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Comment la presse digitale marocaine a couvert la crise du covid- 19 au Maroc?

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Academic year: 2022

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Comment la presse digitale marocaine a couvert la crise du covid- 19 au Maroc ?

Taoufik ZINAOUI

Professeur-chercheur à l’ENCG de Casablanca 0662138826

zinaouitaoufik@yahoo.fr

Résumé

En 2020, le monde plongea dans une crise sanitaire inédite causée par l’apparition et la propagation du covid-19. Les dégâts sont énormes : des milliers de morts tandis que l’économie mondiale enregistre une récession sans précédent.

A l’instar des autres pays, le Maroc vit le même scénario. Les autorités marocaines mettent en place diverses mesures préventives pour limiter les dégâts de cette crise sanitaire et économique. Les médias marocains ont été au cœur de cette crise pour la couvrir.

Dans ce travail, nous allons étudier cette couverture médiatique réalisée par des journaux marocains en ligne.

Mots clés

: Covid-19 – crise sanitaire- médias- information – communication

How did the Moroccan digital press cover the covid-19 crisis in Morocco?

Abstract

The year 2020 will be etched in the annals of human history. The world plunged into an unprecedented health crisis caused by the emergence and spread of covid-19 internationally.

The damage is enormous: millions of deaths as the world economy experiences an unprecedented recession. Like other countries around the world, Morocco is going through the same scenario. The Moroccan media have been at the heart of this health crisis to inform the public.

In this work, we will study the media coverage of this crisis carried out by Moroccan newspapers online.

keywords

: Covid-19 - health crisis - media - information - communication

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Introduction

Depuis son apparition en Chine, le covid-19 est en train de provoquer, à l’échelle internationale, des situations de crise et de drame qui se sont transformées en de véritables tragédies humaines et économiques. A l’exemple des autres pays touchés par cette pandémie, le Maroc souffre de l’apparition et de la propagation de ce virus sur son territoire.

Désigné comme ‘‘le quatrième pouvoir’’ dans une société, les médias1 se sont emparés de cette actualité pour informer, expliquer et prévenir la population des dangers provoqués par le covid- 19. Cependant, à cause du confinement qu’a connu le Maroc pendant plusieurs mois (mars, avril, mai, juin 2020), le travail des journalistes marocains n’était pas une tâche facile. Ils ont rencontré divers problèmes pour couvrir cette actualité. L’objectif de ce texte est d’analyser la couverture médiatique de cette crise sanitaire réalisée par deux médias marocains en ligne à savoir Hespress et Medias242.

Plusieurs questions se posent : comment ces deux journaux ont couvert la crise du covid-19 ? Les deux journaux ont-ils cherché à accroître leur audience en faisant, par exemple, peur à leurs lecteurs ; ou encore en cherchant des failles des hommes politiques dans leur gestion de cette crise en criant au scandale ou au complot ? Cette couverture médiatique a-t- elle été à la hauteur des attentes des internautes marocains ou au contraire elle a raté son rendez-vous avec ses derniers en leur communiquant des informations médiocres et infondées ?

1 Myriam LE FEBVRE, (2020) Coronavirus : 68000 articles publiés par jour à travers le monde, https://www.journaldemontreal.com/2020/03/11/coronavirus-68-000-articles-par-jour-publies-a-travers-le-monde, (consulté le 12/5/2021)

2 Adresses des deux journaux : https://www.hespress.com/https://www.medias24.com/

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I. Médias et information

1.1 Rôles des médias

Les médias occupent une place fondamentale dans nos sociétés. La télévision, la radio, les quotidiens et aujourd’hui les réseaux sociaux nous informent et nous divertissent. La plupart des informations reçues nous vient de ces médias. C'est à partir d'eux que nous sommes au courant de ce qui se passe ici et ailleurs. De même, ils sont là pour nous aider à comprendre ce qui se passe dans la société et ainsi forger des perceptions, des opinions et à prendre des décisions. Dans Des miroirs équivoque3, Louis Quéré aborde la question des médias sous un autre angle : « le pouvoir des médias n'est pas un pouvoir parmi d'autres, il a une fonction fondatrice du champ social. Les médias construisent le théâtre des pratiques sociales, ils donnent une assise à l'identité et à l'action individuelle et collective. L'information doit avoir une apparence de vérité et de cohérence pour être reçue et crue, comme la science ». De ce fait, les médias se présentent comme des acteurs importants lorsque l’on parle de diffusion de l'information et de projet de société.

