitutionnel et législatif.

12. Historiquement, la conception constitutionnelle du mariage en Suisse a été introduite dans la Constitution fédérale en 1874, à l'article 54 6. La disposition prévoyait, en son alinéa premier, que le droit au mariage était « placé sous la protection de la Confédération ». La notion de mariage englobait alors celle de famille 7 . Cette conception a fort longtemps reposé sur un groupe au sein duquel l'élément marital dominait. Selon cette vision fondée sur le patriarcat et l'unité de la famille, la femme mariée était considérée comme une sorte d'annexe juridique de son 4 AUER, MALINVERNI, HOTTELIER (note 3), p. 184 et les références citées. Pour quelques exemples récents empruntés à la jurisprudence récente du Tribunal fédéral, voir AIJC XXIII-2007, p. 921 ; A1JC XXII-2006, p. 897.

5 Voir Detlev Ch. DlCKE, « Article 54 », in Commentaire de la Constitution fédérale du 29 mai 1874, Bâle/Berne/Zurich 1989, p. 2s. et les références citées.

6 DlCKE (note 5), p. 3. Antérieurement, c'étaient les cantons qui étaient compétents pour légiférer en la matière.

7 Voir DlCKE (note 5), p. 6, qui relève qu'il eût été superflu, voire source de malentendus, de mentionner la famille en plus du mariage lors de l'adoption de l'article 54 Cst. 1874.

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conjoint, en droit civil comme dans la plupart des autres domaines. En témoignait l'article 54 alinéa 4 de la Constitution fédérale du 29 mai 1874 aux termes duquel l'étrangère qui épousait un Suisse acquérait la nationalité de son conjoint, alors que l'étranger qui convolait en justes noces avec une Suissesse devait quant à lui passer par les affres de la procédure de naturalisation 8.

13- Cette réglementation, fruit de son époque, contrevenait manifestement au principe d'égalité. Ce n'est qu'à la fin des années 1970, en particulier sous l'influence du mouvement féministe et de l'esprit de libéralisation qui a caractérisé cette période de l'histoire que l'éclosion, puis l'inscription dans la Constitution fédérale du principe de l'égalité des droits entre hommes et femmes a progressivement conduit à des modifications substantielles du statut de la femme au sein de la famille et, plus généralement, de la société 9. Le principe d'égalité a ainsi contribué à façonner une nouvelle vision de la famille, non sans difficulté toutefois 10 .

14. Dans l'affaire Burghartz jugée en 1994, la Suisse s'est ainsi fait condamner par la Cour européenne des droits de l'homme pour violation de l'article 8 en lien avec l'article 14 CEDH dans le cas d'un homme marié qui souhaitait faire suivre son nom de celui de son épouse 11 . Alors que le droit civil suisse permettait à la femme mariée de conserver le nom qu'elle portait jusqu'alors, suivi du nom de son conjoint, l'inverse n'était pas possible. Après avoir souligné l'importance que revêt le nom à la fois comme moyen d'identification personnelle et de rattachement à une famille, la Cour a jugé que l'agencement des noms tel qu'il prévalait en droit civil suisse était constitutif d'inégalité et, partant, condamné la Suisse. Et aujourd'hui encore, l'article 160 alinéa 1 du Code civil suisse dispose que le nom de famille des époux est le nom du mari, d'une manière qui a pourtant été jugée contraire au principe d'égalité de

traitement entre homme et femme par le Tribunal fédéral lui-même 12 .

15. L'importance attachée à la famille au sens classique du terme est aussi illustrée par le traitement juridique réservé par la classe politique aux formes de vie en commun autres que le mariage. Ce n'est que très récemment que le statut de ces formes de partenariat a été appréhendé et géré au moyen de normes ad hoc, sur le plan cantonal d'abord. Plusieurs constitutions cantonales ont en effet, à la faveur du processus de révision totale qu'elles ont connu ces dernières années, consacré les 8 Andreas AUER, Giorgio MALINVERNI, Michel HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, vol. I, L'État,

2e éd., Berne 2006, p. 124ss. et les références citées.

9 L'article 54 alinéa 4 Cst. 1874 a été abrogé lors de la votation constitutionnelle du 4 décembre 1983. Voir Dicke (note 5), p. 16. À l'heure actuelle, le conjoint étranger d'un ressortissant suisse peut acquérir la nationalité suisse par la voie d'une naturalisation dite facilitée. Voir AUER, MALINVERNI, HOTTELIER (note 8), p. 128 ; Céline GUTZWILLER, Droit de la nationalité et fédéralisme en Suisse, Zurich 2008, p. 181ss.

10 Art. 4 al. 2, inscrit le 14 juin 1981 dans la Constitution fédérale du 29 mai 1974 (actuel art. 8 al. 3 Cst.). Voir Etienne GRISEL, Egalité. Lés garanties de la Constitution fédérale du 18 avril 1999, 2e éd., Berne 2009, p. 113ss.

11 ACEDH Burghartz c. Suisse du 22 février 1994, série A n° 280-B. Dans l'arrêt Unal Tekel't c. Turquie du 16 novembre 2004 (Rec. 2004-X, p. 213), la Cour a jugé que l'obligation faite à la femme mariée, au nom de l'unité de la famille, de porter le patronyme de son mari, même si elle peut le faire précéder par son nom de jeune fille, manquait de justification objective et raisonnable au sens de l'article 14 combiné avec l'article 8 CEDH.

