ÉTUDE BACTÉRIOLOGIQUE D’UN RAYON DE COUVAIN
D’ABEILLE SIMULANT LA LOQUE AMÉRICAINE
C. TOUMANOFF G. ZARIFOPOULOS
Institut Pasteur, Paris
Institut bactériologique
vétérinaire (l’Athènes(Grèce).
SOMMAIRE
Ayant
examiné un vieux rayon de couvain, dontl’aspect,
l’odeur et les spores bactériennesfaisaient croire la
loque
américaine, les auteurs ont isolé un autre germe que Bacillus larvrze. Ils’agissait
d’un bacille dont l’ensemble des caractères apermis
de le classer comme Bacillus circulrzrzs JORDAN.Dans des échantillons de vieux rayons ayant contenu du couvain mort, nous
avons
parfois
constaté laprésence
d’écailles de larves ressemblant fortement à cellesqui
caractérisent les larves mortes de laloque
américaine etprêtant
facilement à confusion avec cette maladie. D’autrepart,
il sedégageait
de ces rayons une odeur semblable à cellequi
émane des larves mortes deloque maligne.
C’est ainsi
qu’en 10 6 2
nous avons reçu un vieux rayon de couvain d’une ruche dont la colonie apéri
au cours de l’annéeprécédente.
Ce rayon contenaitplusieurs
écailles desséchées et une larve
décomposée
etsemi-gluante ; plusieurs
cellules oper- culées étaient d’autrepart percées
par les Abeilles. L’odeurégalement
serapprochait
de celle de la
loque
américaine. Enprocédant
à l’examenmicroscopique,
nous avonsdécelé dans les écailles ainsi que dans la larve des spores bactériennes.
On
pouvait
doncapparemment
croire à laloque
américaine et c’est sous cettedésignation
que ce rayon nous a étéenvoyé
par unspécialiste apicole
dont la com-pétence
en la matière ne fait aucundoute,
maisqui cependant
était induit en erreur,n’ayant
recours vraisemblablementqu’à
un examenportant
surl’aspect
du rayon,son odeur et sur la
présence
des spores.Nous avons
remarqué
tout de suite que les spores étaient différentes de celles de Bacillus larvae et que lesquelques
rares bâtonnetsprésents
dans le corps de la larve avaient unaspect
différent de celui des formesvégétatives
de ce bacillequoique
les bacilles dans un corps en voie de
décomposition puissent
revêtir des formes variées.En
l’occurrence,
les bâtonnets étaient gros etdéformés,
mais néanmoins onpouvait
penser
qu’il s’agissait
dans ce cas de laloque maligne,
B. larvaeprésentant parfois
des formes d’involution très variées.
C’est ainsi que l’isolement du germe était
indispensable
et, pourcela,
nous avonseu recours à la
gélose
aujaune
d’oeufqui
est le milieu deprédilection
pour Bacz’llus larvae.Nous avons alors constaté
qu’il
nes’agissait
pas de cebacille,
mais d’un autregerme
sporulé
dont nousprésentons
ci-dessous ladescription.
Ils’agit
d’un bacilleGram-négatif
dont les dimensions varient deo,6 à
!. ayant des sporesellipsoïdales
mesurant de 0,3 à lA [J.. On observe une certaine variation dans
l’aspect
des sporesqui peuvent
seprésenter
aussi bien sousl’aspect cylindrique
que réniforme. Leur formation est sub-terminale ouparfois
presque médiane.La croissance sur la
gélose
nutritive et lagélose
sérum se fait sous forme d’un enduitplutôt
sec. Sur le bouillonordinaire,
on note une croissance faible et sur lagélatine
une absence deliquéfaction.
La croissance est
légère
sur lagélose
nutritive au rouge neutre. Pas devirage
ni de gaz. Sur pomme de terre : culture
chagrinée.
I,e lait tournesolé n’est pasmodifié ;
lepetit-lait
tournesolé estdécoloré,
mais on n’observe pas lephénomène
de camé-léonage.
Parmi les
glucides :
legalactose
et leglucose
fermentent en 2!heures ;
le maltose lelévulose,
l’arabinose et le lactose sont fermentés en4 8 heures ;
lexylose,
l’arabinose et le lactose donnent unvirage
enquatre jours.
Pas d’action notable sur lesaccharose,
le dulcitol et le mannitex.Réactions d’urée et indole :
négatives.
Catalase :
négative ;
par contre, réaction nitrate-nitritepositive.
Laproduction
de
l’acéty 1-méthylcarbinol
estnégative.
Réaction R 1T :positive.
Pas de croissancesur le milieu de Simmons. F,n ce
qui
concernel’amidon,
il esthydrolysé,
maislégère-
ment.
La
température optima
de croissance est de37 °C.
On n’observe de croissance ni à destempératures
de o à4 0 C,
ni à latempérature
de6 5 °C.
