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Le patrimoine culturel sahélien dans les collections du musée national du Burkina pp. 179-202.

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LE PATRIMOINE CULTUREL SAHELIEN DANS LES COLLECTIONS DU MUSEE NATIONAL DU BURKINA

Jean Célestin KY

Maître-assistant en Histoire de l’art Université de Ouagadougou

UFR/SH

03 BP 7021 Ouagadougou 03- Burkina Faso

Mails: jean_ky@univ-ouaga.bf mailto:jean_ky@univ-ouaga.bf

kycelestin@yahoo.fr

RESUME

Le Burkina Faso possède dans sa partie nord, une vaste région sahélienne voisine du Mali et du Niger. C’est là que vivent les Béla, les Rimaïbé, les Sonrhaï, les Peuls et les Touaregs qui, dans l’histoire de la mise en place des populations du Burkina, seraient d’une installation récente. Ces populations dont les « compatriotes » se trouvent ailleurs en Afrique partagent avec eux un patrimoine artistique riche et varié qui relève entre autres de l’art vestimentaire, de la musique, de la parure, de la décoration des maisons d’habitation et de la pratique agricole. Depuis 1962, se crée le Musée national du Burkina dont la mission essentielle est la collecte, la conservation et la mise en valeur des éléments les plus représentatifs de l’identité culturelle burkinabè. Tant d’années après sa création, le Musée national a t-il mis en valeur l’identité culturelle de cette vaste région ? C’est à cette question que se propose de répondre la présente recherche. En effet, force est de constater la faible représentativité des éléments du patrimoine culturel sahélien dans les collections; ils ne constituent qu’environ 3% des objets du musée. Ces objets appartiennent surtout aux Peuls excluant ainsi du musée, les autres Sahéliens. On peut donc conclure que le patrimoine culturel sahélien qui n’a pas fait l’objet de collecte est quasiment absent du Musée national du Burkina.

Mots-clés : Burkina Faso - Sahel - Patrimoine - Culturel - Musée national - objets - Béla - Rimaïbé - Sonrhaï – Peuls -Touaregs

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INTRODUCTION

Le Burkina Faso, pays d’Afrique de l’ouest, comprend sur son territoire une soixantaine de nationalités ou ethnies qui, au cours de leur évolution historique ont élaboré des cultures en fonction de leur genre et génie pro- pres. Au nombre des éléments de la culture se trouve le patrimoine matériel, conservé (bien ou mal) et transmis de générations en générations pour la pérennité du patrimoine culturel ethnique. Ces populations qui, pendant longtemps ont conservé elles-mêmes ce qui leur appartenait en propre et selon leurs moyens, ont fait la connaissance du musée, lieu de dépôt des objets culturels et cultuels en vue de leur meilleure conservation et mise en valeur pour la postérité, à l’avènement de la colonisation. Ainsi, au Burkina Faso, comme dans la plupart des pays africains, est né pendant la période coloniale une sorte de musée qui a collecté les objets appartenant aux populations de la colonie de Haute Volta aujourd’hui Burkina Faso.

Après l’accession du pays à l’indépendance, s’est créé de façon légale en 1962, un musée national qui a reçu la mission de conserver les éléments essentiels de toutes les entités entrées dans la formation du pays.

Dans la partie nord du Burkina se trouve une vaste région sahélienne dont les grands centres sont Dori, Djibo, Gorom-Grom et Sebba. Là habitent depuis des siècles ou des périodes relativement reculées, diverses popula- tions dont les Béla, les Peuls, les Rimaïbé, les Sonrhaï et les Touaregs. Ces populations, en fonction de ce logement géographique, de leurs génie et genre propres, ont élaboré des valeurs morales et matérielles, qui forment l’ensemble des caractères que présente leur vie collective. Ces caractères ont traversé le temps car transmis à la postérité. Cela nous introduit à la notion de patrimoine culturel sahélien qui se présente à nous comme ce qu’au cours de leur histoire, les Béla, les Peuls, les Rimaïbé, les Sonrhaï et les Touaregs ont conservé et transmis, de générations en générations, comme leurs biens les plus précieux1.

Le Musée national qui a vu le jour juste après l’accession du pays à l’indépendance a-t-il conservé les éléments essentiels de ce patrimoine sahélien ? C’est l’objet de la présente recherche : la représentativité du patrimoine sahélien au Musée national du Burkina. Elle se fonde sur la visite et la connaissance des collections de ce musée2, les travaux de recherche menés sur le Musée national, notamment ceux des étudiants et les publications, très rares d’ailleurs, sur les populations du Sahel burkinabè. Les résultats auxquels nous parvenons sont formulés en trois parties ; d’abord nous présentons la région du Sahel burkinabè et la ma- nière dont elle a été peuplée, ensuite nous évoquons le Musée national et les éléments du patrimoine sahélien qu’il contient et enfin nous analysons la représentativité du patrimoine de cette région au Musé national.

1 Sans entrer dans les détails, au nombre de ces biens figurent le mobilier domestique, les objets de culte, la parure, les vêtements, les instruments de musique, les éléments de monture, les outils, les armes, l’architecture, etc.

2 Nous avons travaillé au Musée national du Burkina de 2000 à 2002 comme Commissaire de l’exposition inaugurale dont le thème était « Burkina Faso : valeurs cardinales ». De ce fait, nous connaissons bien les collections de ce musée. Et récemment, pour les besoins de cette recherche nous avons visité en février 2007 la salle des réserves afin de mettre à jour nos connaissances des objets de cette institution.

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I. LE SAHEL BURKINABE : ESPACE ET HISTOIRE I.1 BREVRE GEOGRAPHIE DU SAHEL BURKINABE

Le découpage administratif du Burkina Faso a sans cesse évolué ; le plus récent est l’organisation du pays en régions formées par des provinces3. En effet, le Région du sahel est l’une des treize (13) régions du Burkina (voir carte); elle est formée par les provinces du Séno (Dori), du Soum (Djibo), de l’Oudalan (Gorom-Grom) et du Yagha (Sebba)4.

