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L hyperhidrose : mieux la comprendre pour mieux la traiter

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Academic year: 2022

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Itinéraire d’une pathologie

Résumé

L’hyperhidrose est encore sous traitée alors qu’elle peut altérer la qualité de vie. Le but de cet article est de présenter les bases physiopathologiques pour comprendre et expliquer les thérapeutiques, clarifier une démarche diagnostique en éliminant les causes d’hyperhidrose secondaire et confirmer le caractère primitif de l’hyperhidrose, et enfin décrire les moyens thérapeutiques médicaux et chirurgicaux et proposer un algorithme de traitement.

Hervé MAILLARD

*

L’hyperhidrose : mieux la comprendre pour mieux la traiter

L’hyperhidrose correspond à une sécrétion sudorale

excessive. Sa prévalence est estimée à 2,8 % [1] de la population et a un impact non négligeable sur la qualité de vie.

* Service de Dermatologie. Centre Hospitalier Général. Le Mans. France

Physiopathologie

Ce sont les glandes eccrines qui sont essentiellement mises en jeu dans l’hyperhidrose. Leur densité est variable en fonction des régions mais plus forte au niveau des paumes, des plantes, du front et des joues. Elles sont innervées par des fibres cholinergiques qui empruntent le système sympathique. L’acétylcholine, secrétée par les terminaisons nerveuses, stimule la production de sueur. La régulation est nerveuse et hormonale ; les stimuli sont thermiques et émotionnels.

Classification

Il importe de savoir si l’hyperhidrose est primaire (la plus fréquente) ou secondaire, liée à une pathologie sous jacente. Schématiquement, le caractère nocturne de l’hyperhidrose ou la localisation atypique comme un hémicorps, doivent faire rechercher une pathologie sous-jacente.

L’hyperhidrose localisée primitive

L’hyperhidrose axillaire est la plus fréquente, devant l’hyperhidrose palmaire, plantaire, inguinale ou

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Itinéraire d’une pathologie

cranio-faciale. La cause la plus probable est génétique [2]. Elle peut se définir par une sudation excessive de plus de 6 mois sans cause apparente avec au moins 2 de ces critères : sudation bilatérale et relativement symétrique, fréquence au moins 1 fois par semaine, âge de début avant 25 ans, arrêt de la sudation la nuit, antécédent familial.

L’hyperhidrose localisée secondaire

Si l’hyperhidrose est asymétrique, elle est toujours pathologique, d’origine neurologique et présente une topographie évocatrice. Le tableau I présente quelques hyperhidroses localisées secondaires.

Une hyperhidrose d’un hémicorps doit conduire à la réalisation d’une IRM cérébrale et médullaire. Une hyperhidrose localisée survient fréquemment après l’amputation d’un membre et peut aggraver les

troubles locaux du moignon et par conséquent des retards de réadaptation du patient. L’hyperhidrose localisée en plaque doit faire rechercher un hamartome eccrine et motiver une biopsie cutanée.

L’hyperhidrose généralisée

L’hyperhidrose généralisée idiopathique est rare et doit rester un diagnostic d’élimination et faire rechercher une pathologie sous jacente ou une cause médicamenteuse (Tableau II).

Traitement

L’hyperhidrose a longtemps été et reste encore sous- traitée en raison du fait qu’elle n’est pas considérée comme une maladie.

Tableau I : Situations pathologiques pouvant être responsables d’une hyperhidrose

Causes tumorales Causes infectieuses Autres Lymphome

Leucémie Cancer prostatique Tumeur germinale Cancer médullaire de la thyroïde

Insulinome

Tuberculose Mycobactéries atypiques Endocardite Abcès profond Brucellose Infection à VIH Infection à EBV Hépatite C chronique Histoplasmose Coccydioiomycose

Reflux gastro- oesophagien Insuffisance respiratoiore chronique, apnée du sommeil

Artérite de takayasu Grossesse Attaque de panique Ethylisme chronique Mastocytose Rosacée Causes

endocriniennes

Causes neurologiques Tumeur carcinoïde

Diabète Diabète insipide Hyperthyroïdie Phéochromocytome Insuffisance ovarienne

Maladie de Parkinson

Syringomyélie (post- traumatique) AVC

Syndrome de Ross Syndrome Shapiro

Tableau II : Classes médicamenteuses pouvant être

responsables d’hyperhidrose généralisée (source : Thériaque) Antipyrétiques Antimigraineux antalgiques

