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Déni de justice formel.

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Texte intégral

(1)

T r i b u n a l a d m i n i s t r a t i f f é d é r a l T r i b u n a l e a m m i n i s t r a t i v o f e d e r a l e T r i b u n a l a d m i n i s t r a t i v f e d e r a l

Cour VI F-4132/2017

A r r ê t d u 9 j a n v i e r 2 0 1 9

Composition

Jenny de Coulon Scuntaro (présidente du collège), Martin Kayser, Gregor Chatton, juges,

Nuno-Michel Schmid, greffier.

Parties

1. A._______, 2. B._______,

tous deux représentés par Karine Povlakic, Service d'Aide Juridique aux Exilé-e-s (SAJE), Quai de la Thièle 3, Case postale 498, 1401 Yverdon-les-Bains,

recourants, contre

Secrétariat d'Etat aux migrations SEM, Quellenweg 6, 3003 Berne,

autorité inférieure.

Objet

Déni de justice formel.

(2)

Faits :

A.

B._______, alias (…), et A._______ sont des ressortissants de la Répu- blique de Géorgie, nés respectivement les (…) 1990 et (…) 1992.

B.

Ils ont déposé une demande d’asile en Suisse en date du 1er avril 2017 au centre d’enregistrement et de procédure du SEM (ci-après : le CEP) à Val- lorbe, où les intéressés ont fait l’objet d’une audition sur leurs données per- sonnelles le 5 avril 2017. Ils ont également été entendus quant à la res- ponsabilité de l’Autriche de mener la procédure d’asile et de renvoi en ac- cord avec le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermi- nation de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de pro- tection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un res- sortissant de pays tiers ou un apatride (refonte) (JO L 180/31 du 29.6.2013, ci-après : règlement Dublin) et en ce qui concerne la décision de non-en- trée en matière (NEM) au sens de l’art. 31a al. 1 let. b LAsi et le renvoi vers l’Autriche.

C.

Une comparaison avec la base de données européenne d’empreintes di- gitales (unité centrale Eurodac) a révélé que les intéressés avaient déposé une demande d’asile en Autriche en date du 17 décembre 2016.

D.

En date du 25 avril 2017, les autorités autrichiennes ont accepté la respon- sabilité de l’admission de l’intéressée sur leur territoire, mais n’ont pas fait connaître leur décision concernant l’intéressé dans le délai prévu, si bien que la responsabilité de mener la procédure d’asile et de renvoi de celui-ci est passée à l’Autriche en date du 4 mai 2017.

E.

En date du 17 mai 2017, le SEM a pris une décision de non-entrée en matière sur les demandes d’asile présentées par les intéressés et pro- noncé le renvoi de Suisse vers l’Autriche, comme Etat responsable en vertu du règlement Dublin. Cette décision a été notifiée aux intéressés en date 22 mai 2017 et est entrée en force en date du 31 mai 2017.

F.

En date du 6 juillet 2017, la mandataire des recourants a sollicité du SEM

(3)

une décision en matière de fouilles corporelles réalisées à l’entrée des bâ- timents d’hébergement et en outre requis la notification d’une décision en matière de sanctions prononcées au centre fédéral des Perreux à l’en- contre de ses mandants, au cours de la période de deux mois environ pen- dant laquelle ils y ont séjourné. Elle a soutenu que ces mesures portaient potentiellement atteinte à la vie privée des recourants au sens de la juris- prudence de la Cour européenne des droits de l’homme.

G.

Le 7 juillet 2017, les recourants ont refusé d’embarquer à bord d’un avion en partance de Zurich pour Vienne, Autriche.

H.

En date du 12 juillet 2017, le SEM a répondu au courrier de la mandataire des recourants du 6 juillet 2017. L’autorité inférieure a confirmé que des sanctions disciplinaires avaient été appliquées aux recourants en raison de leurs multiples infractions au règlement interne, dont notamment le non- respect des heures de sortie, sorties sans autorisation et refus de coopérer.

Le SEM n’a pas donné suite à la requête de notifications de décisions for- melles, se limitant à indiquer que, conformément aux articles 12 et 13 de l’ordonnance du DFJP du 24 novembre 2007 relative à l’exploitation des logements de la Confédération dans le domaine de l’asile (RS 142.311.23, ci-après : l’Ordonnance du DFJP), seule une exclusion du centre faisait l’objet d’une décision du SEM sous forme écrite avec voie de recours et que les documents relatifs au prononcé de sanctions seraient réservés à l’usage interne.

I.

En date du 24 juillet 2017, la Justice de paix de Lausanne a ordonné l’as- signation à résidence des recourants au Centre EVAM, à Lausanne, de 22:00 à 07:00 heures, pour une durée de deux mois, soit jusqu’au 24 sep- tembre 2017.

J.

Le même jour, les intéressés (ci-après : les recourants) ont déposé, par- devant le Tribunal administratif fédéral (ci-après : le Tribunal), un recours pour déni de justice formel (refus de statuer), subsidiairement pour atteinte à la liberté de mouvement dans le centre fédéral des Perreux. Ils ont conclu principalement à ce que le Tribunal constate l’existence d’un déni de justice formel en violation des articles 5, 13 et 6 CEDH, subsidiairement à ce que

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l’affaire soit renvoyée à l’autorité inférieure pour prise de décision au sens de l’art. 5 PA en matière de sanction, respectivement de privation de liberté.

En bref, leur argumentation est la suivante :

(a) Les recourants auraient fait l’objet de nombreuses sanctions principa- lement sous la forme d’interdictions de sortir du centre des Perreux où ils se trouvaient pendant un jour, et également sous la forme de suppression de l’argent de poche de 21 francs par semaine.

(b) En date du 6 juillet 2017, les recourants ont sollicité du SEM la notifica- tion d’une décision constatatoire d’une atteinte à leur liberté de mouvement en rapport avec les sanctions imposées sous la forme de privations de li- berté pendant au moins 20 jours sur la période passée au centre des Per- reux. Ils ont également requis que leur soit communiqué la date de chaque privation, ainsi que le motif, la base légale et les voies et délais de recours.

