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Musée canadien des droits de la personne

Rapport final du comité consultatif sur le contenu au

On ne découvre pas les droits de la personne sous la poussière des bibliothèques juridiques, mais bien dans les cœurs et dans les esprits des êtres humains.

Kofi Annan, Secrétaire général des Nations Unies, lors du quatrième souper-bénéfice annuel du programme Facing History and Ourselves, à New York, le 14 octobre 1997

Photos par: German Gutierrez

le 25 mai 2010

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Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives Canada

Musée canadien des droits de la personne. Comité consultatif sur le contenu

Rapport final du Comité consultatif sur le contenu au Musée canadien des droits de la personne, le 25 mai 2010

[ressource électronique] / Comité consultatif sur le contenu.

Publ. aussi en anglais sous le titre: Content Advisory Committee final report to the Canadian Museum for Human Rights, May 25, 2010.

Comprend des réf. bibliogr.

Monographie électronique en format PDF.

Également publ. en version imprimée.

ISBN 978-1-100-95604-6

No de cat.: NM104-1/2010F-PDF

1. Musée canadien des droits de la personne. Comité consultatif sur le contenu. 2. Musée canadien des droits de la personne. 3. Droits de l'homme (Droit international)--Musées--Canada--Planification. 4. Droits de l'homme--Musées--Canada--Planification. 5. Musées--Canada--

Planification. 6. Musées--Manitoba--Winnipeg--Planification. I. Titre.

AM21 A2 C3614 2010 323.074'712743 C2010-980211-X

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Contenu

Avant-propos

INTRODUCTION : La construction d’un nouveau musée national

01

CHAPITRE 1 : La collecte de témoignages à travers le Canada

05

Notre rôle 06

Notre processus 06

Notre démarche 08

Nos questions 09

Les participants 10

Les groupes de revendication de la société civile et de la justice sociale 10

Les commissions des droits de la personne 11

Les agents d’éducation 11

Les arts et la culture 11

Les obstacles à la participation 12

La logistique 12

Les obstacles systémiques 13

La structure 13

Le passé 13

Recommandations : Chapitre 1 14

CHAPITRE 2 : Valeurs et principes : Réflexions sur la mission

statutaire du Musée

17

La Loi sur les musées 17

Les droits de la personne 18

Les fondements du discours international contemporain en matière de droits de la personne 19

La conception des droits de la personne 22

Situer le Musée dans les discours sur les droits de la personne 23

L’indépendance du Musée 24

Le Canada 24

La Constitution du Canada 25

Les peuples autochtones 25

Le Québec 27

Un système fédéral 28

La culture fondée sur les droits de la personne 30

Recommandations : Chapitre 2 31

(4)

CHAPITRE 3 : Les témoignages des participants

35

L’importance de l’apprentissage 36

Le Canada dans le monde 37

Dire toute la vérité 43

Adopter une perspective à long terme : l’exemple du Québec 43

Adopter une perspective à long terme : d’autres leçons tirées de l’histoire 46

Les peuples autochtones au Canada 46

L’Holocauste 49

La déshumanisation 51

La défense des droits de la personne 52

Les droits des femmes 53

Les enfants et les jeunes 56

Les droits des personnes handicapées 59

Les droits des personnes GLBT 60

La criminalisation 61

La perte et l’invisibilité 63

La justice sociale, économique et environnementale 64

Les arts 66

La mission du Musée et sa réalisation 68

Conclusion 70

Recommandations : Chapitre 3 70

CHAPITRE 4 : Un regard vers l’avenir

75

L’optique des droits de la personne 76

La création d’une culture axée sur les droits de la personne 78

Le rôle des arts de création au Musée 79

Le rôle de la loi 80

Le rôle de l’histoire 81

La place des peuples autochtones 85

Annexes

Annexe A : Biographies des membres du CCC

89

Annexe B : L’engagement des participants et la stratégie médiatique

95

Annexe C : Recommandations

97

Annexe D : Les traités et instruments internationaux relatifs

aux droits de la personne

105

(5)

Avant-propos

Il y a sept ans environ, lorsque le regretté Izzy Asper a eu l’idée d’un musée des droits de la personne qui serait situé à Winnipeg, il a mentionné que les Canadiens ont l’habitude de se contenter de l’ordinaire.

Si nous voulons rendre un tel musée possible, a-t-il ajouté, nous devrons tenter d’atteindre l’inaccessible étoile.

Tenter d’atteindre l’inaccessible étoile signifie qu’il faut assumer des risques. Ainsi, nous devons nous faire confiance les uns les autres. À bien des endroits au pays, les nombreux Canadiens et Canadiennes qui ont participé à la première collecte de témoignages du Musée nous ont fait confiance en nous transmettant leurs idées, leurs préoccupations, leurs espoirs et leurs attentes. Et ces attentes sont énormes ! Il existe dans tous les coins du Canada, tant sur le plan individuel que collectif, une volonté commune que le Musée devra offrir une lueur essentielle d’espoir de faire de la planète un monde meilleur pour nous tous.

C’est un honneur de se voir accorder la confiance des Canadiens et des Canadiennes qui nous ont ouvertement communiqué leurs témoignages et leurs espoirs.

De nombreux Canadiens et Canadiennes nous ont fait savoir que les droits de la personne sont universels, indivisibles et non statiques, qu’ils sont fondés sur un ensemble de valeurs et de principes en constante évolution, et qu’ils doivent être défendus par la société

dans le cadre d’efforts permanents qui, l’on espère, mèneront à l’action et à la transformation.

Au nom des membres du Comité consultatif sur le contenu du Musée canadien des droits de la personne (CCC MCDP), je tiens à exprimer nos plus profonds et nos plus sincères remerciements au Conseil d’administration du Musée, aux nombreux citoyens du Canada qui nous ont fait part de leurs pensées les plus intimes, au personnel du MCDP, à Appelbaum and Associates et à Lord Cultural Resources de leur aide précieuse, sans quoi le rôle qui nous revient n’aurait pas été pleinement réalisé.

Alors que nous tentons tous ensemble d’atteindre l’inaccessible étoile, nous espérons que nos efforts sauront en effet faire de la planète un monde meilleur pour nous tous. Dans toutes nos consultations publiques, les participants ont exprimé leur espoir d’améliorer la condition humaine. Lorsque nous nous écoutons les uns les autres, nous arrivons à trouver un moyen d’aller de l’avant ensemble. Les êtres humains ont longuement cherché à atteindre l’harmonie en matière de droits de la personne, ainsi que le respect et la dignité; nous espérons que le travail de notre comité nous fera avancer vers la réalisation de ces objectifs.

Yude M. Henteleff, C.M, c.r., LL.D. (Hon.)

Président, Comité consultatif sur le contenu du MCDP

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(7)

Introduction : la construction d’un nouveau musée national

Nous sommes en mai 2010. Le Musée canadien des droits de la personne (MCDP), le premier musée national à être situé à l’extérieur de la région de la capitale nationale1, avance rapidement vers son inauguration prévue pour 2012. Alors que les températures printanières supérieures à la normale mettent le sourire aux lèvres des résidents de Winnipeg, le nouveau musée se précise petit à petit au lieu historique autochtone2 de la Fourche où se rencontrent les rivières Rouge et Assiniboine. Les panneaux de construction qui présentent une masse de grues et de béton nous font également découvrir un bâtiment tout à fait spectaculaire. L’architecte Antoine Predock a imaginé un gigantesque édifice semblable à un iceberg; s’élevant contre la silhouette de Winnipeg, le nouveau Musée est en voie de devenir, sous les regards de la ville, du pays et du monde entier, un lieu où se réalisera son mandat d’accroître la compréhension publique des droits de la personne, de

promouvoir le respect des autres et de favoriser la réflexion et le dialogue. La structure en verre est ouverte, légère et visionnaire; il s’agit d’un bâtiment extraordinaire de complexité exceptionnelle, d’un espace unique en son genre qui doit appuyer une mission sans pareille, celle d’un musée national des droits de la personne.

