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IDENTIFICATION ET EVALUATION DES CANAUX DE PARTAGE DES RISQUES MACROECONOMIQUES DANS UNE ZONE MONETAIRE: CAS DE LA ZONE CEMAC 1.

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IDENTIFICATION ET EVALUATION DES CANAUX DE PARTAGE DES RISQUES MACROECONOMIQUES DANS UNE ZONE

MONETAIRE: CAS DE LA ZONE CEMAC

1

Par

Alain Rémy ZOLO EYEA

Ph.D, Chargé de cours, Département d'Économie Monétaire et Bancaire, Université de Ngaoundere- Cameroun.

&

Charles Alain BITA

Ph.D, Maitre de conférences, Département d'Economie Monétaire et Bancaire, Université de Ngaoundere- Cameroun.

bitacharles@yahoo.fr

Résumé:

D’après la théorie des zones monétaires optimales, la mise en place d’une union monétaire est susceptible d’influencer non seulement la nature des chocs, mais aussi leur impact sur l’économie. Cependant, l’existence des unions monétaires pose un ensemble des questions fondamentales pour la théorie économique. La plus évidente est la question de la détermination des chocs asymétriques et les mécanismes d’ajustement pour y faire face. Vu sous cet angle, cet article a pour objectif d’identifier les canaux de partage de risques des chocs macroéconomiques et d’évaluer leur portée relative, comme alternative aux mécanismes traditionnels d’ajustement en zone monétaire. En se basant sur la méthode de décomposition de la variance du taux de croissance du PIB, les résultats montrent que la répartition de risques des chocs asymétriques entre les pays de la Cemac est relativement moyenne. Environ 46,3% des chocs sont lissés ; l’épargne constitue le principal canal de

1 Communauté Economique et Monétaire d’Afrique Centrale.

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partage des risques qui contribue à lisser 24,8% des chocs, suivi de celui des transferts internationaux (13%).

Mots clés: Partage de risques, Zone monétaire, Cemac.

Classification JEL: E6, F15.

Abstract:

According to the theory of optimal monetary zone, the creation of monetary union islikely to influence not only the nature of shocks, but the entire economy. Therefore,the existence of monetary unions rises a set of fundamental questions on economics theory. The major questions concerning the determining of asymmetric shocks and to the adjustment mechanisms to deal with these shocks. In this perspective, this article aims to identify the risk- sharing channels for macroeconomics shocks and to evaluate their relative impact as an alternative to traditional mechanisms of monetary zone. Based on the method of decomposing the variance of the rate of GDP growth, the results reveals that the distribution of risks from asymmetric shocks among CEMAC countries is relatively average. About, 46.3% of shocks are smoothed. Savings are the main risk-sharing channel that contribute to smooth out 24.8%

of the shocks, and the international transfers estimated at 13%.

Keywords: Risk-sharing, monetary zone, CEMAC.

JEL Classifications: E6, F15.

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Introduction

Dans le contexte de l’analyse économique, la notion de risque est très proche de celle d’incertitude. Une situation risquée est celle dont l’issue n’est pas totalement maitrisée par son initiateur et qui peut en conséquence réserver des surprises fâcheuses, tout autant que plaisantes. Pour F. Knight (1921), est risquée, toutes situations à l’issue imparfaitement maitrisée, mais dont tous les scenarios de sortie sont à priori connus, et auxquels il est possible d’affecter une probabilité d’occurrence. Dans un environnement où la notion de risque est perçue comme la conséquence de l’arbitrage opéré par la société entre le politique, l’économique et le social, l’enjeu serait d’apprendre à évaluer et à gérer l’incertitude à travers diverses formes de contrats de mutualisation des risques, sans compromettre le bien-être des agents.

L’entrée en vigueur de la nouvelle unité de compte commune (euro) en Europe en 1999 était censée favoriser la flexibilité et la convergence des économies nationales, laissant aux seules politiques budgétaires nationales le rôle d’amortisseurs des chocs économiques défavorables. Le résultat a été le moins attendu; les politiques économiques n’ont pas pu favoriser la flexibilité et la convergence des économies. Plus grave encore, la crise financière mondiale de 2008 (crise des subprimes) a enrayé les mécanismes de partage des risques qui se sont développés au travers des marchés financiers. Les politiques budgétaires nationales ne pouvant plus amortir les chocs, cette crise a laissé à la zone euro sans mécanisme d’assurance.

Dans le même ordre d’idées, quelques épisodes spécifiques de l’évolution du cadre macroéconomique dans la sous-région Cemac révèlent qu’entre le milieu des années soixante et le milieu des années quatre-vingt, la sous-région a bénéficié de l’amélioration des termes de l’échange, suite à la hausse brutale et d’une ampleur exceptionnelle des prix du pétrole brut durant la décennie 1970, et la hausse des prix des matières premières en 1979. Au cours de cette période faste, l’augmentation des prix des produits exportés par les pays de la sous- région Cemac, comme les autres pays de l’Afrique subsaharienne, est devenue leur principale source de revenu. Cette situation leur a permis de mener des stratégies de développement basées sur l’exploitation de produits primaires jusqu’aux années quatre-vingt. Puis vint la période de 1985 à 1993, où deux chocs majeurs ont secoué l’ensemble des pays subsahariens, entrainant ainsi une dégradation considérable des termes de l’échange. Il s’agit en effet de la baisse considérable des cours des principaux produits d’exportation tels que le cacao, le café, le coton et le pétrole; conjuguée de la baisse du dollar américain vis-à-vis des autres devises.