Enfin, ils ont demandé que leur soit communiquée une copie de leurs dos- siers.

(c) Par courrier du 12 juillet 2017, le SEM a répondu que les « mesures disciplinaires » avaient été appliquées aux recourants « en raison des mul- tiples infractions au règlement interne ». Ces mesures disciplinaires se- raient définies par la directive interne nº 0/17, qui énumère l’interdiction de sortie du centre et la suppression de l’argent de poche. Selon l’ordonnance du DFPJ sur l’exploitation des centres fédéraux, seule une exclusion du centre pourrait faire l’objet d’une décision écrite.

Sur ce plan-là, les recourants invoquent une violation de l’art. 5 CEDH et un déni de justice formel, soit la violation du droit d’être entendu des re- courants ainsi que leur droit à un recours effectif (art. 13 CEDH).

(d) Sur le plan de la « privation de liberté » au sens de l’art. 5 CEDH, les recourants ont soutenu qu’ils avaient été privés de sortie des journées en- tières au moins 20 fois, consignés dans un lieu qui leur a été assigné, sou- mis à une discipline organisationnelle imposée par l’autorité administrative, un lieu assimilable à une prison administrative ou un centre de détention.

Pour eux, l’art. 5 CEDH serait donc applicable. Or le but de cette disposition serait de protéger les individus contre l’arbitraire des autorités, ce qui si- gnifie que les détentions doivent être régulières, fondées en droit interne sur une base légale identifiable et assorties de possibilités de contrôle ju- diciaire effectif. Une détention qui ne serait pas assortie d’une décision écrite susceptible de recours serait illicite, l’intéressé étant privé d’une voie

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de recours. Or le SEM a refusé explicitement de rendre une décision écrite à ce sujet, de sorte que la base légale et les motifs de détention ne sont pas clairs et il ne peut y a voir de contrôle de la légalité et de la proportion- nalité de la détention.

K.

Invitée à déposer ses observations sur le recours, l’autorité inférieure en a proposé le rejet en date 5 septembre 2017, niant une atteinte à la liberté de mouvement des recourants ou l’existence d’un déni de justice formel.

Dans ses considérations, elle a rappelé le cadre juridique général sur la base duquel les sanctions, telles que l’interdiction de sortie ou la suppres- sion de l’argent de poche, ont été prononcées. Elle a également souligné que les recourants avaient à de nombreuses reprises commis des viola- tions de l’Ordonnance du DFPJ, notamment l’art. 6 en matière de travaux domestiques (à 12 reprises) ou l’art. 11 sur les heures de sortie du centre (à 16 reprises). L’autorité de première instance a également relevé que les recourants n’avaient pas hésité à faire fi de l’infrastructure du site en pas- sant au-dessus des barrières, et ce malgré des interdictions de sortie (à 14 reprises).

Le SEM a produit les rapports « Securitas » qui ont été établis au sujet des infractions précitées. Au total, les recourants auraient accumulé 44 rap- ports d’événements et d’infractions en 59 jours de séjour au centre de Per- reux. Ces rapports relateraient également des comportements agressifs, des insultes à l’égard de collaborateurs du centre et policiers venus en rai- son de vols commis dans la région. De plus, les recourants auraient pris des photographies et des films au sein de structures fédérales, ce qui se- rait strictement interdit.

Pour l’autorité inférieure, et conformément à l’art. 13 al. 2 de l’Ordonnance du DFJP, seule une exclusion du centre doit faire l’objet d’une décision for- melle et non un refus de l’autorisation de sortie (art. 12 al. 3 de l’Ordon- nance DFJP).

Pour ce qui a trait aux sollicitations des recourants d’obtenir une chambre individuelle, le SEM a indiqué que les allégations des recourants ne cor- respondaient pas à la réalité.

Enfin, pour l’autorité de première instance, l’argument tendant à assimiler le centre à une prison administrative ou un centre de détention s’apparente à une remise en question de la loi et ne constitue pas une discussion sur un cas individuel, et partant ne saurait être retenu.

(6)

L.

Le 15 septembre 2017, le SPOP a avisé le SEM que les intéressés avaient disparu depuis le 5 septembre 2017.

M.

En date du 22 septembre 2017, la police cantonale vaudoise a dressé un rapport d’investigation concernant le non-respect d’une assignation à rési- dence des recourants.

N.

En date du 5 octobre 2017, le SEM a informé l’Autriche que les intéressés avaient disparu et ne pourraient donc être transférés dans le délai ordinaire de 6 mois prévu par la réglementation applicable. L’autorité inférieure a en outre sollicité une extension du délai de 18 mois en application du règle- ment Dublin.

O.

Le même jour, la mandataire des recourants a déposé ses observations par rapport aux déterminations du SEM du 5 septembre 2017. Elle a con- firmé que ses mandants avaient quitté la structure d’hébergement qui leur avait été allouée en date du 26 août 2017 et indiqué ne pas savoir où ils se trouvaient. Elle a admis que ceux-ci n’avaient plus d’intérêt actuel au re- cours, mais a toutefois requis du Tribunal qu’il statue « au moins sur les questions de forme, pour des raisons d’intérêt public et de sécurité du droit ».

Sur le fond, la mandataire a soutenu que les mesures disciplinaires du SEM n’étaient pas transparentes et ne respectaient pas le droit d’être en- tendu des recourants, ni leur droit à un recours effectif, en l’absence d’une décision correcte des décisions de sanction. Elle a en outre argué que l’Or- donnance du DFJP ne lui paraissait pas conforme à l’art. 5 paragraphe 1 let. f CEDH.

P.

L’autorité inférieure à répondu aux observations des recourants en date du 1er novembre 2017, indiquant qu’aucun élément nouveau susceptible de modifier sa position n’avait été apporté. Elle s’est référée à ses écrits du 5 septembre 2017 et a noté que les recourants n’avaient même pas attendu la réponse de l’autorité supérieure au recours introduit.

Q.