Aspirine

AINS Triptans

Morphiniques Tramadol Opiacés Anticholinergiques Antidiabétiques

oraux Antibiotiques

Pilocarpine Pyridostigmine Antiparkinsonien

Sulfonyrulées Gliptines

Aminopénicilline Macrolides Quinolone (rare) Agents hormonaux Antioestrogènes Neuroleptiques Gonadorelin

Goserelin Histrelin Insuline Flutamide Glucocorticoïdes

Tamoxifène Raloxifène Antiaromatases (très fréquent)

Donepezil

Antidépresseurs Antihypertenseurs Autres Inhibiteurs de

la sérotonine (fréquent) Tricycliques IMAO non sélectifs

Bétabloquants Inhibiteurs calciques IEC

Interféron alpha Inhibiteur de la pompe à proton (rare)

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Itinéraire d’une pathologie

Traitement médical

Les antitranspirants locaux

A la différence des déodorants visant à masquer les odeurs qui accompagnent la transpiration, les antitranspirants ont une efficacité sur l’excrétion de la sueur. Le chef de file est représenté par les sels d’aluminium (chlorure et hydroxychlorure d’aluminium). Ils sont à l’origine d’une réaction chimique qui “absorbe” l’eau, ils favorisent la création d’un “bouchon protéique” au niveau de l’extrémité du canal sudoral. Pour minimiser l’irritation, le chlorure d’aluminium doit être appliqué sur des aisselles sèches au moment du coucher, puis totalement éliminé par le lavage après 6 à 8 heures.

Il est donc appliqué toutes les 24-48 heures jusqu’à l’euhidrose, puis une fois toutes les 1 à 3 semaines.

L’irritation cutanée peut être traitée par réduction de la fréquence. Selon l’AFSSAPS et quelques études, il n’y a pas de lien entre l’utilisation de cosmétiques contenant des sels d’aluminium et le cancer du sein.

L’ionophorèse

Cette méthode consiste à exposer les mains et/ou les pieds à un courant électrique continu transmis par immersion dans l’eau. Ce courant permettrait la formation de bouchons épidermiques, oblitérant ainsi les canaux sudoripares. Il pourrait aussi permettre une stabilisation membranaire des cellules de la glande, ce qui pourrait expliquer des rémissions prolongées. Le patient dispose ses mains et/ou ses pieds dans les bacs. De l’eau y est donc versée et l’intensité est augmentée progressivement par le patient à l’aide de curseurs dans les bacs jusqu’à une sensation de picotements, vers 20 mA (Figure 1). Le nombre de séances requises est de 3 la 1ère semaine, de 2 la 2ème semaine, puis de 3 dans les 2 semaines suivantes. Une séance d’entretien est à prévoir dans les 2 à 3 semaines, puis tous les 1 à 2 mois. La contre- indication formelle est la présence d’un pace-maker.

Par prudence, ce traitement est évité chez la femme enceinte. La présence de plaies ou fissures peut être source de douleur, ce qui impose la baisse de l’intensité, la protection de la plaie par un corps gras ou un pansement hydrocolloïde.

Les médicaments

L’oxybutynine est un anticholinergique qu’il convient de débuter par des petites doses, puis d’augmenter par paliers, jusqu’à une dose maximale de ½ comprimé 3 fois par jour et de se limiter à la dose minimale efficace [3]. Les contre-indications sont l’adénome prostatique, le glaucome à fermeture de l’angle, la tachyarythmie et la myasthénie. Les effets secondaires sont dose-dépendants : sécheresse buccale, troubles d’accommodation, constipation, tachycardie et lipothymies.

Les injections de toxine botulique

La toxine botulique A est une des 7 anatoxines produites par le Clostridium botulinum. Elle agit au niveau des synapses en empêchant la libération d’acétylcholine. L’extrémité de l’axone moteur dégénère, puis la repousse neuronale se fait dans les semaines qui suivent, ce qui explique son action transitoire. Il existe 2 présentations de toxine botulique A le BotoxÒ et le DysportÒ. Seul le BotoxÒ bénéficie d’une AMM dans l’hyperhidrose axillaire, mais aucune AMM n’existe pour les hyperhidroses palmaires, plantaires ou focales. La technique d’injection est assez stéréotypée. Les zones hyperhidrotiques sont repérées par le test de Minor : l’application d’une solution alcoolique iodée (Lugol) puis d’amidon de maïs sur les zones hidrotiques engendrant une couleur noire (Figure 2).