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Face à ces deux chocs exogènes, le besoin d’ajustement des économies de ces pays s’est fait sentir. Malheureusement, les différentes stratégies d’ajustement internes n’ont pas connu de succès. Les efforts entrepris ont été nettement insuffisants pour renouer avec la croissance, et rétablir les équilibres des grandeurs macroéconomiques. Ainsi, en 1994, la nécessité d’un réajustement de la parité entre le franc CFA et le franc français, motivée par l’idée qu’il permettrait aux pays de la zone franc de retrouver une compétitivité-prix s’est imposée. Suite à ces situations, les pays membres de l’UDEAC2 ont pris des dispositions en vue de renforcer l’intégration sous-régionale dans le cadre de la Cemac.

A la faveur de la théorie des zones monétaires optimales, la mise en place d’une union monétaire est susceptible d’influencer non seulement la nature des chocs, mais aussi leur impact sur l’économie. Cependant, l’existence des unions monétaires pose un ensemble de questions fondamentales pour la théorie économique. La plus évidente est la question de la détermination des chocs asymétriques et les mécanismes d’ajustement pour y faire face. En effet, dans une union monétaire, le Policy-mix consiste en une coordination entre les politiques budgétaires nationales, nécessaires pour assurer la stabilisation de l’activité économique à court terme, face aux chocs spécifiques. Et la politique monétaire commune, qui consiste à réguler l’évolution de la masse monétaire en fonction des objectifs de stabilité des prix et de relance de l’activité économique (Wyplosz, 1991). En l’absence de ces instruments traditionnels (politique monétaire, budgétaire et de change) pour faire face aux crises économiques, d’autres mécanismes d’ajustement s’imposent. Et ces mécanismes de stabilisation alternatifs peuvent prendre des formes diverses, soit la forme de fédéralisme budgétaire, considérée comme un mécanisme d’assurance-revenu automatique, visant à atténuer l’effet négatif d’un choc asymétrique, malgré les effets des incitatifs que ces transferts exercent. Soit alors la forme de système de partage des risques par le marché, afin de lisser la consommation et les revenus après une perturbation économique.

Dès lors, une question centrale se pose dans le cadre de l’intégration en zone Cemac.

Plutôt que de se focaliser sur l’optimalité ex-ante à la formation d’une union monétaire, la question fondamentale nous semble celleex-post, sur la dynamique de développement des mécanismes de partage des risques macroéconomiques, dans le cadre de la théorie endogène des zones monétaires optimales. Plus clairement, existe-il des canaux précis de partage de risques dans la zone Cemac et quelle est leur importance relative dans le lissage des chocs

2 Union Douanière des Etats de l’Afrique Centrale.

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dans cette sous-région ? Cette interrogation apparaît d’autant plus fondamentale que la Cemac présente une intensité commerciale intra sous-régionale très faible, de l’ordre de 3%

(Lochard, 2005), ne pouvant pas favoriser une corrélation des cycles économiques des pays membres. Une faible flexibilité des prix dont l’ajustement est également très coûteux en chômage. Dans ces conditions, la capacité de l’intégration économique et monétaire à permettre un partage efficace des risques macroéconomiques est sujette à questionnement, et suscite une investigation. Notons par ailleurs que la littérature relative à l’identification et à l’évaluation des mécanismes de partage de risques (Artis,2006;Sorensen et Yosha,1998;Mélitz et Zumer,2002; Kalemli-Ozcan,Sorensen et Yosha,2003,) met en évidence une carence des travaux sur l’Afrique, et plus particulièrement sur les pays de la Cemac, qui sont pourtant directement concernés par la problématique, en raison des graves crises économiques dont-ils ont été victimes et des questionnements que suscitent les stratégies de résilience à ces chocs. Aussi, une identification et une évaluation de la portée des canaux de partages des risques dans cette sous-région seraient opportunes.

Cet article a pour objectif d’identifier et d’évaluer la portée des mécanismes de lissage de la consommation et des revenus entre les pays de la Cemac.

Les contributions qui ressortent de cette étude sont les suivantes: Premièrement, nous identifions les canaux de partage de risques à partir des comptes nationaux, dans le but de décomposer la variance du Produit Intérieur Brut, ce qui permet d’estimer les principaux flux multinationaux que sont les revenus nets des facteurs, la consommation de capital fixe, les transferts internationaux et l’épargne nette. Deuxièmement, nous montrons que l’intégration sous-régionale assure un partage efficace des risques à travers le canal de l’épargne dans la zone Cemac.

Le reste de l’article est organisé comme suit. La section 2 est consacrée à une revue de la littérature sur le concept de mutualisation des risques macroéconomiques. La section 3 présente la construction méthodologique et la présentation des résultats, et la quatrième conclut avec des recommandations de politiques économiques.

2- La mutualisation des risques macroéconomiques comme mécanisme d’assurance dans une union monétaire : Quelques enseignements théoriques

La théorie des zones monétaires optimales est apparue comme une réponse à Friedman (1953), qui préconisait alors un système de taux de change flottant alors que le monde était au

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début de l’expérience de Bretton-Woods. En effet, pour rompre avec le débat entre changes fixes et changes flexibles, Mundell affirme qu’aucun régime fixe ou flottant n’est meilleur à priori; le choix d’un régime de change doit dépendre d’un certain nombre de conditions. Pour lui, le seul moyen d'ajustement face à des chocs asymétriques consiste à utiliser l'instrument du taux de change, si les prix et les salaires sont fixes et si la mobilité du travail est faible (Mundell ,1961).Ainsi, la théorie des Zones monétaires optimales (ZMO) est née et s’est développée au début des années 1960.