Les divers autres arguments invoqués de part et d’autre dans le cadre de

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la procédure de recours seront examinés, si besoin est, dans les considé- rations en droit ci-après.

Droit :

1.1 Le TAF examine d'office et librement sa compétence (art. 7 PA, par renvoi de l’art. 27 LTAF) et la recevabilité des recours qui lui sont soumis (cf. notamment ATAF 2014/44 consid. 1.1; 2007/6 consid. 1; arrêt du TAF A-6426/2013 du 18 janvier 2015 consid. 1.1, non publié in ATAF 2015/23).

1.2 Sous réserve des exceptions prévues à l'art. 32 LTAF, le TAF, en vertu de l'art. 31 LTAF, connaît des recours contre les décisions au sens de l'art. 5 PA prises par les autorités mentionnées à l'art. 33 LTAF. En particu- lier, les décisions en matière d’asile prononcées par le SEM - lequel cons- titue une unité de l'administration fédérale telle que définie à l'art. 33 let. d LTAF - sont susceptibles de recours au TAF conformément à l’art. 105 LAsi, en relation avec l’art. 1 al. 2 LTAF. Hormis le cas où la décision traite d’une demande d’extradition déposée par l’Etat dont le requérant cherche à se protéger et où une telle décision peut faire l’objet d’un recours en matière de droit public au Tribunal fédéral (ci-après : le TF [cf. art. 83 let. d ch. 1 LTF]) - exception non réalisée en l’espèce -, le TAF statue définitivement.

1.3 En l’occurrence, indépendamment de la question de savoir si l’écrit du SEM du 12 juillet 2016 à la suite duquel les recourants ont interjeté recours auprès du TAF revêt la qualité d’une décision sujette à recours auprès de cette autorité, il convient d’emblée de constater que l’objet de cet écrit (me- sures disciplinaires dans les centres d’enregistrement et de procédure, ci – après ; CEP) ressort au domaine de l’asile et entre donc dans la compé- tence matérielle du TAF qui, lorsqu’il est saisi d’un recours portant sur cette question, statue définitivement (cf., en ce sens, arrêts du TF 8C_102/2013 du 10 janvier 2014 consid. 1; 2C_201/2009 du 22 juin 2009).

1.4 En l'espèce, les recourants ne contestent pas une décision, mais se plaignent d'un déni de justice formel, en raison d'un refus du SEM, le 12 juillet 2017, de rendre une décision susceptible de recours quant aux me- sures disciplinaires et de fouille corporelles qui avaient été prises à leur encontre dans le CEP où ils séjournaient.

(8)

1.5 En vertu de l’art. 46a PA, le recours est recevable si, sans en avoir le droit, l'autorité saisie s'abstient de rendre une décision sujette à recours ou tarde à le faire (cf. ATAF 2009/1 consid. 3 p. 6 et ATAF 2008/15 consid. 3.2 p. 193 s.). Le refus de statuer tel que défini à l’art. 46a PA est également assimilé à une décision (cf. MARKUS MÜLLER, in : Kommentar zum Bun- desgesetz über das Verwaltungsverfahren [VwVG], Zurich / St Gall 2008, n. 7 ad art. 46a p. 621).

1.6 Comme condition préalable au dépôt d'un recours pour déni de justice, un recourant doit avoir requis de l'autorité compétente qu'elle rende une décision. Il doit également avoir le droit à se voir notifier une telle décision.

Un tel droit existe lorsque, d'une part, une autorité est obligée de par le droit applicable d'agir en rendant une décision et que, d'autre part, la per- sonne qui s'en prévaut a la qualité de partie au sens de l'art. 6 PA en lien avec l'art. 48 al. 1 PA (cf. ATAF 2009/1 précité ibidem et ATAF 2008/15 précité ibidem). Ces conditions sont manifestement remplies dans le cas d'espèce.

1.7 La procédure devant le Tribunal est régie par la PA, pour autant que ni la LTAF (cf. art. 37 LTAF) ni la LAsi (cf. art. 6 LAsi) n'en disposent autre- ment.

1.8 Le recourant peut invoquer devant le TAF la violation du droit fédéral, y compris l'excès ou l'abus du pouvoir d'appréciation et la constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (cf. art. 106 al. 1 LAsi). L'auto- rité de recours constate les faits d'office, conformément à la maxime inqui- sitoire (cf. art. 12 PA). Par ailleurs, elle applique le droit d’office, sans être liée par les motifs invoqués dans le recours (art. 62 al. 4 PA), ni par les considérants juridiques de la décision attaquée (cf. arrêt du TF 1C_214/2015 du 6 novembre 2015 consid. 2.2.2; ATAF 2009/57 consid. 1.2; voir également ANDRÉ MOSER ET AL., Prozessieren vor dem Bundesverwaltungsgericht, Handbücher für die Anwaltspraxis, Tome X, 2ème éd. 2013, pp. 226/227, ad ch. 3.197). Aussi peut-elle admettre ou re- jeter le pourvoi pour d'autres motifs que ceux invoqués (cf. notamment ATAF 2007/41 consid. 2, et réf. citées; MOSER ET AL., op. cit., p. 24 ch. 1.54).

1.9 Dans son arrêt, elle prend en considération l'état de fait régnant au mo- ment où elle statue (cf. ATAF 2012/21 consid. 5.1, et jurisprudence citée).

(9)

2.1 L’art. 25a PA, intitulé décision relative à des actes matériels, prévoit à son al. 1 let. c que toute personne qui a un intérêt digne de protection peut exiger que l’autorité compétente pour des actes fondés sur le droit public fédéral et touchant à ses droits et obligations constate l’illicéité de tels actes. L’autorité statue par décision (art. 25a al. 2 PA) susceptible de recours (cf. arrêt du TAF F-4036/2016 du 9 mars 2017 consid. 1.2.2).

