Note de conjoncture économique pour la CA du SNES du 21 juin 2016
Grosse déception pour l’économie mondiale
FMI, Banque Mondiale et OCDE tablaient sur une reprise pour 2016/17, particulièrement dans les pays développés, Ils n’excluent plus une nouvelle récession mondiale.
Estimée en début d’année à 3,4% puis 3% en avril, en mai, la Banque mondiale projetait la croissance mondiale en 2016 à 2,4%. Si cette prévision devait se réaliser, cette croissance serait la plus faible que le monde ait connue depuis 20 ans, à l’exception de 2009.
4 faits majeurs :
1. L’affaiblissement est quasi généralisé : pays émergents touchés par la baisse du prix des matières premières (Algérie, Nigéria…) et/ou des crises politiques (Brésil, Russie) ; et pays développés, tout particulièrement les Etats-Unis où l’économie est à l’arrêt depuis janvier.
2. Ce ralentissement fait suite à 4 ans de croissance « molle ».
3. Il intervient alors que les conditions favorables dans les pays développés sont là : baisse du prix du pétrole et taux d’intérêt au plus bas.
4. Il corrobore une « panne de la mondialisation » qui peine, depuis 2009, à retrouver son rôle de locomotive de la croissance mondiale.
Pour les EU comme le reste du monde, ce ralentissement annonce le début de la fin du cycle de reprise d’après la crise des subprimes de 2008. L’économie mondiale n’est à l’abri ni d’une récession ni d’une nouvelle crise financière.
« Ca va mieux » en France…
Croissance : Très à la traine de la reprise mondiale de 2009, enchainant 3 ans de croissance très faible (moins de 0,4% de croissance entre 2012 et 2014) la France amorce un début de reprise en 2015 (1,2%). La croissance s’accélère au premier trimestre 2016 (+0,6%) et sur cette base l’INSEE prévoit une croissance de 1,6% pour l’année en cours.
Emploi : De mars 2015 à mars 2016, 159 600 postes ont été créés dans les secteurs marchands non agricoles, le plus haut niveau depuis début 2008.
Chômage : Selon Pôle Emploi, le nombre de chômeurs recule de 19 900 en avril 2016 par rapport à mars, soit une baisse de 0,6%. Cette baisse fait suite à un recul de 1,7% en février. Cela porte le nombre de chômeurs à 3 511 100, en baisse de 0,6% sur un an. Le taux de chômage est stable. Pour toute l’année 2016, le taux de chômage français devrait reculer de 0,4 point à 9,5% en fin d'année, selon la dernière note de conjoncture de l'Insee.
Mais pas tant que cela
Huit ans après la dernière crise financière, la France n’est pas sortie de la nasse. Le PIB par habitant en 2015 y est encore inférieur à ce qu’il était en 2007 et elle compte un million de chômeurs de plus qu’en 2008. Le nombre de demandeurs d'emploi de longue durée a explosé (+152% depuis juin 2008, pour atteindre les 2 465 700 inscrits en avril 2016. Sur un an, il grimpe encore de 5,8%.
Les facteurs de croissance :
1. Les exports liés à la baisse de l’Euro,
2. Une croissance de l’investissement induite par des avantages fiscaux, la baisse du prix du pétrole et des salaires qui ont redonné des moyens financiers aux entreprises.
3. La baisse du taux d’intérêt qui a soutenu une reprise des achats et constructions de logements des ménages et allégé le poids des dettes publiques et privées.
Ces facteurs sont conjoncturels et ne valident en rien les choix gouvernementaux :
Le moteur des exports est déjà arrêté. L’Euro est stabilisé. Le déficit du commerce extérieur français se creuse d’autant plus que la croissance mondiale se ralentit et vient limiter la croissance en France.
Comme d’habitude, elle se cogne à la contrainte extérieure sans possibilité de s’en dégager par la dévaluation.
Le taux de marge des entreprises s’est rétabli de manière spectaculaire. Outre la baisse du prix du pétrole, il traduit une baisse de 41 milliards par an de la fiscalité sur les entreprises. C’est la conséquence du CICE et du pacte de responsabilité financés essentiellement par une réduction de la
dépense publique et une augmentation de 10 milliards de la fiscalité sur les ménages. L’investissement public (Etat et collectivités locales), en berne, condition sine qua non à la reprise de la croissance, restera insuffisant pour parier sur une reprise durable.
Faute de débouchés extérieurs, d’une croissance du pouvoir d’achat et d’une demande publique conséquente, la croissance n’est durable qu’à condition de créer massivement des emplois.
Les conditions d’une réelle reprise économique ne sont pas réunies
Malgré l’injection massive de capitaux par la BCE, la déflation persiste en Europe. La zone euro demeure le maillon faible de la croissance mondiale du fait des contraintes budgétaires qui interdisent toute reprise de l’investissement public.
La faiblesse de la croissance de la productivité pèse également lourdement sur le potentiel de croissance à moyen terme. Le manque d’investissement des entreprises consécutivement à la crise de 2008 en est probablement à l’origine. Le FMI, évoque à ce propos la faiblesse de « l’accumulation de capital humain » (les dépenses en formation). On est d’accord avec le FMI…
Après la crise de 2008, pour sauver le système bancaire, l’injection massive de capitaux par les banques centrales a conduit à une orgie monétaire qui a mené à de sérieux débordements sur le plan de l’endettement – surtout dans les pays émergents nouvel eldorado pour la finance internationale – et laisse planée un nouveau risque de crise financière.
Conscient que monte le risque de reconstitution de bulles spéculatives, la Banque centrale américaine (FED) annonce depuis des mois une remontée prochaine des taux d’intérêt. Devant le ralentissement de l’économie américaine, la FED ne cesse de la reporter laissant les marchés financiers dans l’incertitude.
L’engagement, à Brisbane en 2014, des pays du G20 à relancer les investissements en infrastructure se font attendre. De même, les promesses de la COP21 de mobiliser de vastes capitaux pour la transition vers une économie décarbonnée mettront des années à se concrétiser. En décembre dernier, la réunion de l’Organisation mondiale du commerce a accouché d’une souris.
Dans ces conditions, une nouvelle fois, la conjoncture française se retrouverait à contre courant de l’économie mondiale et le pari de la présidence française d’accrocher la croissance française à la reprise mondiale ne peut qu’échouer à moyen terme, avant ou après mai 2017.
Thierry Ananou