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A/ D une «morale d équilibre» à une «morale de mouvement»

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Academic year: 2022

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LIRE Pierre TEILHARD de CHARDIN Lecture proposée par Chantal AMOUROUX – PARIS – 2019

«La plus haute Morale est désormais celle qui saura développer le mieux jusqu'à ses limites supérieures le Phénomène naturel»

(Le Phénomène Spirituel, 1937, T.VI, p. 132)

VI – LA MORALE POUR TEILHARD

Les mots-clés : morale d’équilibre et morale de mouvement, Tout essayer, En Avant !, le couple, les crises et les tâtonnements, les guerres, le chômage, les richesses, les races et le racisme, le serrage planétaire, l’amour et la foi en l’Homme.

Nous avons vu que Teilhard voit actuellement dans l’évolution de la vie sur Terre, la mise en place et le développement d’une NOOSPHERE EN CONVERGENCE VERS UN CENTRE DIVIN. Dans cette lecture, nous allons étudier comment cette vision lui impose de proposer de nouvelles règles de morale pour appréhender les problèmes humains et sociétaux d’une Humanité qui se découvre en évolution.

A/ D’une « morale d’équilibre » à une « morale de mouvement »

Le 8 octobre 1933, Teilhard écrit au Père Henri de LUBAC (Lettres intimes – p. 251) : « La morale des Béatitudes est une chose magnifique mais partielle. Elle ne nous suffit plus. Elle met de l’huile dans les rouages du Monde. Mais c’est de « l’essence » qu’il nous faut maintenant, - depuis que l’Univers se découvre en marche. Cela, je le sens impérativement. Une religion de simple bienfaisance, douceur, charité de contact, ne me suffit plus. J’y étoufferais absolument. »

C’est en 1937, dans l’essai « Le Phénomène spirituel », qu’il opposera nettement la morale traditionnelle ou « morale d’équilibre » - celle d’un monde statique créé fixe et immuable par un Dieu créateur - à une

« morale de mouvement » rendue nécessaire par la nouvelle donnée évolutive du monde.

« […] l'Homme sur Terre n'est qu'un élément destiné à s'achever cosmiquement dans une conscience supérieure en formation. Alors, le problème posé à la Morale n'est plus de conserver et de protéger l'individu, - mais de le guider si bien dans la direction de ses achèvements attendus que la « quantité de Personnel » encore diffuse dans l'Humanité se dégage avec plénitude et sécurité. Le moraliste était jusqu'ici un juriste - ou un équilibriste. Il devient le technicien et l'ingénieur des énergies spirituelles du Monde. La plus haute Morale est désormais celle qui saura développer le mieux jusqu'à ses limites supérieures le Phénomène naturel. Non plus protéger, - mais développer, par éveil et par convergence, les richesses individuelles de la Terre. ». ( Le Phénomène Spirituel, 1937, T.VI, p. 132)

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Trois principes soutiennent la « morale de mouvement ». Dans un premier temps T. les énonce …

« Trois principes, par construction, y définissent la valeur des actes humains : a) n'est finalement bon que ce qui concourt aux accroissements de l'Esprit sur Terre.

b) est bon (au moins fondamentalement et partiellement) tout ce qui procure un accroissement spirituel de la Terre.

c) est finalement le meilleur ce qui assure son plus haut développement aux puissances spirituelles de la Terre. » [...]

… avant de les commenter …

« Il est clair que ces trois règles modifient ou complètent d'une manière importante l'idée que nous nous faisons du bien et de la perfection.

En vertu de la première règle, bien des choses semblaient permises, dans la morale d'équilibre, qui se découvrent interdites par la morale de mouvement. Pourvu qu'il n'enlevât à autrui ni sa femme, ni ses biens, l'homme pouvait se croire autorisé à utiliser comme bon lui semblait, ou à laisser dormir la part de vie qui lui appartenait. Maintenant nous entrevoyons qu'aucune promesse et nul usage ne sont légitimes s'ils ne tendent à faire servir la puissance qu'ils détiennent. (T. cite ici quelques exemples que nous développerons ci-contre, et il poursuit...). La morale de l'individu, enfin, était principalement ordonnée à l'empêcher de nuire. Elle lui interdira désormais toute existence neutre et « inoffensive », et l'obligera à l'effort de libérer jusqu'au bout son autonomie et sa personnalité.