2.1.1 Si l’on prend plus particulièrement en considération la demande adressée par la mandataire des recourants le 6 juillet 2017 au SEM et vi- sant à l’obtention d’une décision en matière de sanctions prononcées au CEP à l’encontre des recourants, il s’impose d’observer que, dans sa ré- ponse écrite du 12 juillet 2017, l’autorité intimée a décliné, sur la base des articles 12 et 13 de l’Ordonnance du DFJP, de rendre une décision écrite avec voie de recours ; elle a en outre refusé de produire les documents sollicités, au motif qu’ils étaient réservés à l’usage interne.

2.1.2 Même si elle ne satisfait pas aux exigences de forme prescrites par les art. 34 et 35 PA (soit revêtir notamment la forme d’un acte écrit désigné comme une décision, ainsi que comporter une motivation et l’indication des voies de droit), la réponse donnée par l’autorité intimée au recourant le 12 juillet 2017, en tant qu’elle porte sur un acte matériel (mesures discipli- naires contre les intéressés dans un CEP), doit dès lors être tenue pour constitutive, conformément à l’art. 25a al. 2 PA, d’une décision fondée sur le droit public fédéral et, donc, susceptible de recours au sens des art. 5 et 44 PA. Dans la mesure où la décision querellée du SEM a pour objet une question portant sur le déroulement de la procédure d’asile, le TAF est donc compétent, en vertu de l’art. 31 LTAF en relation avec l’art. 105 LAsi, pour statuer sur le présent recours.

2.2 Les recourants ont donc en principe qualité pour recourir, conformé- ment à l’art. 48 al. 1 PA. Cela étant, les recourant ont disparu du CEP le 5 septembre 2017 et la question se pose donc de savoir s’ils conservent un intérêt actuel au recours.

3.1 Seul a qualité pour former un recours de droit administratif celui qui a pris part à la procédure devant l’autorité inférieure, est spécialement atteint par la décision attaquée et a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification (art. 48 al. 1 PA).

(10)

3.2 Les recourants, qui ont sollicité du SEM le prononcé d’une décision écrite indiquant les raisons des sanctions prises à leur égard lors de leur séjour au CEP de Perreux et constatant, cas échéant, l’illicéité desdites mesures, ont pris part à la procédure ayant abouti à la décision querellée de cette autorité du 12 juillet 2017 et sont directement concernés par dite décision (art. 48 al. 1 let. a et b PA).

3.3

3.3.1 S’agissant de l’intérêt digne de protection exigé par l’art. 48 al. 1 let. c PA, il doit en principe être actuel. L’objet d'une demande en justice ne peut normalement porter en effet que sur des questions juridiques actuelles dont les conséquences touchent concrètement le justiciable (cf. notamment ATF 142 V 2 consid. 1.1). En d’autres termes, la qualité pour recourir auprès du TAF suppose en principe, comme cela est le cas pour la procédure de re- cours devant le TF en matière de droit public, un intérêt actuel et pratique à obtenir l'annulation ou la modification de la décision attaquée (cf. ATAF 2010/27 consid. 1.3.2; 2009/9 consid. 1.2.1). Cet intérêt doit exister tant au moment du dépôt du recours qu'à celui où l'arrêt est rendu (cf. notamment ATF 142 I 135 consid. 1.3.1; ATAF 2010/27 consid. 1.3.2).

3.3.2 En l'occurrence, le recours a été interjeté le 24 juillet 2017, lorsque les recourants se trouvaient au CEP de Perreux. Les atteintes alléguées à leurs droits ont pris fin lorsque les recourants ont disparu, en date du 5 sep- tembre 2017. Les intéressés n'ont donc en principe plus d'intérêt actuel à l’admission de leur recours, ce qu’a relevé d’ailleurs leur mandataire dans sa lettre du 5 octobre 2017 au Tribunal.

Toutefois, ainsi que relevé plus haut (cf. consid. [2.1.2] supra), la disposi- tion de l’art. 25a al. 1 let. c PA confère également la possibilité à l’administré de déposer auprès de l’autorité compétente une demande visant à consta- ter par une décision l’illicéité d’un acte matériel (cf. al. 1 let. c de ladite disposition) même après la cessation de l’atteinte potentiellement illicite.

En conséquence, le TAF peut faire abstraction, dans le cadre de la pré- sente procédure de recours, de l’exigence d’un intérêt actuel à obtenir l’an- nulation ou la modification de la décision querellée.

3.3.3 La possibilité de pouvoir faire abstraction de l’exigence d’un intérêt actuel a également été confirmée par la jurisprudence du Tribunal fédéral en la matière. Dans un arrêt concernant la situation juridique dans le cadre d’un CEP (recours de droit administratif, arrêt 2A.151/2001 du 9 avril 2002 publié aux ATF 128 II 156 consid. 1.b), la Haute Cour a indiqué, par rapport

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à un recourant qui ne se trouvait plus dans le centre d’enregistrement et de procédure auquel il avait été attribué : « Comme le recourant ne sé- journe plus dans le Centre d'enregistrement de X., il n'a pas d'intérêt actuel à la solution du litige. Cependant, le séjour des requérants d'asile dans les centres d'enregistrement est généralement de courte durée; en outre, comme la question de la forme à respecter, soit de la procédure à suivre, pour soulever des griefs concernant l'hébergement dans de tels centres se posera vraisemblablement souvent à l'avenir mais n'est pas encore clari- fiée, le Tribunal fédéral ne peut guère être saisi à temps. Dans ces circons- tances, il se justifie de faire abstraction de l'exigence d'un intérêt actuel (cf.

ATF 125 II 497 consid. 1a/bb p. 499/500 et la jurisprudence citée). »

3.3.4 Le Tribunal de céans note également que dans un arrêt de principe plus récent, le Tribunal fédéral a en outre indiqué (jugement 2C_745/2010 du 31 mai 2011, publié aux ATF 137 I 296, consid. 4 et 5), dans le cadre d’une affaire concernant la mise en détention administrative d’un recourant déjà remis en liberté au moment du jugement et donc l’absence d’un intérêt actuel et pratique à obtenir l'annulation de la décision attaquée, qu’il se justifiait d’examiner le recours au fond « malgré la libération du recourant intervenue durant la procédure devant le Tribunal fédéral (cf. ATF 136 I 274 consid. 1.3 p. 276; ATF 125 I 394 consid. 5f p. 404 in fine) » lorsqu’on était en présence de « circonstances particulières » ; et que constituaient de telles « circonstances particulières » l’invocation par le recourant, avec une motivation suffisante, d'un "grief défendable" fondé sur la CEDH.