Dans sa publication intitulée Les populations nomades de l’Oudalan et leur espace pastoral, Henri Barral a étudié de manière détaillée le milieu physique de l’Oudalan, un espace de la zone sahélienne sud (Barral 1977 : 9-22). Le sahel burkinabè est la région climatique la moins arrosée du pays avec des hauteurs pluviométriques pouvant descendre en dessous de 150 mm et un nombre de jours de pluie parfois inférieur à 30 jours.

La saison des pluies ne dépasse guère trois mois. La pluviométrie, faible (- 600mm/an), est très irrégulière dans le temps et dans l’espace. La principale unité de végétation dans ce domaine est la steppe. Il s’agit de formations mixtes ligneuses et graminéennes. Quant au climat, dans l’en- semble, les variations de température et d’hygrométrie définissent quatre (4) saisons (Barral 1977 : 9-10) : une saison sèche et fraîche de novembre à mars; une saison sèche et chaude de mars à juin; une saison humide de juin à octobre; une saison relativement chaude et encore humide de la mi-septembre à la mi-novembre. C’est sur cet espace quelque peu hostile à la vie humaine que des populations se sont installées depuis des siècles.

Comment s’est faite l’occupation du sahel burkinabè ?

3 Jusqu’en 2004 le Burkina était découpé en 45 provinces. Récemment elles ont été regrou- pées pour donner naissance à 13 régions.

4 Le domaine sahélien qui occupe la partie nord du Burkina représente environ 25 % de la superficie totale du pays.

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BURKINA FASO SITUATION DU SAHEL

I.2 ELEMENTS D’HISTOIRE DU PEUPLEMENT DU SAHEL BURKINABE La région qui vient d’être ainsi présentée est le domaine traditionnel des po- pulations suivantes : Béla, Peuls, Rimaïbè, Sonrhaï et Touaregs. Aujourd’hui encore l’histoire de la mise en place des populations du Burkina est mal connue.

Les connaissances actuelles permettent de définir trois grandes phases du peu-

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plement de ce pays (Kouanda 1986 : 50)5. A partir de ces trois vagues de peuple- ment, les populations ont été reparties en deux groupes: les autochtones ou populations anciennement installées, groupe qui comprend les populations dont l’installation s’est faite avant le XV è siècle et les populations venues d’ailleurs, groupe qui se compose des populations installées à partir XV è siècle. Cette approche comporte des insuffisances dont la majeure est la suivante : elle se fonde sur environ le tiers des ethnies du Burkina, Béla, Rimaïbé, Sonrhaï et Touaregs ne sont pas classés.

A l’arrivée des Peuls et des Touaregs, le Sahel était occupé par les Kurumba, les Gulmanceba et les Sonrhaï. Avant la fin du XV è siècle les Kurumba occu- paient le Yatenga actuel. Pour Louis Tauxier, ils viendraient de l’est, au delà du Niger qu’ils auraient traversé près de Say (Tauxier 1917 : 525). Cette origine orientale apparaît aussi dans les écrits de Michel Izard pour qui les Kurumba sont venus du Mandé de l’est par Aribinda (Izard 1970 : 119 et 1985 : 20)6. Aujourd’hui, les Kurumba se trouvent dans les provinces du Yatenga, du Bam et du Sanmatenga. L’installation des Gulmanceba est contemporaine de celle des Moose. C’est par un mythe qu’ils expliquent leur arrivée au Burkina. En réalité, ils pourraient être originaires du Niger dont ils sont contigus. Les Gulmanceba comme les Moose ont fondé un royaume, le Gulmu, qui allait de l’est du pays jusqu’au nord vers Dori. Mais aujourd’hui leur territoire se limite à l’est où on les trouve dans les provinces du Gourma (leur grand centre), de la Gnagna, de la Komondjari, de la Tapoa et de la Kompienga. L’historiographie du Burkina est relativement muette sur les Sonrhaï, une minorité ethnique qu’on rencontre dans la partie sahélienne du Pays. Cette ethnie est à mettre en rapport avec l’empire de Gao ou l’empire Sonrhaï, véritablement fondé par Sonni Ali au XV è siècle, et qui a atteint son apogée sous le règne des Askia, vers la fin du XV è siècle et le XVI è siècle avant d’être pris par les Marocains en 1591 (Rouch 2005 : 3-11). Le sahel burkinabè étant voisin de l’empire Sonrhaï, la proximité des territoires a pu favoriser des migrations sonrhaï au sahel burkinabè. C’est ainsi que de nos jours on les trouve surtout dans les provinces du Séno et du Yagha. Ces populations anciennement installées ont vu l’arrivée des occupants actuels du Sahel.

Dès le XVè siècle le Lurum a reçu des infiltrations de Peuls animistes en pro- venance du Macina. Puis, les famines et les épidémies qui avaient endeuillé le delta intérieur du Niger aux XVIIè et XVIIIè siècles ont produit des migrations à la recherche de pâturages. Le Lurum a été ainsi envahi par des Peuls Jelgoobé qui y ont fondé le Jelgoodji dont la capitale est Djibo. A la fin du XVIIIè siècle, un autre lignage peul, les Feroobé, est arrivé du Macina. Ils ont refoulé les Goulmanceba vers le sud pour créer l’Emirat du Liptako autour de Dori, leur capitale. Au début du XIXè siècle, c’est au tour des Touaregs de descendre du nord et de fonder l’Oudalan autour de Gorom-Gorom (Diallo 1975 : 25-30 ; Diallo 1999 : 23-25 ; Ministère de l’économie et du développement 2006: 58).

5 Le peuplement antérieur au XV è siècle qui est celui des Bobo, des Bwaba, des San, des Yô- nyôosé, des Nînsi, des «Gurunsi», des Dogon, des Kurumba, des Bisanô, etc.; le peuplement entre le XV è et le XVII è siècle qui est celui des Moose, des Gulmanceba, des Fulbé ou Peuls, des Yarsé, des Marka, des Zara, etc.; le peuplement à partir de la fin du XVIII è siècle qui est celui des Lobi, des Dagara, des Hausa, des Dyula, etc.

6 Les Kurumba avaient réussi à construire un État, le Lurum, qui s’étendait sur une partie de ce qui allait devenir le royaume moaaga du Yatenga et du Soum. Mais cette entité politique va tomber sous la domination des Moose.