Il est facile, lors du développement d’un musée entièrement nouveau, de se concentrer sur le bâtiment car il sert d’indicateur tangible de la réalité du projet et de ses progrès quotidiens vers le jour d’ouverture. Pourtant, bien que le bâtiment du Musée promette d’être spectaculaire, il

représente des concepts encore plus importants – sa mission et son contenu. Depuis le tout début, le Musée canadien des droits de la personne a été envisagé comme un « musée d’idées », c’est-à- dire que son contenu allait s’inspirer d’idées.

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Les objets, les documents d’archives et les œuvres d’art qui y seraient présentés devraient se fonder sur les idées et les témoignages; ils ne seraient pas collectés comme une fin en soi. Ce nouveau musée national raconterait l’histoire des droits de la personne au Canada et dans le monde en explorant le passé pour ensuite présenter les enjeux, les défis et les points de vue actuels ainsi que ceux de l’avenir3.

Le développement du contenu muséal est un processus complexe qui se déroule presque toujours dans les coulisses, loin des yeux du public. Il consiste à exploiter toutes les

ressources disponibles, notam ment la recherche et l’érudition, les collections, les archives, les films et les vidéos ainsi que les pièces d’art, et à en faire une expérience mémorable et puissante pour le visiteur. Très peu nombreux sont les gens qui ont la chance d’observer la lente et laborieuse collecte d’informations et de perspectives ainsi que les choix subséquents relatifs à l’établissement de priorités, à l’inclusion et à l’exclusion qui font partie d’un tel exercice.

Mais le contenu est au cœur même d’un musée : il constitue le fondement et le cadre sur lesquels repose la totalité de l’expérience de narration et de recherche de signification. Il produit les grandes idées et les exemples détaillés qui, une fois remis au concepteur d’expositions, seront transformés en quelque chose de magique.

Dans le cas d’un musée qui s’inspire d’idées axées sur les droits de la personne, le processus de rassemblement du contenu doit reposer sur la collecte d’idées et de témoignages concernant les droits de la personne, non pas d’un point de vue unique, mais bien de plusieurs. Tel que

déterminé par le Comité consultatif ministériel, l’essence même du Musée devait être une vaste consultation visant à recueillir des expériences riches, variées et complexes; cette approche a mené à la création du Musée en tant qu’institution nationale en 2008. La conclusion du présent rapport, qui porte sur l’importance déterminante de la collecte de témoignages, fait l’écho aux travaux des deux comités consultatifs précédents qui ont été créés pour fournir des avis au groupe des Amis du Musée.

Le fait de demander au public de contribuer leurs témoignages et leurs idées n’était pas seulement un moyen infaillible d’apporter une foule de témoignages au Musée; c’était aussi un acte important pour un organisme fondé sur l’inclusion, c’est-à-dire le besoin d’assurer que nos gestes reflètent nos paroles et de tendre la main pour entamer une conversation avec des gens dans tous les coins du Canada vaste et diversifié. En faisant découvrir le Musée par un grand nombre de personnes, le processus de mobilisation devait aider à établir la confiance publique à l’égard du travail du Musée et du développement de relations avec les organismes et les individus qui sont passionnés par la promotion des droits de la personne partout au Canada. C’est ainsi que l’administration de ce nouveau musée national4 s’est donné comme tâche, trois ans avant son ouverture officielle, de créer un processus de conception de contenu auquel participerait le public.

Le défi relatif à la participation publique a été, en premier lieu, à veiller à ce que les séances soient accueillantes, accessibles et variées. En second lieu, il fallait assurer que les témoignages

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et les idées que les participants allaient contribuer seraient entendus par des gens qui pourraient les examiner dans toutes leurs dimensions, pour ensuite conseiller le Musée sur la meilleure façon de les replacer dans leur nouveau contexte.

Dans son rapport de mars 2008, le Comité

consultatif ministériel a recommandé qu’un comité consultatif sur le contenu, décrit comme « un groupe de chercheurs, de spécialistes et de chefs de file en droits de la personne » soit nommé

« afin d’identifier les renseignements pertinents provenant de personnes, d’organismes et de groupes »5. En janvier 2009, le Comité consultatif sur le contenu a été convoqué pour diriger le premier processus de consultation publique du Musée canadien des droits de la personne en tant que musée national officiel.

Le Comité consultatif sur le contenu regroupe actuellement 17 spécialistes des droits de la personne et experts reconnus de partout au Canada6. Certains de ses membres avait siégé à un comité consultatif sur les droits de la personne créé en 2005 par les Amis du Musée canadien des droits de la personne en vue d’orienter le processus de planification du Musée;d’autres avaient participé à son successeur, le Comité consultatif sur le contenu des Amis du Musée7. Les membres de l’actuel Comité consultatif sur le contenu ont été choisis pour leur travail dans le domaine des droits de la personne et pour leur large éventail d’intérêts. Chacun des membres apporte sa propre perspective à la discussion.

Notre président, Yude Henteleff et notre vice- présidente, Constance Backhouse, ont assuré le leadership. Nous les remercions de leur sagesse, leur vision et leur appui à long terme de cet important projet.

Nos réunions publiques n’ont jamais été plani- fiées comme étant la seule source de contenu du Musée. Le développement du contenu muséal comprend un nombre considérable de tâches.

Le contenu doit être recueilli auprès d’archives aux échelles nationale et internationale; de livres, revues, journaux et présentations; de films et vidéos; de milliers d’entrevues enregistrées oralement avec des victimes de violations de droits de la personne à travers le Canada et le monde; de reportages dans les journaux, le cinéma, la télévision, la radio et le Web; et de nombreuses autres sources. Le personnel du Musée est désormais responsable de ces tâches;

tout au long du processus, il a pu bénéficier de l’aide de Lord Cultural Resources. C’est ce travail de recherche à multiples couches associé à la collecte de contenu – un processus permanent dans un musée – qui détermine d’abord le plan directeur des expositions et, ensuite, la conception même des expositions inaugurales.

Le travail de recherche constitue également le fondement des archives du Musée, de son centre de recherche, ses programmes publics, ses ressources scolaires et son site Web, lesquels sont tous des mécanismes qui permettront au Musée canadien des droits de la personne à la fois de s’adresser aux peuples du monde et de dialoguer avec eux. Le personnel du Musée, avec l’aide de ses consultants, a ouvertement partagé des informations avec les Comité consultatif sur le contenu; cette mise en commun des informations nous a permis de travailler plus efficacement.

L’ultime tâche de notre comité à l’égard du Musée a été d’écouter les Canadiens et les Canadiennes dans le cadre d’un processus d’engagement public et d’offrir nos conseils d’experts concernant les discussions que nous avons entendues.

(10)

Notre rôle en ce qui concerne une aide au Musée pour développer le contenu est remarquable. À l’encontre de la tradition muséale, selon laquelle l’autorité a tendance à rester fermement entre les mains « d’experts » en muséologie, à l’exclusion de tous les autres, nous avons accordé une place aux connaissances provenant des contributions du public et du Comité consultatif sur le contenu.

Cet aspect unique du plan de développement du contenu du Musée nous oblige à partager les détails concernant notre voyage de consultation publique dans tous les coins du Canada. À notre avis, bien des musées se porteraient mieux s’ils assuraient la transparence de leurs processus décisionnels concernant la collecte de contenu ainsi que les décisions prises ultérieurement dans le cadre du processus d’élaboration d’expositions.

