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Les enjeux des nouvelles AOP en Europe

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Academic year: 2021

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HAL Id: hal-01000761

https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01000761

Submitted on 6 Jun 2020

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Les enjeux des nouvelles AOP en Europe

Genevieve Teil

To cite this version:

Genevieve Teil. Les enjeux des nouvelles AOP en Europe. Foire aux Vins, Colmar Expo. Colmar, FRA., Aug 2012, Colmar, France. 25 p. �hal-01000761�

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Les enjeux des nouvelles AOP en Europe:

Résumé : Cet exposé traitera du retour au terroir depuis le début des années 2000 , du retour à l’authenticité de la qualité. Ce mouvement qui ne cesse de s’amplifier amène avec lui des préoccupations accrues et nouvelles envers l’environnement, et aussi des questions nouvelles au sujet de la

« nature » du terroir et des possibilités d’en tester la présence.

L’exposé décrira les évolutions en cours, montrant comment le renouveau des vins de terroir a ouvert une place à l’environnement dans celle de la qualité, anéantissant en quelques mois une barrière très forte entre qualité gustative et environnementale des vins. Ensuite, seront approfondies les conséquences de ces évolutions sur le statut juridique du terroir, la garantie de qualité qu’apportent les AOP et les exigences de preuve souhaitées par l’administration européenne.

Remerciements

Je remercie JM Deiss et les organisateurs de m’inviter et de me donner l’occasion de présenter à un public d’amateurs et de professionnels les conclusions des recherches que nous menons.

Introduction : des tensions, comment les apaiser ?

Les AOC/AOP connaissent des tensions. Elles en ont toujours connu, mais il s’agissait jusque là de mises en cause « externes » : on leur reprochait en particulier de ne pas garantir la qualité qu’elles prétendaient.

Cette suspicion continue d’exister – ce n’est pas l’objet de cet exposé, mais on pourra y revenir – elle a contribué au développement de l’énorme collectif de la critique vinicole qui a lui-même contribué au développement et à l’essor des AOC.

Aujourd’hui s’y ajoutent des tensions un peu différentes : les reproches et mises en cause ne viennent plus ou plus seulement de l’extérieur des AOC, des buveurs notamment ; ce sont les vignerons des appellations eux-mêmes qui se demandent s’il ne faut pas introduire de nouvelles séparations au sein même des AOC, parce que les intérêts entre les vignerons au sein d’une même appellation semblent se mettre à diverger.

La question que nos voulons poser dans cet exposé c’est « que faire pour répondre aux problèmes qu’ils posent ? »

Tpt 1 Plan

Nous allons aborder cette question à travers 4 points successifs que l’on va entrecouper de pauses et de discussions.

1. 6 tpt (25’) : Nous allons tout d’abord voir que certains objets comme le terroir ont une

« double nature » un peu inattendue.

2. 7 tpt (35’) : Nous nous pencherons ensuite sur le fonctionnement des AOC et nous verrons qu’il repose sur une double épreuve de la qualité d’AOC.

3. 6 tpt (25’) : En 3, nous nous poserons logiquement la question « comment concilier les deux natures des vins de terroir et les deux épreuves des AOC. Nous examinerons là certaines propositions faites pour tenter de venir à bout des controverses, discussions conflits qui traversent les AOC aujourd’hui.

4. 1 tpt (5’) : Nous conclurons sur le défi que représente aujourd’hui le changement climatique et les AOC

Précautions : Ces questions qui tiraillent le monde du vin ne sont pas simples. Je me suis efforcée de rendre mon exposé aussi clair que possible. Les questions qu’elles soulèvent peuvent sembler étranges ou toucher à des points inhabituels, mais il ne faut pas se laisser impressionner. Je pense que bcp d’entre vous vont reconnaître les difficultés, les paradoxes, les ambiguïtés ou même les contradictions avec lesquelles ils jonglent.

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PREMIERE PARTIE Le terroir, le bio…, des objets dotés d’une

« double nature » inattendue (20’)

Je pars ici de l’étude que nous avons menée sur les questions de qualité environnementale et dont vous trouverez l’exposé dans le livre le vin et l’environnement.

Vous allez me dire l’environnement cela n’a pas grand chose à voir avec les terroirs, et bien si justement ; C’est parce qu’au cours de notre étude nous avons été interpelés par des discussions et des conflits similaires dans le bio et dans les AOC que nous avons du rentrer un peu plus dans le détail dans l’analyse du fonctionnement des signes de qualité, et en particulier celui des AOP.

En guise d’introduction, je vais vous présenter en deux mots le problème que l’on va traiter ensemble, et que l’on rencontre chez les bio. Cet exemple permet de résumer le problème que l’on retrouve avec le terroir et que l’on va voir un peu plus en détail juste après.

Tpt 1. Une querelle chez les bio

Les entretiens que nous avons menés auprès des vignerons bio font ressortir une controverse entre les partisans du bio tel que défini par le label AB, et leurs adversaires.

Tous les deux s’accusent mutuellement d’empêcher le développement du bio.

- Les premiers défendent le fait que le bio, ce doit être le respect des règles et contraintes des pratiques édictées dans le label, ni plus ni moins ;

- les autres soutiennent que le bio ne peut pas être quelque chose de figé. C’est un état d’esprit, celui de la recherche continuelle d’un système alternatif de production, agronomique, économique, social. Ce bio là n’est pas prédéfini, il ne cesse de s’inventer.

Les deux veulent que le bio se développe et le défendent.

Mais s’ils se disputent c’est parce qu’ils n’ont pas la même conception de ce qu’est la « nature » ou la « forme » de l’objet bio.

Dans un cas, c’est un objet prédéfini par les règles du label, et il suffit de le reproduire.

Dans l’autre, c’est un objet qui s’invente au fur et à mesure de ses mises en œuvre.

Alors, où est le problème ?

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Tpt 2. Le problème… *

Le problème, c’est que la qualité bio est protégé et garanti par un signe de qualité.

Ce signe de qualité apporte une garantie de la qualité bio des produits qui l’affichent.

Or, on ne prouve pas de la même façon la qualité ou la présence d’un objet - s’il est le support d’un ensemble de caractéristiques qui le définissent - ou au contraire, si sa qualité ne cesse de s’inventer.

Je vous ai mis deux exemples extrêmes de ces deux formes d’objet différents.

La prise électrique est définie par le standard qui stipule l’écartement entre les fiches, la profondeur des fiches, l’isolation du courant, etc… Pour être une prise électrique il faut et il suffit de

respecter le standard qui définit ce qu’est une prise. Celles qui sont non conformes sont interdites.