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Peuls et Touaregs une fois installés, à partir d’un certain nombre de préjugés ont ravalé des populations au rang d’esclaves. Rompus au ma- niement des armes (la lance et le sabre) et familiers du cheval, les Peuls et les Touaregs avaient fait des régions occupées par les autres groupes ethniques leurs zones de razzias, de la chasse à l’homme particulièrement.

Ils ont réussit à réduire les Noirs en servitude (Diallo 1999 : 29) ; ainsi, les Rimaïbé ont été les esclaves des Peuls et les Béla ceux des Touaregs7. En faisant le point, au Burkina le Sahel est occupé par les Béla, les Peuls, les Rimaïbé, les Sonrhaï et les Touaregs. Ces populations biens distinctes les unes des autres ont élaboré au fil des siècles des éléments caracté- ristiques de leur vie et qui leur appartiennent en propre. Parmi eux, des biens matériels, formant le patrimoine culturel physique, gardé et transmis comme trait d’identité ethnique. Le Musée national du Burkina a-t-il des objets que Béla, Peuls, Rimaïbé, Sonrhaï et Touaregs ont adressés à leurs descendants pour que ceux là le gardent en mémoire ?

II. LE SAHEL BURKINABE DANS LES COLLECTIONS DU MUSEE NATIONAL

II.1 LE MUSEE NATIONAL DU BURKINA : HISTOIRE ET COLLECTIONS L’histoire de la fondation des musées en Afrique francophone est intimement liée à celle de l’Institut Français d’Afrique Noire (IFAN), centre au sein duquel s’étaient effectués tous les travaux de recherche en Afrique Occidentale Français (AOF) pendant la période coloniale. Basé à Dakar, l’IFAN avait ses démembrements dans toutes les colonies. C’est ainsi que dès 1950 le Burkina avait une structure IFAN qui n’a véritablement fonctionné qu’à partir de 1954 (Traoré 1985-1986 : 15). Ce centre était sous la tutelle de l’IFAN de Dakar jusqu’en 1960, année des indépendances en AOF où il a été rattaché successivement à la Présidence de la République et au Ministère de l’Education nationale8. La muséographie était l’un des centres d’intérêt de l’IFAN9 ; elle a contribué à la constitution d’un fond culturel sur les colonisés par la collette des objets culturels. C’est ainsi que les années 1950 ont marqué le début des musées en Afrique ; la colonie de Haute Volta avait son musée intégré au centre IFAN de Ouagadougou10 ; il a été créé à des fins de conservation, d’étude et de recherches ethnologiques pour les besoins de la métropole. A partir des indépendances le musée a été présenté comme un cadre de construction de l’identité à promouvoir (Confère Gaugue 1997). C’est pourquoi, l’Assemblée Nationale, en sa séance du 13 novembre 1962, a adopté la loi N° 42/62/

AN créant le Musée National11 ; elle est promulguée le 27 novembre 1962

7 Cette information nous a aimablement été donnée par Maurice Bazémo, Maître de conférences à l’université de Ouagadougou, spécialiste de l’esclavage dans les sociétés du Burkina.

8 Il est devenu Centre Voltaïque de la Recherche Scientifique et aujourd’hui Centre National de la Recherche Scientifique et Technologique.

9 Les différents centres étaient structurés en sections que sont la documentation, les archives, le cinéma et son, l’archéologie et préhistoire, l’histoire, la géographie, l’ethnologie, la sociologie, la linguistique, l’anthropologie, la zoologie et la botanique. Mais toutes ces sections n’ont pas vues le jour au Burkina.

10 Il s’agit d’un embryon de musée dont les objets provenaient des tournées d’enquêtes. En effet, les chercheurs, lors de leurs missions sur le terrain, ramenaient un lot d’objets, témoins de leurs travaux. En 1955 le musée du centre IFAN disposait d’une collection de 174 pièces.

11 Cette loi en son article 1er stipule : « Il est créé à Ouagadougou un Musée qui prend le nom

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par le décret présidentiel N°501/PRES/LAN. Depuis ce temps jusqu’à nos jours ce musée a connu différentes évolutions et son statut actuel est celui des Établissements à caractère Public, Scientifique et Technique12. Le Musée national du Burkina est de type ethnographique et comprend des objets d’usage quotidien auxquels les populations sont très attachées et qui sont considérés comme des outils de référence culturelle. Après son existence officielle il y a 45 ans, comment se présentent les collections de cette institution ?

Il est aléatoire, encore en 2007, de donner un chiffre précisant le nombre des objets du Musée national. Jusqu’à présent on ne note pas d’inventaire véritable et fiable (Bayala 2004-2005 : 35). Nous le verrons plus loin, on peut estimer les objets du Musée national à environ 4500. Une typologie de ces objets permet de les repartir en 4 : les objets ethnographiques, les objets d’art contemporain, les objets archéologiques et les objets divers.

Les objets ethnographiques sont ceux à usage courant dans la vie quotidienne des populations. Ils sont les plus importants car constituent 85% des collections du Musée national (Bayala 2004-2005 : 38). Ils comprennent le mobilier domestique utilisé quotidiennement dans les ménages13, les objets de culte participant à la vie religieuse des populations14, la parure15, les vêtements16, les instruments de musique17, les éléments de monture (cheval et chameau), les monnaies (poids à peser l’or, les cauris, les pièces de monnaie moderne et les billets de banque), les outils18, les armes19, les pièges (pièges de souris, nasses et filets de pêche), les éléments d’architecture20, etc. Les objets d’art contemporain, témoins actuels de la production plastique nationale, représentent 10%

des collections du Musée national (Bayala 2004-2005 : 41). Ils consistent essentiellement en des productions de peinture, de batik, de dessin, de photo et en des sculptures en bois, en pierre et en bronze. Les pièces archéologiques ne constituent que 4% de ces collections (Bayala 2004- 2005 : 41) avec des objets d’industrie lithique (les outillages, les stèles, etc.), les objets céramiques (jarres funéraires, pots et tessons) et les objets de la métallurgie dont les scories et les barres de fer. Enfin, dans les objets divers se trouvent un morceau de météorite, le dernier drapeau français de la Haute Volta coloniale, le premier drapeau voltaïque et bien d’autres ; ils constituent 1% des objets de ce musée (Bayala 2004-2005 : 42). Mais

de Musée National de Haute Volta chargé de recueillir, conserver et exposer les productions artistiques et techniques de la Haute Volta «.