Les premières analyses sur l’optimalité d’une zone monétaire se sont orientées vers un arbitrage bénéfices-coûts d’une monnaie commune. En effet, selon la théorie, les avantages d'une monnaie commune sont principalement microéconomiques et donc plus difficiles à quantifier : la réduction des coûts de transaction, l'élimination du risque de change, des prix plus stables et plus transparents, une meilleure concurrence. Les inconvénients d'une monnaie unique quant à eux sont principalement macroéconomiques et proviennent de la perte de flexibilité pour amortir les chocs asymétriques, afin de gérer les déséquilibres internes et/ou externes : la perte de l’autonomie de la politique monétaire et la perte du mécanisme d’ajustement nominal externe.

Au-delà de cette vision statique, les développements théoriques ultérieurs ont amorcé à la fin des années 1990, un renouvèlement profond qui touche la conception même d’une zone monétaire optimale. Désormais, cette dernière ne se verrait plus définie au regard des critères

«exogènes», mais s’est vu doté d’un statut endogène, qui découlerait des dynamiques induites par l’instauration d’une union monétaire. Ces travaux révèlent que la réduction des coûts de transaction et la suppression de l’incertitude relative aux variations des taux de change bilatéraux peuvent être à leur tour, à l’origine d’un accroissement des échanges commerciaux, financiers et d’un développement des mécanismes de partage des risques au sein de l’union monétaire.

L'intuition de Frankel et Rose en 1997 est que la monnaie unique créerait des cercles vertueux, qui augmenteraient l'optimalité d'une union monétaire au fil du temps, c’est la théorie de l’endogénéité : l’intégration nourrit l’intégration. Dans cette vision endogène, le problème est la gestion des risques macroéconomiques asymétriques dans une union monétaire. En effet, dans une telle structure constituée d’un ensemble d’économies hétérogènes, les théoriciens des zones monétaires optimales s’interrogent sur la question de l’existence de mécanismes de mutualisation des risques entre pays ou agents économiques.

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Après avoir analysé les mécanismes de mutualisations des risques à travers les transferts budgétaires (A), nous allons procéder à l’analyse des mécanismes de partage des risques à travers les marchés (B).

A- Le fédéralisme budgétaire comme mécanisme de partage public des risques macroéconomiques

La théorie du fédéralisme budgétaire a, depuis Musgrave(1959) mis l’accent sur l’augmentation de bien-être résultant de la centralisation des fonctions stabilisatrice et redistributive des finances publiques, et de la décentralisation de la fonction allocative. Le fédéralisme budgétaire fait référence au développement d’un système budgétaire centralisé qui intègre tous les membres d’une fédération ou d’un État fédéral, et à la manière de répartir les différentes fonctions des finances publiques entre les différents échelons (Whyman et Bainbridge, 2004). La théorie classique du fédéralisme budgétaire a identifié deux raisons en débat, pour lesquelles une union monétaire devrait avoir une politique budgétaire centralisée : la stabilisation des chocs symétriques et asymétriques et la redistribution du revenu.

Stabilisation versus redistribution ?

La question qui a préoccupé en premier lieu les économistes est celle de la stabilisation budgétaire, dans la mesure où le phénomène le plus dangereux pour la viabilité d’une union monétaire serait l'éventualité de chocs asymétriques transitoires, créant un chômage « régional

», alors même que la réponse monétaire nationale n'est plus possible. En ce sens, la question de la redistribution serait moins urgente car, seul un choc transitoire asymétrique menace immédiatement et directement la stabilité de l'union. Pourtant, certains auteurs ont affirmé qu'une union monétaire viable nécessite une redistribution du revenu entre les régions (Allen, 1976). En effet, la redistribution, par définition, ne peut être entreprise de manière décentralisée, tandis que la stabilisation peut théoriquement s'effectuer par une gestion inter- temporelle des budgets nationaux. Dans cette optique, le fédéralisme budgétaire concernerait surtout la fonction redistributive. Cependant, Allen (1976) reconnaît que la redistribution requiert la définition d'une fonction de bien-être pour l'ensemble de l'union, qui ne peut être formulée que par une union politique.

Finalement, la raison pour laquelle le débat s'est concentré sur la question de la stabilisation et non sur celle de la redistribution provient simplement du fait que la politique monétaire ne

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peut agir directement contre les inégalités de revenu de long terme. Un budget fédéral a pour double effet de redistribuer et de stabiliser le revenu des Etats. Il y a redistribution lorsque le revenu disponible de chaque Etat diffère de son revenu primaire, en raison des prélèvements et des transferts : le rapport du revenu disponible au revenu primaire est alors plus élevé pour un Etat pauvre que pour un Etat riche. En revanche, il y a stabilisation lorsque, pour tout Etat, qu'il soit riche ou pauvre, les variations transitoires du revenu disponible sont plus faibles que celles du revenu primaire.

En pratique, redistribution et stabilisation existent simultanément et transitent par les mêmes canaux, mais ces effets sont distincts en théorie (Italianer et Pisani-Ferry, 1992).Le degré de stabilisation et de redistribution résultant des budgets fédéraux a fait l'objet de nombreuses estimations économétriques (Sachs et Sala-i-Martin, 1991 ; Von Hagen, 1992 ; Goodhart et Smith, 1993 ; Bayoumi et Masson, 1995). Ainsi, en prolongeant l’argument de Von Hagen (1992), Bayoumi et Masson (1995) ont étudié les systèmes budgétaires des Etats-Unis et du Canada, leur apport principal a résidé dans une distinction conceptuelle claire entre stabilisation et redistribution. D’après leurs estimations, les effets de stabilisation (qui s'élèvent à 30 %) sont nettement plus importants que les effets redistributifs (22 %) aux Etats- Unis. Selon ces auteurs, si Von Hagen a obtenu des effets stabilisateurs beaucoup plus faibles aux Etats- Unis, cela serait dû, en partie, à sa prise en compte incomplète des transferts budgétaires. Pour mesurer la redistribution, Bayoumi et Masson (1995) ont régressé en coupe transversale le revenu disponible par tête de chaque région sur son revenu primaire par tête.

