Séminaire Ehresmann.
Topologie et géométrie différentielle
S. S. C AIRNS
Sur la triangulation des variétés
Séminaire Ehresmann. Topologie et géométrie différentielle, tome 2 (1958-1960), exp. n
o13, p. 1-6
<
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SUR LA TRIANGULATION DES VARIETES
S. S. CAIRNS
Faculté des Sciences de Paris SEMINAIRE
DETOPOLOGIE ET DE GEOMETRIE DIFFERENTIELLE
C. EHRESMANN
Mai 1960
1. APERCU
HISTORIQUE.
Comme on le saitbien,
1-lenri Poincaré a inventé lescomplexes,
introduit la théorie del’homologie
et en a défini les invariantsnumériques
La
représentation
d’ un espace compact commecomplexe
permet lareprésentation
de sesgroupes
d’homologie
comme groupes abéliens à un nombre fini degénérateurs.
L’
application
de la théorie del’homologie
descomplexes
à un espacetopologique compact 1 exige qu’on
démontre latriangulabilité de X
ou bienqu’on
se serve d’unethéorie des
applications
descomplexes dans 2 .
Il en est de même en cequi
concerneplusieurs questions dt intégration
sur les variétés.Poincaré a laissé à ses successeurs le
problème
de latriangulation.
Il auraitété bien
plus gentil
de la part de M. Poincaré de résoudre ceproblème
fondamental et denous laisser
quelques-uns
desproblèmes plus
amusants dont il s’estoccupé.
Dans toute sa
généralité,
ceproblème
de latriangulation
e-st leproblème
de latriangulabilité globale
d’un espace localementtriangulable,
c’est-à-dire d’un espace1:
séparable
etmétrique
surlequel chaque point
a unvoisinage homéomorphe à
un sous-espace ouver t d’ un
polyèdre
fini.Jusqu’ici,
on a résolu ceproblème
affirmativement :l~~
pour les variétés différentiables de toutedimension [ 3]
et,plus générale-
ment, pour les espaces
composés
de telles variétés avec des relations d’inci-’ dence comme celles d’un
complexe [ 2 ]. Je
ne voudrais paspréciser
la défi-nition de ces
espaces-ci, car je préfère
me limiter ici aux variétés.~°)
pour les espaces localementtriangulables
de dimensions4,
sans condi-tion
dedifférentiabilité [ 8 ], [ 1 L [ 9 L
Il nt est
guère
nécessaire de mentionner que ce sont, pour laplupart,
les variétésdifférentiahles qui
interviennent dans legéométrie
et dansl’analyse.
Aussi faut-il2 s. SL CAIRNS
constater
qu’on
peut souvent se passer destriangulations,
en se servant d’une théorie del’homologie qui s’appuie
sur lesapplications
decomplexes
dans les espacestopolo- giques. Mais, à présent, je
veuxparler
destriangulations, plutôt
que desprocédés
introduits pour les éviter.
Lié avec le
problème
de latriangulation,
est leproblème
del’équivalence
combi-natoire,
c’ est-à-dire laquestion
de l’existence de subdivisionsisomorphes
de deuxtriangulations quelconques
d’un espacetriangulable. Quoiqu’une réponse
affirmative à cettequestion
soitplausible,
elleentraînerait,
en tenant compte dequelques
résultatsde
Milnor [ 7]
et deThom [ Il ] ,
la contradiction d’une affirmationqui
me sembleégale-
ment
plausible. Je
vais éclaircir ce queje
veux dire par làaprès
avoirajouté quelques
mots sur le
sujet
de latriangulation.
Ma
triangulation
de la variété différentiable était assezcompliquée J.
II. C.Whitehead en a fait des améliorations
importantes [12],
mais les méthodes restaientencore si difficiles que bien des mathématiciens
préféraient
éviter lestriangulations, malgré
leur utilité pourl’intégration
sur les variétés.Récemment
[ 15] ,
11.Whitney
a donné encore unetriangulation
de la variétédifférentiable, plongée
dans un espace euclidien.Je
vaisindiquer
sesméthodes,
dontles idées
géométriques
sont assezsimples.
En
1936 [ 14], Whitney
démontra pour lapremière fois,
le théorème suivant :Théorème
dePlongement.
SoitM~
une variete de classe*Cr, ( r f (1, 2, ...,(0)).