A l’opposé, le tableau ou l’œuvre d’art est perpétuellement en train d’inventer l’art et la beauté. Il n’existe pas de définition de l’art qui permette de dire si un tableau est un bon ou un vrai tableau.

Mais cela ne veut pas dire qu’il est impossible de dire si un tableau est ou non réussi. Vous êtes tous capables ici de répondre à cette question. C’est même quelque chose d’assez facile.

Caricature de la critique artistique qui s’admire elle-même dans le tableau qui devient un miroir au lieu d’apprécier le tableau.

Voilà le problème que nous allons retrouver et développer à propos des questions de terroir.

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Tpt 3 Les refusés du terroir

Dans les années 2000, il se passe des événements nouveaux dans les AOC, et plus précisément dans les jurys d’agrément des AOC.

On accusait les AOC de laxisme, on disait qu’elles ne refusaient jamais personne…

Et pourtant, là, elles se mettent à refuser des vins dont les vignerons sont parfois réputés pour leur compétence professionnelle et leur engagement envers la qualité de terroir.

Et on ne peut pas accuser ces vignerons de prendre des libertés avec les contraintes de l’appellation ; les contraintes qu’ils s’imposent vont bien au delà de celles des prescriptions de l’AOC.

Que se passe-t-il ?

Ces producteurs sont très engagés dans la recherche de l’expression de terroir de leurs vins.

Pour mieux en saisir les infimes nuances, ils ont drastiquement épuré leurs techniques - à la vigne, pas d’engrais, un minimum de traitements, des rendements très bas… pour

ne pas masquer ni diluer ces touches si difficiles à recueillir que donne le terroir.

- A la cave, ils ont banni autant que faire se peut tout ce qui peut à nouveau venir masquer ou brouiller l’expression du terroir. Pas de levurage, uniquement des levures indigènes, du terroir, ni chaptalisation ni acidification évidemment, toutes ces corrections sont des insultes faites au terroir. Et parfois pas de soufre, ou le moins possible, parce que comme tout additif qui ne provient pas du terroir, il vient perturber son expression.

Bien sûr à réviser ainsi les techniques aussi drastiquement, le goût, la couleur de leurs vins change.

Pour ces refusés, si le goût change, c’est parce qu’on retrouve enfin le terroir que l’on avait perdu après des décennies de mauvais traitements dans les vignobles.

Et pourtant ils se font refuser à l’agrément.

Le coup est dur.

Lorsqu’ils reçoivent la notification de rejet avec parfois des recommandations pour arranger leur vin pour qu’ils puissent le représenter et qu’il rentre à nouveau dans les canons de l’appellation, vous pensez bien que ces producteurs refusés voient rouge.

Pour eux ces conseils sont le comble de ce qu’il ne faut pas faire pour avoir un vin de terroir : arranger, maquiller leurs vins… alors que les vins d’AOC ont pour devoir d’être des vins « de terroir » et que les leurs sont l’expression la plus « pure » possible de leur terroir.

Devant la notification de rejet, ils ne concluent donc pas qu’ils ont eu un pb d’élaboration, mais au contraire que c’est le jury qui a perdu le goût du terroir.

Comme toujours, s’il y a controverse, c’est que la question n’est pas simple, d’autant que l’on a deux camps assez tranchés chez les refusés que les amateurs de vins vont reconnaître.

Le terroir n’émerge pas tout seul dans le vin. Il a besoin du vigneron. Le vin de terroir n’est donc pas un vin « naturel » au sens où le vin serait fait par la nature toute seule. Le terroir c’est à la fois la nature et un vigneron.

 Mais la question du degré adéquat de participation de chacun est une question difficile.

1. Il y a les partisans du plus naturel possible qui jugent que le vigneron doit s’effacer aussi totalement que possible devant la nature et tous les nouveaux goûts qui apparaissent alors

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Ils en veulent pour preuve le fait que les vins d’avant, les véritables modèles du terroir à leurs yeux, avaient ces goûts là ;

2. et puis on a aussi ceux qui jugent que le vigneron est comme l’interprète qui joue une partition de musique d’un compositeur : il est indispensable, mais son rôle ne s’arrête pas là. Il doit mettre en valeur l’œuvre qu’il joue. Pour cela, il doit respecter l’œuvre, ne pas la brouiller par un jeu trop personnel, une patte d’interprète trop voyante.

Les adeptes du vin ultra naturel sont des adeptes de l’intervention minimale

Les autres leur reprochent souvent de masquer toutes les subtiles nuances du terroir derrière des goûts d’oxydation par exemple que certes les vins d’avant avaient, mais qui uniformisent les vins de terroir ; alors qu’ils cherchent au contraire à faire valoir l’infinie diversité des terroirs.

On a là deux visions très différentes de l’idée de terroir bien sûr.

Mais dans les deux cas, quand le compte rendu d’agrément leur indique « trop tendre », « trop soutenu pour un rosé », « atypique », ils accusent tous en retour les jurés de l’agrément d’avoir une vision trop figée et standardisée de la qualité des vins, pas assez en prise sur les terroirs.

Les mêmes jurés répondent, oui, mais il faut que les vins continuent de former un ensemble cohérent de production, identifiable et différent des vins des autres appellations. C’est pour cela, toujours selon eux, que tel rosé est rose pâle ; que certains blancs doivent ou non faire la malo, que les secs doivent être secs, même s’ils doivent pour cela faire 15 degrés et nécessiter des levures industrielles un peu costaudes.

Et les chercheurs du terroir rétorquent que ce n’est pas à eux d’en décider mais au terroir et au millésime.

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Tpt 4 Le terroir se dédouble

On voit se dessiner dans cet affrontement un partage similaire à celui du bio entre ceux qui pensent que les vins de terroir

- doivent avoir une typicité prédéfinie qui les rend reconnaissables ; Là le fait d’être conforme aux critères de typicité leur confère automatiquement leur caractère de terroir.

- et à l’opposé, on a les producteurs qui dénoncent cette conception du terroir prédéfini, et sont engagés quant à eux dans la recherche de leurs terroirs.

Comme le bio, le terroir a une existence double.

Tpt 5 Le vin de terroir: « objet conforme » et « résultat d’une recherche » Pour le bio comme pour le terroir, nous voici avec des objets qui ont une double modalité d’existence.

Comme chose prédéfinie, autonome, autonome , prédéterminée, indépendante de ses

« usagers/producteurs » d’un côté ;

Comme une production toujours en train de se réinventer, inséparable des particularités de sa parcelle de vignes, ou du projet de son « artisan-vigneron » de l’autre.

