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Les droits des femmes

On ne peut véritablement parler du droit à l’égalité des femmes sans tenir compte des droits économiques, sans comprendre en quoi consistent les droits sociaux, sans comprendre que la

discrimination individuelle, qui est un droit civil et politique, joue aussi un rôle en fonction des milieux culturels, sociaux et économiques... Il existe un certain nombre de droits pseudos individuels qui ne peuvent être exprimés qu’en groupe comme, par exemple, le droit à la libre association et, pour beaucoup de gens, le droit à la liberté religieuse...

Il faut examiner comment les identités culturelles s’entrecroisent. Par exemple, très peu de

personnes ne sont que des femmes; les femmes sont aussi pour la plupart des mères, elles ont un état matrimonial, elles sont d’une origine ethnique particulière, et c’est en raison de cette influence réciproque et de la compréhension de la manière dont ces différents liens se tissent que nous sommes en mesure de respecter l’identité des personnes qui se présentent à nous.

Pearl Eliadis

Avocate des droits de la personne Montréal

Je pense qu’il faut considérer le droit à l’égalité des femmes comme un droit collectif et non pas un droit individuel. Alors, il faut toujours se rappeler que les femmes font partie d’un groupe traditionnellement discriminé et qu’il y a des

mesures d’action positive qui doivent être mises en place pour que le groupe ne soit pas discriminé.

Alors, quand on oppose, par exemple, « C’est mon choix individuel, moi, de faire telle chose » : « Oui, d’accord, mais si ton choix individuel vient mettre en danger le droit collectif de l’égalité entre les femmes et les hommes, on ne peut pas… ».

Christiane Pelchat

Présidente, Conseil du statut de la femme Montréal

À Calgary, Patricia Paradis, avocate et professeur en droits de la personne, a évoqué pour le CCC son témoignage de la quête des femmes en vue d’obtenir des droits civils et politiques au Canada au moyen de lois. Elle a fait référence à des cas comme celui de l’affaire « personnes » de 193053, qui établit que les femmes sont des personnes en vertu de la Constitution du Canada et, par conséquent, en mesure d’être nommées au Sénat. Lors de notre passage à St. John’s, Michelle Smith a retracé pour nous le combat pour le droit de vote à Terre-Neuve avant la Confédération, ainsi que pour les garanties de droits à part entière stipulées à l’article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés. Yamuna Kutty, du Multicultural Women’s Organization de Halifax, a fait ressortir l’importance toujours aussi grande de percevoir les femmes comme des personnes. Elle nous a rapporté que les enfants des femmes immigrantes originaires de pays où la culture n’inclut pas toujours cette valeur doivent comprendre qu’au Canada, leur mère est une personne.

Les représentants du Conseil consultatif sur la condition féminine de Terre-Neuve et du Labrador, ainsi que du Yukon, sont venus ajouter une autre dimension à notre compréhension de la lutte des femmes, soit les actions collectives des

femmes pour se mériter non seulement des droits juridiques, mais aussi sociaux et économiques.

Ils ont demandé avec insistance que le Musée se remémore les campagnes populaires pour les droits des femmes. Le Musée doit voir l’égalité des femmes comme un droit de la personne, et comprendre que la pauvreté et la violence envers les femmes constituent des violations des droits humains des femmes. Le fait de les percevoir comme des questions de droits humains plutôt que des défis ou des questions d’ordre privé exigeant des décisions arbitrales individuelles de droit pénal ou devant être soumises à des tribunaux des droits de la personne nous permet d’adopter une approche systémique afin de lutter contre la pauvreté et la violence.

Kasari Govender du FAEJ de la côte Ouest a décrit la violence contre les femmes comme l’abus des droits humains le plus répandu et le plus toléré dans le monde; comme d’autres, elle nous a demandé avec insistance d’aborder la question au Musée. Il existe maintenant quantité de ressources documentées sur le traitement de la violence faite aux femmes comme question relevant des droits de la personne et dont il nous a été fait part dans le cadre de nos séances. On a fait ressortir que, bien que les mouvements populaires de femmes du monde entier tentent, depuis quelques années seulement, de démontrer que la violence faite aux femmes constitue un problème de droits de la personne, ce type de violence ne date pas d’hier. On l’a utilisée comme instrument d’oppression au sein de la famille, comme moyen pour les personnes ou les nations d’opprimer les autres par l’entremise de la colonisation, ainsi qu’en temps de guerre ou de conflits civils. La déshumanisation des femmes dans la culture populaire, la propagande et les

doctrines religieuses, contribue à l’impunité avec laquelle on a recours à la violence. Le rôle de l’État dans la condamnation de la violence envers les femmes a incité certains à établir un parallèle entre cet état de choses et la torture qui se pratique avec l’approbation de l’État.

Quantité de solutions ressortiront de la manière dont nous traitons les femmes qui ont été torturées à la maison, et si nous les percevons comme des survivantes de torture au même titre que les prisonniers de guerre ou les militaires ayant survécu à la torture... Il nous faut reconnaître ce qui se passe non seulement sur les champs de bataille du monde entier, mais sur les champs de bataille à la maison.