Par ailleurs, dans le contexte d’une crise sanitaire comme celle du covid-19, les médias peuvent jouer un rôle déterminant quant à l’amplification ou à l’atténuation de cette crise dans la société.

Car dans une crise, on y trouve toute sorte d’émotion et d’enjeux pluriels : la peur-l’invisible- le sensationnel - le buzz- la rumeur- la manipulation –la diffamation…Tous ces éléments trouvent leur présence et leur sens dans cette crise sanitaire actuelle.

1.1.1 Caractéristiques et enjeux de la presse digitale

Depuis plusieurs années, la presse écrite a dû s’adapter au digital. Certes, certains journaux et magazines ont opté volontairement vers la digitalisation car c’est la tendance des sociétés contemporaines. Toutefois, d’autres journaux et magazines ont été dans l’obligation de glisser vers le digital à cause, entres autres, du confinement provoqué par la pandémie du covid-19.

Comment fonctionne cette presse ? Serait-elle crédible aux yeux des lecteurs ?

1.1.2 Adaptabilité et visibilité

Selon Khalid ZOUARI4, le développement de la presse du papier vers l'électronique remonte à la fin des années 90. La diffusion électronique des titres de presse s'est faite différemment d'un pays à un autre. Mais à partir de 1998, la majorité des entreprises de presse se sont mobilisées

3LouisQURE(1982), Des miroirs équivoques, aux origines de la communication moderne, Paris, Aubier Montaigne,

4Khaled ZOUARI, La presse en ligne : vers un nouveau média ? 2007, https://www.cairn.info/revue-les-enjeux- de-l-information-et-de-la-communication-2007-1-page-81.htm, (consulté le 12/5/2020).

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pour la création de leurs sites web car « s'afficher sur l'Internetest pour certaines entreprises un signe de modernité et représente pour les médias plus qu'une simple perspective ».

En effet, les médias, à l’image des autres composants de la société, se sont adaptés à l’évolution technologique. Il a fallu repenser le métier du journaliste moderne qui doit maîtriser l’usage des nouvelles techniques de l’information et de la communication.

1.1.3 Gain financier

La diffusion de l’information par internet constitue un modèle économique intéressant 5: entre bannières publicitaires web et accès à une sélection d’articles par l’abonnement, un média y gagne financièrement. Car uniquement quelques articles d’actualité générale sont gratuits, mais la majorité des contenus sont payants. La grande majorité des journaux applique cette logique.

1.1.4 Diffusion rapide de l’information

L’un des avantages majeurs de la presse digitale est évidemment le rapport à l’information. Le lecteur accède en quelques clics à une actualité récente, des premières analyses, des éditos, des interviews et des vidéos. L’internaute est ainsi informé dans des brefs délais, et il a la possibilité aussi d’accéder à l’information quand il le souhaite.

1.1.5 Impact de la presse digitale

A la lumière de ce qui précède, pouvons-nous dire que la presse digitale se voit doter d’un pouvoir supérieur que la presse écrite ? La réponse est Non. Parce que la vocation du média digital reste la même qu’un média écrit à savoir un diffuseur d’information. Par contre, ce qui change c’est le support. De même, l’internaute a accès à une panoplie de journaux et de magasines virtuels qu’il peut consulter assez vite et sans quitter son domicile.