Le problème que l’on a retrouver plus loin, c’est que l’on ne garantit pas la qualité d’un vin

« conforme » à une définition préétablie du terroir comme celle d’un vin « en quête de terroir ».

- Dans le premier cas il suffit de recourir à un test,

- dans le second, c’est l’évaluation collective critique qui permet d’apprécier le résultat de la recherche.

Et les deux sont relativement incompatibles ; si l’on intervertit les épreuves de garantie, on risque d’éliminer des vins parfaitement conformes ou de très bons vins de terroir.

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Tpt 6 Une coexistence délicate…

Finalement, on a une dispute entre des vignerons qui opposent deux « natures » de vins de terroir :

- des vins plutôt « standardisés/calibrés » aux caractéristiques prédéfinies

- et des vins plus « artistes/innovants », qui ne cessent de redécouvrir et réinterpréter le terroir

 Et ils ne vivent plus très bien leur appartenance à une même AOC.

La dispute entre les deux se retrouve notamment dans une dispute sur la typicité.

Une typicité bien définie est considérée comme un cadre nécessaire pour la commercialisation des autres.

Mais l’excès de garantie de conformité élimine les vins artistes.

Réciproquement, être un bon vin est une qualité considérée comme nécessaire pour être un vin d’AOC, mais une exigence excessive de créativité dans l’interprétation élimine les vins standards.

Bien sûr les gens ne restent pas les bras croisés devant les problèmes et

Deux solutions simples ont été proposées

1. Si c’est la dégustation d’agrément qui focalise les mécontentements, il faut la réformer.

2. Une autre solution simple, à laquelle bcp pensent, c’est le schisme. On sépare les deux camps

Est-ce que ce sont de « bonnes » solutions ?

Pour répondre à cette question, il faut examiner le fonctionnement du signe de qualité AOC et la façon dont il entend garantir la qualité des produits de terroir.

Mais avant de passer à la suite y a-t-il des questions, des éclaircissements, des commentaires… ?

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SECONDE PARTIE Garantir la BONNE qualité TYPIQUE ou la double épreuve des AOC (25’)

Tpt 1. Des AOC pour vaincre l’ignorance des consommateurs L’idée qui préside au fonctionnement des AOC est simple.

[KK] Des productions locales sont menacées parce que le consommateur ne fait pas la différence entre elles et d’autres productions moins bonnes ou moins intéressantes.

Dans le cas des produits de terroir, le consommateur ne fait pas cette différence, car il ne sait pas la faire. Il faut donc la faire à sa place et l’informer de cette différence grâce à un signe de qualité Pourquoi ne la sait-il pas faire la différence entre la bonne et la mauvaise qualité?

Parce qu’il lui manque la compétence fondamentale, basique des consommateurs celle de savoir reconnaître « la bonne qualité ».

Pour pallier la difficulté on met donc à sa disposition un signal de qualité, sur lequel il peut et doit s’appuyer pour faire ses choix de vins.

Pourquoi le consommateur ferait-il confiance au signe de qualité ?

[KK] Comme il ne sait pas ce qui est de qualité ou pas, il ne peut donc pas non plus vérifier par lui-même que l’information qui lui est apportée est bonne ou non.

Il faut donc aussi lui donner des preuves que l’information apportée par le signe de qualité est fiable.

Cette preuve est apportée par le « contrôle » du signe de qualité. Le signal appellation d’origine est donc « contrôlé ».

Que contrôle-t-on ?

2. Tpt La double épreuve de la typicité

Le contrôle vient vérifier le respect des contraintes du cahier des charges sur l’origine des raisins, et les pratiques vitivinicoles.

Il vérifie aussi l’absence de défauts (volatile) et des seuils de qualité en sucre notamment.

Le produit résultant est ensuite soumis à un test, la dégustation d’agrément au cours de laquelle des professionnels viennent valider (ou invalider) la prétention du produit à être un produit typique de son appellation, et réussi.

La qualité d’AOP est donc soumise à une double épreuve :

d’un côté on vérifie que tous les éléments de la recette, les façons de bien faire, ont bien été respectés ;

de l’autre que le résultat est réussi.

[KK] On a là la classique division entre garantie de moyens et de résultat…

 Mais pourquoi trois épreuves ? Pourquoi même deux épreuves de résultat sont-elles nécessaires ?

Ne peut-on réduire les contrôles ?

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3. Tpt Réduire les contrôles

Ne peut-on garder que les épreuves sur le résultat ?

Non, car la dégustation d’agrément est l’objet de nombreuses critiques.

Elle est confiée aux professionnels qui connaissent le mieux les produits typiques, les producteurs.

Mais ils sont alors soupçonnés d’être juges et partie puisqu’ils valident leur propre production et celle de leurs collègues.

 Pourquoi ne pas s’en tenir aux seuls tests analytiques ?

1. Parce qu’ils sont insuffisants pour dire si un vin est un bon vin d’AOC.

[KK] Si la dégustation d’agrément n’est pas jugée un test très fiable et que les tests analytiques sont insuffisants, pourquoi ne se contente-t-on pas du contrôle des pratiques ?

Le problème, c’est que comme toute recette, il ne suffit pas de faire ce qu’il y a écrit dans le livre de cuisine, il faut aussi être un bon professionnel. C’est ce que vérifie la dégustation d’agrément.

 N’est-il pas possible de préciser la recette pour réduire autant que faire se peut les mauvaises façons de faire qui nuisent au résultat ?

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4. Tpt Une meilleure explicitation de la qualité de terroir ?

Des chercheurs ont tenté depuis des années, de préciser ce qui fait la qualité de terroir, à quoi on la doit, à quels sols, quels choix de cépages, savoir faire, quelle météo, quelles techniques

vitivinicoles, sans succès.

Ce n’est pas que l’on ne trouve pas de cause à la qualité de terroir, au contraire, plus on en cherche, plus on en trouve.

Et la liste des facteurs d’influence sur la qualité de terroir semble croître sans fin.

C’est comme si l’on n’avait jamais fini d’écrire la recette [KK] Que peut-on en déduire ? Deux réponses différentes

Pour certains, c’est que le travail n’est pas terminé. La tâche d’explicitation de la qualité de terroir est complexe et qu’il faut continuer le travail d’objectivation de la qualité.

Pour d’autres ce travail d’objectivation est voué à l’échec : la supériorité qualitative est une notion subjective ou encore une construction sociale, c'est-à-dire une qualité faussement attribuée au produit et qui relève en fait de ceux que le jugent.