En vertu de la deuxième règle, corrélativement, beaucoup de choses semblaient défendues par la morale d'équilibre qui deviennent virtuellement permises, ou même obligatoires dans la morale de mouvement. Précisément parce qu'elle se trouvait satisfaite d'un ordre, dès que cet ordre empêchait les rouages humains de chauffer et de grincer, la morale d'équilibre ne s'inquiétait pas de savoir si des possibilités spirituelles étaient laissées en dehors des cadres qu'elle avait construits. Faute de leur trouver une place et une justification faciles, elle laissait perdre, par timidité ou tutiorisme*, dans tous les domaines, un monde d'énergie. Dans une morale de mouvement, tout ce qui recèle une force ascensionnelle de conscience est reconnu, de ce chef et dans ces limites, comme fondamentalement bon : il s'agit seulement, par analyse, d'isoler cette bonté et, par sublimation, de la dégager.

Et ainsi, en vertu de la troisième règle, se découvre à nous la notion nouvelle d'une moralisation, entendue comme la découverte et la conquête, indéfiniment continuées, des puissances animées de la Terre. […]

* tutiorisme = système de morale imposant de toujours suivre l’opinion garantissant le mieux l’observance de la loi.

… puis de les résumer par une seule formule :

« Tout essayer, et tout pousser à bout dans la direction de la plus grande conscience, telle est, dans un Univers reconnu en état de transformation spirituelle, la loi générale et suprême de la moralité : limiter la force* (à moins que ce ne soit pour obtenir par là plus de force encore), voilà le péché. »

*en note, l’éditeur traduit force par « Energie et Amour ». (Le Phénomène Spirituel, 1937, T.VI, p. 132/134)

On retrouve dans cette dernière formule, une autre expression du célèbre « EN AVANT » teilhardien !

« Laissons les fatigués glisser en arrière. Laissons les jouisseurs s’allonger sur la pente. Et joignons- nous sans hésiter au groupe de ceux qui veulent risquer l’ascension jusqu’au dernier sommet. En avant ! »

(Réflexion sur le bonheur, 1943, T.XI, p. 129)

Ou encore :

« La seule réalité qui soit au Monde est la passion de grandir » (Comment je crois, 1934, T. X, p. 129)

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B/ Quelques domaines d’application de cette nouvelle morale

LE COUPLE

« La morale de l'amour, encore, était satisfaite par la fondation matérielle d'une famille, l'amour lui- même étant considéré comme un attrait secondaire subordonné à la procréation. Elle doit maintenant considérer comme son objet fondamental de faire rendre à cet amour, justement, l'incalculable puissance spirituelle qu'il est capable de développer entre les époux. »

(Le Phénomène Spirituel, 1937, T.VI, p. 133)

LA RICHESSE – L’ARGENT – L’OR

« Nous dirons d’abord que l’or est une chose très belle en soi, une chose sacrée même… Parce qu’il représente sur terre, pour l’humanité, l’énergie matérielle sous forme utilisable. L’or, c’est le pétrole, c’est le charbon, c’est l’art, ce sont les livres, une bibliothèque. Il est le symbole et le moyen de transport de toutes ces énergies élémentaires ; en ce sens, il est magnifique. Mais il est fort, plus il est magnifique, plus aussi […] il faut prendre garde. L’or, qui est parfait dans la mesure où il sert, où il épaule le courant humain, se corrompt dans la mesure où il s’arrête. […] Du moment qu’on arrête cette énergie pour la faire servir à soi, qu’on la détourne d’une direction normale, du moment où on la rend stagnante, elle se corrompt et devient mauvaise. »

(Conférence donnée au Groupe Légaut le 27 novembre 1930 et citée par Jean-Pierre DEMOULIN dans son livre Je m’explique, p. 216)

LES CRISES et LES GUERRES

Dans cet essai, publié dans la revue ETUDES, le 5 juillet 1939, donc à une époque où effectivement une crise internationale, qui mènera à une nouvelle guerre mondiale, est en train de se mettre en place, Teilhard propose une interprétation aux crises rencontrées par les sociétés.

« Nous sommes donc en proie, à l’heure présente, aux forces de divergence. Mais ne désespérons pas. Chez l’homme, avons-nous cru reconnaître, la ramification ne s’effectue plus que dans un milieu de convergence. […] Dans la réalité des choses, un processus aussi vaste que celui de la synthèse des races ne se réalise pas d’un seul jet, […]. Pour que l’ordre s’établisse sur la différenciation humaine, il faut sans doute une longue alternance d’expansions et de concentrations, d’écartements et de rapprochements . Nous nous trouvons placés, hic et nunc (ici et maintenant), sur une phase de divergence extrême, prélude à une convergence telle qu’il n’y en a pas encore eu sur Terre. […]

Or, que j’ai raison dans l’ensemble me paraît suggéré par l’état général du monde, - si seulement pour observer celui-ci nous nous mettons assez haut. Présentement, notre attention est absorbée par les rétractions et les tiraillements qui se produisent entre nations. Ces mouvements se produisent sensiblement à notre échelle, et ils nous menacent directement : il est inévitable que nous en soyons « sur-impressionnés ».