Pour conclure, nous pensons que l’originalité de la presse digitale réside essentiellement dans cette accessibilité facile et rapide à l’information. Le travail du journalisme restera toujours le même que ce soit le traditionnel ou le digital. Par exemple, le digital ne va jamais créer un scoop, mais, il peut créer le buzz. Autrement dit, il pourra inciter des millions de personnes à visiter un média digital, ce qui lui conférera une certaine notoriété et un gain financier considérable.

5AdiictDAM, La presse et les enjeux de la digitalisation, (2020), https://adiict.fr/la-presse-et-les-enjeux-de-la-digitalisation/, (consulté le 14/7/2020).

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II. Méthodologie de la recherche

Cette étude portant sur la couverture médiatique digitale du covid-19 au Maroc va porter sur la période allant du 29 mars 2020 au 16 juin 2020. Elle va cibler la couverture réalisée par les deux journaux marocains en ligne Hespress et Medias24.Le choix de ces journaux s’explique par plusieurs rasions : ce sont deux journaux importants dans la scène médiatique virtuelle au Maroc. Leurs lecteurs se comptent par millions. Ils sont aussi connus par leurs scoops journalistiques et leur ‘‘franc parler’’.

Nous avons collecté les articles mentionnant le mot coronavirus. Notre corpus comprend plus de 600 articles de la version numérique des deux journaux. Après avoir fixé ce nombre d’articles, nous avons opté pour une approche thématique. Celle-ci va nous permettre d’analyser le contenu pluridisciplinaire de la couverture médiatique du Covid-19 faite par ces deux journaux.

III. Présentation des résultats : 3.1 Effet de surprise

Au début de la pandémie en Chine, les médias marocains n’accordaient guère d’importance à ce sujet. Ce dernier était souvent traité dans les pages intérieures de la presse écrite et virtuelle, et relayé en second plan dans les médias audiovisuels.

Cependant, cette couverture médiatique va prendre une nouvelle tournure au moment où d’une part, le Maroc enregistra son premier cas du coronavirus le 2 mars 2020. Il s’agit d’un marocain6 qui revenait d’un voyage en Italie. De l’autre part, lorsque le gouvernement marocain décida d’imposer le confinement sur l’ensemble du territoire marocain.

A l’instar des autres médias marocains, Hespress et Medias24 sont surpris par l’accélération et la tournure des événements. On se croyait à l’abri de ce virus grâce aux milliers de kilomètres qui séparaient le Maroc de la Chine, mais voilà que le virus fait son apparitionà l’intérieur du Maroc. Devant cette situation inédite, les deux journaux se sont retrouvés dans la nécessité de couvrir cette actualité inédite, les contraignant à un changement de réflexion, d’adaptation et d’orientation. Celle-ci s’est réalisée, tout d’abord, au niveau de la ligne éditoriale. Les deux

6TEL QUEL, Que sait-on du premier cas de coronavirus au Maroc ?(2020) https://telquel.ma/2020/03/03/que-sait-on-du- premier-cas-de-coronavirus-au-maroc_1671269?, (consulté le 3/1 /2021).

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journaux se sont vus dans l’obligation d’accroitre le volume informatif concernant la thématique du virusafin d’informer, expliquer et sensibiliser leurs lecteurs sur la gravité de la situation sanitaire du Maroc. Pour ce faire, ils ont a fait appel aux spécialistes issus de diverses disciplines envue d’enrichir le contenu de leurs journaux.

3.2 Monopole médiatique du covid-19

Le monopole médiatique de cette crise sanitaire est illustré par la création et la programmation de sujets spécifiques traitant différents aspects du covid-19.D’un point de vue statistique, du 29 mars 2020 au 16 juin 2020, le sujet covid-19 représente 65%des contenus journalistiques produits par Hespress et Medias24,Ce pourcentage diffère d’un numéro à un autre. De sorte que, dans certains numéros, le monopole de ce sujet atteint 70%, en particulier dans le journal Medias24. En conséquence, l’actualité liée au covid-19 a ‘‘envahi’’ les différentes pages du journal. Ce constat est illustré à travers les titres suivants : « Les consommateurs doivent arrêter de paniquer », « Les autorités appellent la population à l’isolement volontaire », « Les masques de protection indispensables dans les commerces ce mardi matin », « L’économie marocaine devant le défi du virus et la sécheresse », « Coronavirus menace les postes de travail au Maroc…comment atténuer les dégâts » …On s’aperçoit que la volonté des deux journaux est d’étudier cette crise sous divers angles.