Si l’on suit ce point de vue, on ne peut pas garantir la supériorité qualitative des produits d’AOC.

La seule chose que l’on puisse dès lors garantir, c’est le cahier des charges et le fait que la typicité est une qualité particulière, différente, mais pas une qualité supérieure. C’est une simple spécification.

Mais si l’on pousse ce raisonnement et que l’on abandonne l’idée que les appellations géographiques garantissent une qualité supérieure,

 la certification devient une simple norme de conformité, un standard.

[KK] Le problème alors, c’est que les appellations deviennent des signes arbitraires de qualité ! - Pourquoi ne certifie-t-on pas les vins piqués, au style parfaitement reconnaissables ?

 Si on abandonne l’idée que la qualité des vins d’AOC est une bonne qualité, on perd toute raison de certifier cette qualité d’AOC plutôt que toute autre qualité ? Ou alors il faut toutes les certifier, mais cela n’a plus aucun sens.

Nous voici avec des AOP prises entre deux feux également destructeurs. Ce sont soit

- des signes fondés sur une connaissance imparfaite de la qualité, et leur fiabilité est douteuse;

- soit ce sont des signes de qualité subjectifs, arbitraires… infondés.

[KK] En toute logique il n’y a plus qu’à les supprimer

Heureusement nous ne sommes pas condamnés à cette alternative. Pourquoi ? Parce que les différents tests et épreuves de l’AOC, ne sont pas substituables. En particulier la dégustation d’agrément. Son rôle dans le fonctionnement de la garantie des AOC est mal compris.

Si on cherche à la supprimer, il devient impossible de justifier l’existence des AOC.

La dégustation ne peut pas être un test de qualité comme le test analytique ou le contrôle des pratiques.

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5. Dispositifs de promesse et de jugement

Il existe deux types de dispositifs de garantie de qualité :

les dispositifs de promesse

et ceux de jugement.

Les premiers sont les normes qui fixent des standards. Elles spécifient des caractéristiques prédéfinies, vérifiables et contrôlées des biens. Les normes promettent que les prises électriques doivent auront 2 cm entre les deux pôles, que les œufs sont pondus par des poules… Elles sont toutes compatibles entre elles.

Les dispositifs de jugement, ce sont les guides, les médailles de concours, les journaux de la critique viticole ou plus généralement toutes les opinions et jugements produits par des personnes au fil de leurs expériences de la qualité des vins. Ces jugements sont divers, ne se recoupent pas toujours, sont même parfois discordants.

Or, chacun de ces deux dispositifs de garantie de la qualité est adapté à une forme ou une nature d’objet différente.

[KK] 1. Les dispositifs de promesse d’abord. Les normes qui spécifient des caractéristiques apportent des « informations » sur des caractéristiques des biens, attendues, prédéfinies et reconnues nécessaires, faute de quoi, les biens sont des faux ou défectueux et doivent être écartés.

[KK] 2. Le 2° cas, celui des dispositifs de jugement : ils permettent de juger la qualité sans avoir à dire à l’avance ce que cette qualité doit être.

C’est très difficile de construire une norme. C’est extrêmement facile d’émettre un jugement.

N’importe quel petit enfant les mains dans les poches, n’importe quel érudit ou analphabète sait en général dire facilement s’il préfère un objet à un autre.

On peut juger si un tableau est beau, si un vin est bon, si un hôtel est plaisant, si des gens sont sympathiques…

Ces deux garanties ont aussi une autre particularité :

 On peut vérifier si une chambre fait plus de 30 m2 ou si la poubelle est vidée. Cela ne dit pas grand chose sur le fait que c’est un bon ou un mauvais hôtel. Les dispositifs de promesse autrement dit les normes et standards savent dire si n’importe quel vin est rouge ou blanc, s’il est fruité ou acide.

Ils ne savent pas dire s’il a un fruité agréable ou non, si son boisé est intéressant ou pas, s’il est bon ou pas. Ils sont incapables de dire la valeur globale des choses.

Avec les dispositifs de jugement, c’est le contraire.

 Les jugements ne cessent de comparer « globalement » de multiples expériences et de dire si tel vin est meilleur que l’autre, plus intéressant, si son boisé est plus fin ou non… mais dans ces jugements, ce qu’est le vin, ce qu’est le boisé reste prisonnier des vins ou des expériences qu’ils comparent. Si je compare deux vins, je peux les hiérarchiser. Mais si j’en rajoute un troisième, il ne viendra pas nécessairement s’intercaler dans la hiérarchie, l’ordre initial pourra se retrouver

bousculé.

Les jugements s’appuient sur des expériences particulières qui peuvent être très nombreuses, mais ils ne s’appuient pas sur des propriétés « générales » des vins.

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[KK] Les règlements d’AOC et leur double contrôle sont à la fois des dispositifs de promesse, semblables à des normes, et des dispositifs de jugement.

6. Tpt La double nature des Appellations Contrôlées

Par leurs deux épreuves, les appellations d’origine combinent deux formes de qualité :

La promesse qualitative, résultat du contrôle d’une qualité prédéfinie, la recette, les pratiques nécessaires.

le jugement « de valeur » ou de bonne qualité d’appellation, qui n’explicite pas a priori ce qu’il juge, et qui est réalisé par la dégustation d’agrément

[KK] Peut-on supprimer un des deux tests?

Non, bien sûr, sinon les AOC perdent leur fondement même, on l’a vu.

Les deux sont nécessaires, et ils sont très différents :

- Pour juger la conformité d’un vin à des pratiques ou des critères, le vin est réduit à une liste de caractéristiques préétablies.

- Ce n’est absolument pas nécessaire, pour juger la bonne qualité d’un vin. Bien au contraire, le jugement de la bonne qualité est au contraire très porté sur l’originalité, la créativité, le petit plus qu’apporte le vin à la compréhension des AOC, de leur typicité.

Les AOC sont des dispositifs de confiance doubles grâce auxquels on peut juger la bonne qualité typique/différente des vins.

On touche là la remarquable originalité des signes de qualité d’AOC.

7. Tpt L’originalité des AOC

Ce double caractère des AOC se retrouve dans le droit. Elles sont régies par :

le code de la propriété intellectuelle qui protège des créations innovantes

le code de la consommation qui garantit des qualités prédéfinies

Elles protègent ainsi:

- l’innovation et la créativité qui renouvellent et diversifient la production pour soutenir l’intérêt des consommateurs

- une offre segmentée, organisée pour aider le consommateur à s’y retrouver

Bref elles combinent la liberté de l’innovation ET la prévisibilité du standard, sa capacité à ajuster les actions des uns et des autres.

