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L’ABSENCE D’ELEMENTS ESSENTIELS DU PATRIMOINE CULTUREL SAHELIEN

Lorsqu’on examine même sans grande minutie, le patrimoine culturel sa-hélien représenté au musée national, on note l’absence de certains éléments non moins importants. Le Sahel burkinabè est bien cet espace où l’activité do-minante est l’élevage. Et c’est cette pratique qui depuis des siècles a fait vivres ces populations. Aujourd’hui encore l’élevage au Sahel est un élément de poids

23 Depuis octobre 2002, le Musée National, nouvellement érigé en Établissement Public à caractère Scientifique et Technique, est dirigé par une Directrice Générale. Annuellement, elle organise des campagnes de collectes pour rajouter au nombre d’objets du musée.

de l’économie burkinabè. La pratique de l’élevage est un trait culturel sahélien majeur dont on n’a aucune trace au Musée national24.

Les cahiers d’inventaire et les objets visités ne donnent aucune idée des croyances religieuses des populations du Sahel burkinabè. Ces populations, fidèles des cultes traditionnels et islamisés, ont dans leur patrimoine des traces, témoins de ces pratiques. Il ne serait pas inintéressant pour le Musée national d’avoir des objets de culte des Sahéliens car, la religion est un élément identitaire fondamental dans la culture d’un groupe donné.

Nous l’avons dit, les Peuls et les Touaregs ont été de grands consommateurs d’esclaves. En effet, ils se caractérisent par leur teint clair frisant souvent le rouge. Ils avaient trouvé dans ce teint l’un des fondements de leur supériorité sur les autres groupes ethniques formés de gens au teint noir. C’est pourquoi ils s’interdisaient les tâches manuelles considérées comme avilissantes et qui, de ce fait, étaient celles des Noirs qui, à leurs yeux, n’étaient que force physique.

L’esclave labourait la terre à la place de son maître ; il exécutait les tâches manuelles que ce dernier jugeait avilissantes (labourer, couper le bois, creuser les puits, creuser les tombes, etc.). La raison d’être de l’esclave était d’éviter la peine à son maître. Cette pratique qui a caractérisé la région et qui serait quelque peu en cours n’a aucune preuve matérielle au Musée national.

Dans la zone sahélienne l’habitat entièrement construit avec des branches et de la paille ou des fibres végétales reflète le caractère temporaire de sa fonction.

Cependant, quand les populations se sédentarisent, cette habitation temporaire se mue en une demeure semi- temporaire ou en une habitation définitive faite de banco, de nattes, de branches et de pailles (CAPES 2006 : 120-123). Dans ce cas, l’intérieur de l’habitat est décoré ; les Peuls et les autres sahéliens ont des éléments de décoration intérieure des maisons dont des secco, des nattes tissées et/ou ornées, des calebasses décorées et des objets divers. Ces éléments de décoration intérieure des maisons qui sont une richesse artistique des Sahéliens sont absents du Musée national.

L’art contemporain qui émerge à la faveur de la colonisation a engendré des artistes professionnels vivant de leur métier. Ces derniers réalisent des objets qui, destinés à la commercialisation, s’inspirent des formes traditionnelles. Les productions d’art contemporain, celles qui apportent un soin à la qualité formelle des œuvres, se développent au Burkina en fonction des matériaux utilisés. Les métaux, les minerais, le bois et le cuir fournissent au Burkina ces objets d’art contemporain les plus célèbres. Cependant, ces témoins actuels de la production plastique nationale ne représentent que 10% des collections du Musée national (Bayala 2004-2005 : 41). Parmi les objets d’art contemporain du musée, on ne note aucune production du Sahel. Pourtant, le travail du cuir ou l’artisanat d’art du cuir est bien développé dans cette région ; il se manifeste par la production de sacs, de coussins, de chaussures, etc.

Nous ne pouvons passer sous silence l’absence des pièces archéologiques du Sahel jusqu’à une période récente (mars 2008); n’eut été l’exposition il ya 2000 ans : carrefour sahel, le Musée national serait encore sans objets archéologiques du sahel25. Pourtant, des fouilles archéologiques faites dans cette région par

24 Nous pensons entre autres aux objets d’immobilisation des animaux et aux récipients pour contenir les aliments ou pour abreuver le bétail.

25 Une équipe d’archéologues allemands, suite à des fouilles sur les sites de Kissi et de Oursi, a mis

des Burkinabè, des Français et des Allemands entre autres ont révélé un riche patrimoine. D’ailleurs jusqu’en 2005, voire plus tard, les objets archéologiques ne constituaient que 4% des collections de l’institution.

A l’absence d’éléments s’ajoute l’insuffisance même des objets présents à telle enseigne qu’ils ne sont représentatifs ni d’une pratique culturelle donnée, ni d’un domaine précis de l’art, ni d’une activité quelconque. On peut appuyer notre propos par quelques exemples. Au niveau de la parure, les hommes et les femmes du Sahel ont des objets très variés d’ornement des doigts, des poignets, des bras, du cou, des oreilles, du nez, etc. Ainsi bagues, bracelets, chevillières, boucles d’oreilles, anneaux de nez, pectoraux sont les fréquents éléments d’ornement de ces populations. Nombre de ces objets sont absents du Musée national, surtout les pectoraux, très riches et variés dans cette région. Du patrimoine relevant des vêtements sont absents les effets des femmes. Et pire encore, les voiles et les turbans tant chers aux Sahéliens ne sont pas connus du Musée national. On peut faire le même constat au niveau des armes où le sabre est absent, et du transport où l’on ne voit pas les harnachements des chevaux et des chameaux.

CONCLUSION

Au Burkina Faso, au Sahel vivent les Béla, les Rimaïbé, les Sonrhaï, les Peuls et les Touaregs. Ces populations ont un patrimoine artistique riche et varié qui comprend entre autres, les vêtements, les instruments de musique, les objets de parure, les objets de décoration des maisons d’habitation et les outils aratoires.

Cependant, force est de constater la faible représentativité de ces éléments du patrimoine culturel sahélien dans les collections; non seulement ils ne sont que 140 mais aussi ils ne constituent qu’environ 3% de l’ensemble des collections du Musée national. Les objets présents au musée appartiennent surtout aux Peuls excluant ainsi, les autres groupes. L’absence de certains éléments essentiels du patrimoine sahélien est une autre faiblesse ; nombres d’objets caractéristi-ques du Sahel n’ont pas été collectés. On peut donc conclure que le patrimoine culturel sahélien qui n’a pas fait l’objet de collecte est quasiment absent du Musée national du Burkina. Il ne serait donc pas impertinent de conclure que ce patrimoine culturel attend toujours d’être mis en valeur par cette institution.

Cette conclusion est extensible à l’ensemble du pays. En effet, en 1962 il a été créé le Musée national du Burkina dont la mission essentielle est la collecte, la conservation et la mise en valeur des éléments les plus représentatifs de l’iden-tité culturelle burkinabè. Tant d’années après sa création, l’idenl’iden-tité culturelle burkinabè attend toujours sa mise en valeur.

au jour d’importantes pièces en céramique, en fer, en pierre, etc. Ces objets scientifiquement étudiés en Allemagne ont été exposés dans ce pays puis au Musée national du Burkina qui les conserve aujourd’hui.

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