12 Recueil officiel des arrêts du Tribunal fédéral suisse (ATF) 132 I 68 Genossame Lachen. Un projet de révision du Code civil a été entrepris, qui retenait le principe de l'immutabilité du nom tout au long de la vie, le mariage étant dépourvu d'incidence sur le nom. Les fiancés devraient toutefois pouvoir déclarer porter un nom de famille commun (nom de célibataire de la fiancée ou du fiancé) ; les parents mariés portant des noms différents pourraient choisir le nom de leurs enfants commun, ceux-ci portant le nom de célibataire en cas de désaccord (Feuille fédérale de la Confédération suisse

— FF - 2007 4999)-À ce jour, le projet n'a toutefois toujours pas été adopté (voir le rapport de la Commission des affaires juridiques du Conseil national du 22 août 2008, FF 2009 365).

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SUISSE 343 formes de partenariat autres que le mariage, à l'instar de l'article 12 alinéa 2 de la Constitution neuchâteloise, adopté en l'an 2000 ou 14 alinéa 2 de la Constitution vaudoise de 2003.

16. L'adoption, le 5 juin 2005, de la loi fédérale sur le partenariat enregistré entre personnes du même sexe est venue fixer un cadre de rang national permettant de mettre un terme aux discriminations qui avaient cours à l'égard des couples homosexuels. On observera toutefois que cette loi limite son empire aux seuls partenaires de même sexe et que le législateur fédéral a soigneusement évité d'assimiler ces derniers à une famille au sens constitutionnel du terme 13.

C - Les formes de famille protégées par les normes constitutionnelles 17. La garantie de la vie familiale peut être appréhendée sous différents aspects, ce qui permet d'expliquer la difficulté de les réunir, outre une présentation très générale, dans une définition uniforme et invariable. Elle inclut non seulement le droit de se marier — y compris celui, le cas échéant, de se remarier 14 — et de fonder une famille, comme indiqué précédemment, mais aussi celui d'y voir les relations entre ses membres se développer sans subir d'ingérence arbitraire de la part des pouvoirs publics.

18. Les éléments constitutifs de la famille sont variés : la consanguinité, la vie commune, l'assistance mutuelle et la dépendance financière, ainsi que d'autres liens substantiels ou affectifs 15. On voit que le champ d'application est large. De par ses nombreuses implications personnelles et sociales, la garantie de la vie familiale appelle une réglementation précise sous la forme de lois, qui la délimite et la protège.

19- Conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral, elle-même profondément influencée par celle de la Cour européenne des droits de l'homme, la CEDH et la Constitution fédérale protègent d'abord la famille nucléaire, c'est-à-dire celle qui, conformément aux articles 14 Cst. et 12 CEDH, se fonde par le mariage et qui s'agrandit par les naissances survenues dans ce cadre 16 . La famille résultant du mariage bénéfice également d'une protection spécifique en vertu des articles 5 du Protocole additionnel n° 7 à la CEDH et 23 paragraphe 4 Pacte II, qui proclament l'égalité de droit des époux au regard du mariage, durant le mariage et lors de sa dissolution.

13 Michel HOTTELIER, La loi fédérale sur le partenariat enregistré entre personnes du même sexe, RFDC 69-2007, p. 39.

14 ACEDH F. c. Suisse du 18 décembre 1987, série A n° 128. Dans cette affaire, la Cour a condamné la Suisse en raison de l'article 150 du Code civil, qui permettait au juge du divorce de fixer un délai d'un an au moins et de deux ans au plus durant lequel la partie jugée coupable n'était pas autorisée à se remarier. Ce délai pouvait être porté à trois ans en cas de divorce prononcé pour cause d'adultère. La disposition a été abrogée dans le cadre de la révision du droit du divorce qui a été adoptée en 1998 par les Chambres fédérales.

15 Message du Conseil fédéral du 20 novembre 1996 relatif à une nouvelle constitution fédérale, FF 1997 I 155. Voir également KELLERHALS (note 2), p. 139, qui relève que dans sa forme traditionnelle, la famille réunit les trois éléments constitutifs de la parenté : le lien d'alliance (entre conjoints), celui de filiation (entre parents et enfants) et celui de germanité (entre frères et sœurs), non sans relever que ces liens peuvent se découpler et appréhender souplement la famille comme un groupe de personnes unies par un lien d'alliance officiel ou officieux, de filiation ou de germanité et

coopérant à leur développement ou à leur épanouissement mutuel.

16 Voir sur le sujet l 'ACEDH Berrehab c. Pays-Bas du 21 juin 1988, série A n° 138, § 21, où la Cour relève que la relation qu'un mariage à la fois légal et non fictif crée entre les époux doit d'emblée être qualifiée de vie familiale. La notion de famille sur laquelle repose l'article 8 CEDH a pour conséquence qu'un enfant issu de pareille union s'insère de plein droit dans cette relation.

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346 TABLE RONDE : CONSTITUTION ET F AMILLE(S)

20. La vie familiale doit toutefois être comprise dans un sens plus large et ne se limite pas, ou plus, aujourd'hui, à la famille traditionnelle composée d'un couple marié ayant des enfants mineurs 17 , tant il est vrai que l'institution du mariage a subi une désacralisation qui a conduit à la perte de son exclusivité comme modèle institutionnel dont le but principal est la survie économique et sociale, par opposition à des formes de compagnonnage à finalité essentiellement affective ou relationnelle 18 .

2 1 . L'effectivité de la relation familiale n'implique pas nécessairement une vie commune, dès lors qu'une séparation engendrée par une peine privative de liberté 19 ou une mesure de renvoi du territoire 20 n'a pas toujours pour effet de mettre un terme aux liens familiaux. Une famille, même incomplète au sens des éléments qui précèdent, n'échappe pas pour autant à la protection qu'offrent la Constitution et la Convention européenne. Le Tribunal fédéral l'a rappelé récemment, même s'il a en l'espèce confirmé le refus des autorités vaudoises d'accorder une autorisation de séjour en faveur des trois enfants d'une ressortissante ghanéenne établie en Suisse, qui vivait en concubinage avec l'un de ses petits cousins, dont elle avait eu un enfant 21 .

