LES MOBILITÉS RÉSIDENTIELLES
Mobilités et migrations
L2 Géographie et aménagement Cours 6
Quelle approche de la mobilité résidentielle ?
- Une maille spatiale : la commune
Quelle approche de la mobilité résidentielle ? - Une maille spatiale : la commune
- Un pas de temps : l’année précédente
Quelle approche de la mobilité résidentielle ? - Une maille spatiale : la commune
- Un pas de temps : l’année précédente
- Un individu statistique : les personnes
DÉFINITION
Selon l’Insee, la migration résidentielle est le changement de résidence principale d’un individu ou d’un collectif.
La mobilité résidentielle « désigne dans son sens le plus restrictif, les déplacement des individus ou de groupes d’individus, ayant pour effet de transférer leur résidence d’un lieu à un autre » (Baccaïni, 2015).
Au sens large : changement de localisation (quartier, commune, département…), de taille et/ou de type de logement (appartement, maison), ou de statut d’occupation (location, accession).
« La connaissance de la mobilité résidentielle est un enjeu important de la recherche urbaine, car elle permet de comprendre comment les hommes s’adaptent aux différents changements à l’œuvre dans la société contemporaine, qu’ils concernent l’activité économique, la vie privée, le progrès technique, ou encore les formes d’urbanisation » (Brun et Bonvalet, 2002).
MOBILITÉ RÉSIDENTIELLE ET MIGRATION INTERNATIONALE
La migration internationale partage des éléments de définition des mobilités résidentielles : le
changement durable de lieu de résidence mais ne peut être réduite à une maille spatiale d’observation du déplacement résidentiel (entre États).
Déplacement dans l’espace social : position sociale à l’issue de la migration (être un
« étranger » ou un « immigré ») est une conséquence du changement de société d’appartenance et des modalités de participation à cette société : accès aux droits (nationalité, droit de séjour, droit de vote, droits sociaux), accès aux ressources élémentaires (logement, emploi, scolarisation, etc.) - selon différents modèles politiques d’intégration (assimilation, multiculturalisme) ou d’exclusion.
Épaisseur temporelle et spatiale : la migration prend rarement la forme d’un
« déménagement ». Prendre en compte la durée de la migration (pauses) et son inscription spatiale (détours, allers-retours, obstacles).
Épaisseur politique : la migration s’opère dans le cadre de politiques d’encadrement des populations (« biopolitique », M. Foucault) par la régulation des entrées (« migration choisie »,
« quotas »), le contrôle des frontières mais aussi du côté des départs (politiques de modification coercitive du peuplement). Les migrations sont pour partie régulées par le droit international.
MOBILITÉ RÉSIDENTIELLE ET MIGRATION INTERNATIONALE
• Les mobilités résidentielles des personnes migrantes peuvent s’inscrivent dans des « circulation migratoires » (A. Tarrius, 1993, 2007).
• Un exemple: Daphné Caillol (2018), « The spatial dimension of agency: the everyday urban practices of Filipina domestic workers in Amman, Jordan », Gender, Place & Culture, 25:5, 645-665
In Caillol, 2019
MOBILITÉ RÉSIDENTIELLE ET MOBILITÉ SOCIALE
• Luc Boltanski et Eve Chiapello, Le nouvel esprit du capitalisme, 1999: la mobilité spatiale est « une expression paradigmatique de la mobilité » en général . La mobilité résidentielle est aussi un déplacement dans l’espace social.
• Bourdieu « Effets de lieu » , La misère du monde 1993: « La position d’un agent dans l’espace social s’exprime dans le lieu physique où il est situé, et par la position relative que ses localisations temporaires (par exemple les places d’honneur, les emplacements réglés par le protocole) et surtout permanentes (adresse privée et adresse professionnelle) occupent par rapport aux localisation des autres agents. (…) Une part de l’inertie des structures de l’espace social résulte du fait qu’elles sont inscrites dans l’espace physique ».