Mais tant s’en faut que le phénomène se limite à des menaces de batailles et paraisse devoir culminer dans une séparation. L’expérience de 1914, avec l’essor extraordinaire que la guerre a donné à l’aviation et à la TSF par exemple, le démontre. Les armes que chaque peuple forge désespéremment pour se défendre et se séparer deviennent immédiatement la propriété de tous les autres ; et elles se transforment en liens qui augmentent encore un peu plus la solidarité humaine. Ainsi en est-il aussi des inventions, parfois révolutionnaires pour l’industrie, que chaque pays se trouve acculé à faire pour maintenir sa vie économique sans rien demander qu’à lui-même. Et ainsi en est-il enfin des remaniements psychologiques et sociaux par où chaque nation pense découvrir et se donner la supématie spirituelle qui la fera unique entre toutes les autres. Ce qui est progressif et valable dans ces découvertes ou éveils de conscience se communique par

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contagion et profite à toute la famille humaine. En somme, chaque geste que nous faisons pour nous isoler nous presse davantage les uns sur les autres. Puissance, en haut, de l’esprit, dont la « courbure » convergente resserre inévitablement le flux de tout ce qui réussit à monter. Et puissance, en bas, de la terre, dont la surface limitée force inexorablement sur soi, d’autant plus qu’elles se dilatent davantage, les nappes de la masse humaine*. »

* Dans d’autres écrits, Teilhard emploiera l’expression « serrage planétaire ».

(Les Unités Humaines Naturelles, 1939, T. III, p. 294-295)

LE CHOMAGE

« Considérons enfin la question, si gravement actuelle, du chômage. Il est d'usage de maudire celui- ci, et d'en accuser la machine, ou, ce qui est partiellement vrai, d'en rejeter la faute sur une mauvaise organisation économique du monde. Mais ces critiques ne distinguent pas, ni n'atteignent, le fond des choses. Considéré du point de vue évolutif, le chômage se définit comme l'apparition soudaine d'une masse d'Énergie Humaine brusquement libérée par un ajustement interne de la Noosphère. Le phénomène crée son danger. Il appelle ses remèdes. Mais, aussi inévitable (et bienfaisant) que la marche de l'Univers, il manifeste avec une netteté singulière, pour qui sait voir, la réalité de cette marche elle-même. »

(L’Energie Humaine, 1937, T.VI, p. 155)

RACES et RACISME

« On l'a dit depuis longtemps : il n'y a pas de morale sans idéal. Comment les peuples de la terre pourraient-ils s'harmoniser s'ils ne s'entendent au préalable sur ce qu'ils ont à faire ensemble ? Et comment trouveraient-ils le courage et l'entrain pour réaliser leur devoir une fois perçu, s’ils n’éprouvent quelque attrait à l'exécuter ? Qu'on le veuille ou non, sur le terrain des entités collectives, aussi bien que dans le domaine des individus, le précepte stoïcien : « Ne fais pas aux autres ce que tu ne veux pas qu'ils te fassent», n'est plus suffisant. Efficace peut-être pour empêcher les rouages humains de grincer, cette règle négative ne donne rien pour faire partir le moteur, ni pour diriger. Elle pourrait valoir pour installer la paix dans quelque univers statique. Mais il n'y a plus désormais dans le monde, à nos yeux, que des équilibres mouvants.

L'ordre ne peut s'établir entre races et nations que dans un élan. Et voilà bien où se manifeste l'avantage des vues que nous proposons.

