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Le rapport à la musique des enseignants du premier degré : rapport personnel, rapport professionnel
Frédéric Maizières
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Frédéric Maizières. Le rapport à la musique des enseignants du premier degré : rapport personnel, rapport professionnel. Education. Université Nancy 2, 2009. Français. �NNT : 2009NAN21019�.
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Nancy-Université / Université Nancy 2 Ecole Doctorale « Langages, Temps, Sociétés »
Laboratoire Inter-universitaire des Sciences de l’Education et de la Communication (LISEC)
UFR Connaissance de l’homme
Thèse en vue de l’obtention du Doctorat de Sciences de l’Education
soutenue le 18 décembre 2009 par Frédéric MAIZIERES
Le rapport à la musique des enseignants du premier degré : rapport personnel, rapport
professionnel
Thèse dirigée par Monsieur Pierre-André DUPUIS, Professeur de Sciences de l’Education à l’Université Nancy 2 et co-dirigée par Monsieur Jean-Christophe VILATTE, Maître de
conférences en Sciences de l’Education à l’Université Nancy 2
Jury :
M. Gilles BOUDINET, Maître de conférences HDR, Université de Paris VIII – Saint Denis M. Pierre-André DUPUIS, Professeur, Université Nancy2
M. Alain KERLAN, Professeur, Université Louis Lumière Lyon 2
M. François MADURELL, Maître de conférences HDR, Université de Paris-Sorbonne (Paris IV)
M. Jean-Christophe VILATTE, Maître de conférences, Université Nancy 2
Remerciements :
Je remercie tout particulièrement Monsieur Pierre-André Dupuis, directeur de thèse, et Monsieur Jean-Christophe Vilatte, co-directeur. Ils m’ont permis de m’engager dans cette thèse. J’ai bénéficié de leur expertise et de leurs regards complémentaires. Ils m’ont accordé toute leur confiance et m’ont soutenu dans les moments difficiles.
J’adresse également des remerciements particuliers :
A Messieurs Alain Kerlan et François Madurell qui ont accepté d’être rapporteurs, et à Monsieur Gilles Boudinet, membre du jury. Qu’ils sachent combien je leur sais gré d’avoir accepté de lire ce travail,
Aux IA-IEN qui m’ont donné leur accord, et aux collègues de Meuse, de Meurthe et Moselle et de Moselle qui m’ont apporté leur collaboration en répondant au questionnaire et en acceptant les entretiens que j’ai sollicités,
A Monsieur Youssef Tazouti pour son aide précieuse,
A Monsieur Patrick Baranger, Monsieur Dominique Deviterne, Monsieur Daniel Guéry, Madame Annette Jarlegan, Monsieur Pierre Valade pour leur soutien et leur accompagnement,
A Monsieur Bernard Calmettes, Monsieur Benoit Dejaiffe, Madame Laetitia Gérard, Madame Annick Harbulot, et Monsieur Francis Maizieres pour leurs relectures et leurs recentrages éclairants.
A Patricia, Pierre, Philippe et Louise pour leur patience,
A ma grand-mère, sans qui rien de tout cela n’aurait peut-être eu lieu, et à qui je dédie cette
thèse.