Les ghettos du gotha, Pinçon et Pinçon- Charlot, 2007
Objectifs de l’ANRU :
● Réinsérer les quartiers dans la ville
● Créer la mixité sociale dans l'habitat
● Introduire de la mixité par la diversification des fonctions
Les Tarterets, Corbeil-Essone (91) Source : ANRU, 2004
https://www.anru.fr/fre/Mediatheque/
Phototheque/Quartier-des-Tarterets- Vue-aerienne3
MOBILITÉ RÉSIDENTIELLE ET MOBILITÉS QUOTIDIENNES
Vermeersch, Launay et Charmes 2019, Quitter Paris: étude des choix résidentiels des classes moyennes en Ile-de-France.
- Les habitants de Saint-Georges (Paris 9ème) valorisent le fait de « tout faire à pieds ».
- Parmi ceux contraints de quitter Paris, beaucoup souhaitaient rester dans la « zone du métro ».
- D’autres expliquent leur choix par leur volonté de ne plus prendre métro et RER.
Transit-oriented development: Le prolongement de la ligne de métro 4 à Bagneux et un projet immobilier « connexe »
Source: mairie de Bagneux Source: Société du Grand Paris
LES MOBILITÉS RÉSIDENTIELLES EN FRANCE : GRANDES TENDANCES
France: 11 %
LES MOBILITÉS RÉSIDENTIELLES EN FRANCE : GRANDES TENDANCES
Debrand Thierry, Taffin Claude. Les facteurs structurels et conjoncturels de la mobilité résidentielle depuis 20 ans. In: Economie et statistique, n°381-382, 2005
CGET: Les mobilités résidentielles en France, rapport 2018
LES MOBILITÉS RÉSIDENTIELLES EN FRANCE : GRANDES TENDANCES
LES FACTEURS DE MOBILITÉ ET D’IMMOBILITÉ RÉSIDENTIELLE
Âge et situation familiale
Le modèle de Rodgers
Du cycle de vie au parcours de vie: prise en compte du caractère parfois non-linéaire des trajectoires, de la multiplication des étapes familiales et du développement de la multi-résidence (Brun et Bonvalet 2002, Baccaïni 2015)
LES FACTEURS DE MOBILITÉ ET D’IMMOBILITÉ RÉSIDENTIELLE
Sexe
CSP
Source: Insee, Fichiers des personnes décédées, 1980-2019. Réalisation: Guibard et Leconte, 2020.
LES FACTEURS DE MOBILITÉ ET D’IMMOBILITÉ RÉSIDENTIELLE
Revenu, niveau de diplôme et catégorie socio-professionnelle
- Les cadres et les personnes diplômées du supérieur ont davantage de mobilités résidentielles de longue portée (au moins interdépartementales).
- « La mobilité résidentielle de longue distance, en raison des coûts qu’elle implique, est fortement dépendante du niveau de revenu » (CGET 2018).
- Les mobilités résidentielles tendent à renforcer la division sociale de l’espace.
LES FACTEURS DE MOBILITÉ ET D’IMMOBILITÉ RÉSIDENTIELLE
Mobilité résidentielle et statut d’occupation
- Recensements de la population (question sur le lieu de résidence un an auparavant depuis 1962) et Échantillon Démographique Permanent (étude longitudinale).
Nécessité de passer au niveau individuel, pour étudier des arbitrages et comprendre l’imbrication des facteurs explicatifs des mobilités résidentielles:
- Enquêtes logement (question sur les raisons du dernier déménagement) et enquêtes Emploi.
- Enquête biographiques (notamment les enquêtes 3B et Histoires de vie » menées par l’INED)
- Récits de vie et études des trajectoires résidentielles. Un exemple: Authier, Bonvalet et Lévy, Elire domicile, 2010.