Concernant les injections palmaires, la douleur est le point essentiel à anticiper : la réalisation

Figure 1 :Séance de ionophorèse palmaire

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Itinéraire d’une pathologie

anesthésiste entraîné et alourdit l’acte. L’utilisation du protoxyde d’azote associé à l’oxygène en équimolaire (Kalinox®) peut permettre une analgésie acceptable, ainsi que l’hypnose [4]. L’autre effet secondaire notable est la faiblesse modérée et transitoire (en général moins d’un mois) des muscles intrinsèques de la main chez près de 5 % des patients. La durée d’efficacité des injections de toxine botulique est variable, allant de 4 à 25 mois, mais augmente avec le nombre d’injections [5]. Le Dysport® et le Botox®

sont de délivrance hospitalière et les injections peuvent être réalisées en hôpital de jour [6].

Traitement par ondes électromagnétiques

Une technique utilisant des micro-ondes (Miradry®) permet une action définitive pour l’hyperhidrose axillaire. Elle nécessite une anesthésie locale [7]. Son coût élevé (environ 2500 euros pour les 2 aisselles) est un facteur limitant.

Traitement chirurgical : la sympathectomie thoracique

La section du nerf sympathique au niveau thoracique (sympathectomie) provoque un arrêt complet de la sudation de la partie supérieure du corps.

L’hypersudation compensatrice est le principal problème de cette chirurgie (70 % des cas). Le geste est réalisé sous anesthésie générale ou neuroleptanalgésie. La voie d’abord est mini-invasive

par vidéothoracoscopie. Les résultats de cette chirurgie sont immédiats et constants [8].

Conclusion

L’hyperhidrose est une gêne qui peut avoir un impact social et psychologique marqués. Elle peut révéler ou s’intégrer dans des pathologies classiques ou rares. C’est en ce sens que les patients souffrant d’hyperhidrose méritent une prise en charge médicale afin de dégager un diagnostic et permettre un traitement adapté. L’hyperhidrose idiopathique ou primitive est la plus fréquente et notre arsenal thérapeutique s’est considérablement enrichi : nous disposons de méthodes électrophysiologiques, de molécules efficaces, et de techniques chirurgicales de moins en moins invasives, au plus grand bénéfice des patients afin qu’ils “ne se fassent plus suer”.

Figure 2 : Test de Minor

Noter les zones noires humides hyperhidrotiques

Figure 3 : Schéma thérapeutique dans le cas d’une hyperhidrose axillaire

L’hyperhidrose primaire est la plus fréquente et débute avant l’âge de 30 ans.

Une hyperhidrose généralisée, nocturne doit faire rechercher une pathologie sous jacente ou une prise médicamenteuse.

Une hyperhidrose d’un hémicorps impose une IRM cérébrale ou medullaire.

Il faut garder en tête les schémas thérapeutiques présentés dans les figures 3, 4 et 5.

Points essentiels

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Itinéraire d’une pathologie

Conflit d’intérêt

L’auteur déclare n’avoir aucun lien d’intérêt.

Références

1. Felini R et al. Prevalence of hyperhidrosis in the adult population of Blumenau-SC, Brazil. An Bras Dermatol.

2009;84:361–6.

2. Higashimoto I et al. Primary palmar hyperhidrosis locus maps to 14q11.2-q13. Am J Med Genet A. 2006;140:567–72.

3. Schollhammer M et al. Oxybutynin as a treatment for generalized hyperhidrosis: a randomized, placebo- controlled trial. Br J Dermatol. 2015;173:1163-8.

4. Maillard H et al. Efficacy of hypnosis in the treatment of palmar hyperhidrosis with botulinum toxin type A. Ann Dermatol Vénéréologie. 2007;134:653–4.

5. Lecouflet M et al. Duration of efficacy increases with the repetition of botulinum toxin A injections in primary axillary hyperhidrosis: a study in 83 patients. J Am Acad Dermatol.

2013;69:960-4.

6. Arrêté du 27 février 2017 modifiant l’arrêté du 19 février 2015 modifié relatif aux forfaits alloués aux établissements de santé mentionnés à l’article L. 162-22-6 du code de la sécurité sociale ayant des activités de médecine, obstétrique et odontologie ou ayant une activité d’hospitalisation à domicile. .

7. Glaser DA et al. A randomized, blinded clinical evaluation of a novel microwave device for treating axillary hyperhidrosis:

the dermatologic reduction in underarm perspiration study. Dermatol Surg Off Publ Am Soc Dermatol Surg Al.

2012;38:185–91.

8. Dumont P. Side effects and complications of surgery for hyperhidrosis. Thorac Surg Clin. 2008;18:193–207.

Figure 5 : Schéma thérapeutique d’une hyperhidrose axillaire, palmaire et plantaire

Figure 4 : Schéma thérapeutique dans le cas d’une hyperhidrose primaire

Références

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