12 Dans le but de conférer une certaine autonomie de gestion au musée, l’Assemblée Nationale a abrogé la loi de 1962 en adoptant la loi N°034-2001/AN en décembre 2001.

13 On y range les écuelles, les calebasses, les louches, les plateaux, les cuillères, les éléments de la literie, les paniers, les éventails, les sièges, les jeux, les pipes, les pots, etc.

14 On y dénombre les masques, les statues, les statuettes, les figurines, les cannes, les sceptres, etc.

15 Elle comprend les bracelets, les bagues, les colliers, les boucles d’oreilles, les boucles à cheveux, les perles, les bijoux, etc.

16 Ce sont les grands boubous, les boubous, les pantalons, les pagnes, les foulards, les bonnets, les chapeaux, etc.

17 Ils comprennent les cordophones, les xylophones, les membranophones et les aérophones.

18 Il s’agit des outils aratoires, de la forge, de tissage, de la vannerie et de la cordonnerie.

19 Elles sont constituées des massues, des bâtons, des arcs et des flèches, des couteaux, des poignards, des fusils, des boucliers, etc.

20 Ce sont les poteaux de hangar, les piquets de tente et de lits, les portes et les serrures.

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quelle est la part du patrimoine culturel sahélien dans ces objets du Musée national ?

II.2 LES OBJETS DU PATRIMOINE SAHELIEN AU MUSEE NATIONAL Nous avons recensé le patrimoine sahélien à partir du cahier d’inven- taire du Musée national. Avec l’aide des conservateurs de musée nous avons dénombré 140 objets appartenant au Sahel. La nature de ces ob- jets permet la catégorisation suivante : le mobilier domestique, la parure, les vêtements, les instruments de musique, le transport, les outils, les armes, les pièges et les éléments d’architecture. Nos connaissances sont maigres sur les objets que nous allons présenter ; d’abord le musée qui les a collectés ne les a pas documentés, ensuite la littérature sur ces objets est quasi-inexistante et enfin nous n’avons pu nous rendre sur le terrain pour des recherches sur ces éléments du patrimoine culturel sahélien.

Le mobilier domestique sahélien est celui le plus important ; on compte environ une quarantaine d’objets utilisés quotidiennement par les Sahé- liens à l’intérieur de l’habitation. Dans cette catégorie d’objets figurent les nombreuses écuelles peules, une puisette béla, des couteaux béla, peuls et touaregs, une vannerie béla, des vans peuls, des cuillères peules, des calebasses peules, des paniers béla, des couvercles peuls, etc.

Les écuelles, assiettes creuse en bois sans rebord, sont assez répan- dues en Afrique. En effet, bien avant leur contact avec l’occident, les Afri- cains, pour nombres d’entre eux, servaient leurs repas dans des écuelles.

L’écuelle peule que nous présentons est grande et profonde (Voir Photo 1).

Cela pouvait permettre la conservation d’une quantité importe de repas afin d’éviter aux femmes de faire la cuisine tous les jours. De l’extérieur elle est gravée de motifs géométriques sur toute sa surface. Les Africains, outre les mares et les rivières qui étaient des sources d’approvisionnement en eau, ont creusé des puits. Le Sahel est l’endroit où le problème d’eau s’est posé et se pose encore avec acuité ; les points d’eau pérennes sont rares. Pour résoudre quelque peu ce problème les populations du Sahel ont creusé des puits très profonds grâce auxquels ils s’approvisionnent en eau à l’aide des puisettes (Voir Photo 2). Nous ignorons le mode de production de la puisette ; mais toute en cuir elle devait relever de la maroquinerie.

Au bord rendu solide par un matériau était attaché de par et d’autre une corde à laquelle se nouait la longue et solide corde qui devait permettre à la puisette d’atteindre le fond du puits et en ressortir pleine d’eau. Le couteau, instrument composé d’un manche et d’une lame, est un objet assez utilisé dans la civilisation africaine, aussi bien par les hommes que par les femmes. Il possède une lame en fer avec souvent un double tran- chant et une manche en bois (Voir Photo 3 et Photo 4). Il est à peu près le même partout ; les femmes l’ont utilisé dans leurs tâches domestiques quotidiennes et les hommes pour abattre les animaux, les dépecer, couper la viande ou tout simplement l’ont utilisé comme arme. Les hommes du Sahel tout comme les autres portaient des couteaux soigneusement rangés dans des fourreaux ; ils n’hésitaient pas à s’en servir en cas de conflit.

La parure, ce que pare, orne, embellit indirectement le corps semble être une spécialité des Sahéliens. S’il est vrai qu’un peu partout au monde les

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hommes et les femmes se parent le corps de différentes manières, l’usage de la parure notamment des bijoux semble être très développé au Sahel.

Ces populations utilisent souvent de façon exagérée bagues, bracelets, colliers, pendants d’oreilles, etc. La bague peule que nous présentons est en fer (Voir Photo 5) ; c’est une grosse bague sans ouverture. Chez les Peuls, l’auriculaire n’est pas le seul doigt

LE MOBILIER DOMESTIQUE

Photo 1 : une écuelle peule

Cette écuelle dont le numéro d’inventaire est R89012009 fait partie des objets dont la collecte est inconnue. Cet objet est mal conservé car il a le bord casé.

Photo 2 : une puisette peule en cuir

Avec le numéro d’inventaire 62001054, elle est arrivée au musée en 1962 Cette écuelle dont le numéro d’inventaire est Avec le numéro d’inventaire 62001054, elle est R89012009 fait partie des objets dont la date d’arrivée au musée en 1962.

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collecte est inconnue. Cet objet est mal conservé car il a le bord casé.