Pour les Etats-Unis, leur coefficient de 0,78 indique qu'en moyenne les flux budgétaires fédéraux réduisent les inégalités régionales de revenu. Bien que cette estimation soit un peu inférieure à celle de Sala-i-Martin et Sachs (1991), elle suggère un effet redistributif substantiel. Pour évaluer l'effet stabilisateur, ils estiment la même relation en séries temporelles, et trouvent un coefficient de 0,70, suggérant que la stabilisation des fluctuations de court terme est très élevée. Ainsi, ces deux auteurs ont réussi à dissocier les fonctions de péréquation et de coassurance du système budgétaire fédéral des Etats-Unis.

Le Canada quant à lui constitue un cas intéressant de système fédéral d'impôts et de transferts.

En effet, les résultats de Bayoumi et Masson indiquent une stabilisation plus faible qu'aux Etats-Unis (17 %) et un effet redistributif plus élevé (39 %). Même si l'atténuation des chocs apparaît moins marquée au Canada qu'aux Etats-Unis, ces résultats semblent confirmer qu'un système fédéral d'impôts et de transferts est une condition essentielle au bon fonctionnement d'une union monétaire. Il est noté par ailleurs que cet effet stabilisateur plus faible au Canada

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a une contrepartie : les gouvernements des Provinces canadiennes sont des pouvoirs de stabilisation budgétaire plus importants que ceux des Etats américains. En fait, au Canada, les transferts émanant du gouvernement fédéral constituent un filet de sécurité, puisqu’ils diminuent l'éventualité de crises financières et qu'ils permettent aux gouvernements provinciaux dont la situation budgétaire est moins bonne, d'avoir accès aux marchés internationaux de capitaux (Bishop et al, 1989). Selon Fatàs (1997), les résultats du type Bayoumi et Masson ne constitue qu'une mesure de l'effet stabilisateur des transferts, qui surestime largement le degré d'assurance inter-régionale aux Etats-Unis. Le fait que les recettes versées à l'Etat fédéral dépendent de la conjoncture locale, alors que les transferts reçus de l'échelon fédéral sont, soit indépendants de l'activité, soit compensent une baisse de l'activité, a pour conséquence qu'un budget fédéral est un puissant stabilisateur des chocs qui affectent les Etats de l'union.

Pour recentrer la question de la stabilisation et de la redistribution dans le contexte plus général de l'ensemble des moyens d'assurance mutuelle inter-régional, Asdrubali, Sorensen et Yosha (1996) tentent d'évaluer l'importance relative des différents canaux de lissage du revenu et de la consommation régionale. Ils trouvent une stabilisation budgétaire de 13%, alors que les mécanismes de marché (revenus du capital et crédit interrégionaux) lissent 62% d’un choc sur le produit. Cette importance des canaux de marché en tant que mécanisme d’assurance face à un choc asymétrique est confirmée par les travaux de Melitz et Zumer (1999, 2002), Kalemli-Ozcan, Sorensen et Yosha (2003) et Asdrubali et Kim (2004, 2008), qui soulignent en particulier la forte stabilisation par les revenus du capital à l’intérieur des États-Unis. Notons cependant que les travaux de Farhi et Werning (2017) soulignent la complémentarité du partage privé/public des risques. En effet, même lorsque les marchés financiers sont « complets » il y a une inefficience au partage purement privé des risques, et donc un rôle utile de l’intervention publique.

Cette bipolarisation a abouti à l’inaction dans le cas européen. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle les récentes tentatives de la Commission européenne d’une part, et d’un groupe d’économistes français et allemands d’autre part (Bénassy-Quéré et al., 2018), pour sortir de cette impasse sont bienvenues. Toutefois, se focaliser excessivement sur le partage public des risques serait une erreur.

L’intégration monétaire devrait aussi théoriquement favoriser une forte mobilité du capital et donc augmenter le partage de risques via les flux de revenus du capital à l’intérieur de la zone monétaire.

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B- PARTAGE DE RISQUES MACROECONOMIQUES PAR LE CANAL DES MARCHES

Le partage de risques représente un mécanisme d’assurance macroéconomique entre les régions d’un pays, ou entre des pays intégrés dans une zone monétaire. Face à un choc spécifique sur la production (revenu) domestique, la région (pays) touchée perd moins en termes de croissance, que le choc sur le revenu ne pourrait le laisser craindre en raison du rôle stabilisateur des revenus tirés de la possession d’actifs financiers sur d’autres régions (pays) de la zone non touchées par le choc (Clévenot et Duwicquet, 2011). Les actifs ainsi détenus donnent lieu à des revenus qui ne sont pas impactés par le choc spécifique. Ce qui permet un certain lissage de la consommation.