Un premier avantage qui résulte de notre solution, si on l'accepte, est qu'il n'y a plus aucun inconvénient à reconnaître que l'humanité, prise dans sa nature concrète, est réellement composée de rameaux différents. Il existe des races, mais sans que pour cela il y ait — de droit — un antagonisme et un problème des races. Afin d'esquiver ce problème et de sauver en tous « la dignité humaine », certains se croient obligés de nier les différences manifestes qui séparent entre elles les unités ethniques de la terre. Les nier ? Mais pourquoi donc ? Les enfants d'une même famille sont-ils tous également forts ou intelligents ? Égaux, les peuples le sont par valeur biologique, en tant que « phyla* de pensée » destinés à s'intégrer progressivement dans quelque unité finale qui est la seule vraie humanité. Mais égaux, ils ne le sont point encore par la totalité de leurs dons physiques et de leur esprit. Et n'est-ce point justement cette diversité qui donne à chacun son prix ? L'un a ceci, l'autre a cela. Sinon, pourquoi et comment parler d'une synthèse de tous ? Gardons-nous de renouveler, par idéologie ou sentimentalité, en matière de races, l'erreur du féminisme ou des démocraties à leur début. La femme n'est pas l'homme : et c'est précisément pour cela que l'homme ne peut se passer de la femme. Le mécanicien n'est pas l'athlète, ni le peintre, ni le financier : et c'est grâce à ces diversités que l'organisme national fonctionne. Pareillement, le Chinois n'est pas le Français, ni celui-ci le Cafre** ou le Japonais. Et fort heureusement pour la richesse totale et l'avenir de l'homme. Ces inégalités, qu'on cherche parfois à nier contre toute évidence, peuvent paraître blessantes aussi longtemps que les éléments sont regardés statiquement et isolément. Elles deviennent acceptables,

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honorables, et même aimables, si on les observe du point de vue de leur essentielle complémentarité. L'œil dira-t-il à la main qu'il la méprise ? Ou le rouge qu'il ne veut ni du vert ni du bleu sur le même tableau ?

Cette diversité fonctionnelle des rameaux humains étant admise, il suit immédiatement deux choses.

La première, c'est que chacun de ces rameaux a pour devoir, non point de conserver ou de retrouver dans le passé je ne sais quelle indéfinissable pureté originelle, mais de s'achever dans la ligne correspondant à ses qualités et à son génie propres en avant. Et la seconde, c'est que dans cet effort de personnalisation collective, il doit trouver chez tous les rameaux voisins, un appui d'autant plus attentif que ceux-ci ont la chance d'être plus vigoureux. Comme paléontologiste, je ne puis garder aucune illusion sur le fait et les formes inexorables de la concurrence biologique. Mais, en cette même qualité, je me refuse absolument à transporter brutalement les lois mécaniques de la sélection dans le domaine humain. Car si la nature nous enseigne clairement qu'il y a une lutte universelle pour la vie, elle nous apprend non moins catégoriquement que, passant d'un palier d'existence à l'autre, les propriétés vivantes ne subsistent qu'en se transformant ou se transposant. L'exploitation et l'étouffement mutuels peuvent être de règle entre groupes zoologiques infrahumains, parce que ceux-ci vont continuellement se supplantant et divergeant entre eux. Dans le cas du faisceau humain, par contre, si, conformément à notre hypothèse, celui-ci ne progresse plus qu'en convergeant, l'émulation fraternelle doit se substituer intérieurement à la concurrence hostile, et la guerre n'a plus de sens que par rapport à des dangers ou à des conquêtes extérieurs à l'ensemble de l'humanité. »

(Les Unités Humaines Naturelles, 1939, T. III, p. 296-299)

* phyla est le pluriel de phylum= lignée

** Un cafre est un habitant non musulman d’Afrique du Sud

C/ Comment atteindre les objectifs de la « morale de mouvement » ?

Teilhard justifie la nécessité d’une nouvelle morale, par la vision d’une Humanité évolutive, en marche vers l’unité. Mais il reconnait aussi que cette union est encore loin d’être acquise…

« Développement de chacun dans une sympathie de tous. Organisation nuancée des énergies spirituelles se substituant à l'équilibre mécanique des forces matérielles. Loi de l'équipe remplaçant la loi de la jungle. Nous sommes encore loin d'avoir opéré cette délicate, mais vitale transformation à l'échelle des individus. Est-ce une raison pour ne pas espérer qu'elle finisse par se réaliser entre nations ? Ou du moins pour ne pas reconnaître que, hors de cet idéal, il n'y a pas d'issue biologique ouverte aux développements futurs de l'esprit sur terre ? »

(Les Unités Humaines Naturelles, 1939, T. III,p.299)

... il se demande donc, comment atteindre cet objectif en lequel il ne doute pas …

« Bien entendu, ce n'est pas tout d'avoir localisé le sommet à conquérir. Il reste encore à l'atteindre.

