• Aucun résultat trouvé

Risques rénaux des compléments alimentaires: une cause ignorée

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "Risques rénaux des compléments alimentaires: une cause ignorée"

Copied!
6
0
0

Texte intégral

(1)

O. Dori A. Humbert M. Burnier D. Teta

introduction

Les compléments alimentaires (CA) sont définis comme des produits destinés à compléter le régime alimentaire qui con­

tiennent un ou plusieurs des composés suivants : minéraux, oligo­éléments, vitamines, protéines, acides aminés et dérivés de la phytothérapie. Beaucoup d’individus consomment des CA tels que des vitamines, minéraux et élixirs de jouvence pour renforcer leur état de santé, traiter ou prévenir des maladies.

D’autres utilisent la créatine, les suppléments hyperprotéinés ou encore des gélules amaigrissantes pour modeler leur sil­

houette corporelle. Selon CoLaus, une étude lausannoise portant sur plus de 6000 individus, 26% de la population âgée de 35 à 75 ans consomme un CA.1 Le sexe féminin, l’activité physique et un haut niveau d’éducation ont été associés à un risque plus élevé pour une prise de CA. Aux Etats­Unis, 56,5% de la population générale de treize Etats ont admis l’utilisation d’un CA en 2001.2 Le désir de maî­

triser sa propre santé, un manque de confiance dans les prescriptions médicales, voire une rupture de communication médecin­patient pourraient expliquer la forte attirance envers les CA. Plus de la moitié des consommateurs n’en ont pas parlé à leur médecin.1 Les CA sont délivrés hors prescription médicale, ce qui fa­

vorise l’automédication, empêche l’identification d’une éventuelle contre­indica­

tion et complique la détection d’éventuels effets indésirables. La commercialisa­

tion des CA échappe aux autorités régulatrices des médicaments telles que SwissMedic en Suisse ou la Food and Drug Administration (FDA) aux Etats­Unis.

Ainsi, leur efficacité, et surtout leur sécurité, ne peuvent pas être évaluées. Cepen­

dant, la publication de nombreux cas de toxicité suggère que les CA peuvent être nocifs. La néphrotoxicité des CA est peu connue. Les informations à disposition proviennent souvent de cas spectaculaires rapportés, ou de séries de cas, à partir desquels une relation de cause à effet a pu être établie ou fortement suggérée.

La toxicité rénale se manifeste par des signes peu spécifiques, liés à une insuffi­

sance rénale et des anomalies sanguines et urinaires témoignant d’une atteinte Renal risks of dietary complements :

a forgotten cause

The use of dietary complements like vitamins, minerals, trace elements, proteins, amino­

acids and plant­derived agents is prevalent in the general population, in order to promote health and treat diseases. Dietary comple­

ments are considered as safe natural products and are easily available without prescription.

However, these can lead to severe renal toxi­

city, especially in cases of unknown pre­exis­

ting chronic kidney disease (CKD). In particular, Chinese herbs including aristolochic acid, high doses of vitamine C, creatine and protein com­

plements may lead to acute and chronic renal failure, sometimes irreversible. Dietary com­

plement toxicity should be suspected in any case of unexplained renal impairement. In the case of pre­existing CKD, the use of poten­

tially nephrotoxic dietary complements should be screened for.

Rev Med Suisse 2014 ; 10 : 498-503

L’usage des compléments alimentaires (CA) tels que les vita- mines, minéraux, oligo-éléments, protéines, acides aminés et les produits de la phytothérapie, est prévalent dans la popu- lation générale, afin de renforcer l’état de santé ou traiter des maladies. Considérés comme des produits naturels, non nocifs, ils sont facilement accessibles hors prescription médicale. Pour- tant, les CA peuvent être néphrotoxiques, en particulier chez les patients atteints d’une maladie rénale chronique (MRC) éventuellement ignorée. Notamment, les herbes chinoises à base d’acide aristolochique, la vitamine C à haute dose, la créatine et les CA hyperprotéinés peuvent entraîner une insuf- fisance rénale aiguë ou chronique, parfois irréversible. Une éventuelle consommation de CA doit être suspectée devant toute pathologie rénale d’origine peu claire. Chez les patients avec MRC établie, la recherche active d’une consommation de CA néphro toxiques est recommandée.

Risques rénaux des compléments alimentaires : une cause ignorée

synthèse

Drs Olympia Dori, Antoine Humbert et Daniel Teta, PD

Pr Michel Burnier Service de néphrologie Département de médecine CHUV, 1011 Lausanne olympia.dori@chuv.ch antoine.humbert@chuv.ch michel.burnier@chuv.ch daniel.teta@chuv.ch

(2)

tubulaire, inter sti tielle, plus rarement vasculaire ou glomé­

rulaire, dépendant de l’agent toxique. Certains cas sont em­

blématiques, par exemple la néphropathie aux «herbes chinoises» qui peut évoluer vers une insuffisance rénale terminale irréver sible.