Le partage de risque modifie les contours du débat sur les zones monétaires optimales. Le critère principal ne semble plus être la symétrie des cycles, mais la décorrélation entre consommation et revenu domestique. En effet, l’intégration financière profonde permet de diversifier les portefeuilles d’actifs. Chaque région détenant un actif d’une autre région dont les prix et les revenus sont censés ne pas être corrélés, et donc de partager le risque lié à un choc récessif réel à l’intérieur de la zone monétaire (Artis, 2006).

Le premier article relatif à la mesure du degré du partage de risques international est celui de Brennan et Solnik (1989). En effet, ces derniers se sont intéressés à l’impact de la mobilité internationale du capital sur la volatilité de la consommation. Leur conclusion principale est qu’en présence d’une mobilité du capital, la consommation s’avère moins volatile, comparativement au cas d’absence de mobilité internationale. Cependant, Brennan et Solnik (1989) ne s’intéressent pas au canal des revenus du capital extérieurs, ni à celui des transferts budgétaires. Cette limite est levée par l’étude d’Atkeson et Bayoumi (1993), qui tire deux conclusions importantes : Premièrement, la mobilité du capital entre les régions américaines serait bien plus élevée qu’entre les pays européens. Deuxièmement, malgré cette forte mobilité interrégionale, les revenus du capital ne permettraient pas d’assurer efficacement une région contre un choc idiosyncratique. Pour eux, la stabilisation régionale à travers le budget fédéral serait plus efficace.

De nombreux travaux ont été menés sur cette question de partage de risques dans le cas de l’Union Economique et Monétaire. Ils ont pris essentiellement deux formes : tout d’abord, une série d’investigations théoriques comparant les conditions de mise en œuvre du partage de risques en régime d’union monétaire à celles pouvant prévaloir sous un système de changes

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flottants, et les effets relatifs en termes de bien-être qui en découlent. Ainsi, Neumeyer (1998) montre que l’union monétaire peut entraîner des gains en bien-être par rapport à un régime de changes flexibles‚ dès lors que la variabilité des taux de change ne relève pas seulement de celle de leurs fondamentaux. C’est le cas, si les gains associés à l’élimination d’une telle volatilité s’avèrent plus élevés que les coûts suscités par un mode plus restreint de partage de risques. La deuxième forme concerne les analyses empiriques cherchant à caractériser l’ampleur et les modalités du partage des risques opérant au sein de l’UEM (Demyanik et al.

2008).

Au regard de la théorie des zones monétaires optimales, l’on ne devrait pas considérer seulement le partage de risques comme un substitut possible à la flexibilité des changes, en matière de gestion des chocs asymétriques (Ingram, 1959, 1973 ou Eichengreen ,1990). Mais, qu’il faut surtout le percevoir comme un mécanisme susceptible de limiter de manière significative les coûts associés à la participation à l’union monétaire. Dans la pratique, les marchés peuvent fournir des mécanismes de partage de risques, facilitant ainsi la participation d’un pays à une union monétaire. Les membres de l’union peuvent partager les risques grâce à une propriété croisée des avoirs productifs. Ils peuvent également lisser leur consommation en prêtant ou en empruntant sur les marchés nationaux de crédit. Ainsi, si les marchés sont complets, le partage de risques par le biais de ces mécanismes peut être parfait. Cependant, le partage de risques peut s’avérer être insuffisant, tel que montrent la série de travaux empiriques sur les Etats-Unis et l’Europe. Ainsi, Asdrubali et al. (1996) identifient les mécanismes à l’aide desquels peut s’effectuer le partage de risques aux Etats-Unis. Ils proposent également un cadre permettant de calculer le degré de partage de risques réalisé par chacune de ces formes de lissage, en décomposant ces mécanismes en divers éléments. A l’aide de la méthodologie semblable à celle d’Asdrubaliet al. (1996), Sorensen et Yosha (1998) étudient les profils du revenu et de la consommation dans les États de l’Union européenne. Ils observent que les transferts publics contribuent davantage au lissage de la consommation aux Etats-Unis qu’entre les divers pays d’Europe. De plus, leurs résultats indiquent que les marchés de capitaux et du crédit sont plus intégrés aux Etats-Unis qu’au sein de l’Union européenne, car le lissage de la consommation est plus prononcé aux Etats-Unis.

Del Negro (1998) quant à lui, tient compte des aspects intertemporels, en utilisant des mesures du revenu permanent plutôt que du revenu de la période en cours. Ainsi, il observe qu’il n’y a guère de lissage des chocs à l’échelle de l’Europe. Athanasoulis et Van Wincoop

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(1998) proposent une approche utilisant des mesures de l’incertitude liée aux taux de croissance relatifs aux Etats-Unis. Ils observent que 71% des gains potentiels découlant, sur le plan du bien-être du partage de risques ont été réalisés dans l’économie américaine, c’est à dire 60% effectué par l’entremise des marchés financiers et 11% par l’entremise de la politique budgétaire fédérale.

Les travaux de Pisani-Ferry (2012), Allard et al. (2013), et Furceri et Zdzienicka(2013) ont montré que les mécanismes de partage des risques étaient peu efficaces en zone euro, suite à la persistance des chocs asymétriques importants au sein de l’UEM.

Après avoir posé les enjeux du partage de risques ou «risk-sharing» pour différentes zones, nous présentons dans la section suivante la méthode mobilisée pour identifier les canaux du « risk-sharing »et évaluer la portée de ces canaux de partage de risques dans le cadre de la Cemac.

3- Construction méthodologique et résultats

Cette section présente deux articulations: dans un premier temps, nous allons spécifier le modèle et les données utilisées (A). Dans un second temps, nous allons estimer le modèle, présenter les résultats et leurs implications (B).