3.3 Omniprésence des mots-clés suivants : « coronavirus », « confinement »,

« épidémie », « économie »

Les termes les plus utilisés dans les différentes publications de ces deux journaux sont :

« coronavirus », « confinement », « épidémie », « sanitaire », « crise économique ». Toutefois, c’est le mot « coronavirus » qui domine le champ lexical concernant ce volet linguistique.

D’autres mots ont fait leur apparition au fur et à mesure que des nouveautés voient le jour comme : « masque » ; « test » ; « hôpital de compagne» ; « déconfinement » …

De manière générale, sur cette période de confinement, les deux journaux se sont davantage exprimés et enquêtés sur les effets socioéconomiques du virus, la gestion du gouvernement marocain de la crise, le bien fondement des mesures de prévention. Presque la totalité des sujets traités sont en relation avec ces thématiques.

3.4 Le reste de l’actualité en second plan

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La recherche du « scoop » constitue une obsession pour tout média, en particulier pour nos deux journaux qui ont habitué leurs lectures à cette singularité. Toutefois, nous avons constaté que le sujet du covid-19 a éclipsé presque toutes les autres actualités dans les deux journaux. Car mal connu du grand public et menaçant le pays entier, les deux journaux se sont trouvés dans l’obligation de s’adapter au nouvel contexte de l’épidémie en vue d’informer, expliquer, prévenir, enquêter et aussi de démentir des désinformations autour du covid-19. Rappelons à ce sujet que le virus provoque, à nos jours, divers débats sur son origine et sur le vaccin qui pourrait l’éradiquer. A ce sujet, chaque jour apparait une thèse qui alimente encore ce genre de débat, et qui déroute un peu plus les populations. Ainsi, on y trouve une pléiade d’informations et de rumeurs où s’entremêlent le faux et le vrai, la logique et l’irrationnel. Parmi les thèses qui circulent avec force et ténacité celle du complot. On parle de grands laboratoires pharmaceutiques et même des Etats qui cherchent à travers la création et la propagation de ce virus soit à récolter d’énormes bénéfices financiers soit à perturber l’ordre mondial pour la glorification d’une telle ou telle ethnie ou idéologie.

Rappelons aussi que, au fur et à mesure que l’actualité liée au coronavirus voit le jour et prend de l’ampleur médiatique comme les mesures étatiques, les couacs du gouvernement, l’apparition des clusters contaminés, les violations du confinement, le manque de masques, l’apparition des désinformations les deux journaux accentuent leur couverture médiatique sur ces questions.

3.5 Entre une position pro gouvernement et « chien de garde »

Dans le contexte journalistique, nul n’ignore que le travail des journalistes est assez complexe, vu qu’il est conditionné par l’omniprésence et l’imbrication de divers enjeux qui font que parfois, un média se laisse influencer par telle personne physique ou morale.

Dans le cas du coronavirus, on imagine bien que les médias, en particulier les indépendants se sont sûrement posés ce genre de questions : faut-il ou non approuver, voire applaudir toutes les mesures interdisciplinaires prises par les gouvernements ? Ou au contraire, camper sur sa position en tant que média indépendant ayant le devoir de critiquer et dénoncer toute mauvaise gestion de la crise sanitaire et tout dérapage provoqué par les autorités ?

En tant que journaux indépendants,Hespress et Medias24ont adopté, au cours du confinement du Maroc, deux lignes éditoriales : tantôt, ils sontpro gouvernement, tantôt, ils ont assumé le rôle de « chien de garde ».

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Position Pro gouvernement : au Maroc, toute personne avertie sait que, vu les circonstances actuelles, toute contestation ou remise en question des mesures gouvernementales visant à contenir la pandémie du covid-19 expose le pays à la division. Cette vision semble s’appliquer sur une partie de la production journalistique du journal Hespress et Medias24.