Table des matières
INTRODUCTION ... 9
PREMIERE PARTIE : ... 27
LES ENSEIGNANTS DU PREMIER DEGRE ET LA MUSIQUE ... 27
I. LES PRATIQUES DE L’ENSEIGNEMENT
ET L’EDUCATION MUSICALE... 28
1. La complexité du travail de l’enseignant : entre contraintes et autonomie ... 32
2. La spécificité du travail d’enseignement : un « processus interactif situé » ... 35
3. Les connaissances de l’enseignant ... 38
3.1. Le savoir « à » enseigner ... 38
3.2. Le savoir « pour » enseigner ... 40
3.3. Les représentations : des « guides pour l’action » ... 42
3.4. L’enseignant : une identité en crise ? ... 47
II. LE RAPPORT A LA MUSIQUE ... 52
1. Un concept à caractériser ... 52
1.1. Les pratiques musicales et les goûts comme objet de recherche ... 53
1.2. Le développement du « sens » musical, une autre approche ... 56
2. Le rapport à la musique : un rapport au monde, à l’autre et à soi-même ... 60
2.1. La musique : un objet à définir ... 61
2.3. La musique comme rapport aux autres ... 75
2.4. La musique comme rapport à soi-même ... 77
2.5. Rapport à la musique et désir de musique ... 82
III. LE RAPPORT PROFESSIONNEL A LA MUSIQUE : UNE RELATION DE SENS ET DE VALEUR ... 85
1. L’éducation musicale pour quelles finalités ? ... 91
2. L’éducation musicale et les valeurs intellectuelles ... 95
3. L’éducation musicale et les valeurs morales ... 102
4. L’éducation musicale et les valeurs esthétiques ... 105
C
ONCLUSION:
LA RECONCILIATION DU CORPS ET DE L’
ESPRIT... 108
DEUXIEME PARTIE : ... 112
DESCRIPTION DES PRATIQUES MUSICALES DES ENSEIGNANTS DU PREMIER DEGRE ... 112
I. PRESENTATION DE L’ETUDE ... 113
1 Le rapport à la musique comme indicateur ... 114
2. Dispositif de l’enquête : le questionnaire ... 115
3. Description de la population ... 117
3.1. La population et la situation géographique de l’enquête ... 117
3.2. Caractéristiques personnelles des enquêtés ... 117
3.3. Les pratiques de loisir : des activités « culturelles » ... 122
II. L’EXPERIENCE PERSONNELLE DE LA MUSIQUE ... 127
1. Le passé musical de l’enseignant... 127
1.1. Les pratiques musicales antérieures ... 127
1.2. L’éducation familiale ... 134
1.3. Les expériences musicales au cours de la scolarité ... 137
2. L’actualité musicale ... 141
2.1. Les pratiques musicales actuelles ... 141
2.3. Les pratiques d’écoute et les goûts musicaux ... 157
2.4. Les sorties musicales ... 166
2.5. L’environnement proche (conjoint, enfants) ... 170
Conclusion ... 172
3. Le rapport personnel à la musique ... 175
3.1. Les pratiques musicales antérieures ... 175
3.2. Les pratiques musicales actuelles ... 178
3.3. Les goûts musicaux ... 185
Conclusion ... 193
III. LES PRATIQUES ENSEIGNANTES ... 196
1. Les caractéristiques professionnelles ... 197
1.1. La situation de l’école ... 197
1.2. Le temps de travail de l’enseignant et ses autres fonctions ... 199
1.3. L’ancienneté dans le métier ... 200
1.4. Le niveau d’enseignement ... 201
2. La prise en charge de la musique dans la classe ... 203
3. La durée hebdomadaire accordée aux activités musicales ... 205
4. Les activités mises en œuvre ... 208
4.1. L’activité chant ... 215
4.2. L’activité d’écoute ... 216
5. Les sorties organisées ... 219
6. Les projets ... 221
Conclusion : une situation contrastée ... 223
IV. ANALYSE DES PRATIQUES DE LA MUSIQUE A L’ECOLE ... 225
A.
L’
HORAIRE ACCORDE A L’
EDUCATION MUSICALE... 225
1. Le passé musical de l’enseignant... 225
1.1. Les pratiques musicales antérieures ... 225
1.2. La famille au cours de l’enfance ... 226
1.3. La scolarité ... 227
2. L’actualité musicale de l’enseignant ... 227
2.1. Les pratiques musicales actuelles ... 227
2.2. Les diplômes musicaux ... 228
2.3. Les pratiques d’écoute ... 228
2.4. L’environnement familial ... 230
3. Les variables socio-démographiques ... 230
4. Les caractéristiques professionnelles ... 231
Conclusion ... 233
B.
LA FREQUENCE DES ACTIVITES MUSICALES DANS LA CLASSE... 236
1. Le passé musical ... 236
1.1. Les pratiques musicales antérieures ... 236
1.2. La famille au cours de l’enfance ... 236
1.3. La scolarité ... 237
2. L’actualité musicale de l’enseignant ... 238
2.1. Les pratiques musicales actuelles ... 238
2.2. Les diplômes musicaux ... 238
2.3. Les pratiques d’écoute ... 239
2.4. L’environnement familial ... 241
3. Les variables socio-démographiques ... 241
4. Les caractéristiques professionnelles ... 243
Conclusion ... 245
C
.