A- Spécification du modèle international du partage de risques

Le modèle appliquée ici intègre la notion des comptes nationaux, pour décomposer la variance des taux de croissance du PIB. Cette décomposition permet d’estimer les principaux canaux d’assurance des chocs asymétriques entre groupe de pays. Le premier canal est la mobilité internationale des facteurs. En effet, dans un groupe de partage de risques, où il existe une libre circulation et un libre établissement des personnes, les chômeurs d’un pays en crise économique peuvent temporairement migrer vers les partenaires en expansion où la demande de main-d’œuvre est excédentaire. Ainsi, les revenus obtenus de ce type de migration contribuent à amoindrir l’effet du choc sur la consommation (Eichengreen ,1993;

Obstfeld et al. ,1998). De plus, les détenteurs de capitaux peuvent également ajuster, sur un court horizon, la taille ou la composition de leurs portefeuilles d’actifs dans l’union, afin de répondre à l’asymétrie des chocs. Le deuxième canal, la dépréciation du capital, contribue à stabiliser la consommation. Le troisième canal concerne les transferts internationaux, qui contribuent à compenser l’impact d’un choc spécifique, s’ils sont contra cycliques (élevés en

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période de récession et faibles en période d’expansion). Ceux-ci peuvent être des transferts publics ou privés. Ils peuvent également être internes au groupe de partage (fonds structurels) ou externes au groupe de partage (don en provenance de tiers). Enfin, le quatrième canal représente les marchés internationaux de crédits; ceux-ci permettent le transfert de l’épargne entre les pays. En effet, les marchés financiers régionaux ou internationaux (bourse régionale, marché interbancaire ou marché des titres) peuvent être à ce titre une réponse adaptée aux chocs circonstanciels et asymétriques, en servant de supports à l’épargne régionale. Les ménages, les entreprises et les gouvernements d’un pays en difficulté temporaire peuvent bénéficier de l’épargne constituée par les partenaires en expansion si les marchés financiers sont développés. Rappelons toutefois que la difficulté due au manque d’informations sur les flux bilatéraux, qui pourraient servir de supports pour le partage des chocs asymétriques entre États est contournée par le développement d’une méthode, qui ne permet que la mesure des flux internationaux qui pourraient contribuer au partage de risques. À cet effet, les seuls flux multinationaux retenus dans ce modèle sont: les revenus nets des facteurs, la consommation de capital fixe, les transferts internationaux et l’épargne nette.

Le modèle prend donc pour base l’identité comptable suivante :

i i i

i i

i i i

Y PNB A

Y C

PNB A C

    (1)

Yi est le PIB,PNBi est le produit national brut, Ai est l’absorption nationale et Ci est la somme des consommations privée et publique.

De cette identité, nousspécifions la technologie suivante:

   

it it it it

it it

it it it it

PIB PNB RN RND

PIB C G

PNB RN RND C G

     

 (2)

AvecPIBit représentant le produit intérieur brut du pays i à l’année t; PNBitest la somme du Produit Intérieur Brut du pays i à l’année t et des revenus internationaux nets de facteurs;

RNitc’est l’écart entre le produit national brut du pays i à l’année t et la consommation du capital fixe; RNDitest le revenu national disponible, il représente l’ensemble du revenu national et les transferts nets internationaux. Il peut également être identifié par l’ensemble des consommations publiques et privées, et l’épargne totale. Cette spécification permet de discuter du phénomène de partage de risques macroéconomiques. En effet, après un choc

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asymétrique sur le PIB, si les revenus nets des facteurs contribuent à compenser totalement l’effet du choc, alors le PNB demeure inchangé. Si la consommation du capital fixe aide à compenser totalement l’effet du choc sur le PIB, le revenu national reste constant, alors que le PIB et le PNB varient. Aussi, si les transferts internationaux nets réduisent considérablement ou totalement le choc, le revenu national disponible reste constant, alors que le PIB, le PNB et le RN varient. Si l’épargne compense également la totalité du choc, la consommation demeure constante alors que le PIB, le PNB, le RN et le RND varient. Enfin, si la consommation varie, l’effet du choc ne sera pas complètement neutralisé.

De l’identité spécifiée, nous dérivons un système d’équations permettant d’estimer les canaux de partage des chocs asymétriques affectant les pays de la Cemac. La linéarisation et la différenciation première de cette identité donne la décomposition du taux de croissance du PIB suivante:

   

     

 

 

it it it it it

it it it it

it

LogPIB LogPIB LogPNB LogPNB LogRN

LogRN LogRND LogRND Log C G

Log C G

        

        

  

(3)

En multipliant cette décomposition par LogPIBit et l’espérance mathématique, l’on obtient:

 

   

 

  

log 2

log log log log

log log log

it it it it

it it it it it it

it it it it it

E PIB E LogPIB LogPIB LogPNB

E LogPIB PNB RN E LogPIB RN RND

E PIB RND Log C G E PIB Log C G

   

       

     

(4)

Pour déterminer la variance deLogPIBit, le calcul deE

logPIBit

2 est indispensable:

     

   

   

 

 

2

log log

log log

log log

lo

it it it it it

it it it it

it it it it

it it it

E PIB E LogPIB E PIB LogPIB LogPNB

E LogPIB E LogPIB PNB RN

E LogPIB E PIB LogRN LogRND E PIB E LogPIB LogRND Log C G E

   

   

   

   

 

 

 

g it it

it it it

PIB Log C G

E LogPIB E LogPIB Log C G

 

 

(5)

(15)

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La décomposition transversale de la variance des taux de croissance du PIB se présente comme suit:

 

 

 

   