Dans de nombreux numéros, les deux journaux relayent et accompagnent les mesures sanitaires présentées par les autorités sans les critiquer. Ainsi, on trouve une couverture massive de toutes ces mesures à travers les articles suivants : « Les consommateurs doivent arrêter de paniquer » ; « Les autorités appellent la population à l’isolement volontaire » ; « Ce que signifie le stade 2 de l’épidémie du coronavirus » ; « La commission de la veille sanitaire instaure de nouvelles mesures pour lutter contre la crise sanitaire » ; « « Indemnités de 2000 DH servies par la CNSS : voici tous les détails » ; « Le port du masque devient obligatoire à l’extérieur dès mardi » ; « Les bons gestes pour porter correctement un masque » …

Cet engagement franc des deux médias envers les mesures prises par le gouvernement renforce l’idée que ces deux journaux ont joué le rôle de « service public ». D’ailleurs, cette idée, on la trouvé propagée à l’échelle internationale. En effet, le président de la Fédération des journalistes du Québec Michaël Nguyen nous apprend que, dans ce contexte du covid-19, les médias ont un rôle de service public à accomplir : « le rôle de service public [des médias] est encore plus important qu’il ne l’était avant. Il y a des mesures gouvernementales qui sont prises.

L’important, c’est de les communiquer à la population, et on joue un rôle crucial là-dedans »7. On comprend dès lors que cette position des journaux pro gouvernement cherche avant tout l’unité du pays dans ces circonstances particulières. 8

Position « chien de garde » : nous avons constaté, plus haut, que les deux journaux ont, certes, manifesté un soutien explicite quant aux diverses mesures prises par les autorités marocaines pour lutte contre le virus-19. Néanmoins, Hespress et Media24 ont souvent manifesté leur scepticisme quant à l’utilité et/ou la véracité de telle ou telle action faite par le

7 Philippe PAPINEAU, (2020) Les rôles rééquilibrés des médias en temps de crise, https://www.ledevoir.com/culture/medias/575590/les-roles-recalibres-des-medias, (consulté le 1 /2 /2021).

8Cette expression désigne le travail des journalistes qui se veut un « contre-pouvoir » de tout dérapage, manipulation ou autoritarisme venant de personne physique ou morale envers une personne, un groupe ou une société. Ce rôle ‘‘noble’’ des médias en tant protecteur des libertés individuelles et défenseur des intérêts communs est régulièrement critiqué par ses détracteurs qui considèrent que tout média est ‘‘corrompu’ ’Certes, ces critiques trouvent leur part de vérité dans certaines affaires traitées par les médias ; toutefois, on peut faire confiance, des fois, au travail d’investigation et d’analyse des médias

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gouvernement. Particulièrement, de façon solennelle, quelques articles ont été consacrés à la critique ouverte de certaines positions du gouvernement.

La critique a porté sur les éléments suivants :

✓ La communication du ministère de la santé : Medias24 publie le 28/3/2020 un article intitulé « Au ministère de la santé, une communication inadaptée à la crise ». Dans cet article, le journal reproche au ministère son manque de professionnalisme quant au comportement avec les journalistes qui n’ont pas accès aux chiffres exactes des cas contaminés par jour et aux mesures prises par secteur pour protéger les populations. Ainsi, on lit le discours suivant : « les règles les plus simples de la communication en général, et de la communication de crise en particulier, ne sont pas respectées ».

