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Submitted on 1 Jan 1931
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Sur la fluorescence rouge du verre
L. Bruninghaus
To cite this version:
L. Bruninghaus. Sur la fluorescence rouge du verre. J. Phys. Radium, 1931, 2 (12), pp.398-402.
�10.1051/jphysrad:01931002012039800�. �jpa-00233077�
SUR LA FLUORESCENCE ROUGE DU VERRE Par L. BRUNINGHAUS.
Sommaire. - Cette note est consacrée à l’étude critique d’un récent travail de H. Peters. On montre que les conclusions de cet auteur, non seulement ne sont pas fondées, mais encore sont inaptes à rendre compte des faits observés, dont l’explication est le résultat immédiat de ce que l’on sait sur la composition des corps fluorescents.
1. Introduction. - Ayant eu récemment l’occasion de lire un mémoire de H. Peters
sur la fluorescence rouge du verre, j’ai été fort surpris de la peine éprouvée par les auteurs
qui se sont occupés de ce phénomène pour en fournir l’explication, alors que celle-ci est
immédiate, si l’on veut bien se reporter aux lois qui régissent la composition des corps
phosphorescents ou fluorescents.
Je me propose simplement dans ce qui va suivre d’exposer les faits et les explications proposées, puis de faire la critique de ces dernières, en indiquant dans quelle direction il aurait été raisonnable de faire des expériences pour élucider la question.
2. Bibliographie. - Lilienfeld (1) a signalé en 1906 que le passage de la décharge électrique dans les tubes à vide contenant des gaz raréfiés peut dans certains cas s’accom-
pagner, non pas de la fluorescence verte habituelle des parois du tube, mais d’une fluores-
cence rouge. Cette fluorescence se manifeste notamment dans les tubes lavés à l’oxygène, puis évacués jusqu’à très basse pression (inférieure à i3 baryes). L’auteur précité regardait
le phénomène comme dû au bombardement, par des rayons cathodiques lents, des parois
de verre contenant de l’oxygène occlus.
E. Goldstein (2) indiqua en 1906 qu’il avait observé dans des conditions similaires une
fluorescence rouge d’autres corps contenant de la silice, ou formés exclusivement de silice, tels le quartz ; et, comme la fluorescence en question est absente en présence de gaz tels que l’azote, l’hydrogène, le méthane, l’hélium ou l’argon, qu’elle apparaît faiblement avec
l’air et fortement avec l’oxygène, il conclut aussi que l’oxygène est un facteur essentiel pour la production de cette fluorescence.
En 19&7 également, Gehrke et Reichenheim (3) examinent au spectroscope cette fluores-
cence rouge, et trouvent un spectre continu de limites 6540-6200 Á, avec deux maxima d’intensité vers 6500 et 6300 À. Superposé à cette large bande, se présente un fond continu
englobant tout le visible, avec un large maximum dans le bleu.
Tout récemment (1930), Wood (4) signale que la même fluorescence rouge des parois
de verre des tubes à vide accompagne l’excitation des gaz à très basse pression par des
décharges de haute fréquence (À .- ~ m) et de faible force électromotrice. Selon Wood, la luminescence rouge n’apparaîtrait que dans des tubes très propres, et se transformerait en
la fluorescence verte habituelle par accroissement de la force électromotrice ; il indique d’autre part que la fluorescence rouge ne se produit que quelques secondes ou même minutes
(1) I.-E. LILIENFELD, Ber. disch. Phys. Ges. (1906), 631; Ann. Physik, 32 (1910), 673.
(2) E. GoLDsiEiN, Ber. dtsch. Phys. Ges. (1907), 598.- (à) GEHRKE et REICHENHEIM, Ber. dtsch. Phys. Ges. (t901), 593.
(4) R.-W. WooD, Phys. Rev., 35 (1930), 673.
Article published online by EDP Sciences and available at http://dx.doi.org/10.1051/jphysrad:01931002012039800
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après le début du passage de la décharge, et qu’elle est quelquefois précédée par la fluores-
cence verte ; que l’on observe dans le spectre de la fluorescence rouge la présence des lignes
de l’oxygène, ce qui le conduit à penser que l’oxygène est nécessaire à sa production. Il
conclut enfin qu’une modification chimique du verre doit être une condition essentielle de la production de la fluorescence rouge.
Indépendamment enfin H. Peters 1’) étudie la question, et observe aussi la fluorescence rouge dans des conditions expérimentales similaires à celies de Wood, mais avec des
résultats différant à certains égards de ceux de Wood. Il emploie d’abord des tubes de lon- gueurs variables, à électrodes externes et excités par des oscillateurs à lampes. L’un de ces
oscillateurs fournit une longueur d’ondes de 6 à 7 m, et la fluorescence obtenue se montre d’autant plus intense que la densité de courant est plus grande; l’autre donne une longueur
d’onde de 700 m, et les phénomènes sont les mêmes, à l’inverse de ce que rapporte Wood.
Des expériences faites ensuite avec des tubes à électrodes internes donnent aussi la fluores-
cence rouge, que les tubes soient alimentés en courant alternatif de haute ou basse fréquence,
ou en courant continu. D’autres expériences, dans lesquelles on dévie le faisceau catho- dique excitateur par un champ magnétique, montrent que la fluorescence rouge est
produite par des électrons de plus faible vitesse que ceux qui excitent la fluorescence verte.
Enfin, l’étude spectrographique de la fluorescence rouge indique l’existence de deux maxima voisins dans le rouge (à 6425 et 6285 Á), un autre dans le vert (à 5 600 1) et un qua- trième dans le bleu (à 4 790 Â). Les lignes de l’oxygène sont absentes.