Le « système de causalité » des mobilités résidentielles: « Lorsque l’on cherche à comprendre la mobilité d’un individu au cours de son cycle de vie, on est obligé de tenir compte de plusieurs dimensions de son existence: les évènements qui ont marqué sa vie familiale, sa carrière professionnelle, et plus globalement les circonstances historiques, les fluctuations économiques, le
contexte local, les politiques d’habitat et d’équipement urbain, mais aussi les liens qui se sont tissés entre la personne et son espace de vie » (Brun et Bonvalet, 2002, page 22)
LES FACTEURS DE MOBILITÉ ET D’IMMOBILITÉ RÉSIDENTIELLE
Quelles données pour comprendre les mobilités résidentielles ?
Dimension
familiale Dimension
professionnelle Dimension politique
Dimension contextuelle
LES FACTEURS DE MOBILITÉ ET D’IMMOBILITÉ RÉSIDENTIELLE
Les trajectoires résidentielles
D’après Jean-Yves Authier, « Préambule sur les trajectoire résidentielles », in Fol, Miot, et Vignal, 2014, Mobilités résidentielles. territoires et politiques publiques, Le Septentrion :
La trajectoire résidentielle correspond à la série des positions résidentielles successivement occupées par un individu (Authier 2010). Cette notion suggère que ces positions ne sont pas le fait du hasard, mais qu’elles peuvent être étudiées conjointement, dans une approche longitudinale, car elles forment un ensemble qui a du sens. Elle suppose que les parcours résidentiels ne sont pas entièrement déterminés par l’origine géographique et sociale des individus, que ces derniers possèdent toujours une marge de manœuvre, même si elle est parfois très restreinte, et qu’ils réalisent des arbitrages qu’il est important de prendre en compte (Bonvalet et Brun 2002).
Trajectoire résidentielle
La dimension familiale des trajectoires résidentielles:
- Relations entre mobilités résidentielles et parcours de vie
- Histoire résidentielle et socialisation : type de logement habité et statut d’occupation dans l’enfance (Authier 2010)
- Localisation des réseaux de sociabilité et en particulier familiaux (Vignal 2005, Rénahy 2005)
LES FACTEURS DE MOBILITÉ ET D’IMMOBILITÉ RÉSIDENTIELLE
La dimension professionnelle des trajectoires résidentielles:
LES FACTEURS DE MOBILITÉ ET D’IMMOBILITÉ RÉSIDENTIELLE
Diminution de l’importance de la distance domicile-travail? L’emploi suscite essentiellement des migrations de longue distance (Vignal 2006)
Injonction à la mobilité: effets des délocalisations, « migrations de carrière » et risques professionnels, familiaux et résidentiels des mobilités pour l’emploi (Vignal 2006, et 2014) Exemple : la définition d’une
« offre d’emploi raisonnable » par Pôle Emploi
Bi-activité et ancrage résidentiel : la bi-activité réduit la marge de manœuvre résidentielle des
couples et augmente leur probabilité de rester sédentaires (Courgeau et Meron, 1995). Elle favorise aussi la métropolisation des actifs (Vignal 2006)
La dimension politique des trajectoires résidentielles
Structure et évolution du parc de logement
Lévy, 1997: les « chaînes de vacances ». Les chaines les plus longues (celles qui permettent le plus d’ajustements résidentiels) sont celles constituées par la construction de logement en
accession à la propriété.
Opérations de construction ou de destruction de logements sociaux
Lelévrier 2007 et 2010 : approche critique des politique de mixité sociale menée par l’ANRU.
L’essentiel des ménages (80%) sont relogés dans la même commune, mais fragilisation des ménages les plus vulnérables et émergence de situation de micro-ségrégation à l’échelle du quartier.
LES FACTEURS DE MOBILITÉ ET D’IMMOBILITÉ RÉSIDENTIELLE
La dimension contextuelle des trajectoires résidentielles
LES FACTEURS DE MOBILITÉ ET D’IMMOBILITÉ RÉSIDENTIELLE
Déterminants historiques et économiques: démocratisation ou non de l’accession à la propriété et inégalités intergénérationnelles.
Déterminants géographiques: différence des systèmes de taxation, encadrement des loyers, financement du logement social, rapport à la propriété…
Déterminants sociaux: modes de vies privilégiés, stratégies de distinction et de reproduction sociale.