Au chapitre 1, nous nous engageons à partager les détails de notre processus.

Notre mandat s’est avéré un défi de taille. Nous n’aurions pas été en mesure de relever ce défi sans la patience et le talent des employés du Musée, en particulier Angela Cassie, Lindsay Weedon et Lise Harris. Les consultants – Lord Cultural Resources et Ralph Appelbaum Associates – ont assuré un appui, une

coordination et des connaissances essentielles.

Nous remercions en particulier Ngaire Blankenberg, Mary Beth Byrne et Gail Lord.

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La collecte de témoignages à travers le Canada

1.

Tout d’abord, nous, les membres du Comité consultatif sur le contenu, sommes reconnaissants à tous les participants de la confiance qu’ils nous ont accordée en ce qui concerne leurs témoignages personnels. Nous sommes reconnaissants à tous les individus et à tous les organismes qui ont pris le temps de venir partager avec nous leurs luttes et leurs victoires, leurs pensées et leurs idées. Nous n’aurions pas pu trouver meilleure façon de procéder que de commencer à construire cet unique musée national en veillant à ce que son contenu en matière de droits de la personne trouve sa place dans les cœurs et dans les esprits des Canadiens et des Canadiennes !

Ce Musée est confronté au défi d’être le premier au monde à se consacrer aux droits de la

personne; il est aussi une institution à caractère différent. La plupart des musées se concentrent sur les objets et sur le passé. Ce Musée d’idées, par contre, met l’accent sur l’avenir et sur l’action.

Le succès du Musée sera déterminé par un équilibre de deux disciplines et professions différentes, soit celle de la muséologie et celle des droits de la personne. Afin de relever ce défi, il faudra qu’il soit explicitement énoncé et qu’on y réfléchisse régulièrement.

Nous avons entamé ce processus au moment où le Musée commençait juste à prendre forme en tant qu’institution. Il y avait à l’époque peu de personnel et, par conséquent, peu de ressources. Cependant, au fil de la tenue des séances de consultation publique, le Musée a continué à embaucher le personnel nécessaire pour ce projet. En février 2009, lorsque nous avons entamé notre processus, il y avait quatre

Le fondement de la vie humaine ne peut être la haine; ce doit être la vérité.

Arthur Tachdijiam

Comité national arménien du Canada Directeur exécutif, Région de l’Ouest Vancouver

Je parle aux enfants d’école parce que la prochaine génération doit savoir ce qui s’est passé. Elle ne doit pas permettre que de telles atrocités se produisent, mais il faut reconnaître que ces événements peuvent se répéter. Vos enfants et vos petits-enfants, ils ne savent toujours pas.

Vous devez les réveiller.

Philip Reitman

Survivant de l’Holocauste Halifax

Je suis très reconnaissante envers ce pays. Mais ce pays doit jouer un rôle dans l’éducation de sa population, et pour assurer… que les droits de la personne n’existent pas seulement au Canada. Les droits de la personne doivent se répandre partout dans le monde parce que nous appartenons tous au genre humain.

Marta Hernandez

Sœur d’une femme « disparue » au Guatemala dans les années 1980

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membres du personnel; en avril 2010, nous étions 37. On prévoit une dotation de 140 à 180 personnes à temps plein et à temps partiel lors du jour d’ouverture. En travaillant à la réalisation du mandat de notre Comité, nous avons également observé les efforts du Musée pour assumer ses responsabilités.

Notre rôle

À titre de membres du Comité consultatif sur le contenu, nous avons d’abord dirigé le personnel et l’équipe de consultants vers les personnes clé œuvrant au sein de la communauté des droits de la personne que l’on devrait inviter à nous rencontrer; ensuite, nous avons fait part de nos suggestions concernant les sujets devant être abordés lors des consultations. Ensuite, nous avons tenté de donner un sens à tous les témoignages entendus et de les placer dans un cadre plus large de débats et de questions en matière de droits de la personne.

Avant que ne débute le processus de collecte de témoignages, on a demandé aux membres du Comité consultatif sur le contenu, qui représentent plusieurs régions du pays, de mettre en commun les noms de leurs personnes-ressources en droits de la personne. À partir de nos réseaux et de nos connaissances du domaine, nous avons créé une liste de personnes avec qui communiquer.

Cette liste s’est vue complétée par d’autres recherches et développée par le bouche-à-oreille.

Bien des gens surveillaient déjà le site Web du Musée pour l’affichage de mises à jour. Une fois la collecte de témoignages lancée, on a invité les membres du Comité consultatif sur le contenu à écouter non seulement avec leurs oreilles, mais aussi avec la sagesse de leur expérience. On a

encouragé le personnel du Musée à en apprendre davantage dans les domaines qui, à notre avis, allaient se prêter à une analyse en profondeur, à présenter des perspectives différentes sur un même événement tel que nous l’avait décrit un

« témoin » unique, et à écouter avec empathie et esprit critique les centaines de points de vue et de témoignages qui nous ont été si

généreusement offerts. Enfin, notre rôle consistait à aider le Musée à éviter toute « mésaventure involontaire »8, tel que l’a exprimé notre collègue Laurie Beachell, mais surtout, au cours de ce premier stade de la collecte de témoignages, à stimuler le désir de participer aux activités actuelles et à venir du Musée.

Notre processus

Le Comité consultatif sur le contenu s’est réuni à Winnipeg pendant quelques jours enneigés en février 2009. La discussion a été vive au cours du travail de groupe sur la création d’un processus qui permettrait au grand public de partager autant d’idées et de perspectives que possible avec nous dans le cadre des consultations publiques, et qui nous permettrait d’engager autant de discussions que possible avec des organismes, des groupes et des individus.

Le groupe a décidé d’organiser des réunions publiques dans toutes les grandes villes du Canada, assurant au moins une dans chaque province et territoire. La raison en était simple : les villes sont la plaque tournante pour un éventail à la fois large et concentré de personnes possédant des identités et des intérêts divers, ainsi que le port d’attache d’un grand nombre d’organismes avec qui nous voulions communiquer. Dans les situations où l’on jugeait que les villes dans

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une province différaient de façon importante, l’équipe de collecte de témoignages allait en visiter plus d’une. Lors de cette première réunion, dix-neuf villes ont été nommées : Saskatoon, Iqaluit, Ottawa, St. John’s, Halifax, Whitehorse, Yellowknife, Edmonton, Calgary, Toronto (centre- ville et Scarborough), Thunder Bay, Vancouver, Québec, Chicoutimi, Montréal, Winnipeg, Brandon, Charlottetown et Moncton.

Nous savions qu’il serait peu pratique pour les 17 membres de notre comité d’être présents à chaque réunion. Nous étions également préoccupés par la possibilité que les Canadiens et Canadiennes qui viendraient exprimer leurs idées et leurs témoignages concernant les droits de la personne puissent se sentir intimidés par ce très grand groupe d’auditeurs. Il a donc été décidé qu’au moins trois de nos membres assisteraient à la réunion dans chacune des villes, accompagnés de représentants du Musée, de Lord Cultural Resources et de Ralph Appelbaum Associates.

Un membre du conseil d’administration du Musée s’est joint aux comités d’audience pour la majorité de nos séances de consultation publique. Malgré cette planification minutieuse, il semblait parfois qu’il y avait énormément d’auditeurs dans la salle lors des présentations.