L’
ACTIVITE CHANT... 249
1. Le passé musical de l’enseignant... 249
1.1. Les pratiques musicales antérieures ... 249
1.2. La famille au cours de l’enfance ... 249
1. 3. La scolarité ... 250
2. L’actualité musicale de l’enseignant ... 250
2.1. Les pratiques musicales actuelles ... 250
2.2. Les diplômes musicaux ... 250
2.3. Les pratiques d’écoute ... 251
2.4. L’environnement familial ... 252
3. Les variables socio-démographiques ... 252
4. Les caractéristiques professionnelles ... 254
Conclusion ... 254
D
.
L’
ACTIVITE D’
ECOUTE... 257
1. Le passé musical de l’enseignant... 257
1.1. Les pratiques musicales antérieures ... 257
1.2. La famille au cours de l’enfance ... 258
1.3. La scolarité ... 258
2. L’actualité musicale de l’enseignant ... 259
2.1. Les pratiques musicales actuelles ... 259
2.2. Les diplômes musicaux ... 259
2.3. Les pratiques d’écoute ... 260
2.4. L’environnement familial ... 263
3. Les variables socio-démographiques ... 263
4. Les caractéristiques professionnelles ... 264
Conclusion ... 265
E
.
LES SORTIES MUSICALES... 268
1. Le passé musical de l’enseignant... 268
1.1. Les pratiques musicales antérieures ... 268
1.2. La famille au cours de l’enfance ... 268
1.3. La scolarité ... 269
2. L’actualité musicale de l’enseignant ... 269
2.1. Les pratiques musicales actuelles ... 269
2.2. Les diplômes musicaux ... 269
2.3. Les pratiques d’écoute ... 269
2.4. L’environnement familial ... 271
3. Les variables socio-démographiques ... 272
4. Les caractéristiques professionnelles ... 272
Conclusion ... 273
F
.
LES PROJETS MUSICAUX... 276
1. Le passé musical de l’enseignant... 276
1.1. Les pratiques musicales antérieures ... 276
1.2. La famille au cours de l’enfance ... 277
1.3. La scolarité ... 277
2. L’actualité musicale de l’enseignant ... 278
2.1. Les pratiques musicales actuelles ... 278
2.2. Les diplômes musicaux ... 278
2.3. Les pratiques d’écoute ... 278
2.4. L’environnement familial ... 281
3. Les variables socio-démographiques ... 281
4. Les caractéristiques professionnelles ... 282
Conclusion ... 283
V.
LE POIDS DES DIFFERENTS DETERMINANTS SUR LES PRATIQUES ENSEIGNANTES EN EDUCATION MUSICALE ... 286
1. Les variables retenues pour l’analyse multivariée ... 287
1.1. Les variables dépendantes ... 288
1.2. Les variables indépendantes ... 290
2. La faible part de variance des pratiques enseignantes expliquée par le rapport à la musique de l’enseignant ... 293
Conclusion : L’éducation musicale serait peu dépendante des pratiques personnelles, et ne relèverait donc pas toujours d’un problème de compétences. . 300
VI. ANALYSE DES ELEMENTS QUALITATIFS ... 301
1. L’évaluation ... 301
2. Les finalités de l’éducation musicale ... 301
3. La perception que les enseignants ont de leur propre pratique d’enseignement 302 3.1. La motivation à enseigner la discipline ... 303
3.2. Les compétences perçues ... 303
3.3. La connaissance des instructions officielles ... 303
3.4. L’intérêt de la discipline ... 304
3.5. L’évolution dans le métier ... 304
3.6. La satisfaction face à la discipline. ... 305
3.7. La position face aux deux disciplines artistiques à enseigner (arts visuels et éducation musicale) ... 306
C
ONCLUSION:
PRATIQUES PROFESSIONNELLES ET PRATIQUES PERSONNELLES:
UNE RELATION COMPLEXE... 307
TROISIEME PARTIE : ... 310
LES VALEURS DE LA MUSIQUE ... 310
I. LA MUSIQUE A L’ECOLE : POUR QUELLES VALEURS ?... 311
1. Les pratiques musicales de l’enseignant du premier degré ... 315
1.1. La musique dans la vie personnelle : des expériences diverses ... 315
1.2. La musique dans la classe : « Les gens ont envie ou n’ont pas envie » (D). ... 315
2. Les valeurs de la musique ... 317
2.1. La musique à l’école et l’activité artistique : les valeurs esthétiques ... 318
2.2. La musique à l’école et le savoir scolaire : les valeurs intellectuelles ... 320
2.3. La musique à l’école et le rapport à l’autre : Les valeurs morales ... 324
Conclusion : la musique considérée comme une discipline artistique ? ... 327
II.