Alors il existe un
boméomorphisme
E :Mmo~ R2m+1
declasse Cr
tel quel’image
Mm
=f( M ~ )
soit une sous-variété (analytique
même) m+ 1 .
Whitney
a aussiprouvé
l’existence d’uneapplication régulière Mmo~ R 2";
1qui
conserve
l’indépendance
des vecteurs maisqui
n’est pas nécessairementbiunivoque [ 15,
ch.IY ~ .
Dans ce mêmechapitre
se trouveexposée
latriangulation
queje
vaisesquisser.
Vu le théorème de
plongement,
on peut démontrer latriangulabilité
de la variétédifferentiable en
triangulant
une sous-variété différentiable arbitraireRn
d’un es--pace euclidien.
Soit (
~~, 3.., ~n ~
unsystème
de coordonnéescartésiennes,
et soit 8 > 0 un nombreréel,
surlequel
nousimposerons
des limites.Commençons
par diviserRn
endes cubes :
avec leurs
faces 1 1
de dimension k (k ==0 , 1 ..., n - 1 )Donc
~‘~ ~ ~ ~ ~ 1
est uncomplexe
infiniqui
recouvreRn .
un espace localement euclidien et muni
ture de ’"
SUR LA TRIANGULATION DES VARIETES 3
m
Naturellement,
on tireprofit
de la presque linéarité locale deM, quand
on letriangule.
Commepréliminaires,
considérons pour éclaircir lesidées,
au lieu de unsous-espace linéaire Lm C Rm que
j’appellerai un "m - plan" Chaque
intersectionCk~ Lm
est une cellulepolyèdre
convexe dedimension j f ( -
I, 0, I, 2, ..., min(k, m)),
= - 1
correspond
à l’ensemble vide.Or,
il estpossible
de transformer lecomplexe C n
en uncomplexe C~ = { cn },
tel quechaque
intersection soit de dimension -1 ou(m
+ k -n).
On peut faire cette transformation enremplaçant
un nombre fini des=
vi
ô par desplans xi
= !/-(
1 +f ) S, B
est arbitrairementprès
de zéro.
Considérons maintenant la sous-variété différentiable Rn. Comme cas non
trivial le
plus simple, soit (
m,n ~
=( ~, 2 ). Désignons ~rl, x ~ ~
unpoint quel-
conque de
R~,
et para
larégion p ~~. ~ ) 5
, decentre x0
et le rayon où p est la fonction distance euclidienne. Etant donné un nombre ’1 > 0, on voit aisémentqu’on
peut choisir03B4o>
0 tel que1° )
pourchaque xo ~ B,
l’intersectionB ~ cr ( 8)
soit un arc
simple
Y(x o, ô)
etl’angle
entre deux vecteurspositifs quel -
conques, tangents à Y
(xo, 03B4),
soitplus petit que ~.
Choisissons un nombre
positif 55~/c ,
et considérons lecomplexe C = { c 1 défini plus haut, qui
recouvreR2.
Notonspar { c }
l’ensemble des adhérences des cellules{ c ~ ,
et demême { ’c {, lt =~, 1, 2,
.... Soit XO unpoint quelconque
deR2,
et
soit P
un élément} qui
contientp.
Alors7 (x~8)
contient tous les élé-ments
de c~ ~ ! contigus à ë2),
commeconséquence
de la condition~~ ~o~~,
Maintenant,
on voit facilementqu’il
estpossible
de définir une modification1 } de { c }
àl’égard
deMl analogue
à la modification que nous venons de faire pour unL
CR2,
c’ est-à-dire telle quechaque
intersectionc~ qui
n’ est pas videsoit une cellule
";’-1
de dimension k-I. L’ ensemble de telles intersections est unetriangulation { Y ~ = ~ { { Y~
T deMl.
Cette modificationde 1 c ) 1
se fait un peudifféremment de celle que nous avons faite pour
LI.
Dans le cas deLI
il suffisait1~ ~
dedéplacer
la droiteXj
= v8 tant soit peu, si elle coïncide avecLI
J2° )
autre-ment de déplacer
tant soit peu, ou bien la droitexI - ~ ~,
ou bien la droitex2 =
v8(
LI .