22. En l'absence de distinction entre famille légitime et famille naturelle, la famille comprend aussi les relations entre couples non mariés pour autant cependant que la relation entre les personnes concernées soit effective et stable. D'autres liens familiaux peuvent ainsi être appréhendés par les 13 alinéa 1 Cst. et 8 paragraphe 1 CEDH lorsque les parties cohabitent en dehors de tout lien marital, pour autant que des liens personnels étroits les unissent. Un certain nombre d'éléments pris en compte par la Cour européenne des droits de l'homme contribue à déterminer l'existence d'un lien familial, comme le fait de savoir si les partenaires vivent ensemble et depuis combien de temps, s'ils ont eu des enfants ensemble, preuve de leur engagement réciproque 22 . De fait, si la seule naissance d'un enfant suffit à fonder une vie familiale entre celui-ci et ses parents, la durée du séjour d'étrangers en Suisse et le degré d'exigibilité de leur retour à l'étranger sont également pris en considération dans la qualification d'une vie familiale au sens conventionnel 23 .

23. Un certain embarras est toutefois perceptible dans la qualification juridique des formes de vie en commun mettant en cause des personnes de même sexe. Dans un arrêt rendu le 25 août 2000 au sujet du statut, sous l'angle du droit suisse des étrangers, d'une ressortissante néo-zélandaise partenaire d'une Suissesse qui désirait s'installer en Suisse, le Tribunal fédéral a considéré que les changements intervenus dans la société justifiaient désormais une approche plus libérale du partenariat entre personnes du même sexe 24. Sans aller jusqu'à reconnaître que les couples homosexuels sont fondés à revendiquer le droit au respect de la vie familiale, les juges fédéraux ont retenu que les recourantes pouvaient en l'occurrence se 17 FF 1997 1 155.

18 Voir les développements de Marie-Laure PAPAUX VAN DELDEN, L'influence des droits de l'homme sur l'osmose des modèles familiaux, Bâle 2002, p. 75 ; KELLERHALS (note 2), p. 140.

19 Voir par exemple ATF 131 II 265 X. : lorsque l'un des conjoints est privé de liberté, la protection de la vie familiale consiste à assurer un minimum de contacts entre époux par les modalités d'exécution de la peine ou par l'aménagement des mesures d'internement. Les juges fédéraux ajoutent que l'on ne saurait ainsi déduire du droit au respect de la vie familiale un droit à l'octroi d'une autorisation de séjour durable en faveur de l'épouse étrangère d'un détenu suisse, afin de faciliter à cette dernière l'exercice de son droit de visite. Voir AIJC XXI-2005, p. 722.

20 ACEDH Boultifc. Suisse du 2 août 2001, Rec. 2001 -IX, p. 137.

21 ATF 133 II 6 X. et consorts. Voir AIJC XXII-2006, p. 901.

22 ACEDH Emonet et autres c. Suisse du 13 décembre 2007, § 33-36.

23 ACEDH Gill c. Suisse du 19 février 1996, Rec. 1996-1, p. 159.

24 ATF 126 II 425 P. und C.

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SUISSE 347 prévaloir du droit au respect de la vie privée au sens des articles 13 et 8 CEDH. La conception dominante en droit constitutionnel suisse, maritalement exclusive, ne permettait en effet nullement d'assimiler, en l'état, les relations entre personnes de même sexe à une communauté de vie identique au mariage et à la vie familiale qui en découle, lesquels étaient encore traditionnellement réservés aux personnes de sexe opposé 25 . Mariage et partenariat s'avèrent, dans cette perspective, fondamentalement incompatibles. C'est du reste au nom de la même différence de conception que le législateur fédéral s'est refusé, lorsqu'il a adopté la loi fédérale sur le partenariat entre personnes du même sexe, à permettre l'adoption ou la procréation médicalement assistée aux bénéficiaires de cette nouvelle loi 26.

24. Dans l'arrêt précité, après avoir jugé le recours recevable, le Tribunal l'a néanmoins rejeté, considérant que le refus du titre de séjour sollicité par la partenaire étrangère de la ressortissante suisse constituait une restriction au droit au respect de la vie privée valablement fondée sur la loi, motivée par un intérêt public prépondérant et conforme au principe de la proportionnalité.

25. La crainte d'une libéralisation excessive, par voie judiciaire, du droit des étrangers - un domaine traditionnellement sensible sur le plan politique -, allié à l'absence de juridiction constitutionnelle à l'égard des lois fédérales telle qu'elle résulte de l'article 190 Cst., ne sont certainement pas étrangères à cette approche, qui démontre que le champ opératoire des droits fondamentaux baigne dans un climat politique et institutionnel dont les juges ne se sentent pas autorisés à faire abstraction.

II - LA PORTÉE DU STATUT CONSTITUTIONNEL DE LA FAMILLE A - La nature de la protection de la famille

26. La protection de la famille représente en droit constitutionnel suisse à la fois un droit fondamental, un principe directeur et un objectif de valeur constitutionnelle. La mise en œuvre de ces différentes facettes de la protection de la famille incombe à des acteurs et à des procédures distinctes.

1. La famille comme droit fondamental

27. La protection de la vie familiale considérée comme droit individuel est passible des procédures, pour l'essentiel judiciaires, qui sont traditionnellement applicables au respect des droits fondamentaux. La mise en œuvre par voie contentieuse de la protection constitutionnelle de la famille trouve par conséquent son épilogue devant le Tribunal fédéral à la faveur des recours institués par la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 27 .