DES PROFILS D’ENSEIGNANTS EN FONCTION DE LEURS « ATTITUDES » ET DE LEURS « VALEURS » ... 330
1. Profil 1 : Petite pratique musicale en raison de compétences limitées (E, G, L, M). ... 330
2. Profil 2 : Peu de pratique artistique dans la classe en raison des contraintes liées au métier (B, H, K) ... 354
3. Profils 3 et 4 : Enseignants qui s’investissent au nom d’une éthique professionnelle forte (D, F, A, C, I, J) ... 374
3.1 Profil 3 : Un engagement éthique relatif à sa « mission » d’enseignant au nom de valeurs comme l’épanouissement, la culture et l’égalité des chances (D et F) ... 377
3.2. Profil 4 : Engagement éthique par rapport à l’élève en tant qu’individu qui « est » avant d’être celui qui « sait » (A, C, I et J) ... 390
CONCLUSION : U
N ENSEIGNEMENT QUI RELEVE DES VALEURS DE L’
EDUCATION... 414
CONCLUSION GENERALE ... 419
BIBLIOGRAPHIE ... 433
Préambule
Quels peuvent être les souvenirs de la musique à l’école d’un individu scolarisé à la fin des années soixante ou au début des années soixante-dix ? A la fois rares et précis. Plus particulièrement, trois images très nettes. La plus ancienne, mais non la plus lointaine, c’est Pierre et le loup de Prokoviev, mimé sur la scène de la salle des fêtes du village avec un masque de chat. Y avait-il une intention pédagogique à rendre l’enfant attentif aux thèmes musicaux pour ne pas rater l’entrée sur scène ? Peut-être ! En revanche, l’œuvre est toujours restée chère à notre cœur. Le deuxième souvenir, moins coloré celui-là, c’est l’interprétation de la Marseillaise sous le ciel gris de novembre près du Monument aux Morts du village. Quel hommage de la part de ces enfants qui « braillaient » aux côtés de leur maître cette chanson emblématique de la République, mais aussi de l’Ecole ! Le dernier souvenir est beaucoup plus précis, si précis que les paroles et les airs des canons appris en cours moyen et que nous reprenions entre élèves dans la cour de récréation nous sont encore présents. La formation était-elle efficace vocalement ? On peut le penser, d’autant plus qu’elle a provoqué le désir de reproduire ces chansons en dehors de la classe. Savoir si ces souvenirs ont déclenché l’envie d’une carrière consacrée à la fois à la musique et à l’école est assez difficile à affirmer, mais il paraît incontestable que des expériences qui laissent des traces aussi durables et agréables ne sont pas anodines dans le parcours d’un individu.
Autres émotions musicales, la chorale paroissiale dirigée par une organiste qui s’était mise en tête de faire chanter les garçons du village. Là aussi des souvenirs précis de répétitions où la polyphonie se construisait peu à peu avec des enfants pas toujours attentifs mais conduits d’une main de fer. A l’admiration des chœurs, s’ajoutait celle portée au son de l’orgue qui nous accompagnait. L’émotion était alors à son comble quand l’organiste interprétait un prélude de Jean-Sébastien Bach qui nous faisait oublier les moqueries des autres gamins du village parce que nous chantions à la messe.
La suite est toute simple, le désir très vif d’apprendre à jouer de l’orgue et d’enseigner la musique : des études commencées chez l’organiste paroissiale, puis au conservatoire et à l’université pour obtenir le certificat pour enseigner la musique en lycée et collège. Quel professeur de musique sommes-nous ? Ce n’est pas à nous de répondre, sans doute serait-il intéressant de poser la question aux élèves, aux étudiants et aux professeurs stagiaires avec lesquels nous avons travaillé. Toutefois, il nous est possible d’affirmer que nous nous sommes toujours placé en défenseur d’une éducation artistique pour tous, basée sur la qualité et la diversité, et non en animateur pour faire chanter les chansons à la mode.