Plusieurs difficultés sont survenues dans la répartition des tâches. Un des grands défis était d’assurer que nos comités d’audience étaient dûment représentatifs, comprenant des gens de la région, des hommes et des femmes, ainsi que des personnes de différents milieux. Nous voulions également communiquer avec le plus grand nombre de personnes possible tout en assurant que les discussions n’allaient pas être désespérément superficielles et qu’il y aurait des

possibilités de suivi. Nous avons donc décidé d’offrir deux types de séances dans chaque ville : des réunions bilatérales et des tables rondes.

Les réunions bilatérales avec le Comité consultatif sur le contenu duraient 30 minutes, étaient

offertes sur invitation et avaient lieu dans le cadre d’un ou deux jours de réunions tenues dans chaque ville. Nous avons invité des gens qui, à notre avis, offriraient un point de vue indispensable qui nous permettrait de bien saisir le concept des droits de la personne au Canada. Plusieurs de ces participants étaient des spécialistes bien connus et dont la compétence est reconnue dans le domaine des droits de la personne. Une salle avec caméra vidéo était installée tout près du site des réunions bilatérales dans chaque ville. Les gens qui voulaient partager un témoignage plus personnel ou qui n’étaient pas en mesure de conclure leurs présentations au cours de leurs réunions bilatérales étaient invités par le personnel de Lord Cultural Resources à participer à une entrevue vidéo supplémentaire de 30 à 45 minutes.

Des assemblées publiques bien annoncées ont également eu lieu9. Ces assemblées ont été convoquées en soirée dans des lieux publics identifiés comme sites accessibles, tels qu’une bibliothèque publique, une salle communautaire ou une salle de conférence d’hôtel. Chaque réunion en soirée commençait par un accueil et la projection d’une courte vidéo. Après cela, la discussion se déroulait autour de tables rondes, chacune pouvant accueillir environ huit personnes; un animateur posait une série de questions concernant les témoignages que les participants voulaient voir inclure dans le Musée et encourageait la discussion générale. À la fin

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de la discussion de 90 minutes, les animateurs communiquaient à l’assemblée plénière un bref résumé des discussions qui avaient eu lieu lors des tours de tables. Nous avons choisi la structure des tables rondes pour ces réunions publiques afin de donner à tous et à toutes une meilleure chance de prendre la parole que ce qui aurait été le cas lors de réunions publiques normales.

Nous espérions également que l’expérience de converser autour d’une petite table encouragerait les participants à partager leurs expériences et leurs perspectives de manière à favoriser une discussion plus profonde.

Enfin, alors que toutes ces mesures étaient en place et que nous avions produit un horaire exténuant mais réalisable, les premiers sites ont été réservés et les communiqués de presse rédigés. Le 27 mai 2009, la tournée canadienne de collecte de témoignages a débuté à

Saskatoon. Avec une pause pendant l’été ainsi qu’en décembre, l’équipe du Musée canadien des droits de la personne s’est rendue dans une nouvelle ville à intervalles d’une semaine ou deux, et ce jusqu’en février 2010.

Notre démarche

Les droits de la personne représentent une réalité complexe, que nous examinons en détail au chapitre 2. Dans ce chapitre, nous soulignons que, dans sa plus simple expression, la définition des droits de la personne est fondée sur le respect de la dignité de chaque être humain. Le respect et la dignité sont au cœur de toutes les définitions des droits de la personne. De même, l’égalité est un attribut essentiel de la définition des droits de la personne. Avant même d’entamer de discussions, nous avions heureusement une

compréhension fondamentale de l’égalité réelle qui avait déjà été développée dans la recherche et la jurisprudence canadiennes. Le Canada est reconnu partout pour son leadership dans l’élaboration de l’idée de l’égalité réelle. Cette compréhension nous a permis de préciser ce que le terme « droits de la personne » signifiait pour nous. Depuis sa première décision sur l’article 15 de la Charte10, la Cour suprême du Canada a indiqué clairement que l’égalité formelle, c’est-à-dire que tout le monde soit traité de la même façon, ne suffit pas pour répondre aux nombreuses et diverses inégalités auxquelles font face les citoyens canadiens. Au cours des trois dernières décennies, les tribunaux et les chercheurs ont constaté que le fait de traiter de la même façon des personnes qui occupent des situations différentes peut effectivement enchâsser ou produire l’inégalité11. Conformément à la démarche adoptée par les cours et tribunaux qui s’occupent des questions relatives aux droits de la personne, y compris les tribunaux des droits de la personne en vertu de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec, la Cour suprême a approuvé une démarche fondée sur l’égalité réelle pour établir la Charte canadienne des droits et libertés12.

L’égalité réelle s’intéresse explicitement à la façon dont les membres de groupes défavorisés font l’objet d’étiquettes négatives et dont les obstacles structurels dans une société ou une institution empêchent la pleine participation de ces groupes.

Pour qu’une démarche à l’égard des droits de la personne soit bien fondée sur la théorie de l’égalité réelle, les législateurs, fonctionnaires et autres décisionnaires doivent prendre en compte les modèles de marginalisation et d’exclusion qui existent dans notre société et ses institutions.

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L’égalité réelle sera réalisée lorsque tous les citoyens sont inclus d’une façon qui permette que les droits à l’égalité soient significatifs pour tous les membres de la société.

Guidés par notre engagement collectif envers l’égalité réelle, nous avons cherché non seulement à nous assurer d’entendre les

témoignages, les idées et les perspectives d’une grande variété de groupes et de personnes, mais aussi à prendre du recul et de réfléchir sur les modèles de marginalisation et d’exclusion qui encadrent ces témoignages, puis d’aviser le Musée en conséquence.

Nos questions

Nous avons longuement discuté des questions que nous devrions poser aux participants lors des réunions bilatérales et des tables rondes. Nous souhaitions que les questions soient suffisamment générales pour encourager les participants à nous communiquer ce qui était important mais aussi suffisamment précises pour produire des informations qui seraient utiles dans la pratique au Musée. Au départ, nous étions d’avis qu’il faudrait préparer différentes séries de questions pour les participants aux réunions bilatérales et pour les personnes qui participeraient aux tables rondes.

Nous voulions nous assurer d’être capables d’atteindre une certaine profondeur dans nos rencontres, surtout dans les réunions bilatérales;

c’est ainsi que notre première série de questions s’est avérée multidimensionnelle et complexe. En fin de compte, nous avons décidé de poser les quatre questions suivantes, simples et applicables à tous, et de permettre à chaque individu qui allait nous adresser la parole de mener la conversation dans la direction qu’il jugeait appropriée :

1. À votre avis, quels témoignages devraient figurer dans le Musée canadien des droits de la personne ? Quelle omission du Musée canadien des droits de la personne constituerait pour vous une source de déception ?

2. Y a-t-il des événements particuliers que vous ou votre groupe considérez comme un succès ou un échec en matière de droits de la personne ?

3. Quels sont, à votre avis, nos futurs défis en matière de droits de la personne ?

4. Avez-vous des suggestions en ce qui concerne des individus que nous devrions interviewer en vue d’obtenir des témoignages personnels ? Au sujet d’objets ou d’images qui évoquent certains témoignages des droits de la personne et qui entraînent des réactions émotionnelles particulières ? Au sujet

« d’articles » spécifiques qui devraient faire partie du Musée, p. ex., objets, documents, photos, films, vidéos, journaux intimes, revues, mémoires, musique, objets d’art, etc. ? Savez- vous où l’on peut trouver ces articles ?

Les personnes que nous avons rencontrées n’ont pas toutes répondu de la même manière.

Certaines ont préparé des réponses complètes avant la réunion. On a mentionné à maintes reprises aux présentateurs que le Musée des droits de la personne devait être un lieu consacré aux idées ainsi qu’au dialogue continu afin d’aider à créer une nouvelle génération de défenseurs des droits de la personne bien renseignés et motivés.