28. En dernier lieu, la Cour européenne des droits de l'homme peut être amenée, sur requête individuelle en application de l'article 34 CEDH, à examiner la manière dont l'article 8 CEDH est appliqué en Suisse dans le cadre d'affaires mettant par exemple en cause le principe du non refoulement ou celui du regroupement familial. La jurisprudence de la Cour agit, dans ce domaine comme dans d'autres, comme un levier utile sur la théorie et la pratique suisses des droits fondamentaux,

25 Voir ATF 119 II 264 X., concernant la reconnaissance d'un mariage conclu à l'étranger au sens du droit international privé suisse. Dans cette affaire, jugée le 3 mars 1993, le Tribunal fédéral relève qu'un mariage conclu entre personnes du même sexe heurte l'ordre public suisse et ne saurait donc être reconnu, ce refus ne contrevenant ni à la Constitution fédérale, ni aux articles 8 et 12 CEDH.

26 HOTTELIER (note 1 3), p. 47 et les références citées.

27 Sur les modalités de cette loi et, en particulier, les modalités de la juridiction constitutionnelle telle qu'elle se présente devant le Tribunal fédéral, voir AIJC XXI-2005, p. 717.

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348 TABLE RONDE : CONSTITUTION ET FAMILLE(S)

ce d'autant que les juges fédéraux prennent en considération non seulement les arrêts concernant la Suisse mais, plus largement, les précédents européens susceptibles d'exercer une influence sur l'ordre juridique suisse dans son ensemble 28. Selon la Cour, la conception défensive classique des libertés individuelles, qui tend à permettre au justiciable de se défendre contre des atteintes des pouvoirs publics, se double en droit contemporain d'une dimension active visant à assurer leur plein effet utile aux garanties conventionnelles.

29. La Cour a ainsi jugé que les États parties à la CEDH peuvent se trouver en certaines circonstances dans l'obligation positive de permettre la formation et le développement de liens familiaux légaux. Elle a sur cette base récemment condamné la Suisse pour violation de l'article 8 CEDH dans une affaire où l'adoption par un concubin de l'enfant majeure de sa partenaire avait eu pour effet pour le moins curieux, conformément au Code civil suisse 29, de rompre le lien de filiation avec la mère. Le lien de filiation créé par voie d'adoption entrait ainsi en conflit avec le lien biologique entre la mère et l'enfant. L'instance alsacienne a jugé pour la circonstance que le respect de la vie familiale des intéressés exigeait la prise en compte des réalités tant biologiques que sociales pour éviter une « application mécanique et aveugle » des dispositions légales à cette situation très particulière, pour laquelle ces dernières n'étaient manifestement pas prévues 30.

30. Un autre domaine important, qui alimente une casuistique soutenue du Tribunal fédéral et de la Cour européenne des droits de l'homme concerne les mesures d'éloignement d'étrangers possédant des liens familiaux en Suisse 31 . Bien que la Convention ne garantisse aucun droit pour une personne étrangère d'entrer, de séjourner ou même de s'établir dans un État dont elle n'est pas ressortissante, le renvoi d'un étranger d'un pays où vivent ses parents proches peut, conformément à une jurisprudence éprouvée, constituer une ingérence dans son droit au respect de la vie familiale et justifier, partant, un contrôle des juges sur la question du respect des conditions de restriction énoncées par l'article 8 paragraphe 2 CEDH 32 .

31. Dans l'arrêt Boultif , la Cour a ainsi condamné la Suisse dans le cas d'un refus de renouvellement de l'autorisation de séjour dont un ressortissant algérien marié à une Suissesse bénéficiait 33 . En l'occurrence, l'intéressé avait subi une condamnation à deux ans de prison pour brigandage. Sa peine purgée, les autorités zurichoises l'informèrent que son permis de séjour ne serait pas renouvelé et qu'il devait par conséquent quitter le territoire helvétique. Le départ de Suisse de sa femme étant selon les juges fédéraux exigible de manière à ce que celle-ci puisse continuer à vivre avec M. Boultif, le Tribunal fédéral rejeta le recours dont il avait été saisi. La Cour de Strasbourg ne partagea pas ce raisonnement et, au prix d'une analyse approfondie de l'exigence de nécessité dans une société démocratique au sens

28 Cf. Michel HOTTELIER, « Genève - Strasbourg, via Lausanne — retour. Réflexions sur le dialogue des juges cantonaux, fédéraux et européens », Mélanges en l'honneur du président Bruno Genevois, Paris 2009, p. 563.

29 L'article 264a alinéa 1 du Code civil suisse prescrit que les époux ne peuvent adopter que pour effet de supprimer le lien de filiation avec le parent en question, conformément aux articles conjointement. Le droit suisse exclut l'adoption conjointe d'un enfant par des concubins, comme l'adoption par un concubin de l'enfant de son partenaire. Mais l'adoption par une personne seule a 264b alinéa 1 et 267 alinéa2 du Code civil.

30 ACEDH Emonet et autres c. Suisse du 13 décembre 2007, en particulier §§ 66 et 86. L'arrêt du Tribunal fédéral qui avait donné lieu à la condamnation de la Suisse (ATF 129 III 656) par la Cour européenne a fait l'objet d'une procédure de révision en date du 18 juillet 2008 (arrêt du Tribunal fédéral 5F_6/2008, reproduit in La Semaine judiciaire (SJ) 2009 I, p-53.

31 Voir Philippe GRANT, La protection de la vie familiale et de la vie privée en droit des étrangers , Bâle 2000.

32 Voir par exemple req. n° 14022/02, Salim Bouhadef c. Suisse, décision du 12 novembre 2002, Jurisprudence des autorités administratives de la Confédération suisse 2003, p. 1410.

33 ACEDH Boultif c. Suisse du 2 août 2001, Rec. 2001-IX, p. 1 19.

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suisse 349 de l'article 8 paragraphe 2 CEDH, condamna la Suisse. À la suite de cet arrêt, le requérant obtint le droit de revenir en Suisse 34.