Deux exemples: La clubbisation (Charmes, 2011) et le rôle joué par l’école dans les
choix résidentiels (Oberti, 2007)
MOBILITÉS RÉSIDENTIELLES ET DYNAMIQUES TERRITORIALES
CGET, 2018: « Cette ligne, qui sépare un Nord-Est déficitaire d’un Sud-Ouest attractif, est aujourd’hui bien plus structurante, en matière de mobilités résidentielles, que le contraste entre les grandes agglomérations et les espaces peu denses.
A l’échelle nationale: fin de l’exode rural, périurbanisation, métropolisation et littoralisation
MOBILITÉS RÉSIDENTIELLES ET DYNAMIQUES TERRITORIALES
CGET, 2018: « C’est la dynamique migratoire qui,
globalement, détermine la géographie de la croissance de la population en France »
Les dynamiques démographiques sont formées par la combinaison du solde migratoire et du solde naturel
MOBILITÉS RÉSIDENTIELLES ET DYNAMIQUES TERRITORIALES
À l’échelle des aires-urbaines: la périurbanisation
Comprendre l’importance de la
périurbanisation en France (Martine Berger, 2006):
- Démocratisation de l’automobile à partir des années 1960
- Attrait pour le logement individuel (en particulier la maison avec terrain)
- Politiques publiques d’aides à l’accession Aujourd’hui la croissance périurbaine se fait dans des espaces éloignés des pôles, les moins denses du territoire, qui étaient en déficit migratoire il y a cinquante ans.
On parle de 3ème couronne de l’aire urbaine parisienne.
MOBILITÉS RÉSIDENTIELLES ET DYNAMIQUES TERRITORIALES
• A l’échelle des aires urbaines: la décroissance
« Les villes en décroissance en France sont pour la plupart
d’anciennes villes industrielles et minières au profil économique spécialisé, qui n’ont pas réussi ou achevé leur reconversion.
Cependant, ce phénomène tend à se diffuser, en particulier dans la base de la hiérarchie urbaine » (Wolff et al. 2013)
MOBILITÉS RÉSIDENTIELLES ET DYNAMIQUES TERRITORIALES
De la décroissance démographique à la décroissance urbaine
• Les villes en décroissance peuvent être définies comme « des espaces urbains qui ont connu des pertes de population, un retournement économique, un déclin de l’emploi et des problèmes sociaux, symptômes d’une crise structurelle » (Martinez-Fernandez et al., 2012, p. 214).
• Un phénomène multidimensionnel: perte de population, chômage, vacance résidentielle et commerciale, rétraction des services publics…
« Les villes françaises en décroissance sont pour la plupart petites et pèsent peu dans l’économie nationale. Mais elles n’en soulèvent pas moins des enjeux importants pour l’aménagement du territoire. (…) Le redéploiement de la carte des services publics, qui s’est traduit par des suppressions de maternités ou de tribunaux, a « fortement perturbé le fonctionnement de ces villes » (Taulelle, 2010). Le processus de désengagement de l’État, déjà entamé avant la dernière crise financière, est en marche en France comme en Europe, et nécessite la mise en place d’un débat sur une solidarité territoriale » (Wolff et al. 2013)
MOBILITÉS RÉSIDENTIELLES ET DYNAMIQUES TERRITORIALES
S. Berroir, S. Fol, C. Quéva et F. Santamaria, « Villes moyennes et dévitalisation des centres : les politiques publiques face aux enjeux d’égalité territoriale », Belgeo [En ligne], 3 | 2019
MOBILITÉS RÉSIDENTIELLES ET DYNAMIQUES TERRITORIALES
A l’échelle intra-urbaine : mobilités et ségrégation
●
Le modèle de Schelling ("Dynamic models of segregation." Journal of mathematical sociology 1.2 (1971): 143-186.)
http://nifty.stanford.edu/2014/mccown-schelling-model-segregation/
●
Gentrification et paupérisation
APUR, Les migrations résidentielles s'accentuent dans le centre de l'agglomération parisienne (volet 1), 2007