En l’espèce, les recourants ont invoqué de manière circonstanciée dans leur mémoire de recours diverses violations à la CEDH (cf. paragraphe J, supra : articles 5 et 13 CEDH). Si l'examen au fond faisait apparaître que la détention subie était illégale, alors il conviendrait, ainsi que l’a indiqué le Tribunal fédéral, de le constater.

3.3.5 Enfin, la disparition physique des intéressés ne peut pas mécanique- ment conduire à la radiation d’une cause. Sur ce plan, le Tribunal entend tenir compte de l’arrêt de cassation du Tribunal fédéral en la cause 2C_656/2012 du 27 septembre 2012, qui concernait une décision de ra- diation ayant été prise suite à l’impossibilité pour la justice de joindre un recourant ; la Haute Cour a conclu son jugement en ces termes : « Ni la loi sur le Tribunal administratif fédéral ni la PA ne connaissent de dispositions légales qui prévoient la possibilité de déclarer sans objet une cause au motif que le Tribunal "ne peut plus atteindre l'intéressé". » (cf. consid. 4).

(12)

3.3.6 De surcroît, s’agissant de droits fondamentaux, l’on ne peut qu’ad- mettre avec réserve que les recourants renoncent à s’en prévaloir ou à en requérir la protection (cf. notamment arrêt du TF 4A_318/2016 du 3 août 2016 consid. 2.1: « La loi ne prescrivant aucune forme, une renonciation par actes concluants n'est pas exclue. Dans la mesure toutefois où des droits fondamentaux sont en cause (droit d'être entendu; droit à la tenue d'une audience publique), une telle renonciation ne saurait être admise à la légère » ; 2C_979/2013 du 8 juillet 2014 consid. 6.2). Quand bien même la mandataire des recourants estime elle-même que les recourants ont perdu tout intérêt au recours (cf. paragraphe O, supra), il appartient au Tri- bunal de vérifier d’office ce point. Or, le Tribunal considère, exceptionnel- lement, que l’obtention d’une satisfaction sous la forme d’un constat de violation éventuel continue à révéler un intérêt pour les recourants, où qu’ils se trouvent en ce moment.

3.3.7 Partant, le Tribunal conclut qu’en dépit de leur disparition au mois de septembre 2017 du CEP de Perreux, les recourants conservent un intérêt digne de protection à la constatation d’un déni de justice. Ils ont donc qua- lité pour agir au sens de l’art 25a al. 1 let. a à c PA.

3.4 Interjeté dans le respect des conditions relatives à la forme et au con- tenu du mémoire de recours (cf. art. 52 al. 1 PA), ainsi qu'aux autres con- ditions de recevabilité (cf. art. 46a ss PA), prescrites par la loi, le recours est recevable.

4.1 Dans la procédure juridictionnelle administrative, ne peuvent être exa- minés et jugés, en principe, que les rapports juridiques à propos desquels l’autorité administrative compétente s’est prononcée préalablement d’une manière qui la lie, sous la forme d’une décision (ATF 134 V 418 consid. 5.2.

et 133 II 35 consid. 2; ATAF 2010/5 consid. 2). Dans le cas d’espèce, la particularité consiste en ce que l’autorité administrative a, dans son cour- rier du 12 juillet 2017, refusé de donner suite à la requête de la mandataire des recourants qui avait sollicité la notification de décisions formelles en matière de sanctions et de fouilles corporelles pour le compte de ses clients. Ainsi, l’objet du litige porte sur l’absence de décision formelle prise par le SEM, et la constatation le cas échéant d’un déni de justice formel.

4.2 Le pouvoir de décision de l’autorité de recours est limité notamment par l’objet de la contestation (ou de la procédure : « Anfechtungsgegens-

(13)

tand »), qui est circonscrit par ce qui a été juridiquement réglé dans la dé- cision querellée, ou dans le cas d’espèce par le fait de l’inexistence d’une décision sollicitée. Selon le principe de l’unité de la procédure, la conclu- sion des recourants ne peut donc s’étendre au-delà de l’objet de la contes- tation, le manque de décision attaquable constituant le cadre matériel ad- missible de l’objet du recours (ATAF 2009/54 consid. 1.3.3 ; arrêt du TAF F-1341/2016 du 8 mars 2017 consid. 2.1).

4.3 En l’espèce, le cadre litigieux de la procédure de recours initiée le 6 juillet 2017 est circonscrit par la lettre rendue par l’autorité intimée le 12 juil- let 2017, refusant aux recourants une décision formelle sujette à recours.

Le recours ne peut s’étendre aux autres arguments de fond (notamment la violation de l’article 5 CEDH).

5.1 La recevabilité d’une demande de décision portant sur un acte matériel au sens de l’art. 25a PA est subordonnée à la réunion de deux conditions, l’une objective et l’autre subjective. D’une part, l’acte matériel en cause doit toucher des droits et obligations du requérant. D’autre part, ce dernier doit faire valoir un intérêt digne de protection au prononcé de la décision. Ces deux conditions, même si elles vont dans la même direction, doivent être clairement différenciées (cf. notamment ATF 140 II 315 consid. 4.1 et 4.5;

arrêts du TAF C-5250/2014 précité consid. 6.1 ; F-4036/2016 précité con- sid. 2.1).

5.2 Sur le plan objectif, il faut distinguer l’acte matériel de la décision. Alors que la décision a pour objet de fixer des droits ou des obligations (cf. art. 5 PA), l’acte matériel se borne à « toucher » des droits et obligations. Toute action de l’Etat, même contraire au droit, n’est toutefois pas visée par l’art.