▪ Manque des masques de protection : au fur et à mesure que la propagation du virus prenait de l’ampleur dans le pays, le gouvernement décida d’obliger la population marocaine à porter les masques dans les lieux publics. Or, l’absence de ces manques dans les pharmacies et dans les commerces a provoqué l’indignation et l’embarras de la population. Rappelons, à cet égard, que le non-respect du port du masque est passible des sanctions prévues par l’article 4 du décret-loi 2.20.292 qui prévoit une peine de prison allant d’un à trois mois et d’une amende entre 300 et 1.300 DH, ou l’une des deux en respectant le principe de la peine la plus lourde. Medias24 s’est emparé de cette actualité pour critiquer les paroles du gouvernement qui confirmait le contraire. Dans le numéro du 7/4/2020, le journal rédige le titre suivant : « Les masques de protection indispensables dans les commerces ce mardi matin ». Il faut dire que cette absence des masques avait fait l’objet d’une vague de contestation de la part de la population marocaine qui se trouvait piégée entre les promesses du gouvernement et la réalité du terrain. En effet, le gouvernement prétendait que le Maroc produit 5 millions de masques par jour ; or, les Marocains n’arrivaient pas à trouver ces trouver ni dans les pharmacies, ni dans les grandes surfacées ni dans les boutiques de proximité.

▪ Le maintien du confinement : vers la fin du mois de mai 2020, alors que les Marocains attendaient avec impatience la fin du confinement qui a causé des dégâts économiques et psychologiques énormes au sein de la population marocaine, le gouvernement marocain décida de prolonger le confinement pour une période de plusieurs semaines. Cette décision inattendue avait suscité de l’incompréhension et de l’embarras d’une grande majorité des Marocains, surtout que le nombre des contaminés a régressé de façon spectaculaire. Medias24 a, de son côté, traité cette décision gouvernementale. Dans son numéro du 17 mai 2020, le journal

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critique ouvertement cette décision. Il la trouve injustifiée et infondée. Ainsi, la rédaction du journal écrit un article intitulé « Quatre questions ‘pour le moment’ sans réponse à Khalib Ait Talib » dans lequel elle adresse des questions au gouvernement, en particulier au ministre de la santé. Les quatre questions sont les suivantes :

1- D’où provient le taux de reproduction officiel ? 2- Les clusters, source de tous les maux ?

3- Le grand mystère des tests.

4- Le grand mystère des données.

Le gouvernement avait fondé sa décision de maintenir le confinement sur ces quatre questions sans donner pour autant des éclaircissements ou des statistiques détaillées.

Medias24 reprocha au gouvernement le manque de transparence concernant ces quatre questions. Car aucune réponse n’a été fournie ni à la presse ni à la population.

✓ L’incompétence du gouvernement pour sa gestion de la crise du covid-19 : le gouvernement marocain, présidé par le premier ministre Saâdeddine El Othmani, a fait l’objet de vives critiques concernant sa gestion globale de la crise sanitaire et économique causée par le coronavirus. Ces critiques proviennent par les simples citoyens, des partis politiques9, des médias indépendants et particulièrement en provenance des réseaux sociaux. On lui reproche le manque de transparence, l’hésitation, la prise des décisions tard les soirs pour les appliquer les lendemains matins…

Dans le numéro du 19 mai 2020, Medias24 réalise un entretien avec Omar Belafrej, député de la fédération de la gauche démocratique, dans lequel ce dernier fustige la décision du gouvernement, particulièrement au lendemain du discours de Saadine El Othmani devant le parlement qui a montré « son incompétence pour gérer la crise et surtout le déconfinement à venir ».

3.6 Couverture médiatique à la hauteur de l’événement ?

Au début de la crise sanitaire provoquée par le covid-19 en Chine, les vidéos terrifiantes montrant des Chinois s’écrouler au sol dans les rues de la ville de Wuhan avaient choqué monde

9 Nizar BARKA, secrétaire général du parti opposant al Istiqlal critique ouvertement le gouvernement pour sa gestion de la crise sanitaire. Il dit à cet égard :« Malgré la gravité de la situation, la gestion par le gouvernement de la pandémie de la Covid- 19 a été marquée par l’improvisation, l’hésitation, le manque de coordination, la multiplication des intervenants et des décideurs, une perte de temps et un gaspillage des potentialités, avec un minimum d’efficacité ».