Depuis combien de temps les expéditions ne se lancent-elles pas infructueusement vers les cimes de l'Everest ? Une fois reconnu et décidé que races et nations doivent s'unir, le choix de la route à suivre, la question des moyens à employer se présentent. Problèmes techniques, infiniment complexes. Sur la surface inextensible de la terre, comment délimiter, au mieux de l'ensemble et de chacun, les zones d'occupation et les zones d'influence ? Entre rameaux humains inégalement individualisés ou vivaces, comment établir la distinction et la hiérarchie sans lesquelles il ne saurait y avoir que désordre ou émiettement ? Pour assurer la préservation et les progrès de son génie propre, chaque groupement naturel requiert légitimement (ces mots sont dangereux, mais qu'y faire!) un certain espace et un certain tri des apports étrangers. Après tout, nul organisme au monde ne se maintient autrement...Comment satisfaire, sans blesser le droit des autres, ce droit de chaque nation à la vie ? Comment laisser à l'arrangement choisi la souplesse qui lui permettra de s'ajuster

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sans craquements à des situations continuellement nouvelles Et enfin dans quelle mesure, tout au long de ces aménagements, attendre que l'équilibre se fasse tout seul, par le jet naturel des forces en présence, ou bien forcer rationnellement la résultante dans une direction prévue ? Totalitarisme, ou libéralisme ? Hégémonie d'un groupe, ou démocratie ? »

(Les Unités Humaines Naturelles, 1939, T. III, p.299-300)

… il n’y a pour lui qu’une seule réponse : L’AMOUR !

« Il semble bien qu'en tout état de cause nous ne puissions répondre à ces multiples questions qu'en suivant la méthode universellement appliquée par la vie depuis ses origines un lent et patient tâtonnement.

Mais dès maintenant nous en savons assez (et c'est déjà beaucoup !) pour affirmer que ce tâtonnement n'aboutira qu'à une condition c'est que le travail entier s'accomplisse sous le signe de l'unité. Ainsi le veut la nature même du processus biologique en cours. En dehors de cette atmosphère d'union entrevue et désirée, les exigences les plus légitimes ne peuvent aboutir qu'à des catastrophes, — nous ne le voyons que trop en ce moment. Et inversement, dans cette atmosphère, si elle se créait, presque toute solution apparaît aussi bonne que les autres ; n'importe quel effort réussirait, au moins pour commencer. Suivi à partir de ses racines les plus biologiques, le problème des races, de leur apparition, de leur réveil, de leur avenir, nous conduit ainsi au point de reconnaître que le seul climat où l'homme puisse continuer à grandir est celui du dévouement et du renoncement dans un sentiment de fraternité. En vérité, à la vitesse où sa conscience et ses ambitions augmentent, le monde fera explosion s'il n'apprend à aimer. L'avenir de la terre pensante est organiquement lié au retournement des forces de haine en forces de charité. »

(Les Unités Humaines Naturelles, 1939, T. III, p. 300)

Mais terminons en lisant la conclusion de cet essai car comme toujours avec Teilhard, nous ne pouvons en rester à la seule dimension humaine, puisque «…la foi en l’Homme n’exclut pas – elle inclut, au contraire, - l’adoration d’un Autre, - d’un Autre au-dessus de l’Homme. » (La foi en l’Homme, Conférence donnée au World Congress of faiths, Février 1947, T. V, p. 235-236 ).

« Or, quelle est, en vertu même de l'hypothèse qui nous guide, la seule puissance capable d'opérer ce retournement ? A quelle source, en fin de compte, les rameaux, aussi bien que les individus humains, puiseront-ils le goût de s'accepter et de s'entraîner l'un l'autre vers l'unité dans la joie ? A celle (il n'y en a pas d'autre concevable) d'un attrait grandissant pour le centre de conscience en lequel leurs fibres et leur faisceau doivent s'achever en se réunissant. A l'étudier dans sa physiologie la plus profonde, celle de sa liberté, l'humanité semble positivement parvenue au stade de son évolution où elle ne peut plus d'aucun point de vue faire face aux problèmes que lui posent les accroissements de son énergie intérieure sans se définir un foyer d'amour et d'adoration.

Beaucoup de mes confrères en science reculeront, je le sais, devant cette conclusion. Mais je ne vois pas comment plus que moi ils pourraient y échapper, si seulement ils se décident à regarder franchement devant eux. De même que l'homme (j'ai eu l'occasion de m'en expliquer ailleurs) perdra le courage de cons- truire et de chercher plus loin, de même il n'aura pas la force de vaincre les répulsions internes qui le séparent des joies de l'union, — à moins qu'il ne prenne enfin conscience de converger, avec l'Univers, non seulement en Quelque Chose, mais en Quelqu'un. »

(Les Unités Humaines Naturelles, 1939, T. III, p. 300/301)

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