25a PA. Encore faut-il qu’il y ait une atteinte à la « sphère juridique person- nelle » de l’individu concerné; il s’agit là principalement de droits fonda- mentaux, mais d’autres intérêts juridiquement protégés peuvent entrer en ligne de compte (cf. notamment ATF 140 II 315 consid. 4.3, et réf. citées;

arrêt du TAF A-101/2011 précité consid. 4.3, et réf. citées; TANQUEREL, op.

cit., no 697 p. 241).

En d’autres termes, le requérant doit démontrer que l’acte matériel à pro- pos duquel il requiert le prononcé d’une décision a réellement pour effet d’affecter ses droits et/ou ses obligations, quand bien même ce n’est pas son but (cf. DUBEY /ZUFFEREY, Droit administratif général, 2014, no 813 p.

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292). Il suffit toutefois que le requérant rende vraisemblable et, donc, al- lègue de manière substantielle l’existence d’une atteinte illicite potentielle à ses intérêts juridiquement protégés (cf. notamment arrêt du TAF A- 5762/2012 précité consid. 8.1.1 in fine et 8.2.2; E-58/2009 précité, et réf.

indiquées). La question de savoir si l’un de ses droits fondamentaux, voire un autre de ses intérêts juridiquement protégés, est effectivement con- cerné par l’acte matériel ou si celui-ci a porté atteinte à l’un des droits sus- mentionnés relève par contre du fond et non de la recevabilité de la de- mande de constatation (cf. notamment arrêts du TAF A-5762/2012 précité consid. 8.1.1; E-58/2009, et réf. citées; voir aussi WEBER-DÜRLER, in Auer / Müller / Schindler,op. cit., p. 379 ch. 44).

5.3 L’intérêt digne de protection exigé par l’art. 25a al. 1 PA est une notion que l’on retrouve à l’art. 6 PA qui définit la qualité de partie et aux art. 48 al. 1 PA et 89 al. 1 LTF qui concernent la légitimation à recourir; cette notion doit être comprise en principe de la même manière dans le cadre de ces différentes dispositions. Cette exigence est remplie lorsqu’il existe une re- lation suffisamment étroite entre la personne requérante et l’acte matériel en cause; l’intérêt en question peut être de droit ou de fait, étant précisé que la personne requérante doit pouvoir tirer de la décision sollicitée un avantage pratique en relation avec cet acte matériel (cf. notamment ATF 140 II 315 consid. 4.2; arrêts du TF 2C_1184/2013 du 17 juillet 2014 consid.

3.5; 1C_455/2011 du 12 mars 2012 consid. 4.4 [dont un résumé de l’arrêt a été publié dans la RDAF 2013 I 433 et ss.]; 2C_175/2009 du 13 juillet 2009 consid. 2.2; arrêts du TAF A-2766/2016 précité consid. 6.2;

C-5250/2014 précité consid. 6.1; A-5762/2012 précité consid. 7.1, et réf.

citées). A cet égard, il convient de préciser que l’on ne saurait, pour toute demande visant à la constatation de l’illicéité d’un acte matériel au sens de l’art. 25a al. 1 let. c PA, exiger que l’intérêt du requérant présente un ca- ractère actuel et une signification pratique. Ainsi que relevé antérieurement (cf. consid. [1.2.2] supra), la demande en constatation de l’illicéité peut être déposée même après la cessation de l’atteinte potentiellement illicite; un intérêt juridique ou de fait à une telle constatation peut en effet consister en une compensation (morale) de l'atteinte et avoir pour objectif de préve- nir le renouvellement de cette dernière (cf. également arrêts du TF du 5 octobre 1999 publié aux ATF 125 I 394 consid. 4b ; et du TAF A-5762/2012 précité consid. 7.2; A-101/2011 précité consid. 4.4.1 et 4.4.4, et réf. citées;

voir aussi MOOR /POLTIER, op. cit., ch. 1.1.3.4 let. c in fine, p. 45; WEBER- DÜRLER, in Auer / Müller / Schindler,op. cit., p. 371 ch. 30, et auteurs cités, cf. enfin l’arrêt du TF du 11 Mai 2010 publié aux ATF 136 I 274, où la Haute Cour a estimé nécessaire d’examiner au fond la question de la violation

(15)

manifeste de la Convention européenne des droits de l'homme, la répara- tion demandée par le recourant pouvant immédiatement lui être accordée par la constatation de cette violation [consid. 1.3].).

5.4 L’intérêt digne de protection n'est cependant pas à lui seul suffisant pour obtenir une décision constatatoire, puisqu'il faut encore que cet intérêt ne puisse pas être satisfait par un autre moyen de droit, par exemple par le biais d'une décision formatrice ou condamnatoire (cf. notamment ATF 140 II 315 consid. 3.1; arrêts du TAF A-2766/2016 précité consid. 6.2;

B-6755/2013 du 11 août 2014 consid. 3.1.2; A-101/2011 précité consid. 4.4.1). Selon un principe général de procédure, les conclusions en constatation de droit ne sont en effet recevables que lorsque des conclu- sions condamnatoires ou formatrices sont exclues (cf. notamment ATF 141 II 113 consid. 1.7). Par ailleurs, l’intérêt digne de protection n'existe pas lorsque la personne peut bénéficier de la protection judiciaire (Rechtsschutz) à l'égard de l'acte matériel à un moment ultérieur, à moins que la privation de la voie de droit crée un inconvénient inadmissible (« un- zumutbarer Nachteil » [cf. notamment ATF 137 V 210 consid. 3.4.1.3; 136 V 156 consid. 4.3; arrêts du TAF A-2766/2016 précité consid. 6.2;

A-101/2011 précité consid. 4.4.1, et réf. mentionnées]). La procédure en constatation revêt donc un caractère subsidiaire (cf. notamment arrêts du TAF A-2766/2016 précité consid. 6.2 in fine; A-101/2011 précité consid. 4.4.1, et jurisprudence citée). Enfin, l’application de la disposition de l’art. 25a PA ne doit pas être exclue par la législation spéciale (cf. no- tamment ATF 140 II 315 consid. 3.1; arrêt du TAF C-5250/2014 précité consid. 5.5, et réf. citées).