32. Plus récemment, l'arrêt Emre a conduit la Cour à condamner la Suisse dans le cas d'un ressortissant turc âgé de vingt-trois ans et demi qui, pour avoir été condamné à maintes reprises par les instances pénales du canton de Neuchâtel, avait vu son titre de séjour faire l'objet d'une décision de révocation 35 . L'intéressé se vit ainsi notifier une décision d'expulsion administrative pour une durée indéterminée.

En raison notamment du fait qu'il avait passé l'essentiel de sa vie en Suisse où il était arrivé avant l'âge de six ans, la Cour unanime a considéré, dans le cadre de la balance des intérêts prévue à l'article 8 paragraphe 2 CEDH, que le renvoi du requérant représentait en la circonstance une mesure excessive, compte tenu en particulier de la faiblesse des liens sociaux, culturels et familiaux qu'il entretenait avec son pays d'origine : les attaches familiales de l'intéressé avec la Turquie s'avéraient en effet bien moins importantes que celles qu'il avait nouées dans son pays d'accueil 36.

2. La famille comme principe directeur

33. Droit fondamental par excellence, la famille appelle également une protection et une mise en œuvre de la part des pouvoirs publics chargés de réaliser la politique sociale. L'article 41 alinéa 1, lettre c, Cst. énonce ainsi, au chapitre des buts sociaux, que « la Confédération et les cantons s'engagent, en complément de la responsabilité individuelle et de l'initiative privée », à ce que les familles en tant que communautés d'adultes et d'enfants soient protégées et encouragées.

34. Lors de l'adoption de cette disposition, on a toutefois pris le soin d'ajouter explicitement la mention selon laquelle aucun droit subjectif à des prestations de l'État ne saurait être déduit directement des buts sociaux (art. 41 al. 4 Cst.). La disposition est ainsi dépourvue d'applicabilité directe. Il s'agit ici, comme l'indique l'article 41 Cst., d'un principe directeur lié à la dimension institutionnelle de la famille dont les pouvoirs publics doivent s'inspirer dans l'exercice de leurs compétences, sans fonder lui-même des compétences nouvelles. L'article 41 alinéa 3 Cst. dispose à cet égard que la Confédération et les cantons s'engagent en faveur des buts sociaux dans le cadre de leurs compétences constitutionnelles et des moyens disponibles. Rien n'empêche à cet égard le juge de se référer aux buts sociaux qu'énonce la Constitution fédérale dans la mise en œuvre des droits fondamentaux et dans le processus d'interprétation et d'application des lois.

35. La protection de la famille se présente en d'autres termes comme une mesure prenant place dans un catalogue d'objectifs à l'adresse des autorités législatives, catalogue destiné à souligner la vocation sociale de l'Etat suisse et l'esprit de solidarité auquel le préambule de la Constitution fait par ailleurs référence. Il revient en conséquence à ces autorités de fixer les priorités de la politique sociale ou financière pour concrétiser ces objectifs et de définir les divers instruments nécessaires à cet effet 37 . En bref, la nature de l'objectif est fïnalitaire et sa nature étatique subsidiaire 38 .

3. La famille comme compétence de valeur constitutionnelle

36. Au chapitre de l'aménagement du fédéralisme, la répartition des

34 Voir Michel HOTTELIER, Hanspeter MOCK, Michel PUÉCHAVY, La Suisse devant la Cour européenne des droits de l'homme, Bruxelles 2005, p. 154 et 249.

35 ACEDH Emre c. Suisse du 22 mai 2008.

36 Voir en particulier le § 79 de l'arrêt.

37 FF 1997 1201.

38 FF 1997 I 205.

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350 TABLE RONDE : CONSTITUTION ET FAMILLE(S)

compétences entre la Confédération et les cantons mentionne également la famille parmi les objectifs poursuivis par les autorités fédérales au titre de la politique familiale 39. À 1' inverse d'un but social qui reste largement indéterminé, on entre ici de plain-pied dans l'exercice d'une compétence dévolue aux autorités fédérales, soit dans le domaine de la répartition des compétences entre pouvoir central et collectivités fédérées. Outre l'article 122 Cst., qui attribue à la Confédération la compétence de légiférer dans le domaine du droit civil — soit, en particulier, dans le domaine du droit de la famille -, deux dispositions topiques présentent une importance particulière dans ce cadre : l'article 108 et l'article 116 Cst.

37. L'article 108 Cst. prévoit que la Confédération encourage la construction de logements ainsi que l'acquisition d'appartements et de maisons familiales destinées à l'usage personnel de particuliers 4o. Plus largement, la politique fédérale en matière de logements doit prendre en considération les intérêts des familles. Ces mesures ne portent pas ombrage aux mesures d'encouragement que les cantons peuvent adopter à leur niveau 41 .

38. L'article 116 Cst. est quant à lui spécifiquement consacré à la protection de la famille. Pour préciser que dans l'accomplissement de ses tâches, la Confédération prend en considération les besoins de la famille et qu'elle peut soutenir les mesures destinées à protéger les familles, un peu dans le sillage du but social qu'énonce l'article 41 Cst., la disposition traite plus particulièrement de la question des allocations familiales et de l'assurance-maternité 42 .

39-L'histoire de cette disposition, adoptée au mois de novembre 1945 et dont la mise en œuvre s'est révélée pour le moins mouvementée, traduit avec éloquence les difficultés qu'a rencontrées la politique sociale suisse à dépasser le stade des slogans et des pétitions de principe — fussent-ils inscrits dans la Constitution — pour trouver une réalisation concrète. Peu de normes constitutionnelles ont en effet donné lieu à autant d'interventions parlementaires et d'initiatives restées lettre morte sur le plan politique fédéral 43 . Il a ainsi fallu attendre plus de cinquante ans pour voir les objectifs contenus à l'article 116 Cst. trouver une concrétisation44. Ce n'est en effet qu'après l'an 2000 que deux lois fédérales sont venues poser une réglementation en matière d'allocations familiales d'une part et d'assurance maternité d'autre part.