Pourquoi alors s’intéresser plus particulièrement à la musique à l’école primaire ? Peut-
être parce que c’est précisément à l’école primaire que sont nées nos premières émotions
musicales, du moins celles dont nous avons eu conscience. Ces émotions ont sans doute
nourri notre intime conviction que le rapport à la musique se développait et se formait dès le
plus jeune âge. Ainsi, lorsque cette éducation n’a pas lieu dans le milieu familial, comme
c’était notre cas, c’est l’école qui peut y pourvoir, si l’on ne veut pas laisser à la télévision et
aux autres médias le soin de le faire. C’est ce sentiment de « conviction », mêlé d’un
sentiment de « responsabilité », qui nous a toujours animé, que ce soit dans l’enseignement et
plus encore dans la formation. Participer à la formation des maîtres représentait pour nous la
possibilité à la fois de partager des expériences et des compétences, mais aussi de défendre
une discipline qui nous paraît devoir occuper une place importante dans un contexte social où les valeurs économiques prévalent trop souvent sur ce qui est considéré comme le superflu et l’inutile. Il nous semble fondamental de ne pas rater ces premières rencontres avec la musique. Celles-ci représentent autant d’espaces de formation d’une oreille en perpétuelle activité, et par ailleurs trop sollicitée par une « musique » où c’est plutôt la plastique de celui qui chante qui prime sur la qualité d’une production véritablement originale.
Malheureusement, il semblerait que la musique à l’école souffre d’un déficit d’enseignement,
à la fois quantitatif et qualitatif. Même si certains ont eu la possibilité de rencontrer au hasard
de leur parcours scolaire des enseignants qui ont véritablement provoqué un déclic, au moins
des émotions, il est dommage que l’éducation musicale reste trop souvent du domaine de
l’aléatoire.
INTRODUCTION
Au risque de semer le trouble au milieu des débats qui agitent actuellement l’école, particulièrement des discours sur la maîtrise d’un « socle commun » pour tous les élèves qui font la part belle aux domaines de la langue et du calcul, il nous semble pourtant que l’école consacrait déjà l’essentiel de son temps à l’apprentissage de l’écriture, de la lecture et du calcul. Or, on entend régulièrement dire que les élèves ne savent plus ni lire, ni écrire, ni compter, et que le niveau baisse. Bien entendu, tout le monde ne s’accorde pas sur ce point, créant ainsi la discorde jusque dans la société pour désigner ce qu’il est utile d’apprendre à l’école ou non. Les uns proposent un recentrage sur la langue et le calcul, n’hésitant pas à prôner un retour aux anciennes méthodes, tandis que d’autres pensent qu’ouvrir l’enfant sur le monde et sur les autres n’empêche pas, bien au contraire, de maîtriser la lecture, l’écriture et le calcul, mais permet aussi de développer chez l’élève, entre autres, un esprit critique, un esprit d’initiative, un esprit curieux et créatif, nécessaires à la préparation d’ « une intégration réussie dans la société » (MEN, 2008, p.3).
Ainsi, pour certains l’image de l’école se résume à de longues matinées occupées à lire, écrire, compter, résoudre des problèmes. D’autres voient au contraire l’école comme autant de classes en promenade, en visite chez le boulanger, à la ferme, au cinéma, au concert, à la piscine, bref, rien de bien sérieux ! Il serait pourtant intéressant de comparer les résultats scolaires d’élèves de niveau égal au départ mais soumis à des pédagogies aussi différentes.
Mais de telles évaluations sont rares et demeurent, le plus souvent, ignorées du public, même au sein de l’éducation.
Le compositeur Didier Lockwood, par ailleurs vice président du Haut Conseil de l’éducation artistique, déplore le peu de place consacré aux disciplines artistiques à l’école, et en titrant son article « Les arts du sensible sont d’efficaces fixateurs du savoir », il annonce clairement la thèse selon laquelle les pratiques artistiques sont de « puissants vecteurs des enseignements du sensé » et juge qu’une « éducation » digne de ce nom ne peut dissocier les enseignements du « sensible » de ceux du « sensé » (Lockwood, 2006). De la même façon, les acteurs investis dans l’enseignement musical et notamment les « enseignants pressentent que cette discipline permettrait de développer des compétences » utiles dans les différents apprentissages et « de créer des ponts avec d’autres disciplines » (Baumard, 2006).
Des études existent et montrent les effets positifs de l’enseignement musical sur un certain nombre de compétences. Par exemple, en ce qui concerne l’apport des arts, M.