5.5 En l’espèce, il importe dès lors en premier lieu de déterminer si l’auto- rité intimée était tenue d’entrer en matière sur la demande des recourants tendant à l’obtention de décisions formelles susceptibles de recours et qu’elle y constate, en application de l’art. 25a al. 1 let. c et al. 2 PA, l’éven- tuelle illicéité des mesures de sanctions ou des fouilles corporelles qui ont été prises à l’encontre des recourants ainsi que d’autres actes qui ont eu lieu lors de leur séjour au CEP de Perreux.

6.1 En l’occurrence, il ne fait pas de doute que le comportement du SEM à propos duquel les recourants soutiennent qu’il a porté atteinte à leurs droits fondamentaux répond à la notion d’« acte matériel » susceptible de faire l’objet d’un contrôle sous la forme d’une décision au sens de l’art. 25a PA.

(16)

Dans leur dernière requête adressée au SEM le 6 juillet 2017, les recou- rants avaient en effet sollicité de cette autorité qu’elle se prononce, par une décision formelle, sur les motifs pour lesquels ils avaient été privés de li- berté, ainsi que la raison des fouilles corporelles dont ils avaient été fré- quemment l’objet. Enfin, ils se sont plaints des sanctions les privant d’ar- gent de poche. Ils ont requis la constatation, outre du déni de justice pour absence de décision formelle, du caractère illicite des fouilles et de l’ab- sence de motivation pour le cumul des sanctions qu’ils ont eu à subir.

6.2 Or, ainsi que l’a constaté le TF dans le cadre de sa jurisprudence, les requérants d’asile ont la possibilité de s'adresser au SEM notamment pour obtenir, aux conditions de l’art. 25a PA, une décision en cas d'actes maté- riels illicites liés à leur hébergement dans un centre de la Confédération (cf. notamment ATF 133 I 49 consid. 3.2; voir en outre en ce sens arrêts du TAF E-6711/2007 du 18 mars 2010 consid. 2.5; E-1241/2007 du 27 février 2009; E-58/2009 précité; cf. également, en ce sens, pour ce qui est de la jurisprudence développée antérieurement à l’entrée en vigueur, le 1er jan- vier 2007, de l’art. 25a PA, ATF 128 II 156 consid. 4d; arrêt du TF 2A.282/2003 du 29 septembre 2003 consid. 1.2 et 3). Il en résulte que les situations auxquelles se réfèrent les recourants peuvent être rangées dans la catégorie des « actes matériels » visés par l’art. 25a PA.

6.3 Il est manifeste également que le SEM est compétent en matière de gestion des CEP et qu’il applique en ce cas le droit public fédéral (cf. art.

26 LAsi en relation avec l’art. 28 de cette même loi). Cette autorité était donc habilitée à traiter la demande des recourants du 6 juillet 2017.

6.4 En outre, il n’est pas contestable qu’une privation répétée des droits de sortie, la privation de l’argent de poche ou des fouilles corporelles dans un CEP sont potentiellement de nature à porter atteinte aux droits fondamen- taux d’un requérant d’asile. En effet, la présence dans un CEP, dont les modalités sont réglementées depuis le 1er janvier 2008 par l’Ordonnance du DFJP, impose aux requérants d’asile des restrictions dans l’organisation de leur journée. Il en va ainsi plus particulièrement des ordres donnés par le personnel du CEP qui sont susceptibles de porter atteinte à la person- nalité et à la liberté du requérant (cf. arrêt TAF précité F-4036/2016 consid.

2.2.3).

6.5 Compte tenu par exemple de la possibilité qu'a le personnel du centre d'enregistrement de refuser une autorisation de sortie au requérant d'asile, ce dernier pourrait subir une atteinte à son droit fondamental à la liberté personnelle, respectivement à la liberté de mouvement (cf. notamment ATF

(17)

128 II 156 consid. 3b; arrêts du TF 2A.282/2003 précité consid. 3.1;

2A.264/2001 précité consid. 2c et 3b; arrêt du TAF E-58/2009 et F- 4036/2016 précités).

6.6 Dans le cas d’espèce, dès lors qu’ils ont été privés de sortie et d’argent de poche à de nombreuses reprises, qu’ils ont subi régulièrement des fouilles corporelles, les recourants ont pu être confrontés à diverses res- trictions dans l’exercice de leurs droits fondamentaux, leur permettant, le cas échéant, de prétendre que le séjour ainsi accompli dans l’établisse- ment précité avait touché leurs droits et obligations au sens de l’art. 25a al.

1 PA, condition à laquelle est notamment subordonnée la recevabilité de leur demande de décision formelle du 6 juillet 2017. La question de savoir si les mesures disciplinaires subies étaient constitutives d’une atteinte illi- cite à leurs droits fondamentaux ou à leur personnalité relève en revanche de l’examen au fond, un sujet qui sort du cadre du présent recours (cf.

BÉATRICE WEBER-DÜRLER, in Auer / Müller / Schindler, op. cit., p. 379, no 44).

6.7 D’autre part, il convient d’admettre que les recourants, qui se trouvaient dans une relation étroite avec l’acte matériel en regard duquel ils se plai- gnent d’une violation de leurs droits fondamentaux, avaient un intérêt digne de protection (notamment par une compensation morale de l’atteinte por- tée à ces derniers) à ce que fût examinée la conformité des mesures et sanctions subies durant leur séjour au CEP de Perreux avec les garanties consacrées par les droits fondamentaux et, partant, au prononcé d’une dé- cision de constatation concernant le caractère licite de cette prolongation au sens de l’art. 25a al. 1 let. c PA (cf. également, sur ce point, WEBER- DÜRLER, in Auer / Müller / Schindler, op. cit., p. 371, no 30 et l’arrêt de prin- cipe du Tribunal fédéral (cf. consid. 3.3.4, supra) publié aux ATF 137 I 296 consid. 4 - 6). Il importe à cet égard d’observer que les recourants ne dis- posaient à cet effet d’aucun autre moyen de droit. En outre, il n'est pas admissible de renvoyer à la voie de l'action en responsabilité de l'Etat le requérant d'asile qui se sent atteint dans sa liberté par l'organisation de son séjour dans un centre d'enregistrement. Une protection juridique de ce genre, simplement indirecte et a posteriori, ne peut pas suffire et n'est fina- lement pas dans l'intérêt de la collectivité publique. Il convient au contraire de permettre aux requérants d'asile qui estiment leurs droits fondamentaux lésés de faire valoir leurs griefs à l'encontre d'actes étatiques qui viennent de se produire, durent encore ou sont imminents (cf. notamment ATF 128 II 156 consid. 4a; MOOR /POLTIER, op. cit., ch. 1.1.3.3 p. 39 et ch. 1.1.3.4 litt. f pp. 47 et 48, et réf. citées).