Mais il faut que la dégustation d’agrément soit une véritable épreuve critique de jugement de la bonne qualité d’AOC.

Je récapitule.

On a d’un côté notre dispute entre les vignerons, de l’autre nos AOC avec leur double épreuve de la qualité et deux solutions qui se profilent :

- la réforme de la dégustation d’agrément et le schisme.

Avant de rentrer dans l’examen de ces deux solutions, il y a peut-être des questions, des remarques… ?

Pause et questions

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TROISIEME PARTIE Concilier deux « natures » de vins de terroir &

deux épreuves dans les AOC

Revenons aux deux solutions pour réformer les AOC tout en renforçant la garantie de qualité qu’elles apportent : la réforme de la dégustation d’agrément ou le schisme

Commençons par le schisme.

1. Tpt Le schisme : chacun chez soi

On sépare d’un côté les vignerons qui défendent une typicité « prédéfinie », de l’autre ceux qui veulent pouvoir innover plus librement.

Deux solutions à nouveau :

1. 1° Solution : Les vignerons qui défendent une typicité standardisée restent dans les AOC et les vignerons « innovants » utilisent des stratégies de marque pour faire reconnaître leur qualité supérieure directement par le marché.

2. 2° Solution : On fait deux types d’AOC, l’une à la typicité normalisée et l’autre pour pour les vignerons innovants.

Dans le premier cas, est-ce que le terroir va continuer de s’imposer comme référence de style ? La notion monte au sein de la critique internationale des vins, mais on ne peut pas dire que ce soit un élément crucial de son jugement.

Dans le second cas, on peut se demander comment mettre en œuvre une telle séparation, car la majorité des vins sont à la fois standardisés et artistes. Le fait d’avoir un style ne les empêche pas de réinterpréter chaque année leur typicité de façon différente et donc innovante en fonction de chaque millésime.

Mais surtout, et dans les deux cas, on perd le « génie » de l’AOC et sa justification.

Si la dégustation d’agrément devient un test de conformité à des critères, elle ne peut plus juger si le vin est d’une bonne qualité d’AOC.

On retombe dans l’impossibilité de justifier le bien fondé des appellations

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2. Tpt Une coexistence délicate… mais essentielle

Le schisme n’est pas une bonne solution parce qu’il revient à transformer des AOC en un standard d’un côté et un espace d’innovation de l’autre dont on n’est pas sûr du tout que chacun puisse perdurer de son côté.

Je pense même que l’on perdrait ce qui fait la force des AOC.

La coexistence entre les deux types de vins standardisés et artiste est un élément essentiel de la dynamique marchande des AOC qui a été particulièrement efficace depuis leur création.

Si les japonais sont devenus des consommateurs de vin et si les chinois sont en passe de le devenir, ce n’est ni parce que le vin a bon goût, ni parce que les asiatiques aiment son goût.

C’est grâce aux interactions qui se jouent entre les deux types de commercialisation de ces vins.

Les vins de grande qualité créative, reconnus par la critique et de ce fait prestigieux aiguisent l’intérêt de buveurs potentiels

Les vins « standards » attaquent les nouveaux marchés, en font de nouveaux consommateurs avec l’aide de la critique

Ces nouveaux consommateurs peuvent alors devenir des amateurs de vin…

La coexistence des deux façons d’être un vin d’AOC amène une capacité à créer des dynamiques qualitatives, génère de nouveaux marchés, aide à l’ouverture du goût des clients, maintient la diversité de la production qui entretient l’intérêt des amateurs…

La coexistence des deux façons d’interpréter le terroir est au cœur de l’incroyable réussite des AOC qui ont permis en quelques années d’ouvrir des marchés dans des pays qui n’avaient jamais bu de vin.

Il faut certainement aussi voir dans ce « double jeu » des AOC, le ressort de sa capacité à traverser les crises, les aléas, à se repenser et se réfléchir.

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3. Tpt Réformer la dégustation d’agrément Le schisme est une mauvaise idée.

Puisque c’est la dégustation d’agrément qui focalise les discussions et les disputes, on peut peut- être la changer.

Pour les réformateurs, si la dégustation d’agrément pose problème, c’est parce qu’elle n’est pas assez objective !

La dégustation d’agrément doit donc être réformée pour devenir plus « objective ».

- Il faut donc mieux former les jurés pour qu’ils deviennent chacun plus fiable, - mais aussi leur préciser mieux ce qu’ils doivent juger.

Or, le problème c’est que le jugement de la bonne qualité ne peut pas être un test de conformité : Plus on précise ce qu’est la typicité, plus on la juge en fonction de sa grande ou moins grande conformité à un certain nombre de critères, et moins on devient capable de dire si la qualité typique du vin que l’on juge est bonne.

Rendre la dégustation d’agrément « objective » par conformité, cela revient à faire perdre la capacité des AOC à signaler à une qualité supérieure, ce qui rend leur protection injustifiable.

Et c’est bien cela qui pose problème aux vignerons auxquels on demande de dire ce en quoi consiste leur typicité :

- dès qu’ils avancent trop dans sa « définition », ils voient qu’ils standardisent la typicité : ils réduisent trop les possibilités d’interpréter le style typique de leurs vins.

- Ils en restent alors à des critères généraux auxquels on reproche de ne pas être suffisamment discriminants

Finalement, s’il faut améliorer la garantie des AOC ce n’est pas en rendant la dégustation

« objective » que l’on peut y arriver. Il faut réfléchir alors à d’autres moyens comme la révision des pratiques autorisées et le durcissement des contraintes de production.

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4. Tpt La double épreuve des AOC L’appréciation de la bonne qualité typique

Revenons à nos producteurs. Si la coexistence entre nos deux façons de penser les vins de terroir est aussi essentielle, pourquoi y a-t-il controverse dans les appellations ?

Deux arguments s’affrontent :

Une typicité bien claire est considérée comme un cadre nécessaire pour la commercialisation.

o Il doit faire l’objet d’une épreuve de conformité.

o Mais l’excès de garantie de conformité ne permet pas aux vins artistes de survivre.

Réciproquement, être un bon vin est une qualité considérée comme nécessaire pour être un vin d’AOC,

o La bonne qualité doit faire l’objet d’une épreuve de jugement

o mais une exigence de haute qualité excessive ne permet pas aux vins standard de survivre.