Dans le cas de il faut aussi écarterchaque
intersectionM1 ~ c qui
contientplus
d’unpoint,
ouqui
estpoint
de contactde c
Pour écarter cesintersections-ci,
il suffit dedéplacer
lescôtés ?
dont ils’agit
d’une dis-tance moindre que
Cette
triangulation,
dans le cas où ( m, n ) = (1, 2 )
ne diffère pasbeaucoup
de la
triangulation
dont s’est servi W. F.Osgood [ 10]
pour faciliter sa preuve du théo- rème de Green à deuxdimensions, qui
est une identité entre uneintégrale
étendue àl’intérieur 2
deMI
et uneintégrale
sur Ontriangule 03A3
par leprocédé
esauisséci-dessus. On prouve le théorème pour
chaque
type de cellule de latriangulation,
puis
on le déduitpour!’
par uneintégration
cellule par cellule en tenant compte de4 s. S. CAIRNS
l’orientation
positive
desentières,
il s’ensuit que les contributions des côtés inté- rieurs Si annulent.0. D.
Kellogg[6]
agénéralisé
latriangulation
de W. F.Osgood
dans le cas oùf~,~)~f2,3).
Ainsi a-t-il démontré le théorème de Green pour lesrégions de R3
àfrontière différentiable.
Par un
procédé analogue,
on peut prouver le théorèmegénéralisé
deStokes, qui égale
une certaineintégrale
étendue à une variété différentiable et orientableMm
à une certaine
intégrale [ 4 ].
On trouve aussi ce théorème dans le livre deWhitney [
15],
avec bien d’autres résultatsqui
mettent en évidence le rôle dela
triangulation
dans la théoriegéométrique
del’ intégration.
Quoique je
trouve latriangulation
deWhitney
laplus simple jusqu’ici, je
croisbien que la
triangulation
laplus simple
reste à trouver.Quant à
latriangulation
de Whitehead[
12],
sonplus grand avantage
par rapport à
lamienne,
c’estqu’elle s’adapte
bien au traitement del’équivalence
combina-toire,
quej’avais négligée.
Whitehead a défini toute une classe decomplexes,
les~’r- complexes ( r
= 1, 2, ..., ~), [ 12 ]
et[
13], qui jouissent
de bien despropriétés
des
complexes
linéaires. On peuttrianguler
une variété M =M~
munie d’une structuredifferentiable de classe
Cf
enCr~ complexes Chaque complexe isomorphe
à unetelle
triangulation
estcompatible
avecM,
dont la définitioncomprend
la structuredonnée.
Soit {K} 1
l’ensemble descomplexes compatibles
avecM,
et soitK j ~ ~ IC ~ 1 ( ~ ! I,
2). Whitchead a démontré l’existence de subdivisionsisomorphes
deKi
et deappartenant à 1 K).
Ainsi a-t-ilvérifié,
pour lacatégorie
desCr-complexes
la
conjecture
fondamentale de Poincaré pour latopologie
combinatoire.2. UN PROBLEME INVERSE.
Après
avoirtriangulé
la variétédifférentiable, j’ai
eu l’idéequ’il
serait intéressant de trouver, sipossible,
une variété différentiablehoméomorphe à
une variétépolyèdre quelconque.
En cetemps-là, Whitney
avaitexposé [ 14 ]
une méthodeingénieuse d’approximation,
parlaquelle
on peutdéfinir,
dans unvoisinage quelconque
d’une sous-variété différentiable M C~R~
une variétéanalytique homéomorphes à
M.Ainsi, j’ai
trouvé natureld’essayer
unprocédé analogue
pour les variétéstriangulables.
C’est de cepoint
de vue quej’ai
abordé leproblème
inverse etque
je
l’ai introduit dans la littérature[ 15 ] .
Au commencement de mes
tentatives, j’attendais
une solution affirmative au pro- blème inverse. Aprésent, je
sais bienqu’un exemple
de Milnor entraîne ou bienqu’il
existe une variété
triangulable à
huit dimensionsqui
n’admet aucune structure diffé-rentiable,
ou bien que laconjecture
fondamentale de Poincaré est fausse pour la dimenr sion 8. C’est ici le dilemme dontj’ai parlé depuis
peu.Pour toute variété de dimension m
4
Moise[ 8 ]
a vérifié laconjecture
fonda-SUR LA TRIANGULATION DES VARIETES 5
-mentale de Poincaré. D’un autre
côté, j’ai démontré [ 5 L
avec une correction due àWhitehead [
13],
quechaque
variété combinatoire de dimension 5 estcompatible
avec une variété de classe C~.