(18)

6.8 Au vu des éléments exposés ci-dessus, le SEM n’avait d’autre choix que de se saisir de la demande des recourants du 6 juillet 2017 visant au prononcé de décisions formelles de constatation.

6.9 Enfin, le Tribunal note que l’Ordonnance du DFJP a subi plusieurs mo- difications qui sont entrées en vigueur le 1er décembre 2017 (RO 2017 5887). Ces changements législatifs ne sont pas applicables ratione tempo- ris au recours car, en l’absence de dispositions transitoires expresses, le principe de la non-rétroactivité des lois s’applique ; ainsi une nouvelle règle ne peut pas remettre en cause des situations de fait qui se sont entière- ment déroulées et achevées avant son entrée en vigueur (cf. BLAISE

KNAPP, Précis de droit administratif, 1991, p. 283, paragraphe 1354).

Cela dit, il sied de noter que les art. 12 et 13 de l’Ordonnance du DFJP ont été abrogés, et remplacés par les nouveaux articles 16a à 16i. L’article 16f al. 2 dispose que « Si le refus de l'autorisation de sortie est prononcé pour plus de 24 heures ou à plusieurs reprises, l'autorité disciplinaire rend une décision à la demande de la personne concernée ». Ainsi, il est marquant que la nouvelle réglementation tend à aller vers la consécration d’un droit à obtenir une décision formelle susceptible de recours par rapport à un des griefs soulevés par les recourants dans leurs écritures et leur requête du 6 juillet 2017 – celui qui concerne les refus répétés d’autorisation de sortie.

Ce changement législatif représente une évolution vers un renforcement de l’accès au juge (art. 29 et 29a Cst.) et va globalement dans le sens du jugement du Tribunal dans le présent arrêt.

7.1 Au vu de ce qui précède, le recours est admis en ce sens que le SEM aurait dû rendre une décision formelle sujette à recours suite à la requête des recourants en ce sens du 6 juillet 2017 (cf. en ce sens ATF 128 II 156, consid. 1[d]). Le refus de donner suite à cette requête conduit le Tribunal à constater l’existence d’un déni de justice formel, sans qu'il soit nécessaire de se prononcer sur les autres griefs du recours.

7.2 Les divers griefs soulevés par les recourants pendant leur séjour au CEP de Perreux n’ont pas à être jugés au fond. Il n’y a plus d’intérêt à ce qu’ils soient examinés (en ce sens, cf. ATF 128 II 156 consid. 4.b). Le Tri- bunal a renoncé en l’espèce à l’existence d’un intérêt actuel digne de pro- tection pour pouvoir se prononcer sur les questions de procédure qui sans cela, ne pourraient presque jamais être tranchées, mais en l’état il n’y a

(19)

pas lieu de transmettre la cause au SEM pour qu’il rende une décision for- melle et se prononce concrètement et à posteriori sur les conditions de séjour des recourants dans le CEP de Perreux (cf. ATF précité).

8.1 Par ordonnance du 4 août 2017, le Tribunal a mis les recourants au bénéfice de l'assistance judiciaire partielle et les a dispensés du paiement des frais de procédure.

Partant, il n'est pas perçu de frais de procédure.

8.2 En vertu de l’art. 64 al. 1 PA en relation avec l’art. 7 al. 1 du règlement du 21 février 2008 concernant les frais, dépens et indemnités fixés par le Tribunal administratif fédéral (FITAF, RS 173.320.3), la partie qui obtient gain de cause a droit aux dépens pour les frais nécessaires causés par le litige. Dans le cas particulier, il ne se justifie cependant pas d’octroyer des dépens au recourant, dès lors que le SAJE n’a nullement démontré qu’il avait facturé ses services aux recourants et qu’il ressort du site internet du SAJE (cf. http://sos-asile-vaud.ch/SITE_SAJE/SAJE.htm consulté en mai 2018) que celui-ci offre des conseils juridiques gratuits et qu’il ne demande, pour la prise en charge d’un dossier d’asile, qu’une contribution de la part de l’intéressé (à ce sujet, cf. arrêt F-643/2016 du 24 juillet 2007 consid. 6).

Dans ces conditions, les recourants n’auront pas à supporter de frais rela- tivement élevés et ne sauraient dès lors prétendre à des dépens (cf. art.

64 al. 1 PA en relation avec l’art. 7 al. 4 FITAF ; cf. également l’arrêt du TAF F-4009/2014 du 14 juillet 2016 consid. 7.2). Par conséquent, toute conclu- sion prise en ce sens doit être rejetée.

(Dispositif à la page suivante)

(20)

Par ces motifs, le Tribunal administratif fédéral prononce :

Le recours est admis.

Le refus du SEM du 12 juillet 2017 de rendre des décisions écrites for- melles susceptibles de recours, suite à la requête des recourants en ce sens du 6 juillet 2017, constitue un déni de justice formel.

Il n'est pas perçu de frais de procédure.

Il n’est pas alloué de dépens.

Le présent arrêt est adressé :

– aux recourants, par l’entremise de leur mandataire (Recommandé) – à l'autorité inférieure (avec dossier N […] en retour)

La présidente du collège : Le greffier :

Jenny de Coulon Scuntaro Nuno-Michel Schmid

Expédition :

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