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Les participants

Voulant satisfaire aux attentes, nous étions pleinement conscients que l’idée de demander aux gens de nous donner de leur temps et de nous offrir leurs témoignages et leurs idées, alors que nous ne pouvions rien promettre de tangible en retour, serait difficilement acceptée.

Nous avons donc essayé d’établir un processus efficace dont pourraient tirer satisfaction les gens qui viendraient nous consulter. Après une période de mûre réflexion sur les conséquences de ne pas pouvoir résoudre certaines des questions les plus personnelles qui nous seraient soumises relativement aux droits de la personne, un

psychologue que nous avons consulté nous a assuré que le simple fait d’écouter est souvent de grande valeur, surtout dans le cas des personnes dont la perte d’autonomie découle du fait qu’elles ne se sentent pas écoutées. Nous nous sommes engagés à écouter très attentivement et à veiller à ce que chaque personne à qui nous allions parler, quelle que soit notre position d’accord ou de désaccord avec ses opinions, soit traitée avec dignité et respect.

Nous avons reçu les commentaires des Canadiens et des Canadiennes, dans leur merveilleuse diversité, d’un océan à l’autre. Nous avons rencontré 472 participants dans le cadre de 357 réunions bilatérales. Le comité a entretenu des discussions avec 1 222 personnes. Nous avons été étonnés de constater les similarités et les différences entre les gens ainsi que le mélange dynamique d’identités que l’on retrouve dans toutes les régions du pays. Nous avons également reconnu que les gens sont des êtres complexes et que leurs expériences touchent souvent à plus d’un aspect des droits de la

personne; on ne peut que rarement ranger dans un seul tiroir toutes les identités, les questions et les thèmes. Il n’est pas possible de nommer dans le corps du présent rapport toutes les personnes que nous avons rencontrées; nous allons plutôt illustrer les types de personnes que nous avons entendues en audience publique.

Les groupes de revendication de la société civile et de la justice sociale

Il n’est pas surprenant que la majorité des gens que nous avons entendus représentaient des organismes de la « société civile ». Ces organismes étaient les mieux représentés dans nos listes de personnes-ressources et la plupart d’entre eux comprennent parmi leurs travaux un engagement à venir en aide aux personnes qui sont vulnérables sur le plan des droits de la personne.

Cette vaste catégorie englobe une merveilleuse variété de thèmes et de questions : les droits des personnes handicapées; les femmes; les gais, les lesbiennes, les bisexuels et les transsexuels; les enfants et les jeunes; les pauvres; les travailleurs;

l’environnement; les immigrants et les réfugiés;

et d’autres encore. Chaque organisme que nous avons rencontré a su mettre en lumière une question spécifique, souvent en vertu de sa situation géographique. Plusieurs des discussions ont porté principalement sur des questions de traitements historiques et de leurs répercussions actuelles, telles que l’internement des Canadiens d’origine japonaise, la taxe d’entrée imposée aux immigrants chinois et l’esclavage au Canada, ou sur des violations à l’époque moderne, telles que l’exploitation continue des travailleurs étrangers et la discrimination à l’égard des réfugiés.

(17)

Commissions des droits de la personne Nous avons rencontré presque toutes les commissions des droits de la personne au Canada. Des représentants des ces organismes, qui reçoivent et tentent de régler les plaintes en vertu de la législation sur les droits de la personne qui est de leur compétence, nous ont renseigné sur les questions émergentes touchant les droits de la personne et nous ont fait part de leur expérience dans la recherche de solutions.

Les agents d’éducation

Nous avons recherché les perspectives des chercheurs et des enseignants : les chercheurs, en raison de la qualité d’analyse qu’ils

pourraient, à notre avis, nous communiquer en ce qui concerne les droits de la personne, et les enseignants, en raison de leurs expériences quotidiennes en salle de classe auprès des jeunes, soit la clientèle sur laquelle le Musée espère avoir le plus grand impact. Les chercheurs nous ont souvent dirigés vers des sources clé pour que le personnel du Musée en assure le suivi. Les enseignants (y compris certains qui enseignent aux niveaux collégial et universitaire) nous ont décrit le genre d’outils et de ressources pédagogiques qu’ils mettent en valeur ainsi que leurs façons d’enseigner la question des droits de la personne.

Les arts et la culture

À certains moments, nos journées longues et souvent épuisantes ont été égayées par des gens qui ont choisi de nous parler des arts par l’entremise des arts. Nous avons rencontré des participants qui nous ont montré des exemples d’art visuel et des vidéos sur la danse, qui ont chanté pour nous, nous rappelant ainsi la

puissance durable de l’art sous toutes ses formes comme langue des droits de la personne pouvant franchir les obstacles et les cultures.

Nous avons également entendu un riche mélange de points de vue provenant d’organismes et de témoignages d’individus. Parmi ces groupes, nous avons entendu les témoignages des peuples autochtones, qui croient à l’unanimité (tout comme beaucoup de peuples non autochtones) que la relation entre le Canada et les peuples autochtones constitue un chapitre primordial et continu de l’histoire canadienne des droits de la personne. Nous avons aussi entendu les récits d’un très grand nombre de personnes dont la vie a été irrémédiablement marquée par l’Holocauste, comme atrocité à laquelle ils, leur famille ou leur communauté ont survécu, ou comme incitation à participer à des campagnes sur les droits de la personne. Et nous avons entendu l’histoire des francophones, tant au Québec que dans le reste du Canada, qui ont souligné la réalité du Canada comme pays ayant deux langues officielles, deux systèmes juridiques ainsi que de multiples et très différentes approches aux droits de la personne.

Nous avons constaté combien de fois le vécu des gens servait à éclairer leurs choix de carrière et combien la carrière de bien des gens était dérivée de leur passion personnelle et de leur attachement aux droits de la personne. Bien des gens étaient déterminés à nous raconter leurs expériences en dépit de la douleur évidente que leur causait le fait de se remémorer des souvenirs parfois récents. Ils nous ont parlé du fond du cœur au sujet de l’exclusion à laquelle ils avaient fait face ou des obstacles qu’ils avaient connus dans leurs communautés. Ils nous ont

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parlé des blessures et des torts causés par la discrimination; ils ont aussi parlé clairement de leurs idées pour bâtir un monde meilleur. D’autres participants, surtout dans les tables rondes, n’avaient ni témoignages personnels à partager ni de lien avec un organisme particulier. Ils se sont simplement présentés aux audiences en raison de leur intérêt à l’égard des droits de la personne et du travail du Musée. Ils voulaient écouter les témoignages d’individus dont les points de vue sur le monde n’étaient que rarement mentionnés en conversation. Plusieurs personnes qui nous ont fait une présentation et qui sont venues partager leurs idées voulaient tout simplement apporter leur contribution.

Souvent, à la fin de la soirée, lorsque nous avions quitté la réunion, les gens restaient pour discuter avec d’autres participants. Plusieurs personnes nous ont écrit par après pour nous exprimer leur gratitude d’avoir pu discuter avec quelqu’un dont l’expérience ou la perspective était différente de la leur. Ces liens établis de façon imprévue et sous l’impulsion du moment lors des tables rondes ont eu de profondes répercussions sur tous les membres du Comité et tous les participants; nous espérons que le Musée continuera d’offrir des instruments qui favorisent la communication entre les gens.

Tel que prévu, les réunions de consultation publique ont donné lieu à des orientations vers d’autres sources et vers d’autres personnes que nous devrions consulter. Nous avons entamé un dialogue avec de nombreux organismes qui pourraient représenter des partenaires importants et permanents pour le Musée. Plus nous écoutions les gens dans le cadre de ces

consultations, plus nous étions conscients qu’il ne s’agissait que du début; il y a tellement de choses à dire et il reste tellement d’idées à rechercher dans la compilation de connaissances pour les collections du Musée.