L’ensemble des caractères’de ce bacille nous l’a fait classer comme Bacillus cir- culans
J ORDAN .
Les
spécialistes
debactériologie n’ignorent
pas que B. circulans estlargement répandu
dans la nature etqu’on
le trouve aussi bien dans l’eau que dans lespoussières.
On
n’ignore
pas nonplus qu’il s’agit
d’uneespèce
du genre Bacillaisqui
ne manifestepas d’action
pathogène
certaine surl’homme,
les animaux et entre autres les insectes.Néanmoins HEINECKE
( 195 6)
a observé unesepticémie
due à Bacillus circulans chez Blatta orientali’s.S TEINHAUS ,
àjuger
de la dernièrepublication
de HEIXECKE, considère que B. circulans doit être classé comme unsaprophyte
sansimportance.
Cette
opinion
de STEINHAUS est basée vraisemblablement sur le fait que l’infection des insectes per os par certains germesqui
sont isolés au cours de leursepticémie
s’avère inefficace.
Or,
3.IETAI,NIKOFF( 1927 )
asignalé plusieurs
cas de ce genre. Les bactériesqui
provoquent
une affection dans la nature sontinaptes,
dans les conditionsexpéri-
mentales,
àproduire
la mène maladie.C’est ainsi que la constatation de HEnŒcKE concernant la
septicémie
de Blattaorientalis due à B. circulans ne doit pas être réfutée.
Dans une récente
communication,
HEINECKE a fait connaître que le Bacilluscirculans,
considéré comme unsaprophyte inoffensif, peut
libérer unetoxine,
compa- rable à cellequi
fut isolée par l’un denous,
de Bacilluslarvae, l’agent pathogène
dela
loque
américaine.Il n’est pas à exclure ainsi que la
présence
de Bacillus circulans dans le rayon de couvaindiagnostiqué
comme uneloque
américaine n’est pas fortuite etqu’il s’agisse
1 à d’une infectionqui
ait pu seproduire
à la faveur de certaines circonstances difficiles à définir etqui
n’estpeut-être
que rare, voireexceptionnelle.
On
peut
concevoir que c’est la détérioration de la membranepéritrophique qui
est
parfois
la cause de lasepticémie
aussi bien chez les larves d’Abeilles que chez les Abeilles adultes. Cette détériorationpeut
être due à l’action despoisons
et aussi àl’intoxication par certains
produits
alimentaires. Un cequi
concerne lesAbeilles,
ellepeut
être due àl’ingestion
de certainspollens.
Lesmicroorganismes
ayantpénétré
dans le tube
digestif,
ouvrent alors la voie à lasepticémie.
En
l’occurence,
nous n’avons pas laprétention
d’avoir découvert une nouvellemaladie des larves
d’Abeilles,
d’autantplus
que nous avions affaire à un vieux rayon de couvain et que nous n’avons pas une preuvecertaine, expérimentale,
de l’effetpathogène
de Bacillus circulans pour les larves d’Abeilles.On ne doit pas
cependant
écarter l’existence de mortalités de ces larves dues à d’autres germes que ceuxqui provoquent
les maladies bien connues.Afin que les connaissances dans ce sens
progressent,
il faudrait que dans les laboratoires où l’onpratique
lediagnostic
des maladies des Abeilles et de leur couvainon ait recours constamment à l’examen
bactériologique approfondi.
L’un de nous
(TouM!!ox!, z 9 2 7 ),
adéjà signalé
un cas aberrant d’infection du couvain d’Abeilles ressemblant à laloque européenne
etaccompagnée
d’une micro-flore
spéciale qui
a été décrite. Ce fait a été confirmé par MoRisoN( 1929 )
enÉcosse,
mais est resté inédit.
On doit dire que dans certains laboratoires on classe
parfois
les maladiesd’après l’aspect
extérieur ducouvain,
son odeur et l’examenmicroscopique superficiel qui dénote,
soit laprésence
de spores, soit celle de formesvégétatives
de bactéries res-semblant à celles de la
loque européenne
ou américaine.Ces
procédés
nousparaissent
insuffisants et n’offrent pas lagarantie
d’un dia-gnostic
certain. Ilfaut,
il noussemble, procéder
à l’isolement et l’étude de la flore bactérienne.Reçu pour
publication
enjuin
1964.SUMMARY
A BACTERIOLOGICAL STUDY OF A SHELF OF A BEE BROOD COMB IN A CONDITION RESEMBLING AMERICAN FOULBROOD
The authors isolated from an old brood comb shelf which had the look, smell and bacterial
spores similar to American foulbrood, an
organism
which was not Bacillus larvae. This bacillus wasGram
negative
and hadellipsoid
spores. From its characteristics it was classified as Bacillus circulansJordan. It was
possible
that thesepticemia
causedby
B. circulans was sometimes due to a deterio- ration of theperitrophic
membrane both in the larve and adult bee, and that this deteriorationwas due to the
ingestion
of certainpollens.
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