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entier. En outre, le nombre de décès enregistrés en Europe, en Amérique et en Iran à avait aggravé le sentiment de vulnérabilité de l’espèce humaine face à la férocité de ce virus.

Devant ce décor apocalyptique, il a fallu informer, rassurer, conseiller et prévenir les populations choquées par la tournure tragique des événements. Une telle mission est normalement confiée aux gouvernements des pays, aux médecins, mais, les médias avaient une grande responsabilité dans cette démarche.

Dans notre étude, nous avons relevé ce souci des deux journaux en ligne d’assumer ces rôles de service public afin d’apaiser et de rassurer la population marocaine en proie à la conquête de ce virus, en quête de vérité sur sa dangerosité, se posant des questions sur les bonnes pratiques pour s’en protéger, et surtout une population épuisée par plusieurs semaines de confinement et de manque de ressource financière. Pour y arriver, les deux journaux ont mis en place une stratégie d’information et de communication bien définie et claire :

✓ Premièrement, ils ont a fait appel à des experts issus de divers domaines comme la médecine, la biologie, l’économie et la psychologie pour informer les citoyens de toutes les nouveautés en relation avec le covid-19. Les interventions de ces spécialistes penchent globalement vers une approche didactique.

✓ Deuxièmement, ces journaux se sont efforcés de lutter contre la propagation des désinformations (rumeurs et fak news) sur le covid-19. A ce propos, il est à souligner que le Maroc a souffert de ce fléau, et ce depuis l’apparition du premier cas du coronavirus dans le pays. On cite quelques types de ces désinformations : « Certains assurent que la maladie Covid- 19 n'existe pas au Maroc », d'autres « annoncent des cas de contamination dans plusieurs villes », « la circulation de vidéos sur les réseaux sociaux montrant des images de personnes inconscientes ou faisant un malaise dans la rue, présentées comme des victimes du nouveau coronavirus ». Selon certains experts comme Sylvie Briand, directrice de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) pour la préparation aux risques infectieux mondiaux, “En plus d’une épidémie de maladie, il y a ce que nous appelons une ‘infodémie’ : la circulation de rumeurs et de fausses informations 10».

Conscient de la gravité de cette menace, les autorités marocaines ont réagi en emprisonnant les auteurs de ces faks news. De leur côté, les deux journaux ont consacré quelques articles à parler de ces arrestations, et surtout en procédant souvent à la vérification de la véracité des

10Mehdi MAHMOUD, (2020) Fake-news, l’autre épidémie virale au Maroc, https://telquel.ma/2020/03/04/fake-news-lautre- epidemie-virale-au-maroc_1671445, (consulté le 13/7/2021).

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informations via des enquêtes de terrain : reportages, interviews (numéro du Medias24 du 18 mars 2020 ; numéro de Hespress du 19 mars 2020…).

✓ Troisièmement, les deux journaux ont permis la diffusion de messages préventifs, par excellence. En effet, l’appel à la discipline, au civisme et à l’application des mesures de prévention a pris une place importante dans la rédaction de plusieurs numéros des deux journaux. Cet intérêt pour la prévention s’explique par deux facteurs principaux : d’un côté, la prise de conscience que la lutte contre la propagation du virus doit être est une affaire collective.

Cette croyance fait référence à la fameuse théorie de « l’immunité du troupeau 11». De l’autre côté, face au manque de discipline de beaucoup de Marocains qui ne respectent pas les mesures de prévention, nous avons relevé un grand nombre d’articles qui traitent ce sujet. Les deux journaux ont dénoncé ce genre de comportement jugé irresponsable, susceptible de nuire à la sécurité de la société. Selon le nouveau document de Frontières de la santé publique, cette démarche des deux journaux est louable dans la mesure où« la manière dont les médias dépeignent les crises sanitaires a une influence importante non seulement sur le comportement du public, mais aussi sur les répercussions à long terme sur la santé 12 ».