Le problème n’est pas tant un problème de cohabitation entre des vins qu’un problème de l’épreuve que chacun juge nécessaire pour juger et garantir la qualité.

Et en effet chacune des épreuves « de conformité » ou « d’appréciation critique » est mieux adaptée à l’une des deux natures des vins artiste/innovant ou vin calibré/standardisé.

La solution est-elle alors : Chacun son épreuve, tout en restant au sein de la même AOC ?

 Sans doute pas, ce serait certainement revenir à deux AO l’une dédiée aux vins standardisés et l’autre aux vins artistes. Et comme on l’a déjà vu, séparer les deux types de vins, c’est perdre le ressort vital qui anime les AOC.

- Il faut garder nos deux épreuves, la dégustation et le contrôle des pratiques obligatoires.

- Il faut aussi garder nos deux façons d’être un vin de terroir sous un même nom, dans une même AOC.

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5. Tpt ‘Classiques’ et ‘avant garde’ -- Deux façons de faire vivre les AOP

Il ne faudrait surtout pas sous estimer ce que les grandes maisons champenoises, dont on décrit souvent la production comme « industrielle » et standardisée, ont apporté à l’appellation champagne ni le renouveau qu’apportent aujourd’hui les champagnes « d’auteurs » à l’appellation.

Les « classiques » rigidifient momentanément les différences L’avant garde éprouve les critères établis

1. Tous les vins ne contribuent pas de la même manière à la vie de l’AOC

2. Mais tous doivent contribuer au moins pour partie à la double vie de l’AOC et faire le lien entre les deux.

3. Tous les vins doivent donc soumis aux deux épreuves de l’AOC Chacun doit donc se plier au moins un peu aux deux épreuves.

On peut être un vin créatif, mais il faut rester dans le style, ne pas trop s’éloigner des quelques garde-fous qui le balisent

On peut vouloir être un vin classique, de qualité très régulière, calibrée pour être reconnaissable d’un public peu averti, dans ce cas, il ne faut pas non plus écraser la typicité sur une poignée de critères décharnés et chercher quand même à faire vivre un style et le rendre intéressant.

Tous n’auront pas les mêmes scores aux deux épreuves bien sûr, mais il peut y avoir des notes éliminatoires.

L’autre avantage de cette double épreuve, c’est que la typicité peut être constituée de critères souples et incomplets : ils marquent une différence mais n’ont pas à la définir totalement.

Tout comme les terroirs ont en grande partie émergé et se sont précisés avec l’instauration des AOC qui les protégeaient, la typicité peut se préciser grâce au dialogue instauré entre les deux épreuves.

Il faut aussi maintenir un espace de discussion qui assure la communication entre les deux pour assurer la continuité ET l’évolution constante et souhaitable du style des vins au fil des millésimes.

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6. Tpt Un protocole de dégustation critique plus précis

Il ne nous reste plus qu’à voir la dégustation d’agrément qui évalue la « bonne qualité ».

Pour continuer à faire marcher les AOC sur leurs deux jambes, il faut non pas transformer la dégustation d’agrément en un test de conformité, mais au contraire en faire une épreuve de dégustation critique avec un vrai protocole critique.

Qu’est-ce que la dégustation d’agrément critique ?

L’idée générale qui préside au jugement critique est inverse de celle du test de conformité : au lieu de réduire le vin jugé à des critères, on en interroge et déploie le contenu au cours de la discussion critique.

Il n’y a rien à inventer : il s’agit de l’appréciation critique que l’on retrouve aussi bien en littérature qu’en art ou dans la science.

- Elle fait appel à des critiques qui doivent avoir une certaine érudition, un grand respect des produits qu’ils goûtent, une curiosité envers le projet qui porte chacun d’entre eux.

- Ils ne jugent pas à l’aveugle ou pas uniquement à l’aveugle, parce qu’on juge mal ce que l’on ne connaît pas bien.

- Le jugement doit tenir compte du projet du vin et de la contribution particulière qu’il apporte à l’AOC

- Les jurés jugent à plusieurs, parce que tout seul on ne voit pas tout, on ne sent pas toute la qualité d’un vin. Il faut échanger, communiquer pour arriver à faire parler les vins que l’on goûte et que l’on ne comprend pas toujours.

- Les jurés s’appuient aussi sur la dégustation comparative simultanée de plusieurs vins. Le jugement de la bonne qualité d’un vin ne s’appuie pas sur un vin seul, mais sur la

comparaison avec de multiples autres vins, par la mémoire ou mieux, par la comparaison directe de nombreux échantillons

- Dernier point mais non le moindre, les jurés doivent ensuite produire un jugement collectif argumenté.

Ce protocole de dégustation critique est bien différent de celui de l’expert qui déguste à l’aveugle et isolé pour se prémunir de toute influence.

(protocole à l’aveugle qui présume que le vin que l’on goûte se livre complètement et immédiatement à l’appareil sensoriel du dégustateur ; la dégustation critique fait l’hypothèse au contraire que le contenu gustatif du vin à goûter doit faire l’objet d’un travail de déploiement.)

La dégustation critique doit en quelque sorte mimer le fonctionnement de la critique, comme pour les jurys littéraires ou artistiques.

Pause ou on en vient directement à la conclusion : et le changement climatique dans tout cela ?

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CONCLUSION Le changement climatique et les terroirs

Tout d’abord, je remercie les personnes qui ont eu la gentillesse de répondre au questionnaire que nous avons envoyé. Cela permet d’avoir un premier aperçu des problèmes qui se posent en Alsace qui ressemblent à ceux d’autres régions et notamment en coteaux du Layon, tout en ayant leurs particularités.

Que ce sot dans les pays de Loire ou l’alsace et vraisemblablement dans toutes les régions de France : et les qualités des vins changent.

La date moyenne des vendanges est remontée, même si l’on ne récolte plus nécessairement les raisins à la même maturité qu’avant, ils sont mûrs plus tôt.

Les acidités baissent ;

la teneur en sucre monte aussi.

Les réponses sont unanimes : les terroirs changent et la typicité des vins ne va pas manquer de soulever des questions.

1. Les terroirs changent ! (Réponses Unanimes) : trouver un moyen pour discuter la typicité en continu. Ce n’est pas une question à laquelle on apporte une

« solution »

Il y a deux réponses extrêmes à cette recrudescence de variabilité dans le terroir :

- La première : les terroirs sont le résultat de la conjonction unique de phénomènes, reconnus par une réputation. S’ils disparaissent, les AOC n’ont plus de raison d’être ou alors il faut les relocaliser pour retrouver des conditions agroclimatiques similaires.