40. Adoptée le 24 mars 2006 par l'Assemblée fédérale puis confirmée, sur référendum, le 26 novembre suivant 45 . la loi fédérale sur les allocations familiales — instrument principal de la politique familiale 46 —, s'inscrit pourtant nettement en deçà de la clause, largement conçue, prévue à l'article 116 Cst. 47. D'une part, les travaux qui ont conduit à l'élaboration puis à l'adoption de cette loi ont démontré

39 Jean-Marie BOUVERAT, « Famille (politique de la) », in Dictionnaire suisse de politique sociale, 2e éd., Lausanne 2002, p. 143, qui relève qu'en comparaison européenne, la politique familiale suisse est plutôt modeste.

40 Jean-François AUBERT, Pascal MAHON, Petit Commentaire de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999, Zurich 2003, p. 82 6.

41 FF 1997 I 324.

42 FF 1997 I 335 ; Pascal MAHON, Les allocations familiales, in Ulrich Meyer (éd.), Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht , vol. XIV, Soziale Sicherheit, 2e éd., Bâle 2007, p. 1949 et les références citées.

43 BOUVERAT (note 39), p-141.

44 AUBERT, MAHON (note 40), p. 911 ; Jean-Marie BOUVERAT, « Famille (Article constitutionnel sur la protection de la) », in Dictionnaire suisse de politique sociale, 2emc éd., Lausanne 2002, p. 140.

45 FF 2007 425, 427 ; 2006 3389.

46 François CUÉNOUD, « Allocations familiales », in Dictionnaire suisse de politique sociale, 2e éd., Lausanne 2002, p. 26.

47 Cf. Katarzyna MICHALAK, « Les allocations familiales en Suisse », Cahiers genevois et romands de sécurité sociale n° 41-2008, p. 89.

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suisse 351 que l'Assemblée fédérale a entendu se limiter à une simple harmonisation des régimes d'allocations en place sur le plan cantonal, sans intrusion par trop marquée dans un domaine traditionnellement héritier des pratiques et de la culture locales 48 . Alors même que la Constitution l'habilite à adopter une législation complète, lui permettant d'épuiser le sujet 49 , le législateur fédéral a en effet opté pour la technique dite de la loi-cadre 50, c'est-à-dire une loi qui ne fixe que des principes, laissant pour le surplus les cantons libres d'agir, comme le Conseil fédéral l'a relevé lors de la présentation du projet de loi à l'Assemblée fédérale 51 .

41. D'autre part, la loi fédérale se centre principalement sur le régime des prestations, en fixant un seuil minimal que les cantons demeurent libres de franchir en offrant une palette d'allocations et des montants éventuellement plus étendus.

Enfin, et corrélativement, l'organisation structurelle des systèmes d'allocations cantonales reste encore largement l'affaire des cantons.

42. La législation fédérale sur l'assurance-maternité a elle aussi attendu de très nombreuses années avant d'être adoptée 52. Un projet ayant été refusé lors d'une votation référendaire en 1999, plusieurs cantons ont alors mis en place des systèmes permettant, à leur niveau et dans l'exercice de leurs compétences, d'assurer une certaine protection en ce domaine 53 . L'Assemblée fédérale a finalement voté, le 3 octobre 2003, une loi instituant un régime d'allocations perte de gain applicable à la maternité. Mais même ce timide effort de réaliser le mandat constitutionnel a donné lieu à référendum, au cours duquel le peuple a certes accepté le nouveau régime en date du 26 septembre 2004 54.

4. Mise en oeuvre

43. Il n'existe pas de modalités procédurales particulières, distinctes des normes et des procédures usuellement applicables, entourant la mise en œuvre des normes constitutionnelles relatives à la famille.

44. Outre le respect des articles 13 Cst. et 8 CEDH, dont le respect obéit au contentieux qui a cours devant le Tribunal fédéral ou la Cour européenne des droits de l'homme, les autres dispositions constitutionnelles qui traitent de la famille présentent un caractère essentiellement programmatique. Elles sont donc destinées à être concrétisées, sur le plan fédéral, par la voie législative. En raison de leur absence d'applicabilité directe, ces dispositions ne sauraient être invoquées par les justiciables devant l'administration ou les tribunaux à la manière de droits fondamentaux. C'est le lieu de rappeler que les droits fondamentaux sont des normes constitutionnelles bénéficiant d'une protection qualifiée, à l'inverse de la plupart des autres dispositions contenues dans la Constitution 55 .

45. Ces dernières sont dotées d'un contenu organisationnel ou programmatique qui fait obstacle à leur invocation en justice en l'absence d'une

48 Voir à ce sujet l'avis du Conseil fédéral du 28 juin 2000 au sujet du rapport de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national du 20 novembre 1998, FF 2000, p. 4422 ss.

49 50 AUBERT, MAHON (note 40), p. 9 1 1 . Sur la technique de la loi-cadre, voir AUER, MALINVERNI, HOTTELIER (note 8), p. 358 s.

51 FF 2000 4426.

52 Voir Béatrice DESPLAND, « Maternité (Protection de la) », in Dictionnaire suisse de politique sociale, 2e éd., Lausanne 2002, p. 199.

53 BOUVERAT (note 39), p. 141.

54 FF 2004 6249.

55 Sur les caractéristiques structurelles propres aux droits fondamentaux, voir AIJC XXI-2005, p. 720.

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352 TABLE RONDE : CONSTITUTION ET FAMILLE(S)

législation d'exécution 56. Touchant aux tâches et aux prestations de la Confédération, au sens de l'article 164 alinéa 1, lettre e Cst. 57, elles appellent l'adoption de lois fédérales pour lesquelles l'exercice du droit de référendum est possible, conformément à l'article 141 lettre a Cst. 58. En bref, la mise en œuvre suit ici avant tout la voie politique et démocratique, comme on a pu le constater à propos de la législation sur l'assurance-maternité ou celle sur les allocations familiales qui ont été précédemment citées.