Photo 3 : un couteau peul

Photo 4 : un couteau touareg

Ce couteau porte le numéro d’inventaire Avec le numéro d’inventaire R90001027, on

R89014068 fait partie des objets dont la date d’arrivée au musée.

de collecte est inconnue.

Ces couteaux ont chacun une lame en fer et une manche en bois. Le couteau touareg plus long que celui des Peul possède une double manche ; sa lame est

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d’abord emboîtée dans un manche en fer avant d’être fixé sur du bois ; de ce fait l’élément en bois est très réduit. Le couteau peul possède un manche plus gros que la lame mais est de longueur a peu près égale à celle-ci. Ce sont donc deux couteaux aux morphologies différentes.

esthétiquement conçu pour recevoir une bague ; tous les autres doigts peuvent porter des bagues. C’est pourquoi, celle de l’illustration, au regard de sa taille pourrait être une bague de pouce ou de majeur. Les bracelets sont assez répandus chez les Sahéliens ; ils les portent au

poignet ou au bras. Les bracelets présentés ici (Voir Photo 6 et Photo 7) appartiennent aux Béla. Le premier, hermétiquement fermé pourrait avoir appartenu à une femme. Le second possède une ouverture et comme l’indique la légende, il a appartenu à un homme. Le collier est un élément de parure régulier des Sahélien. En effet, fréquemment les hommes et les femmes se parent de colliers non seulement les jours de fête ou de céré- monie mais aussi les jours ordinaires. Le collier (Photo 8), entièrement en cuir appartient aux Béla; il comprend un pendentif et une bretelle.

Dans le domaine de l’art vestimentaire, les populations du Sahel burki- nabè possèdent un riche patrimoine. En effet, le Sahélien outre son teint et sa morphologie, se reconnaît par ses vêtements. Malgré le climat chaud qui prévaut au Sahel, les populations confectionnent de grandes couver- tures lourdes (Voir Photo 9). En réalité, au Sahel les nuits sont fraîches ce qui oblige les habitants à se couvrir. La couverture peule ici présentée est faite de bandes de cotonnade aux couleurs multiples. Les Peuls aiment les couleurs surtout celles qui sont vives comme le rouge, le bleu, le jaune, etc. L’habillement comprend essentiellement le pantalon, le boubou et des accessoires. Le pantalon est conçu pour se limiter juste en dessous des genoux (Voir Photo 10) ; il est un vêtement ample à la taille et aux cuisses.

Quant au boubou il se présente sous plusieurs coupes. Chez les Peuls par exemple la longueur du boubou et celle de ses manches engendrent diverses coupes. Le boubou peul (Voir Photo 11) n’est ni assez long, ni assez grand ; il possède cependant de très longs manches pouvant cacher les mains du porteur. Ce vêtement comprend des perforations qui laissent voir des motifs géométriques de décoration. Le mode vestimentaire peul s’accompagne d’accessoires tels que le bonnet et la ceinture (Voir Photo 10) : comme ailleurs en Afrique le bonnet est porté par les personnes âgées surtout ; la ceinture qui n’est qu’une petite bande de cotonnade est nouée soit à la taille (aux reins), soit sur le pourtour de la tête.

Parmi les collections du Musée national figurent des instruments de musique peuls ; il s’agit d’une guitare, d’une flûte et d’une clochette. Au Burkina, la musique peule même si elle n’est pas très diffusée est bien appréciée car les Peuls sont vus comme des producteurs de la bonne musique.

L’une des caractéristiques des populations sahéliennes, Béla et Touareg notamment, c’est l’usage du chameau comme important moyen de dépla- cement. En effet, au Sahel on rencontre aussi bien des nomades que des sédentaires, mais tous se déplacent même de façon

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LA PARURE

Photo 6 : un bracelet béla

Photo 5 : une bague peule

Elle porte le numéro d’inventaire R89002057 et son année de dépôt au Musée national est inconnue. Il s’agit d’une grosse bague qui probablement se porte sur le majeur ou le pouce.

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Photo 7 : un bracelet homme béla

Ces bracelets portent respectivement les numéros d’inventaire R89002245 et R89002242 ; leur année de collecte est inconnue. Ces deux bracelets sont en fer et appartiennent tous aux béla, l’un, a gauche est hermétique- ment fermé, tandis que l’autre, a droite possède une ouverture.

Photo 8 : un collier béla

Cet objet porte le numéro d’inventaire R89005052 ; selon le Musée national il est un pendentif, mais en réalité il s’agit d’un collier.

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LES VETEMENTS

Photo 9 : une couverture peule

Il s’agit d’une couverture composée de bande de cotonnade aux couleurs très vives

Photo 10 : un ensemble de trois pièces peul

Cet ensemble qui porte le numéro d’inventaire R89018059 comprend un pantalon, un bonnet et une bande de cotonnade.

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Photo 11 : un boubou homme peul

Ce boubou porte le numéro d’inventaire R89018100 ; avec de longs manches il est perforé de motifs géométriques.

temporaire. Le transport était assuré par des chameaux, grands animaux résistants du Sahel capables de parcourir de longues distances sans même boire de l’eau et sans être fatigués. Pour permettre au chamelier de s’asseoir confortablement, on lui confectionnait une selle, un

siège qui se déposait sur le chameau (Voir Photo 12). Nous ne nous sommes pas intéressé à la fabrication de ce siège ; mais selon toute vraisemblance il est d’abord une sculpture en bois qui comporte un dossier et une partie permet- tant de tendre les pieds. Le tout est recouvert de cuir ce qui donne à l’objet sa résistance et son confort.