Obstacles à la participation

Nous avons entendu les récits d’un grand nombre de Canadiens et Canadiennes, plusieurs idées, de nombreux témoignages et points de vue à la fois divers et complexes. Mais nous n’avons pas tout entendu. Il n’avait jamais été prévu que ces consultations publiques seraient un échantillon statistique ou scientifique de personnes-

ressources; il devait plutôt s’agir d’un groupe diversifié et opportun d’individus et d’organismes qui s’intéressaient aux droits de la personne ainsi qu’au Musée canadien des droits de la personne.

Nous reconnaissons que plusieurs perspectives personnelles canadiennes et expériences historiques n’étaient pas représentées; il est important, en vertu de notre engagement collectif à l’égalité réelle, que nous soulignions ces

lacunes.

La logistique

Nous reconnaissons que la logistique des réunions ne convenait pas à tout le monde. Les réunions ont eu lieu à un moment précis et dans un lieu spécifique. Nous savons que certaines personnes ne pouvaient pas assister aux dates choisies en raison de leur travail, leur famille ou leurs engagements antérieurs. Nous savons que les lieux que nous avons choisis, pour la plupart en milieu urbain, étaient parfois difficiles d’accès pour des raisons de géographie, de questions de santé et de mobilité ou d’autres contraintes.

(19)

Les personnes vivant en régions rurales ou éloignées ont parfois participé aux réunions par téléphone mais, dans l’ensemble, nous n’avons pas eu beaucoup de discussions avec des gens qui habitaient loin des lieux de rencontre.

Les obstacles systémiques

Nous admettons également qu’il y a eu des obstacles systémiques à la participation. Certains organismes, en raison de leur structure interne et de leur dotation en personnel, n’ont pas eu suffisamment de temps de bien préparer un exposé pour leur présentation, et rien de moins n’aurait pu les satisfaire. Nous reconnaissons aussi l’existence de certaines circonstances qui empêchent la participation d’un élément important du Musée. Les pauvres, les sans- abri, les malades et les personnes autrement défavorisées ne peuvent que rarement se rendre à des réunions publiques, et les nôtres n’ont pas fait exception.

La structure

Nous reconnaissons que la structure que nous avons choisie, celle des réunions bilatérales et des tables rondes, n’était pas la meilleure façon de s’adresser à une clientèle importante qui est en mesure de beaucoup contribuer au Musée, c’est-à-dire les enfants et les jeunes. Étant donné que le Musée se concentre intensément sur la communication avec les jeunes et qu’il trouve effectivement son origine dans un programme à l’intention des jeunes, cet enjeu demeure important. C’est un projet dont s’occupe le

personnel; nous reconnaissons que, pour assurer la réussite du Musée, il est absolument essentiel d’élaborer une stratégie plus accueillante à l’égard des enfants et des jeunes.

Le passé

Nous étions aussi pleinement conscients des gens qui n’ont pas survécu pour nous faire part de leurs propres témoignages. Le génocide, soit la plus radicale violation des droits de la personne, réussit souvent à exterminer les témoins ainsi que les survivants. Les violations flagrantes des droits de la personne au cours de notre histoire se font souvent cacher; sans souvenirs de ces événements ou comptes rendus transmis de génération en génération, elles peuvent être oubliées ou ignorées. Nous sommes reconnaissants aux survivants qui sont venus parler au nom des personnes qui ne pouvaient le faire elles-mêmes.

Dans l’ensemble, les gens qui sont venus nous consulter l’ont fait parce qu’ils voulaient collaborer au mandat du Musée en fait de promotion des droits de la personne; nous étions toujours étonnés de constater l’enthousiasme, la fierté et la lutte que tant de gens ont exprimés. Le Comité consultatif sur le contenu reconnaît l’importance de continuer à sensibiliser le public canadien à l’orientation du Musée, mettant l’accent sur ceux et celles qui ne sont pas généralement invités à participer aux questions d’intérêt public. La lutte manifestée par de nombreux participants venus raconter leur témoignage nous a bien fait comprendre que le Musée doit être un lieu d’accueil pour tous : un lieu sécuritaire, accessible et ouvert où les gens peuvent partager librement leurs expériences dans un climat de confiance et de respect.

(20)

Notre rapport

Lors de notre réunion en juin 2009, nous avons eu des discussions exploratoires sur la forme que prendrait notre rapport final. Les gens nous ont accordé leur confiance en nous livrant une énorme quantité d’informations. Dès la première audience du comité, nous craignions ne pas être en mesure de rendre justice à la confiance que les gens nous avaient accordée. Toujours préoccupés par notre responsabilité à parler respectueusement des témoignages qui nous avaient été livrés, nous avons décidé, outre la préparation d’un rapport écrit, de nous appuyer sur l’expertise d’une des membres de notre comité, la cinéaste Sylvia Hamilton, en vue de tourner une vidéo qui vitaliserait l’ensemble des témoignages qui avaient été partagés avec cœur et âme. Cette courte vidéo révèle la puissance et la vigueur des témoignages et des idées des participants. Elle permet au public de connaître un petit pourcentage de ce que nous avons vu et entendu au cours des consultations publiques. En utilisant ainsi l’art de la vidéo, nous avons appris à mieux respecter l’ensemble des témoignages dont le public nous a fait part. Nous espérons que la solution que nous avons identifiée sera considérée comme importante par le Musée et qu’elle saura rendre justice au terrain fertile que sont les droits de la personne. Les arts communiquent d’une manière plus saisissante que les mots.

Au chapitre 3, nous réfléchissons aux

témoignages que nous avons entendus lors de nos conversations avec les Canadiens et les Canadiennes. Encore une fois, nous sommes très reconnaissants envers ceux et celles qui sont venus nous parler et dont les idées et les expériences ont tant contribué à notre réflexion.

Recommandations : Chapitre 1

1. Le Musée doit continuer à renseigner les citoyens du Canada sur le développement de son contenu par l’entremise de réunions régionales, nationales ou locales. Les liens établis durant les séances de consultation publique du CCC de 2009 à 2010 constituent une base importante pour continuer de faire participer les Canadiens et les Canadiennes aux activités du Musée; par contre, il faut prendre des mesures pour inclure les citoyens qui n’ont pas encore eu l’occasion de se faire entendre.

2. Le Musée devrait mettre à contribution l’expertise de l’industrie de l’accessibilité et de la conception universelle afin d’assurer que toutes les consultations ainsi que tous les programmes, les expositions, le site Web et l’édifice même soient entièrement accessibles aux personnes handicapées.

3. Le Musée devrait constituer un petit comité consultatif d’experts en droits de la personne pour le conseiller sur tous les aspects de son contenu qui touchent les droits de la personne.

4. Le Musée devrait assurer la formation interne permanente du personnel du Musée relative à tous les aspects de la théorie, la pratique, l’éducation et l’histoire des droits de la personne, ainsi qu’aux questions d’actualité.

Cela pourrait se faire par la création d’un centre d’apprentissage, auquel le Musée chercherait à attirer des chercheurs, des praticiens et des défenseurs des droits de la personne.

(21)

Le personnel permanent qui possède une expertise en droits de la personne participerait activement à l’élaboration du programme du centre. En plus de constituer une source permanente de programmes de formation et de perfectionnement à l’intention du personnel du Musée, le centre pourrait offrir des programmes à d’autres auditoires généraux ou spécifiques.