 

 

 

2 2

, ,

, ,

,

it it it

it it it it it it

it it it it it it

it it

V LogPIB E LogPIB E LogPIB

Cov LogPIB LogPIB LogPNB Cov LogPIB LogPNB LogRN Cov LogPIB LogRN LogRND Cov LogPIB LogRND Log C G Cov LogPIB Log C G

   

   

(6)

En divisant chaque membre de cette décomposition de la variance parV

LogPIBit

, afin de déterminer aisément les différents coefficients de régression, l’expression deviendra:

   

 

 

 

 

 

 

 

 

2 2

1

,

,

,

,

it it

it

it it it

it

it it it

it

it it it

it

it it it

E LogPIB E LogPIB V LogPIB

Cov LogPIB LogPIB LogPNB V LogPIB

Cov LogPIB LogPNB LogRN V LogPIB

Cov LogPIB LogRN LogRND V LogPIB

Cov LogPIB LogRND Log C G

   

 

 

   

 

   

 

   

 

    

 

 

 

,

it

it it

it

V LogPIB Cov LogPIB Log C G

V LogPIB

 

   

 

 

(7)

Pour simplifier l’écriture, cette équation devient3:

1 2 3 4 5 1

        

Avec

 

 

1

it, it it

it

Cov LogPIB LogPIB LogPNB V LogPIB

   

 

 

2

it, it it

it

Cov LogPIB LogPNB LogRN V LogPIB

   

3 La somme des coefficients est égale à un, parce que ces derniers sont issus de la décomposition du PIB. Les estimations en moindres carrés généralisés sont dans ce cas équivalentes à la méthode SUR (Seemingly Unrelated Regression) à regresseur identique.

(16)

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 

 

3

it, it it

it

Cov LogPIB LogRN LogRND V LogPIB

   

 

 

4

it, it it

it

Cov LogPIB LogRND Log C G

V LogPIB

   

 

 

5

it, it

it

Cov LogPIB Log C G V LogPIB

 

Comme le mécanisme de partage de risques n’est possible que pour les chocs asymétriques, les canaux y afférents sont estimés alors à travers un système d’équations incorporant les effets fixes temporels (1t,2t, 3t,4t et 5t) qui captent l’impact des chocs covariants4:

 

 

1

1 1

2

2 2

3

3 3

4

4 4

5

5 5

t

it it it it

t

it it it it

t

it it it it

t

it it it it

t

it it

it

LogPIB LogPNB LogPIB LogPNB LogRN LogPIB LogRN LogRND LogPIB

LogRND Log C G LogPIB

Log C G LogPIB

  

  

  

  

  

      

      

      

       

     

(8)

L’inclusion de ces effets fixes permet d’interpréter les coefficients du système d’équations comme les pourcentages de chocs asymétriques compensés respectivement par les revenus nets des facteurs (1), par la consommation de capital fixe (2), par les transferts internationaux nets (3) et par l’épargne nette (4) ; 5 mesure la proportion des chocs asymétriques qui ne sont pas partagés. Lesit1,it2,it3,it4,it5représentent les termes d’erreur.

Les données utilisées dans l’estimation de ce modèle sont extraites de la base World Development Indicator, couvrent la période allant de 1980 à 2011, et comportent le Produit Intérieur Brut, le Produit National Brut, le revenu national, la consommation totale, le revenu national disponible et l’épargne nette.

B- Résultats des estimations et implications

4 Les effets fixes mesurent l’impact des chocs symétriques‚ c’est-à-dire des chocs qui affectent uniformément les pays. Les chocs symétriques ne sont partageables qu’éventuellement avec les pays hors du groupe d’assurance.

(17)

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L’estimation en première différence du modèle spécifié a permis de garantir que toutes les variables sont stationnaires. Puis, l’estimation avec les moindres carrés généralisés s’est faite en deux étapes. D’abord, corriger l’hétéroscédasticité par pays et l’auto corrélation de premier ordre par la méthode de Cochrane-Orcutt (1949), puis à l’application des moindres carrés ordinaires sans contraintes sur les coefficients.

Le tableau ci-dessous présente les estimations par les moindres carrés généralisés pour la Cemac.

Tableau 1: Coefficients issus de l’estimation du système par les MCG

Coefficients issus de l’estimation du système par les MCG

RF

0.914 (0.120332)

D 0.915

(0.127082)

T 0.785

(0.139794)

E 0.537

(0.130482) Source: Auteurs

Note: Les coefficients estimés sont au-dessus des écart-types entre parenthèses.

Au regard du tableau ci-dessus, l’on note que tous les coefficients issus du système sont tous positifs et significatifs. À partir de ces coefficients, et conformément à la méthodologie employée par Sorensen et Yosha (1998), les valeurs des canaux de partage de risques en pourcentage, donnent le tableau suivant:

Tableau 2: valeurs des canaux de partage de risques en pourcentage

Canal de partage de risque Calcul Part en pourcentage (%)

(18)

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Revenus de facteurs

RF  (1 

RF) 100 8.6 Dépréciation du capital

D  (

RF

D) 100 -0.1

Transferts

T  (

D

T) 100 13

Épargne

E  (

T

E) 100 24.8

Non partagés

NP  (

E) 100 53.7

Source: Auteurs

Les valeurs des canaux de partage de risques indiquent que, sur la période d’étude, 46,3% des chocs asymétriques ont été partagés entre les pays de la Cemac. Ainsi, le niveau de partage de risques des chocs asymétriques entre les pays de cette sous-région est donc relativement moyen. La contribution des revenus nets des facteurs s’élève à 8,6% au sein de la zone, celle de la dépréciation du capital au partage des risques est très faible et négative (-0,1%). Le canal des transferts internationaux, c’est-à-dire les flux financiers sans contrepartie (y compris les transferts des agents privés) est de (13%). Le canal d’épargne est celui qui contribue le plus à compenser 24,8% des effets des chocs asymétriques dans Cemac.