Les populations du Sahel burkinabé, quoique éleveurs, pratiquent l’agri- culture. S’il est vrai que certains pratiquent le pastoralisme pur, fondé sur le déplacement annuel ou saisonnier des troupeaux conduits par l’ensemble du groupe ou par des bergers à la recherche d’une nourriture prélevée sur la végé- tation, d’autres pratiquent l’agro-pastoralisme fondé sur la sédentarisation dans un espace où ils sont aussi cultivateurs et déplacent les animaux à l’intérieur du terroir en fonction du calendrier agricole (Bonte et Izard 1991 : 225). Les deux outils agraires, preuves de la pratique agricole au Sahel que nous présen- tons, sont la pioche (Voir Photo 13) et l’hilaire (Voir Photo 14) ; il s’agit d’outils originaux adaptés aux terres sahéliennes. Contrairement à leurs compatriotes des autres régions du Burkina, les Sahéliens sèment les grains ou graines à l’aide d’une pioche entièrement en bois. Celle des Peuls ici présentée comprend le manche et la pièce qui creuse. C’est un bâton dont le manche varie entre 50 et 75 cm voire 1m avec un bout recourbé qui fait le tiers de la longueur du manche. Les Sahéliens creusent des poquets avec ce bâton et le trou est généra- lement rebouché avec le pied. Cet outil est bien différent de celui utilisé par les sociétés non sahéliennes, qui présente une lame en fer et un manche en bois.

Le second outil aratoire que nous avons annoncé est l’hilaire ; il fait partie des outils de soins à la plante. En agriculture, lorsque la plante apparaît à la surface du sol, commence un cycle d’opérations dont celle qui consiste à protéger le végétal jusqu’à son développement complet ; la plus importante est le sarclage

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des mauvaises herbes. Pendant la croissance des végétaux, les agriculteurs les débarrassent des mauvaises herbes à l’aide d’outils dont la nature et la forme varient en fonction des milieux. Les Peuls pour ce travail utilisent un instrument composé d’une barre de fer de plus de 2m dont l’extrémité est emmanchée et d’une lame au bout arrondi. Les parties étant monoxyles, l’agriculteur tient la barre à l’aide des deux mains et, légèrement incurvé vers l’avant, terrasse les mauvaises herbes jusqu’à plus de 2m devant lui. Le troisième outil que nous présentons n’est pas uniquement associé à la pratique agricole comme les pré- cédents (Voir Photo 15). C’est la faucille composé d’un manche en bois et d’une lame large de 2 à 3 cm, plus ou

LE TRANSPORT

Photo 12 : une selle de chameau béla

Cet objet dont le numéro d’inventaire est R89003018 pourrait être une sculpture en bois recouverte de cuir.

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LES OUTILS

Photo 13 : une pioche peule

Photo 14 : un hilaire peul

Cette pioche dont le numéro d’inventaire est R89014046 Cet hilaire enregistré sous le numéro

est entièrement sculptée en bois R89014061 est entièrement en fer.

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Photo 15 : une faucille peule

Cette faucille porte le numéro d’inventaire 74012015 ; elle est d’un manche en bois et d’une lame en fer.

moins curviligne. En élevage la faucille sert à la constitution des fourrages ; c’est elle qui coupe les matières végétales des arbres (feuilles), des plantes cultivées (tiges) et les herbes servant à l’alimentation des animaux. L’élevage étant la principale activité des habitants du Sahel, sa pratique exige la recherche et la constitution d’importantes réserves d’aliments de bétail. En agriculture, la faucille fait office de couteau et sert pendant la récolte pour la coupure des tiges de mil et probablement des grappes.

Les Peuls qui s’étaient installés dans cette région par la guerre possédaient de nombreuses armes dont les bâtons et les lances qui se trouvent au Musée national. Au Burkina, les Peuls sont vus comme ceux qui manient très bien le bâton. Tout Peul en déplacement (qu’il soit à pieds, à vélo ou à mobylette) possède un bâton, arme visible et probablement un couteau, arme qu’il cache.

Dans le moindre conflit ou différend, le Peul n’hésite aucun instant à offenser son adversaire le premier par l’usage du bâton. C’est d’ailleurs par cette voie que les Peuls battent leurs adversaires. Il s’agit d’un bâton dont la longueur varie entre 1 et 1m50.

Dans la partie sahélienne du Burkina, malgré la sècheresse, on rencontre des points d’eau (oasis, marre, etc.) grâce auxquels se pratique la pêche ; la saison humide qui va de juin à octobre est caractérisée par une montée de l’hygrométrie.

Les Peuls font la pêche à l’aide d’un filet ; c’est une pièce confectionnée avec des cordelettes qui se nouent progressivement de manière à obtenir de nombreuses mailles grillagées avec un fond (Voir Photo 16). Le filet possède une partie en bois, ce par quoi on le tient. Ce filet est un piège, instrument de capture des poissons

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dans l’eau. Pour le faire, le pêcheur peut, soit promener le filet dans l’eau et capturer les poissons qu’il rencontre, soit installer le filet à un endroit poissonneux afin que les poissons viennent eux-mêmes se faire prendre.

Notons pour terminer, la présence des éléments d’architecture que sont les piquets de tente et les traverses de lit béla. Ils relèvent de l’habitat temporaire qu’on rencontre chez ces populations de la zone sahélienne dont les habitations consistent en des cases de dimensions variables. Les tentes et les nattes sont le fait des nomades et s’il leur arrive de construire des cases c’est avec des branches trouvées sur place. Mais ceux qui se sédentarisent un peu plus ont des cases construites entièrement avec des branches ou des nattes ou des seccos qui servent de murs, et des feuilles d’arbres ou de la paille pour la couverture ; ceux-là fabriquent des lits pour se coucher.

Nous venons de passer en revue les objets du patrimoine culturel sa- hélien se trouvant dans les collections du Musée national. Ainsi on peut voir que sont représentés des biens relevant du mobilier domestique, de la parure, de l’art vestimentaire, de la production

UN PIEGE

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Photo 16 : un filet peul

Ce filet porte le numéro d’inventaire 74003022 ; c’est un instrument de capture des poisons.

musicale, des moyens de transport, de la pratique agricole, des armes, des pièges et de l’architecture. Quelle analyse faire de la représentation de ce patrimoine au musée ?

III. ANALYSE DE LA REPRESENTATION DU PATRIMOINE CULTUREL SA- HELIEN

Lorsqu’on examine la présence des objets du Sahel burkinabè au Musée na- tional on aboutit aux constats suivants : l’insuffisance numérique des objets du patrimoine culturel sahélien et l’absence d’éléments essentiels de ce patrimoine.

Ces deux constats nous fournissent nos deux niveaux d’analyse du problème.