Baumard cite une étude suédoise et une étude canadienne qui montrent que la pratique du piano et du chant aide « bel et bien à développer les facultés cognitives des enfants » (Baumard, 2006). Plus proches de nous, A. Mingat et B. Suchaut (1994, 1996) ont montré que la pratique régulière d’activités musicales structurées dans les classes de grande section de maternelle avait une « influence bénéfique et durable sur les acquisitions des élèves en mathématiques et en lecture-écriture mesurées en fin de cours préparatoire » (Suchaut, 2002, p.4). Dans un article récent, M-C. Huguet indiquent que les résultats de son étude montrent que les « pratiques musicales constituent un capital culturel utile à la réussite scolaire » et des effets substantiels sur les performances en mathématiques et en français ont pu être observés (Huguet, 2008, p.55).
Mais qui relaie de tels propos, en dehors des musiciens eux-mêmes et de certains
pédagogues avisés et militants, qui passent encore trop souvent pour de « doux rêveurs »?
Dans un monde où le brassage humain et culturel participe de plus en plus à la construction d’une communauté devenue « plurielle », comment envisager l’éducation de l’enfant sans une ouverture sur le monde et sur les autres ? Comment préparer une
« intégration réussie dans la société » dans l’ignorance des autres cultures et des autres manières de faire ou de penser ?
Enfin, l’intégration dans la société, et c’est bien l’objectif de l’école, exige-t-elle à ce point qu’un individu soit soumis à la « dictature » des médias, l’obligeant à ignorer tout un pan de la création artistique par le seul fait qu’il n’appartient pas à un milieu familial qui lui permet un accès à l’art ?
« L’école de la IIIème République ne cherchait pas à doter chaque enfant de tous les produits culturels identifiés comme produits de luxe. Il fallait parer au plus pressé. Lire, écrire, compter, voilà les instruments dont on a besoin » (Porcher, 1973, p.8). En évoquant ainsi un passé déjà lointain, L. Porcher n’imagine sans doute pas être aussi proche de certains discours du début du XXIème siècle.
Il ne faut rien exagérer, comparer l’école du XXIème siècle à celle de la IIIème République relève aussi du fantasme. C’est ignorer tout ce que l’école du dernier quart du XXème siécle a pu multiplier comme réformes, chartes et autres dispositifs pour développer les domaines de l’expression et de la culture à l’école. A. Kerlan souligne « la place grandissante des arts et des pratiques culturelles dans le champ de l’école, et au-delà, dans les politiques et les pratiques sociales et culturelles en matière d’éducation, de formation, de prévention » (Kerlan, 2004, p. 5). L’école du XXIème siècle a d’autres ambitions et elle reconnaît l’importance de l’accès à une culture « humaniste » qui doit fournir « l’occasion d’émotions esthétiques » (JO, 12 juillet 2006).
Mais, même si, comme le remarque justement A Kerlan, les pratiques culturelles ont dépassé le strict cadre de l’éducation artistique à l’école, il semble que bien souvent les conditions ne soient pas réunies pour que les intentions puissent trouver un écho favorable auprès des enseignants et plus largement, auprès de la société. Les discours politiques qui se concentrent ces dernières années sur les savoirs et savoir-faire considérés comme fondamentaux ne s’entendent guère sur le sujet de la culture artistique. Les crédits alloués aux dispositifs culturels et artistiques ne sont pas toujours accessibles, les classes dites à « PAC
1» sont de plus en plus rares et le nombre des ateliers de pratique artistique est toujours limité. La formation continue des enseignants se recentre également sur les « fondamentaux » de l’école, laissant ces mêmes professionnels démunis face à l’enseignement de disciplines pour lesquelles ils se déclarent peu compétents. L’accès à l’art et à la culture semble dépendre d’un véritable militantisme de certains acteurs qui luttent pour que les enfants aient accès uniformément à toutes les formes d’expression afin de faire de l’école un espace de formation générale et de remédier aux inégalités sociales.
Toutes ces réflexions montrent que ce qui caractérise aujourd’hui, comme hier, la réalité des arts à l’école, c’est, d’une part, la place mal définie des disciplines artistiques et, d’autre part, le manque d’informations sur le sujet, qui autorisent toutes les supputations sur ce que
1 PAC : Pratique Artistique et Culturelle.