Ces résultats sont conformes avec la théorie. En effet, d’après la théorie du «risk- sharing», qui prolonge une longue tradition remontant aux travaux fondateurs de Mundell (1961), en cas d’absence de zone monétaire optimale liée à une insuffisante mobilité de la main d’œuvre, l’intégration financière, par la mobilité du capital financier est susceptible de pallier à la faiblesse des mécanismes d’ajustement traditionnels. En effet, au regard de nos résultats, le rôle des revenus nets des facteurs dans le partage de risques est cohérent. Avec la configuration actuelle des économies de la Cemac, la mobilité temporaire du travail comme mécanisme d’ajustement est limitée par le développement inégal des activités dans les différents pays. Les flux migratoires quoiqu’importants, se font principalement en direction de quelques pays, et butent souvent sur l’obstacle des tensions politiques. En dépit des efforts consentis depuis 1964 pour la construction d’une zone d’intégration, la libre circulation des personnes et des biens reste toujours entravée, notamment par l’exigence de visas à l’entrée dans certains pays membres, l’accroissement des tracasseries administratives le long des corridors intérieurs et aux frontières de tous les États membres, l’insécurité croissante le long

(19)

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des corridors, avec l’observation des phénomènes de grand banditisme, vols et mouvements terroristes (secte islamique « BokoHaram »).En revanche, l’approfondissement financier a favorisé une relative mobilité des capitaux et les transferts d’épargne. Cette intégration financière s’est matérialisée par la consolidation progressive du marché financier. En effet, il s’agit de l’assainissement de ce secteur, du renforcement de la supervision bancaire par la COBAC5. D’autres actions d’intégration financière notées sont celles relatives à la facilitation de l’implantation effective des banques au sein de l’union, au renforcement des activités de micro-finance, à la modernisation des moyens et système de paiements au plan sous-régional, au développement d’institutions de financement à long terme et au fonctionnement effectif de la bourse sous-régionale (BVMAC)6. En matière de développement du marché des capitaux, les circuits de financement à moyen et long terme sont en pleine évolution, avec notamment la restructuration et la reprise des financements de la BDEAC7.Il convient de rappeler également que la BEAC8 a créé en 2001 un fonds de stabilisation et un fonds pour les générations futures, en vue d’améliorer la gestion des ressources pétrolières et, partant, contribuer à approfondir le marché financier. Au niveau de ce fonds de stabilisation, les pays peuvent verser 50% de leurs recettes pétrolières « excédentaires », définies comme étant des recettes obtenues lorsque les cours sont supérieurs à leur moyenne sur 5 ans. À l’inverse, les pays peuvent tirer sur le fonds à hauteur de 50% du manque à gagner. Quant au fonds pour les générations futures, il consiste en un fonds d’épargne où les pays peuvent déposer jusqu’à 10% des recettes pétrolières. Relevons également que les pays membres de la zone Cemac empruntent l’épargne supplémentaire sur les marchés financiers, d’où la contribution élevée du canal d’épargne dans le partage de risques observée.

Par ailleurs, la suppression des incertitudes sur le taux de change a un effet relativement positif sur les dons et les envois de fonds des migrants en direction de la Cemac.

Les pays membres de la sous-région, comme ceux de la zone franc globalement‚ bénéficient d’une assurance de tiers. C’est le cas avec la France, à travers son aide publique au développement et les comptes d’opérations.

4- Conclusion et discussions de politiques économiques

5 Commission bancaire d’Afrique Centrale.

6 Bourse de valeurs mobilières d’Afrique Centrale.

7 Banque de développement des Etats d’Afrique Centrale.

8 Banque des Etats de l’Afrique Centrale.

(20)

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La présente étude a permis d’identifier les principaux canaux de partage de risques macroéconomiques et d’évaluer l’importance de ces mécanismes de partage de risques dans le cadre de la Cemac. Nous avons utilisé la méthode de décomposition de la variance du taux de croissance du PIB, afin d’estimer les canaux de partage des chocs asymétriques entre les pays membres. Les résultats des régressions économétriques ont révélé de façon générale, que le degré de partage des chocs asymétriques entre les pays de la Cemac est relativement moyen.

L’épargne constitue le principal canal du lissage des chocs dans l’union, suivi du canal des transferts internationaux.

Garantir la viabilité et la pertinence économique d’une zone monétaire nécessite une poursuite des réformes de son architecture, pour en assurer la résilience face aux crises.

Etant donné que dans la zone Cemac, l’intermédiation financière reste de façon prédominante du ressort des banques, des progrès dans ce domaine sont indispensables pour un meilleur partage privé de risques. En effet, il conviendrait de progresser rapidement sur une voie de l’union bancaire, qui conduirait à des niveaux élevés de partage de risques, permettant aux ménages et aux entreprises d’accéder à un large éventail de possibilités d’épargne et d’investissement. Cela étant, il est possible après un choc négatif de grande ampleur que le partage de risque par le marché ne suffise pas toujours. Ainsi, préconiser la création d’un mécanisme budgétaire d’absorption des chocs au niveau de la zone, qui vienne en complément des politiques budgétaires nationales, nécessite une réflexion profonde dans le cadre de la Cemac.

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