III.1 UNE FAIBLE PRESENCE DU PATRIMOINE CULTUREL SAHELIEN Nous avons recensé le patrimoine sahélien à partir du cahier d’inventaire du Musée national. Avec l’aide des conservateurs de musée nous avons dénombré 140 objets appartenant au sahel. L’ensemble des collections du Musée natio- nal étant évalué en 2007 à 4500 objets, on peut voir que le patrimoine culturel sahélien ne représente que 03,11% de cet ensemble. Force est de constater la faible représentativité des éléments du patrimoine culturel sahélien dans les collections du Musée national. Ce constat est bien celui qu’avait fait Emmanuel Bayala suite à la répartition des objets du Musée national suivant les groupes culturels (Bayala 2004/2005 : 35-37). Selon lui, essentiellement 13 groupes culturels se partagent les objets de ce musée. Et en les présentant, par ordre décroissant, selon l’importance numérique de leurs objets, les Peuls occupent le 11ème rang, les autres populations du Sahel n’étant pas classées21.

Cette insuffisance numérique des objets du Sahel au Musée national prive l’institution d’une part non moins importante des cultures matérielles du Bur- kina. Nous l’avons dit, la région du Sahel, l’une des treize (13) régions du Burkina est formée par quatre (4) provinces dont les chefs-lieux sont Dori, Djibo, Gorom- Grom et Sebba. Cela fait du domaine sahélien un vaste territoire représentant environ 25 % de la superficie totale du pays, en cette partie nord du Burkina.

En outre, au Burkina, les Peuls forment le 3ème groupe linguistique après les Moose et les Dioula22. Comment donc comprendre cette insuffisance ?

L’histoire de la collecte des objets peut expliquer ce déséquilibre. En effet, depuis 1955 où le musée du centre IFAN disposait d’une collection de 174 piè- ces à nos jours, l’institution a fait des collectes circonstancielles et ponctuelles d’objets. Ainsi, selon le registre actuel en 1995 le musée possédait 3395 objets (Bayala 2004-2005 : 35). Plus de dix ans après, grâce aux campagnes

21 Les Moose sont les plus représentés avec toutes les catégories d’objets, ils sont suivis du groupe dit Gurunsi (Kassena, Nuna, Léla, Winiéma, Sissala) et des Bobo en 3ème position. Mais les Peuls, 11ème, sont suivis des Kurumba et des Marka.

22 Le moore ou langue des Moose, le diuoulakan ou langue des Diuoula et le fulfulde ou langue des Peuls, sont les plus parlées et les plus connues au Burkina ; en général tout burkinabé est locuteur de l’une de ces langues au moins.

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de collectes d’objets qu’organise la nouvelle équipe dirigeante du musée23, on peut estimer les objets du Musée national à environ 4500. Les premiers collec- tionneurs, des chercheurs français, soucieux de comprendre ou connaitre les populations à partir de leurs productions artistiques, semblent s’être intéressés prioritairement aux Moose plus nombreux, et à ceux dont les arts suscitaient la curiosité comme les Gurunsi et les Bobo pour ce qui est de leurs masques. Après l’accession du pays à l’indépendance en 1962, le musée, devenu national a été envisagé comme un cadre de construction de l’identité burkinabè. Cependant, les remplaçants des initiateurs du musée n’ont fait qu’emboiter les pas de leurs prédécesseurs ; l’institution n’a pas été refondée ou réorientée pour répondre à sa nouvelle mission de constructrice de l’identité nationale. Depuis ce temps jusqu’à nos jours, ceux qui se sont succédés à la tête de cette institution n’ont pas su concevoir une politique de collecte d’objets en fonction des espaces culturels.

Les campagnes de collectes d’objets, très rares d’ailleurs, n’ont obéit à aucune logique, aucun ordre ou plan programmés dans le temps et dans l’espace. Bien souvent, les saisies d’objets aux mains des trafiquants par les forces de l’ordre (police et gendarmerie) et les dons ou cession d’objets ont été les voies royales d’acquisition d’objets par cette institution. La conséquence reste aujourd’hui ce déséquilibre régional de la présence culturelle des identités entrées dans la construction du Burkina Faso. Et c’est bien parce que le Musée national n’a pas recherché les équilibres ethniques et régionaux, que le patrimoine culturel sahélien ne représente que 03% de ses collections. Même au Sahel, force est de constater l’inégale représentation des nationalités. De toutes les ethnies du Sahel, les Peuls sont ceux qui ont le plus d’objets au Musée national comme le montre le tableau ci-dessous. En effet, les 140 objets du musée appartenant au Sahel se repartissent entre les ethnies de la façon suivante :

Ethnies Nombre d’objets Pourcentage (%)

Peul 102 72, 85 %

Bela 33 23, 57 %

Touareg 05 03, 58 %

Sonraï 00 00

Rimaïbe 00 00

Total 144 100 %

A l’inégale représentation des régions culturelles du Burkina, s’ajoute l’inégale représentation des ethnies ou nationalités à l’intérieure d’une même région.

III.2 L’ABSENCE D’ELEMENTS ESSENTIELS DU PATRIMOINE CULTUREL SAHELIEN

Lorsqu’on examine même sans grande minutie, le patrimoine culturel sa- hélien représenté au musée national, on note l’absence de certains éléments non moins importants. Le Sahel burkinabè est bien cet espace où l’activité do- minante est l’élevage. Et c’est cette pratique qui depuis des siècles a fait vivres ces populations. Aujourd’hui encore l’élevage au Sahel est un élément de poids

23 Depuis octobre 2002, le Musée National, nouvellement érigé en Établissement Public à caractère Scientifique et Technique, est dirigé par une Directrice Générale. Annuellement, elle organise des campagnes de collectes pour rajouter au nombre d’objets du musée.

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de l’économie burkinabè. La pratique de l’élevage est un trait culturel sahélien majeur dont on n’a aucune trace au Musée national24.

Les cahiers d’inventaire et les objets visités ne donnent aucune idée des croyances religieuses des populations du Sahel burkinabè. Ces populations, fidèles des cultes traditionnels et islamisés, ont dans leur patrimoine des traces, témoins de ces pratiques. Il ne serait pas inintéressant pour le Musée national d’avoir des objets de culte des Sahéliens car, la religion est un élément identitaire fondamental dans la culture d’un groupe donné.