Dans cette réponse, les terroirs sont quelque chose d’extérieur, rigide, qui nous échappe, que le changement climatique menace par conséquent de détruire.

On a la réponse inverse qui considère au contraire les terroirs comme une construction sociale c'est- à-dire une fabrication humaine toute molle qui résulte des rapports de force ou de l’imaginaire des acteurs. Et dans ce cas, la réponse précise que :

- Les terroirs ont toujours changé, ne cesseront pas de changer de sitôt puisque les rapports sociaux sont eux-mêmes en constant changement. Il n’y a donc rien de neuf et rien à faire.

Ces deux réponses sont extrêmes mais elles dessinent bien deux réactions que nous connaissons déjà :

1. la typicité permet l’identification de nos vins : il faut en modifiant les techniques essayer de la conserver autant que faire se peut pour compenser ou atténuer les effets du CC.

2. La typicité comme la notion de style est quelque chose qui évolue avec les vins et les terroirs. Il faut donc suivre son évolution et continuer à sélectionner les interprétations du style qui apportent d’intéressant à l’AOC.

On sent poindre dans ces deux options les deux orientations des adeptes de la standardisation d’un côté, de l’innovation de l’autre.

 Notre débat sur la typicité risque donc fort de rebondir.

Et puis on a une troisième réponse qui apparaît qui semble s’appuyer de prime abord sur l’idée que la typicité n’a jamais cessé de changer :

- « Les terroirs changent, il faut s’adapter, innover et réviser les règlements pour accepter des cépages adaptés à ce nouveau climat. Par exemple en Pays de Loire, on entend, le

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réchauffement est bien pour les rouges, mais pour les blancs, il va falloir songer à changer le chenin et prendre des cépages du sud. »

Or, tout particulièrement en Alsace, mais aussi dans les grandes appellations mono-cépage, la bourgogne, les pays de Loire, la typicité est fortement liée à l’idée de l’expression particulière d’un cépage.

Et l’introduction de nouveaux cépages pourrait être extrêmement délétère.

[KK] Pour que le terroir continue d’animer la qualité des vins d’AOC :

1. Il faut accroître la surveillance de l’expression de la typicité pour que les AOC continuent à avoir un sens grâce à la discussion critique et non à sa mise en critères toujours nombreux 2. Il faut trouver une solution collective aux difficultés actuelles et si possible une solution

qui relance la dynamique vertueuse si efficace et étonnante des AOC.

3. A cet effet il faut certainement renforcer

a. les instruments de dialogue entre les deux grandes orientations de production au sein des AOC

b. et l’exigence faite à tous de contribuer toutes les deux à l’identité et à l’intérêt du style de chacune des AOC.

FIN

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Il va falloir discuter

- de ce qui est des effets malvenus

- des façons dont il est possible de les limiter

- des effets intéressants voire bienvenus et des façons de les mettre en valeur tout en restant dans la continuité du style des vins d’alsace, c'est-à-dire aussi de leur différence avec d’autres vignobles proches.

D’où l’importance accrue de la discussion critique autour du style des vins dans chacune des

appellations et de ce qui fait son intérêt, autrement dit sa capacité à susciter une attention durable de la part des buveurs. Cela ne signifie pas simplement plaire au plus grand nombre bien sûr, mais être capable d’entretenir l’intérêt.

Attention à la dérive commerciale

La typicité doit rester quelque chose d’intéressant pour le consommateur, qui mérite que l’on fasse un effort pour l’apprécier, sans forcément plaire au premier abord, mais sans pour autant être totalement ésotérique (c’est un peu, en France le pb du vin jaune).

Elle ne doit surtout pas coller aux préférences sans prendre le risque d’être victime du premier changement de mode venu.

2. Les changements climatiques et les terroirs 1H

1. Petit compte rendu des éléments envoyés par les producteurs

a. Un pb de température que l’on peut contrôler assez facilement par le recours au refroidissement

b. Des années « atypiques », comme 2006

c. Une variabilité qui augmente, d’où la nécessité d’améliorer le cadrage précédent 2. Améliorer l’évaluation d’un « style » par une meilleure simulation de la critique et son

cadrage plus fort

3. Conclusion, les changements récents et à venir font ressortir l’originalité des certifications AOP et leur rôle très particulier de garant d’une qualité supérieure.

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TROISIEME PARTIE : les difficultés posées par le durcissement de la garantie des AOP

Les AOC font face à des demandes et préoccupations assez différentes

1. celle des vignerons préoccupés par la perte d’authenticité de terroir de la qualité d’AOC 2. celle d’autres vignerons préoccupés par le succès commercial des AOC

3. celle de l’administration européenne de justifier la protection accordée aux AO et de renforcer la garantie de qualité apportée par le signe d’AOC

Les disputes sur les critères de typicité

Chaque nouveau millésime est une nouvelle interprétation de la qualité de terroir et l’interprétation des caractéristiques de certains vins comme leur teneur en sucre, la couleur des rosés notamment, des notes oxydatives par exemple… fait l’objet d’une discussion.

Les vignerons de l’appellation s’interrogent sur le bien fondé de caractéristiques un peu nouvelles, un peu marquées… Est-ce qu’il s’agit d’une fantaisie personnelle ? d’une interprétation particulière du style du vin ? Est-elle intéressante ? Remet-elle en cause des marqueurs forts de l’identité, auprès de qui ? Est-ce qu’il s’agit d’un ajustement commercial destiné à rapprocher le vin de grandes modes pour en faciliter la commercialisation ? Etc…

Toutes es questions sont absolument normales, elles font partie de l’interrogation critique de la typicité des vins.

Mais la dégustation d’agrément coupe parfois court à ces interrogations par des décisions de rejet ou d’acceptation qui ne font pas l’objet d’un argumentaire discuté, détaillé…

Dès lors c’est la capacité des jurys à mener l’examen critique de la qualité qui est mis en cause.

Or, il n’est pas sûr que la réforme de la procédure d’agrément aille dans le sens d’un meilleur examen critique de la qualité des vins.

4. Tpt Des difficultés dues à un parti pris

Dans chacune des deux dérives, les partisans d’une dégustation plus objective ou d’une levée des contraintes rigides privilégient une des deux « natures » de la qualité de terroir.

Ils supposent ou veulent que l’on n’ait plus que des vins artistes et innovants, ou bien que des vins conformes à un style prédéfini.

5. Comment renforcer les AOC ?

Comment répondre à la demande de l’administration qui exige de renforcer les réglementations des AOC pour en améliorer la garantie de qualité ?