B - La combinaison des normes spécifiques à la famille avec les autres dispositions constitutionnelles

46. La combinaison des normes spécifiques à la famille avec les autres dispositions constitutionnelles suppose qu'une distinction soit opérée selon les différents aspects que comprend la protection de la famille.

47. Considérée comme droit fondamental, la protection de la famille bénéficie d'une autonomie et d'une portée propre par rapport aux autres droits fondamentaux. L'intégration d'un catalogue de droits individuels logiquement ordonné dans le texte de la Constitution fédérale a ainsi contribué à clarifier les rapports entre les diverses garanties ainsi énoncées. Il n'en a pas toujours été ainsi.

48. Antérieurement à l'entrée en vigueur de la Constitution fédérale du 18 avril 1999, la protection de la famille résultait de la liberté personnelle protégée par le droit constitutionnel fédéral. Fruit d'une création prétorienne entamée en 1963, la liberté personnelle a vu ses contours progressivement étendus par le Tribunal fédéral, au gré des affaires dont celui-ci a été saisi. Quelque originale et audacieuse qu'elle a pu se révéler, cette approche ponctuelle et même pointilliste des droits fondamentaux présentait l'inconvénient de protéger une liberté nulle part consacrée explicitement dans la loi fondamentale et de ranger la protection de la famille dans une garantie aux contours larges et imprécis. Relevons toutefois que cette particularité n'a pas empêché le Tribunal fédéral d'assurer une protection efficace à la famille considérée comme droit individuel.

49-Les autres normes constitutionnelles relatives à la famille se déclinent dans une perspective de complémentarité. C'est dire que tant le but social énoncé à l'article 41 Cst. que les compétences réservées à la famille, sa protection et sa promotion appellent une intervention coordonnée du législateur, en lien avec les autres domaines dans lesquels la Confédération dispose d'une compétence pour légiférer. On pense ici, en particulier, à des compétences telles que celle de légiférer dans le domaine du droit civil, du droit pénal, du droit fiscal ou encore de la sécurité sociale.

C - L'application horizontale des normes relatives à la famille

50. La famille est un lieu de pouvoir à l'intérieur duquel le développement des rapports interindividuels va de pair avec une répartition des tâches et, s'agissant des rapports entre parent et enfants, l'instauration d'une hiérarchie. La question de l'applicabilité des droits fondamentaux et du respect des valeurs de dignité humaine dans ce cadre se pose de manière légitime. Consacré, conformément à son titre, à la réalisation des droits fondamentaux, l'article 35 alinéa 3 Cst. prévoit que les 56 AT F 131 1 366 SVP des Kantons Solothurn ; Giovanni BlAGGINI, Bundesverfassung der Schweizerischen

Eidgenossenschaft. Kommentar, Zurich 2007, p. 94.

57 Au sujet de cette disposition et, plus généralement, de la notion de loi en droit fédéral suisse, voir AUER, MALINVERNI, HOTTELIER (note 8), p. 521ss.

58 Le référendum d'initiative populaire, comme on dit en France, est possible contre une loi votée par l'Assemblée fédérale si 50'000 citoyens ayant le droit de vote ou 8 cantons le demandent dans un délai de 100 jours suivant la publication de la loi.

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SUISSE 353 autorités veillent à ce que les droits fondamentaux, dans la mesure où ils s'y prêtent, soient aussi réalisés dans les relations qui lient les particuliers entre eux 59.

51. Que les lois, aussi bien fédérales que cantonales, soient appelées à concrétiser et aussi à limiter l'envergure des droits fondamentaux, contribuant ainsi à leur réalisation jusque dans les rapports entre particuliers, est admis de longue date en Suisse. C'est pourquoi la théorie de l'interprétation des lois d'une manière conforme à la Constitution, qui représente l'un des aspects de la méthode d'interprétation systématique, l'est également. C'est ce que l'on appelle l'effet horizontal indirect des droits fondamentaux 60 .

52. Le juge chargé d'appliquer la loi est ainsi tenu d'interpréter les dispositions qu'elle contient d'une manière compatible avec les droits fondamentaux.

Le principe de l'interprétation conforme à la Constitution représente un instrument puissant et précieux permettant, en particulier dans le contrôle abstrait de la constitutionnalité que le Tribunal fédéral exerce sur les lois cantonales, d'assurer la cohérence de l'ordre juridique en harmonisant le droit cantonal et le droit fédéral, dans le respect de la structure fédéraliste. Ce principe trouve naturellement également application dans l'interprétation des normes du code civil relatives à la famille.

53. L'application directe des droits fondamentaux dans les rapports privés est en revanche plus délicate et demeure pour l'heure marginale dans le système suisse des droits fondamentaux61. De fait, le seul droit fondamental réputé directement applicable dans les rapports privés est le principe d'égalité salariale pour un travail de valeur égale entre hommes et femmes au sens de l'article 8 alinéa 3, troisième phrase, Cst. 62.

54. La protection constitutionnelle de la vie familiale, en lien avec la liberté personnelle, se prête toutefois à une figure originale, qui peut voir deux particuliers revendiquer simultanément le bénéfice de cette garantie, mais dans un but opposé. Il s'agit donc d'un cas de ce que l'on appelle le conflit de droits fondamentaux.