Nous l’avons dit, les Peuls et les Touaregs ont été de grands consommateurs d’esclaves. En effet, ils se caractérisent par leur teint clair frisant souvent le rouge. Ils avaient trouvé dans ce teint l’un des fondements de leur supériorité sur les autres groupes ethniques formés de gens au teint noir. C’est pourquoi ils s’interdisaient les tâches manuelles considérées comme avilissantes et qui, de ce fait, étaient celles des Noirs qui, à leurs yeux, n’étaient que force physique.

L’esclave labourait la terre à la place de son maître ; il exécutait les tâches manuelles que ce dernier jugeait avilissantes (labourer, couper le bois, creuser les puits, creuser les tombes, etc.). La raison d’être de l’esclave était d’éviter la peine à son maître. Cette pratique qui a caractérisé la région et qui serait quelque peu en cours n’a aucune preuve matérielle au Musée national.

Dans la zone sahélienne l’habitat entièrement construit avec des branches et de la paille ou des fibres végétales reflète le caractère temporaire de sa fonction.

Cependant, quand les populations se sédentarisent, cette habitation temporaire se mue en une demeure semi- temporaire ou en une habitation définitive faite de banco, de nattes, de branches et de pailles (CAPES 2006 : 120-123). Dans ce cas, l’intérieur de l’habitat est décoré ; les Peuls et les autres sahéliens ont des éléments de décoration intérieure des maisons dont des secco, des nattes tissées et/ou ornées, des calebasses décorées et des objets divers. Ces éléments de décoration intérieure des maisons qui sont une richesse artistique des Sahéliens sont absents du Musée national.

L’art contemporain qui émerge à la faveur de la colonisation a engendré des artistes professionnels vivant de leur métier. Ces derniers réalisent des objets qui, destinés à la commercialisation, s’inspirent des formes traditionnelles. Les productions d’art contemporain, celles qui apportent un soin à la qualité formelle des œuvres, se développent au Burkina en fonction des matériaux utilisés. Les métaux, les minerais, le bois et le cuir fournissent au Burkina ces objets d’art contemporain les plus célèbres. Cependant, ces témoins actuels de la production plastique nationale ne représentent que 10% des collections du Musée national (Bayala 2004-2005 : 41). Parmi les objets d’art contemporain du musée, on ne note aucune production du Sahel. Pourtant, le travail du cuir ou l’artisanat d’art du cuir est bien développé dans cette région ; il se manifeste par la production de sacs, de coussins, de chaussures, etc.

Nous ne pouvons passer sous silence l’absence des pièces archéologiques du Sahel jusqu’à une période récente (mars 2008); n’eut été l’exposition il ya 2000 ans : carrefour sahel, le Musée national serait encore sans objets archéologiques du sahel25. Pourtant, des fouilles archéologiques faites dans cette région par

24 Nous pensons entre autres aux objets d’immobilisation des animaux et aux récipients pour contenir les aliments ou pour abreuver le bétail.

25 Une équipe d’archéologues allemands, suite à des fouilles sur les sites de Kissi et de Oursi, a mis

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des Burkinabè, des Français et des Allemands entre autres ont révélé un riche patrimoine. D’ailleurs jusqu’en 2005, voire plus tard, les objets archéologiques ne constituaient que 4% des collections de l’institution.

A l’absence d’éléments s’ajoute l’insuffisance même des objets présents à telle enseigne qu’ils ne sont représentatifs ni d’une pratique culturelle donnée, ni d’un domaine précis de l’art, ni d’une activité quelconque. On peut appuyer notre propos par quelques exemples. Au niveau de la parure, les hommes et les femmes du Sahel ont des objets très variés d’ornement des doigts, des poignets, des bras, du cou, des oreilles, du nez, etc. Ainsi bagues, bracelets, chevillières, boucles d’oreilles, anneaux de nez, pectoraux sont les fréquents éléments d’ornement de ces populations. Nombre de ces objets sont absents du Musée national, surtout les pectoraux, très riches et variés dans cette région. Du patrimoine relevant des vêtements sont absents les effets des femmes. Et pire encore, les voiles et les turbans tant chers aux Sahéliens ne sont pas connus du Musée national. On peut faire le même constat au niveau des armes où le sabre est absent, et du transport où l’on ne voit pas les harnachements des chevaux et des chameaux.

CONCLUSION

Au Burkina Faso, au Sahel vivent les Béla, les Rimaïbé, les Sonrhaï, les Peuls et les Touaregs. Ces populations ont un patrimoine artistique riche et varié qui comprend entre autres, les vêtements, les instruments de musique, les objets de parure, les objets de décoration des maisons d’habitation et les outils aratoires.

Cependant, force est de constater la faible représentativité de ces éléments du patrimoine culturel sahélien dans les collections; non seulement ils ne sont que 140 mais aussi ils ne constituent qu’environ 3% de l’ensemble des collections du Musée national. Les objets présents au musée appartiennent surtout aux Peuls excluant ainsi, les autres groupes. L’absence de certains éléments essentiels du patrimoine sahélien est une autre faiblesse ; nombres d’objets caractéristi- ques du Sahel n’ont pas été collectés. On peut donc conclure que le patrimoine culturel sahélien qui n’a pas fait l’objet de collecte est quasiment absent du Musée national du Burkina. Il ne serait donc pas impertinent de conclure que ce patrimoine culturel attend toujours d’être mis en valeur par cette institution.

Cette conclusion est extensible à l’ensemble du pays. En effet, en 1962 il a été créé le Musée national du Burkina dont la mission essentielle est la collecte, la conservation et la mise en valeur des éléments les plus représentatifs de l’iden- tité culturelle burkinabè. Tant d’années après sa création, l’identité culturelle burkinabè attend toujours sa mise en valeur.

au jour d’importantes pièces en céramique, en fer, en pierre, etc. Ces objets scientifiquement étudiés en Allemagne ont été exposés dans ce pays puis au Musée national du Burkina qui les conserve aujourd’hui.

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Références

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