5. Le Musée devrait établir des relations

nationales et régionales avec des universités, des collèges, des chercheurs et des

organismes canadiens tels que les fondations privées, les projets communautaires

de recherche et de commémoration, la

Commission de vérité et de réconciliation ainsi que les commissions territoriales, provinciales et fédérales des droits de la personne. Pour tisser ces liens, il faudra inclure pleinement les résidents et les institutions du Québec ainsi que les peuples autochtones.

6. Le Musée devrait s’assurer que son personnel et sa direction représentent légitimement la diversité de la population que nous avons rencontrée à travers le Canada.

7. Pour assurer la réussite du Musée, il est absolument essentiel d’élaborer une stratégie d’accueil pour les enfants et les jeunes.

8. Le succès du Musée sera déterminé par un équilibre de deux professions très différentes : la muséologie et les droits de la personne.

Afin de relever ce défi, il faudra qu’il soit explicitement énoncé et qu’on y réfléchisse régulièrement.

(22)
(23)

Valeurs et principes : Réflexions sur la mission statutaire du Musée

2.

Pendant nos déplacements en petits groupes partout au pays, puis à notre retour à Winnipeg pour faire part de nos impressions et de nos expériences, nous avons réfléchi à la mission confiée au Musée en vertu de la Loi sur les musées. Nous savions que la Loi n’avait esquissé que les grandes lignes de certains des aspects les plus ambitieux et vraisemblablement les plus difficiles de cette mission. Deux d’entre eux en particulier exigeaient notre attention : l’expression

« droits de la personne » elle-même, et le terme

« Canada ». L’absence de définition dans la Loi ouvrait certes l’horizon, mais dressait également des embûches : comment donner sens et forme à ces expressions afin de pouvoir exploiter pleinement les possibilités du Musée ? Après avoir discuté avec plusieurs personnes, échangé des points de vue par courrier électronique, organisé des conférences téléphoniques, préparé des textes provisoires et réfléchi aux commentaires des gens sur la mission du Musée, nous avons rédigé plusieurs déclarations de principes, défini des valeurs et préparé des recommandations.

La Loi sur les musées

En 2008, tous les principaux partis politiques canadiens, dans une démonstration d’appui sans précédent, considéraient unanimement le Musée canadien des droits de la personne comme un musée national. La Loi sur les musées a donc été modifiée de manière à définir la mission du MCDP dans le nouvel article 15.213, libellé comme suit :

« Le Musée canadien des droits de la personne a pour mission d’explorer le thème des droits de la personne, en mettant un accent particulier mais non exclusif sur le Canada, en vue d’accroître la compréhension du public à cet égard, de promouvoir le respect des autres et d’encourager

Le Musée canadien des droits de la personne a pour mandat d’explorer le thème des droits de la personne, en mettant un accent particulier mais non exclusif, sur le Canada, en vue d’accroître la compréhension du public à cet égard, de promouvoir le respect des autres et d’encourager la réflexion et le dialogue.

Loi sur les musées, art. 15.2

(24)

Deux articles de la Loi sur les musées, L.C. 1990, ch. 3, stipulent en particulier le rôle général des musées nationaux. L’article 3 de la Loi contient la déclaration suivante :

« … le patrimoine du Canada et de tous ses peuples constitue une part importante du

patrimoine mondial et doit à ce titre être préservé au profit des générations présentes et futures… » L’article poursuit, et déclare que chaque musée établi par la Loi :

« a) joue un rôle fondamental, seul ou en

collaboration avec d’autres musées ou institutions analogues, dans la conservation et la promotion, dans l’ensemble du Canada et à l’étranger, du patrimoine du Canada et de tous ses peuples, de même que dans la constitution de la mémoire collective de tous les Canadiens et dans

l’affirmation de l’identité canadienne;

b) représente tant une source d’inspiration et de connaissance qu’un lieu de recherche et de divertissement qui appartient à tous les Canadiens, et offre dans les deux langues officielles un service essentiel à la culture canadienne et accessible à tous. »

Nous estimons important que le Musée fasse la promotion des droits de la personne et qu’il ait le mandat de mieux faire comprendre les droits de la personne au public, de promouvoir le respect des autres et d’encourager la réflexion et le dialogue.

Le mandat statutaire décrit le Musée comme étant une source d’inspiration et attribue à ses activités un rôle de recherche, d’apprentissage et de divertissement. Ces orientations ont été reflétées et soutenues dans la plupart des propos de ceux qui ont participé aux réunions bilatérales et aux tables rondes. Nous espérons ensuite enclencher un processus de réflexion qui soutiendra les initiatives entreprises par le Musée pour remplir sa mission.

Les droits de la personne

Afin d’acquérir une compréhension pratique de l’expression « droits de la personne » et de tout ce qu’elle englobe, le Musée peut étudier les instruments officiels qui définissent et protègent les droits de la personne à tous les paliers, mais il peut puiser également dans les articulations savantes et populaires des droits de la personne et de leurs fondements moraux, légaux,

historiques et philosophiques. On a insisté,

pendant les séances de consultation publique, sur le fait que le Musée devrait aborder globalement la question des droits de la personne et ne pas se limiter aux droits qui ont été définis et reconnus dans les instruments juridiques internationaux et nationaux. Seul l’examen de l’ensemble des politiques, des pratiques, des lois et de la culture d’un pays peut permettre d’évaluer la mesure dans laquelle ce pays respecte les droits de la personne et en fait la promotion.

Dans le rapport et dans les recommandations que nous présentons ici au Musée, nous nous efforçons de suivre cet excellent conseil et d’aborder globalement le sujet. Toutefois, la culture des droits de la personne au cours de la seconde moitié du 20e siècle a été fortement influencée par les travaux entrepris par les

Nations Unies après l’Holocauste, et nous faisons par conséquent précéder nos observations sur les droits de la personne d’un court résumé des principes fondamentaux du droit international en matière de droits de la personne, et en particulier de ceux qui sont inscrits dans la Déclaration universelle des droits de l’homme.

(25)

Les fondements du discours international contemporain en matière de droits de la personne

Au cours de la seconde moitié du vingtième siècle, le discours international sur les droits de la personne, qui s’inspirait de la Déclaration universelle des droits de l’homme, reconnaissait la dignité inhérente et la valeur de tous les êtres humains, du simple fait de leur commune humanité. Ce principe est directement issu du génocide de six millions de Juifs et de millions d’autres personnes pendant l’Holocauste.

L’Holocauste a entraîné une reconnaissance internationale du concept d’humanité

commune — soit la notion que les êtres humains font partie d’une seule et même espèce. Cette reconnaissance, qu’on nomme parfois la

« révolution de l’humanité », n’a pas seulement jailli de l’indignation provoquée par ce que l’on avait fait subir aux Juifs et aux autres personnes que l’on avait destinées à l’extermination,

mais elle résulte également de l’acceptation du fait que l’ignorance de la dignité de notre humanité commune blesse toute l’humanité.

Tant qu’un groupe de personnes est considéré comme inférieur à l’espèce humaine, c’est toute l’humanité qui est menacée de disparaître un jour, et elle pourrait disparaître n’importe quand.

Le second alinéa du préambule de la Déclaration universelle des droits de l’homme, adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 10 décembre 1948, explique l’origine de cette proclamation morale solennelle sur « ce qui devrait être fait »14. Au cœur de la vision moderne internationale des droits de la personne, il

proclame ce qui suit :

« Considérant que la méconnaissance et le mépris des droits de l’homme ont conduit à des actes de barbarie qui révoltent la conscience de l’humanité et que l’avènement d’un monde où les êtres humains seront libres de parler et de croire, libérés de la terreur et de la misère, a été proclamé comme la plus haute aspiration de l’homme, … ».