Pour m = 5, je
crois au’ on peutdéduire
le mêmetat des recherches de
J.
Munkres(pas
encorepubliés)
sur cequ’il appelle
"The Smooth-ing
Problem". Comme pour la dimension8,
M. K.Srinivasacharyulu
a dérrontré l’exis-tense de variétés combinatoires de dimension 16
qui
ne sontcompatibles
avec aucunestructure différentiable. Le
problème
de l’existence de telles variétés pour les autresdimensions
( r~ _ ~, 7, ~, ~Q,
..., 12, 15, 18, ...) n’ est pas encore résolu*.
L’
exemple
d’une variété "incompatible"
de dimension 8s’appuie
sur l’existence démontrée par Milnor[7]
de deux structures différentiobles sur lasphère
de dimension7, qui
ne sont pasdifféomorphes (voir aussi [
Il]).
Whitney, quand
il a défini uneapproximation analytique à
une sous-variété de classe s’est servi duchamp de k - plans orthogonaux à M~.
Comme notion
analogue à l’orthogonalité
etapplicable
à uneclasse 1 1 plus générale
que les sous-variétés différentiables de ,
j’ai
introduit la notion de k -plan Nie
traverse à M
f { M’~~
aupoint
x. Lapropriété caractéristique
d’un tel est l’ exis-tence d’un 0 tel que oc > pour
chaque
vecteur secant d’unvoisinage
assez
petit
de X surM, désigne l’angle (O03B1(03C31Nk )~ "/2) compris
entre (]et sa
projection orthogonale
surN~ .
Pour
appliquer
directement les méthodes deWhitney
à une sous-variététopologi-
que
Mn C
il suffirait de démontrer 1’ existence d’ unchamp différentiable
** dek - plans
transverses àMn.
Biensûr,
un telchamp
n’ existe pas engénéral.
En toutedimension n > 3 on peut définir une variété
triangulée qui
n’admet aucunereprésenta-
tion comme
polyèdre P~
dans un espaceR~, tel qu’il
existe un transverseà
Pn
àchaque
sommet.Néanmoins,
pourchaque
variété combinatoireM~
il existe unesubdivision dont une certaine
représentation polyèdrale P’~
C admet unk - plan
transverse àchaque sommet [ 5 ] 1 et [13 1 .
Pour la variétéincompatible K8
deMilnor,
iln’y
a aucunereprésentation P C R
d’une subdivision deK
pourlaquelle
il exi ste une
application
continuede Qo : P ~
telle queQ ( x ) =
x~+ xsoit transverse à
P
aupoint
x, même s’il existe une telleapplication
discontinue([ 1 ], [ 13]).
Jusqu’ici,
nous n’avons que desrésultats
isolés pour leproblème
inverse. Vu l’intérêt actuellementporté à
ceproblème,
nous pouvonsespérer
ledéveloppement
d’unethéorie
plus complète.
*
Ajouté
le 13Juin
1960 : ~L Kervaire vient de construire unevariété
à dix dimensionsqui
n’admet aucune structure différentiable.~ Pour la définition de ce terme et pour les autres
détails,
voir[
5]
et[ 13 ].
6
S. S. CAIRNS
Bibliographie.
[ 1]
R. H.BING,
An alternativeproof
that 3-manifolds can betriangulated,
Annalsof Math.
69 (1959).
[ 2]
S. S.CAIRNS,
On thetriangulation
ofregular loci,
Annals of Math. 35(1934).
[ 3]
S. S.CAIRNS, Triangulation
of the manifold of class one, Bull. Amer. Math.Soc. 41
(1935).
[ 4]
S. S.CAIRNS,
Thegeneralized
theorem ofStokes,
Trans. Amer. Math. Soc. 40(1936)
[ 5]
S. S.CAIRNS, Homeomorphisms
betweentopological
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mani-folds,
Annals of Math. 41(1940).
[6]
O. D.KELLOGG ,
Potentialtheory (Springer, 1929).
[ 7] J. MILNOR,
On manifoldshomeomorphic
to the7 - sphere,
Annals of Math. 64(1956).
[ 8]
E. E.MOISE,
Affine structures in 3-manifolds. V. Thetriangulation
theoremand