On peut revoir les contraintes ou les pratiques obligatoires et la dégustation d’agrément, mais il faut en renforcer le fonctionnement critique plutôt que d’en faire un test de conformité.

La dérive artistique des contraintes

On a symétriquement des producteurs très engagés dans la recherche d’une qualité de terroir authentique qui dénoncent les freins mis par les contraintes techniques à ce retour à un terroir authentique : les porte greffe trop vigoureux, des clones trop standardisés, des cépages autorisés trop restreints…

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Ils demandent donc que l’on retire les contraintes obligatoires au profit du seul engagement – contrôlé - du producteur à chercher le terroir.

Mais on ne peut pas supposer que tous les engagements à chercher le terroir vont déboucher sur une même qualité de vins. On voit au contraire en ce moment proliférer la diversité des qualités de terroir dans les vins d’AOC.

Pour éviter que la recherche du terroir ne débouche sur un éparpillement des qualités, il faut border cette recherche de contraintes partagées, qui amorcent la différenciation des styles des AOC.

Il nous reste des vins qui se battent tous pour être de meilleurs vins de terroir les uns que les autres, mais sans que l’on puisse différencier a priori ceux qui se battent pour des terroirs dans la Napa Valley, en Allemagne ou en Alsace.

Le danger d’AOPs « à l’envers »

Et si l’on joint les deux dérives, on voit que l’on perd à la fois la capacité à dire quelle est la différence des vins d’une AOC, en quoi ils sont plus intéressants que les autres, et l’idée même d’AOC perd toute signification.

13. Tpt Récapitulatif : le lien au terroir et ses épreuves

Je vais essayer de récapituler, parce que tout cela est peut-être un peu inhabituel quoique je voie tous les jours dans les discussions ou les entretiens que l’on peut avoir ensemble que vous êtes des familiers des paradoxes ou des bizarreries que cette double nature peut entraîner.

Cette double épreuve et double nature des vins d’AOC a une conséquence sur le lien au terroir qui est lui aussi réalisé de deux façons.

Il est garanti de deux façons, comme lien préexistant que l’on reproduit et comme lien que l’on établit ou produit à l’aide des vins de terroir dont on a vérifié par la dégustation critique qu’ils étaient bien des vins de terroir.

Dans le volet ou la jambe « le lien au terroir est un lien qui préexiste et que l’on reproduit ». Le lien au terroir est lié au respect d’une recette, les contraintes de production imposées par les règlements d’AOC. Et l’on ajoute à la vérification de la conformité des moyens utilisés pour faire le vin quelques critères de résultat.

Ces critères sont le plus souvent très généraux comme les grands défauts consensuels des vins, la piqûre acétique, les maladies et casses diverses…, Ils peuvent être un peu plus discriminants et communs à plusieurs AOC : la couleur du vin, la teneur en sucre… Ils sont toujours « incomplets » et ne permettent jamais de discriminer les vins d’une AOC. On ne sait pas dire, la typicité du vin de telle AOC c’est telle liste de critères.

Encore une fois, cela ne veut pas dire que la typicité n’existe pas, mais seulement que comme un style de musique, de peinture, on ne peut pas la définir complètement. Définir un style, c’est tuer sa capacité à se renouveler.

Des tests de conformité des pratiques obligatoires ou la recette de l’AOC et les critères de qualité permettent d’affirmer que tout ce qui devait être fait a été fait ; mais ils ne permettent pas de dire si le vin est bon, si c’est un vin réussi. Parce qu’il faut non seulement suivre la recette, mais aussi être un bon professionnel.

Dans l’autre volet ou jambe de l’AOC, « le lien au terroir est un lien à établir, et à produire par les vins de terroir ». Ce sont eux qui en exprimant le terroir, font le lien entre les vins et le terroir. Mais n’importe quel vin ne peut pas se prétendre un vin de terroir, il doit être reconnu comme tel par la dégustation collective critique.

Cette dégustation collective critique permet de dire si un vin est une réussite dans le style de l’appellation ; mais elle est incapable de dire ce en quoi consisterait une fois pour toute le style en

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question. Il est pluriel, indéfini. Il se précise à chaque dégustation, mais la façon dont elle se précise dépend toujours des vins particuliers à partir de laquelle on l’explicite.

Un lien préétabli, à reproduire Un lien à établir et à produire

Le lien au terroir lié à une « recette locale »

(façons de faire, localisation…) différente des autres

réalisé par le bon vin de terroir qui l’exprime

À condition de Être un bon professionnel Prendre des précautions pour faire apparaître le lien : ne pas diluer, masquer l’expression du terroir…

La recette ne détermine pas un résultat

précis Les précautions ne déterminent pas la

réussite La garantie de

moyens

Vérification de la conformité des moyens/recette

Le contrôle des précautions Le jugement du

résultat

Critères ultra généraux: Analyse analytique sucre, couleur, volatile…

Plus particuliers : moelleux, tendre, à bulle Critères de typicité : couleur du rosé, teneur en sucre, force des rouges

Appréciation de l’expression du terroir, son adéquation au style de l’AOC

BON?

CONFORME

BON dans son style

Un style pluriel et indéfini La machinerie des AOC est extraordinaire. Elle produit à travers les vins de multiples

interprétations du lien au terroir, auxquels elle impose une recette commune et dont elle vérifie qu’ils sont de bonnes expressions d’un lien au terroir.

C’est une machine qui fonctionne, avec ses problèmes, mais qui fonctionne depuis bientôt 80 ans, on a de plus en plus de terroirs et de vins de terroir. Et ce qui fait le terroir aux yeux des vignerons change ou s’enrichit, de même ce qui fait la typicité de leurs vins.

Des vignerons ont introduit des nouveaux éléments sur les moyens comme sur le résultat.

Les bonnes pratiques requises pour faire un bon vin de terroir s’enrichissent : il faut non seulement appliquer les contraintes, mais aussi prendre des précautions pour ne pas bâillonner les terroirs, ne pas les diluer, les masquer…

Ces « précautions » se retrouvent un peu dans la réglementation avec l’idée d’habilitation du domaine qui s’appuie sur l’engagement des personnes envers le terroir.

Il y a aussi des disputes autour de critères de typicité, comme la couleur des rosés d’une appellation, la « force » de certains vins qui sont plutôt des « rouges légers » ou « puissants », mais aussi le côté

« tendre » de certains vins blancs ou rosés.

La typicité est en constant débat ; les appellations ne sont pas aussi figées que l’on voudrait parfois le penser.

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