Les débats sur le texte de cet alinéa à la

Troisième Commission des Nations Unies révèlent que les délégués ont choisi d’utiliser le terme

« méconnaissance » plutôt que « ignorance », pour faire comprendre le message que les droits de la personne sont des droits moraux fondamentaux inhérents à notre humanité

commune, des droits que chacun peut connaître15. Le délégué de la France, René Cassin, faisait remarquer que le sens du terme anglais

« disregard » était mieux rendu par le terme

« méconnaissance », qui signifie « ignorance intentionnelle »16. Considérant les actes

profondément immoraux de l’Holocauste, décrits comme « des actes de barbarie qui révoltent la conscience de l’humanité », le deuxième alinéa du préambule, qui lie le terme « méconnaissance » au segment de phrase « mépris des droits de l’homme », établit le fondement de la

Déclaration universelle17. Les atrocités des camps d’extermination nazis, qui avaient été signalées aux Alliés bien avant la fin de la guerre, ont fait centrer les pourparlers de paix sur le respect des droits universels de la personne, et ont inspiré les travaux de la Commission des droits de l’homme, qui devait rédiger la Déclaration universelle18. En affirmant que tous les droits qu’elle définit s’appliquent à chacun, en tous lieux, la Déclaration universelle veut abolir la notion selon laquelle une nation peut soustraire à la surveillance de l’étranger la manière dont elle

(26)

traite ses propres citoyens et ressortissants19. Diffusée à partir de juillet 1938, la propagande nazie se plaisait à répéter que la communauté internationale n’avait pas réussi à s’entendre à la Conférence d’Évian20 sur le sort des milliers de réfugiés juifs en Allemagne qui cherchaient des pays d’accueil. Le 9 décembre 1948, dans un discours de présentation du projet de Déclaration à l’Assemblée générale des Nations Unies, René Cassin condamnait sévèrement les Soviétiques qui estimaient que la Déclaration empiétait sur la souveraineté des États. Il leur rappelait que les représentants d’Adolf Hitler avaient employé le même argument devant la Société des Nations en 1933 pour justifier leurs actes contre leurs propres citoyens21.

Le deuxième alinéa du préambule établit que la Déclaration universelle repose sur quatre libertés : les êtres humains doivent être « libres de parler et de croire, libérés de la terreur et de la misère »22. En dernier lieu, le deuxième alinéa affirme que l’avènement d’un tel monde « a été proclamé comme la plus haute aspiration de l’homme ».

René Cassin décrivait la Déclaration comme

« le premier document sur la valeur morale adoptée par une assemblée de la communauté humaine »23. On a certes affirmé que les droits de la personne décrits dans la Déclaration constituaient des repères moraux dont l’homme ordinaire pouvait se servir pour orienter la conduite qu’il devrait adopter.

Eleanor Roosevelt, présidente du comité de rédaction, avait insisté pour que le texte de la Déclaration universelle soit clair, court, facile à comprendre par les gens ordinaires, « parce que, d’ailleurs, elle n’est pas destinée aux philosophes et aux juristes, mais plutôt aux gens ordinaires »24. Pour souligner cette notion,

le délégué d’Haïti et rapporteur de la Troisième Commission Émile Saint-Lot, avait proposé que la Déclaration internationale des droits (titre provisoire du document à l’étude) ne soit pas considérée comme une simple entente entre les États-nations. Il avait plutôt recommandé que la Troisième Commission décide de reconnaître

« le caractère universel de la Déclaration des droits de l’homme »25. René Cassin avait alors suggéré de changer le titre du document pour l’intituler Déclaration universelle des droits de l’homme26. Il faisait observer que la Déclaration n’était pas un instrument international ou

intergouvernemental, mais plutôt un document qui était destiné à l’humanité entière et qui était fondé sur une conception uniforme de l’être humain.

Depuis, les mouvements de défense des droits de la personne ont puisé dans la Déclaration universelle leur inspiration pour soutenir leur lutte pour la justice. Nelson Mandela a notamment parlé en termes émouvants des répercussions de la Déclaration en Afrique du Sud, où l’apartheid avait été officiellement institué la même année : [traduction] « Pour tous ceux qui s’opposaient à ce régime pernicieux, les simples et nobles mots de la Déclaration universelle apportaient une soudaine lueur d’espoir dans l’une des plus sombres périodes de notre histoire. Par la suite, pendant plusieurs années, ce document… a guidé comme un phare et inspiré des millions et des millions de Sud-Africains27. »

Avant l’adoption de la Déclaration universelle des droits de l’homme, les personnes étaient reconnues comme objets, et non comme sujets, du droit international. Les États étaient les seuls intervenants légaux capables d’invoquer les droits et de contrevenir aux règles du droit international, et ils usaient de leurs pouvoirs à l’égard d’autres États. Les personnes ne pouvaient exercer aucun

(27)

droit ni présenter aucune réclamation contre les États; le droit international ne s’appliquait qu’aux gouvernements et non aux personnes privées.

Les réactions à l’Holocauste, et à la Déclaration universelle des droits de l’homme, ont changé cet état de fait. Toute une série de traités et d’instruments internationaux sur les droits de l’homme ont été élaborés, les constitutions et les lois nationales, enracinées dans la Déclaration universelle des droits de l’homme, ont imposé des obligations et accordé des droits aux

citoyens aussi bien qu’aux États. Un mouvement non gouvernemental de défense des droits de la personne s’est formé lorsque les États ont accepté d’adhérer à des normes, et des organisations locales, régionales et internationales de défense des droits de la personne ont

demandé aux gouvernements de rendre compte de leurs progrès en vue de réaliser les promesses faites dans la Déclaration universelle.

La guerre froide a empêché pendant 28 ans les principes de la Déclaration universelle d’émerger sous forme de deux traités ayant force obligatoire, appelés pactes. L’une des quatre libertés fondamentales mentionnées dans la Déclaration — la protection contre la misère — faisait l’objet du principal différend entre l’Est et l’Ouest. L’administration Eisenhower voyait d’un mauvais œil les droits économiques et sociaux, et les États-Unis formulèrent de graves réserves quant à la nature de leur engagement dans le mouvement universel des droits de la personne28. Finalement, la seule façon de progresser était d’élaborer deux traités distincts : le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et le Pacte international relatif aux droits sociaux, économiques et culturels.

Il existe maintenant neuf grands traités

internationaux relatifs aux droits de la personne.

Ces instruments couvrent une grande diversité de sujets dont la portée s’étend bien au-

delà de la protection contre la discrimination habituellement accordée dans les chartes des droits de la personne en vigueur au Canada. Un comité d’experts distinct surveille l’application de chacun des traités par les États signataires.

Des protocoles facultatifs traitant de questions particulières sont ajoutés à certains traités29. Les résultats obtenus sous le régime de ces instruments internationaux relatifs aux droits de la personne varient; le niveau d’adhésion officielle l’emporte trop souvent sur la mise en application des dispositions, même dans un pays comme le Canada, qui se félicite de sa réputation en matière de respect des droits de la personne.

Néanmoins, la nouvelle reconnaissance des personnes comme titulaires de droits de la personne — même lorsque ces droits sont peu protégés et à peine respectés — a stimulé des luttes individuelles et collectives. Mary Robinson, anciennement Haute Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, était d’avis que la Déclaration universelle des droits de l’homme avait procuré aux gens ordinaires l’inspiration et le vocabulaire pour porter plainte30.

Pour réaliser la promesse des instruments relatifs aux droits de la personne et accorder pleins droits à chacun de nous, il faut de la vigilance, du courage, de la détermination et la capacité d’imaginer « ce qui est convenable ».

Références

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