Ces résultats spectroscopiques, obtenus avec des tubes hautement évacués à chaud, prouvent que la fluorescence rouge apparaît en l’absence de tout film gazeux, oxygène
ou vapeur d’eau, adsorbé par le verre, et que la présence de l’oxygène n’est donc pas indis-
pensable.
L’auteur signale avoir aussi observé la fluorescence rouge avec du quartz pur, et croît
pouvoir en tirer la conclusion que la fluorescence rouge du verre se rattache à la présence
dans cette substance de radicaux Si02. Ayant d’autre part noté qu’un long fonctionnement des tubes fait disparaître lentement (en 70 heures) la fluorescence rouge, pour laisser place
à la verte (2), il admet que le groupe Si02 subit dans ces conditions une modification d’ordre cristallographique, qui se traduit par les changements observés de nuance de la fluorescence.
3. Critique.
-Des faits exposés ci-dessus se dégagent les conclusions suivantes : L° La fluorescence rouge;du verre est, comme la fluorescence verte, excitée par des rayons
cathodiques.
~° La fluorescence rouge se manifeste de préférence lorsqu’on emploie des rayons
cathodiques lents; les rayons cathodiques rapides excitent au contraire la fluorescence verte.
3° Cependant, l’action persistante des rayons cathodiques lents fait disparaître
l’émission rouge, qui laisse progressivement place à l’émission verte. La modification correspondante du verre ne semble pas réversible, même en présence d’oxygène, tout au
moins à froid.
4° Cependant, il ne paraît pas possible de ne pas tenir compte de l’action favorable de
l’oxygène, signalée par Lilienfeld, par Goldstein et par Wood.
Examinons maintenant les explications proposées.
Lilienfeld rattache l’émission rouge à la présence d’oxygène occlus dans le (") H. PETERS, Phys. Rev., 36 (1930), 4634-463~.
Les renseignements bibliographiques qui précèdent sont empruntés à ce mémoire de H. Peters.
(2) Et la modification correspondante du verre se montre irréversible) même en présence d’ozygëne,
tout au moins à froid.
Il ne dit pas cependant le rôle joué par l’oxygène dans le changement d’émission verte en
émission rouge.
Wood pense à quelque modification chimique du verre, qui, d’après ses observations
nécessiterait la présence de l’oxygène. La modification correspondant à la fluorescence rouge serait donc une oxydation.
Peters considère le changement de nuance de la fluorescence comme dt’i à une
modification de disposition cristallographique du groupement Si02. Mais il passe sous silence le mécanisme par lequel cette modification allotropique engendrerait un changement
de fluorescence aussi radical que le déplacement du maximum du spectre du vert ai;
rouge.
Pour se faire une opinion raisonnable de la question, il me parait essentiel de rappeler
des notions aujourd’hui classiques, et dont aucun des auteurs précités ne paraissent s’être
souciés.
Ces notions sont relatives à la composition des corps fluorescents ou phosphorescents.
Il est bien connu, grâce aux travaux très étendus et rigourpux de Lecoq de Boisbaudran 1’),
dont les résultats ont été ultérieurement étendus et précisés par G. Urbain (2), puis par l’auteur (3), que tout corps fluorescent ou phosphorescent est constitué par une solution
(solide ou liquide) d’un corps jouant le rôle actif dans l’émission de lumière, et désigné pour cette raison par l’auteur 1’) du nom de phosphorogène, dans un diluant (J) dont le rôle est d’assurer une dissémination, qui se montre nécessaire (loi de l’optimum), des molécules du
phosphorogène.
Il résulte notamment d’observations très nombreuses, qui englobent la quasi-totalité
des corps fluorescents ou phosphorescents connus, que la nuance de la luminescence,
et par conséquent son spectre, est déterminée par le spectre d’absorption du phosphore- gène, le diluant n’ayant à remplir d’autre condition essentielle que d’être transparent aux radiations émises par le phosphorogène (1).
De façon plus précise, on sait que, dans les cas très nomhreux où le spectre de fluores-
cence se réduit à une seule bande, il en est de même du spectre d’absorption du phospho- rogène, et que toujours la bande de fluorescence borde celle d’absorption du côté des grandes longueurs d’onde.
En particulier, dans une étude approfondie des fluorescences dues à l’oxyde de man- ganèse incorporé dans divers composés calciques servant de diluants, j’ai montré (3) que la
couleur de la fluorescence ou de la phosphorescence cathodique est la même que la couleur par réflexion du composé du manganèse présumé actif dans le composé de calcium étudié.
Ces couleurs se divisent en deux groupes, la plupart des composés du manganèse étant, soit
rouges, soit verts : de même, les couleurs de fluorescence des composés calciques manga- nésifères se sont montrées soit rouges, soit vertes.
D’autre part, on sait depuis bien longtemps que la chaux et les calcaires naturels (pas trop impurs), luisent sous l’action de la lumière ou des rayons cathodiques d’une fluores-
cence rouge orangé, et on doit à Lecoq de Boisbaudran la démonstration irréfutable que cette fluorescence est due à la présence dans ces corps de traces d’oxyde ou de carbonate
de manganèse.
Ainsi, le manganèse accompagne régulièrement le calcium dans la nature, de sorte que tout composé du calcium, qui n’a pas été purifié avec le plus grand soin, renferme du même coup des traces de manganèse, et que, s’il est cependant assez pur pour avoir une transpa-
rence suffisante, il sera fluorescent en l’une des deux nuances propres à ce phosphorogène,
c’est-à-dire en rouge ou en vert.
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