55. Un intéressant arrêt a permis au Tribunal fédéral d'examiner cette problématique, laquelle mettait en cause la volonté testamentaire exprimée par une femme gravement malade d'être incinérée en Suisse, lieu de la sépulture de sa famille. Son mari et ses quatre enfants mineurs, domiciliés pour leur part à Rome, sollicitèrent le transfert de la dépouille en cette ville, afin de l'inhumer dans le caveau des parents de celui-ci. Saisi d'un recours dirigé contre la décision des autorités locales refusant le transfert de la dépouille à Rome, le Tribunal fédéral a jugé que la manifestation de volonté d'un particulier, par laquelle celui-ci s'est exprimé en pleine connaissance de cause sur le sort à réserver à sa dépouille funéraire, primait sur l'intérêt opposé de ses proches à en disposer selon des modalités différentes, une fois le décès survenu 63 .

56. En l'occurrence, les juges fédéraux ont considéré que le souhait de la défunte l'emportait sur le désir de ses proches, celui-ci n'étant susceptible d'entrer en ligne de compte que de manière subsidiaire. Le droit au respect de la liberté personnelle des proches trouve ainsi une limite dans le droit au respect de la liberté personnelle du défunt, dont les effets se prolongent, dans une certaine mesure, au- 59 FF 1997 I 193 ; ATF 130 III 355 A. S.A.

60 Auer, Malinverni, Hottelier (note 3), p. 62.

61 Voir FF 1997 I 195, où le Conseil fédéral relève que les effets des droits fondamentaux sur les rapports entre les particuliers « ne sont pas constants, mais qu'ils varient, au contraire, selon la nature du droit fondamental en cause et les circonstances ; cela suppose donc qu'il faille chaque fois examiner la situation concrète pour voir si l'analogie est possible ».

62 Auer, Malinverni, Hottelier (note 3), p. 65 . 63 ATF 129 I 173 X. und Mitbeteiligte.

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354 TABLE RONDE : CONSTITUTION ET FAMILLE(S)

delà du décès, conformément à la jurisprudence. La protection des droits d'autrui au sens des articles 36 alinéa 2 Cst. et 8 paragraphe 2 CEDH permet ainsi de limiter la portée de garanties comme le droit au respect de la vie privée et de la vie familiale.

57. La Cour européenne des droits de l'homme a également jugé, à la faveur d'une affaire mettant en cause la Suisse 64 , que la protection de la vie privée au sens de l'article 8 CEDH comprend le droit de connaître son ascendance comme élément fondateur du droit à l'identité de l'individu. Au chapitre des obligations positives inhérentes à cette disposition, la Cour a souligné que la mise en œuvre de cette garantie pouvait impliquer l'adoption de mesures jusque dans les relations des individus entre eux. Elle a en l'espèce condamné la Suisse en raison du refus affiché par les autorités genevoises de procéder à une expertise ADN sur la dépouille du père présumé d'un homme âgé de plus de soixante ans, au motif que la protection des droits de la famille légitime du défunt l'emportait sur ceux du requérant.

58. De l'avis de la Cour, les personnes qui essaient d'établir leur ascendance ont un intérêt vital, protégé par la Convention, à obtenir les informations qui leur sont indispensables pour découvrir la vérité sur un aspect important de leur identité personnelle. Contrairement à ce qu'avaient retenu les juges suisses, cet intérêt ne cesse nullement avec l'âge, bien au contraire. L'arrêt souligne à sa manière que les obligations juridiques rattachées aux droits fondamentaux et aux droits de l'homme ne s'épuisent pas dans le seul respect de ces garanties. À l'obligation de ne pas intervenir qui les caractérise traditionnellement s'ajoutent celles de les protéger contre des atteintes venant de tiers et, plus largement, celle de les mettre en œuvre de manière à les réaliser de manière concrète et effective à l'intérieur de l'ensemble de l'ordre juridique national.

59-A la suite de cet arrêt, le Tribunal fédéral a révisé l'arrêt qu'il avait rendu en 1999 sur le sujet 65 et renvoyé l'affaire aux instances genevoises afin que celles-ci rendent possible la mise en place d'une procédure médico-légale tendant à déterminer l'existence d'un lien de filiation entre le requérant et son père présumé 66.

64 ACEDH Jàggi c. Suisse du 13 juillet 2006.

65 SJ 2000, p. 489-Peu après cet arrêt, rendu le 22 décembre 1999, le Tribunal fédéral a jugé, cette un enfant, que le droit de connaître ses parents biologiques devait être impérativement garanti, et ce indépendamment de toute pesée des intérêts opposés (voir l'arrêt de principe rendu le 4 mars contenu et de la portée du droit de connaître son ascendance, voir également ATF 134 I 241 X.) ; sur la question, voir également Walter HALLER, « Menschenwiirde, Recht auf Leben und persônliche Freiheit », in Detlef Merten, Hans-Jiirgen Papier (éd.), Handbuch der Grundrechte. Grundrechte in der Schweiz und in Liechtenstein, vol. VII/2, Heidelberg 2007, p. 220 ; Samantha Convention on the Rights of the Child and the European Convention on Human Rights, International Journal of Law, Policy and the Family 2007, p. 155 ; Barbara WILSON, The right to know one's origins and the margin of appreciation of states : the case of Jdggi v. Switzerland (ECHR), in Mélanges en l'honneur de Roland Bieber, Zurich 2007, p. 262. fois sans condition ni réserve, qu'un enfant devenu majeur dispose du droit de connaître ses parents biologiques, indépendamment de toute pesée des intérêts opposés. Notre Cour suprême a en effet jugé dans le cas d'une personne majeure qui avait été adoptée alors qu'elle était encore, à l'époque, 2002, ATF 128 I 63 -A. A., traduit in Revue de droit administratif et fiscal 2003 I 399 ; au sujet du BESSON, Enforcing the Child's Right to Know her Origins : Constrasting Approaches under the 66 Arrêt du Tribunal fédéral lF_l/2007, du 30 juillet 2007, publié et commenté in Pratique juridique actuelle 2008, p. 228.

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