11L’immunité du troupeau est aussi surnommée immunité de groupe ou immunité collective. Cette stratégie repose sur l’idée qu’il est possible d’enrayer la propagation d’une maladie infectieuse au sein d’une population, grâce à l’immunisation d’un certain pourcentage de ses membres

PARIS MATCH, (2020) L’immunité du troupeau » : quelle est cette stratégie critiquée par les épidémiologistes pour endiguer une pandémie, https://parismatch.be/actualites/sante/382461/limmunite-du-troupeau-quelle-est-cette-strategie-critiquee-par- les-epidemiologistes-pour-endiguer-la-pandemie-au-royaume-uni, (consulté le 5/4/2012).

12Cité par CLINIQUE chirurgie, (2020) Une étude souligne le rôle central des médias dans la couverture de la crise sanitaire pandémiquehttps://www.cliniquemutualisteamberieu.fr/une-etude-souligne-le-role-central-des-medias-dans-la-couverture-de- la-crise-sanitaire-pandemique, (consulté le 12/6/2020).

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Conclusion

La pandémie de covid-19 continue à se propager dans le monde entier. Elle provoque des dégâts catastrophiques à l’échelle humaine et économique. On dénombre plus de 180.397.627 cas de coronavirus à travers le monde et 3.979.647 décès. L’économie mondiale est entrée dans une récession sans précédent.

Nul doute que les bonnes volontés existent sur terre pour tenter d’éradiquer ce virus. On a constaté que chaque gouvernement œuvre pour limiter la propagation de ce virus sur son territoire.

Les médias, de leur côté, se sont aussi mobilisés contre l’expansion de ce virus. Cette mobilisation a pris plusieurs formes : des reportages, des interviews avec des spécialistes, des analyses scientifiques approfondies, la dénonciation et la lutte contre la désinformation…En conséquence, les médias ont présenté un contenu copieux concernant les circonstances de l’apparition et de la propagation du covid-19.

Au Maroc, la couverture médiatique digitale de la crise sanitaire du covid-19 a été intense et diversifiée. De manière précise, notre étude a démontré que cette couverture a assumé divers rôles :

✓ Diffuseurs des informations pluridisciplinaires sur le covid-19 grâce à des enquêtes de terrain et à des entretiens réalisés avec des experts issus de diverses disciplines.

✓ Alliés du gouvernement dans la démarche de convaincre la population de l’intérêt de respecter les mesures de prévention.

✓ Dénonciateurs des comportements irresponsables des personnes qui ne respectent pas les consignes de sécurité.

✓ Critiqueurs du gouvernement pour sa mauvaise gestion de la crise sanitaire et économique, en particulier au niveau de la communication et aussi au niveau de la prise des décisions nocturnes pour les appliquer les lendemains.

Finalement, le rôle des médias dans la communication de crise sanitaire est primordial car il permet d’informer les citoyens des mesures sociosanitaires à adopter. Ce rôle stratégique a été vérifié et validé par notre étude sur la couverture médiatique de cette crise réalisée par la presse digitale marocaine, en particulier Hespress et Medias24. Ces journaux ont fait le bonheur des Marocains car ils ont eu accès à une quantité d’informations importantes en matière de covid- 19.

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D’ailleurs, du fait que nos deux journaux se sont trouvés à exercer à la fois les fonctions de messagers et de chiens de garde du gouvernement, la couverture médiatique a été riche en informations, en nouveautés et en analyses.

Nous pensons que ce rôle d’un ‘‘allié’’ occasionnel du gouvernement joué par les deux journaux s’est avéré indispensable dans cette crise. Car, de manière générale dans les moments de crise, il y a souvent tendance au discours d’unité, au discours de l’assurance.

Tandis que le second rôle joué par ces deux journaux à savoir chiens de garde, il s’est avéré aussi indispensable car il leur a permis de dénoncer la politique du gouvernement qui a commis d’innombrables erreurs dans la gestion globale de la crise sanitaire du covid- 19.

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Bibliographie et Webographie

- ADAM Adiict, La presse et les enjeux de la digitalisation, (2020), https://adiict.fr/la- presse-et-les-enjeux-de-la-digitalisation

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