Linda MacDonald et Jeanne Sarson

Activistes pour les droits des victimes de tortures non pratiquées par l’État

Halifax

Partout où nous sommes allés, nous avons entendu d’horribles récits de violence envers les femmes autochtones. Cependant, nous avons aussi appris que, pour ces femmes, atteindre la pleine égalité n’est peut-être pas tant une question de mouvement vers l’avant qu’un retour à la place d’honneur et de puissance que les femmes occupaient avant que ce statut ne leur soit dérobé par des mesures coloniales comme la Loi sur les Indiens. Les femmes autochtones nous ont fait part des défis juridiques que pose l’inégalité qui leur a été imposée par la Loi sur les Indiens, et nous avons entendu des commentaires élogieux à l’intention de Jeannette Corbière Lavell, Sandra Lovelace Nicholas et Sharon McIvor et son fils Jacob Grismer54 pour le courage dont ils ont fait preuve en soumettant d’importants cas aux tribunaux. Également, les stratégies s’appuyant sur les connaissances

traditionnelles, la culture et le développement de la conscience communautaire sont autant, sinon plus importantes, aux yeux de bon nombre des personnes qui nous ont rencontrés; les femmes prennent exemple sur ces mesures et en bénéficient. De telles stratégies permettent de percevoir les femmes autochtones dans le contexte tout entier de leur peuples.

Arlene Hache, une Algonquine du Centre for Northern Families/Yellowknife Women’s Society, nous a signalé à quel point il est essentiel de percevoir la relation entre l’égalité et le bien-être des femmes, et le bien-bien-être de leur famille tout entière et de leur société. Elle a illustré son énoncé par ce commentaire : « ll faut avoir des enfants à sa charge avant que la question du soin des enfants ne revête de l’importance. Les femmes autochtones doivent encore relever des défis pour maintenir l’unité de leur famille, compte tenu de l’agressivité des services d’aide sociale à l’enfance, du manque d’accès aux services juridiques et des conditions de vie difficile générées par l’étendue de la pauvreté. » Peggy Taillon du Conseil canadien de

développement social a fait valoir l’importance de ne pas placer les droits des femmes dans une case à part. Comme bon nombre de ceux qui nous ont parlé, elle a fait remarquer l’influence réciproque entre le sexe et les autres attributs personnels comme la race et les handicaps. Nous avons entendu, par exemple, que les handicaps tiennent compte du genre, et que le Réseau d’action des femmes handicapées du Canada (RAFHC) cherche à faire reconnaître cet état de choses dans les services et les politiques applicables aux personnes atteintes d’invalidité.

Dans le cadre de nos rencontres bilatérales

à Vancouver, Mark Peninga a insisté sur l’importance d’établir des piliers moraux et religieux pour ce que nous considérons comme des droits de la personne. La révérende Karen Hamilton, secrétaire générale du Conseil

canadien des Églises, a aussi exhorté le Musée à reconnaître que la religion, la foi et les croyances constituent un volet essentiel de la réalité de bon nombre d’être humains, et que la notion globale des droits de la personne est inséparable de ce que la plupart des communautés des principales confessions perçoivent comme « l’impératif divin de venir en aide à ses semblables ».

Néanmoins, même si tous s’entendent sur la nécessité d’une approche fondée sur des principes et sur la morale en matière de droits de la personne, nous avons constaté un malaise considérable à propos de la compatibilité des principes basés sur les croyances et les droits de la personne. Au Québec, le professeur Henri Brun a souligné que, depuis la Révolution tranquille des années 1960, le Québec a fidèlement protégé le principe de neutralité de l’État et de séparation de l’église et de l’État. Christiane Pelchat, présidente du Conseil consultatif sur la condition féminine du Québec, a exprimé les préoccupations de bon nombre de femmes et de défenseurs des droits des femmes, à la fois au Québec et ailleurs, en mentionnant que les trois religions monothéistes sont de nature patriarcale et ont établi des règles discriminatoires et de contrôle à l’égard des femmes. À ce titre, elles représentent une sérieuse menace au droit à l’égalité des femmes.

Elle souligne que, dans les chartes canadiennes et québécoises, on reconnaît que les femmes, qui représentent la moitié de la population, ont le droit à l’égalité et à la jouissance de tous les droits et libertés.

Au Canada, certaines des tensions les plus marquées dans le domaine des droits de la personne tirent leurs origines des conflits

apparents entre les énoncés de liberté de religion et des valeurs comme l’égalité des sexes et la protection contre l’abus des enfants. La manière dont le Canada se fraie un chemin à travers ces tensions et ces contradictions mettra ses capacités de jugement à l’épreuve. Le MCDP ne peut se dérober à son rôle d’institution avertie apte à regrouper les gens afin d’explorer ces questions dans une atmosphère de respect.

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