Bien que nous ne possédions pas de données épidé­

miologiques précises, la consommation de CA est proba­

blement aussi fréquente dans la maladie rénale chronique (MRC) que dans la population générale. Hors, environ 10%

de la population souffre d’une MRC,3 définie comme une diminution permanente de filtration glomérulaire en des­

sous de 60 ml/min/1,73 m2, ou une protéinurie, le plus sou­

vent silencieuse. Il est hautement probable que les CA soient davantage néphrotoxiques dans cette population.

C’est pourquoi nous aimerions sensibiliser les médecins et les consommateurs de CA aux risques potentiels de cette consommation, y inclus la néphrotoxicité, en particulier chez les patients qui ont une MRC établie. Cette revue a pour but de discuter les risques rénaux de quelques CA fréquem­

ment utilisés, pour lesquels des données de la littérature sont suffisamment pertinentes.

A des fins de structure, nous avons classé les CA délibé­

rément en trois catégories selon leur indication. Les CA destinés à modifier la silhouette corporelle, ceux pour améliorer la santé à but préventif ou thérapeutique, et en­

fin les contaminants des CA qui ne seront que brièvement abordés.

complémentsalimentairespour modeler lasilhouettecorporelle

Créatine

La créatine monohydrate est un oligopeptide synthétisé de façon endogène dans le foie, les reins et le pancréas à partir des acides aminés glycine, arginine et méthionine. Elle provient également des aliments ingérés (viande, poisson).

Disponible en Suisse en tant que CA depuis 1995, mais pas considérée comme un produit dopant, la créatine est po­

pulaire dans le milieu sportif amateur et professionnel, grâce à sa capacité de mobiliser l’énergie maximale en vue d’un effort physique de courte durée, ainsi que son poten­

tiel musculaire trophique. Les effets délétères de la créatine sur les reins sont connus mais peu fréquents. En 1998, un article décrivait un patient de 25 ans souffrant d’une hyali­

nose focale et segmentaire, en rémission sous ciclosporine, qui aggravait sa fonction rénale sous créatine.4 Un cas de néphrite interstitielle réversible a été rapporté chez un pa­

tient sans pathologie rénale ayant consommé 20 g de créa­

tine pendant quatre semaines.5 Cinq cas de rhabdomyolyse avec myoglobinurie et insuffisance rénale aiguë secondaire ont été publiés chez des jeunes sportifs qui consommaient des suppléments contenant de la créatine.6 Dans un mo­

dèle animal de rats avec MRC kystique, la créatine a entraî­

né une progression plus rapide des kystes et une aggrava­

tion plus marquée de la fonction rénale.7 A l’opposé, une étude randomisée en double aveugle, menée sur 26 sujets diabétiques sans atteinte rénale, a comparé l’effet de l’uti­

lisation de créatine pendant douze semaines à un placebo, dans un programme pour augmenter la résistance muscu­

laire. La créatine n’a pas montré d’impact négatif sur la filtra­

tion glomérulaire, mesurée par la clairance au chrome­EDTA, une méthode de référence isotopique.8 L’albuminurie était inchangée. Une autre étude de Poortmans a confirmé l’ab­

sence de toxicité rénale de la créatine chez des athlètes.9 A noter que nous ne disposons pas d’études incluant de grands collectifs qui ont consommé de la créatine. D’autre part, aucune étude n’a testé l’utilisation de créatine chez des patients avec MRC. Au total, on peut conclure que l’uti­

lisation de créatine ne semble que rarement néphrotoxi­

que chez les sujets sans atteinte rénale. Par contre, une ob­

servation chez le rongeur et quelques cas chez l’homme suggèrent une néphrotoxicité en cas d’atteinte rénale chro­

nique, ce qui devrait décourager son utilisation en cas de MRC.

Compléments alimentaires hyperprotéinés

De nombreux essais cliniques randomisés ainsi que diverses méta­analyses ont démontré qu’une diète optimale en protéines à 0,6 g/kg/jour diminue la progression de la MRC et réduit de 30% la nécessité de débuter un program­

me de dialyse.10 Cet effet bénéfique est obtenu via une diminution de la pression intraglomérulaire qui prévient la glomérulosclérose à long terme, et une diminution de la protéinurie connue pour activer l’inflammation et la fibrose interstitielle. Chez le sujet sain, la consommation sponta­

née en protéines varie entre 1 et 1,5 g/kg/jour, ce qui dépasse le besoin minimal suffisant pour maintenir une balance azo­

tée neutre qui est de 0,8 g/kg/jour. On note une réduction spontanée de l’apport protéique en cas de MRC avancée.11 A part l’apport protéique spontané souvent élevé, une con­

sommation surajoutée de CA hyper protéinés est fréquente dans le monde sportif. Les CA hyper protéinés peuvent re­

présenter entre 15 et 100 grammes de protéines par jour, provoquant un apport quotidien en pro téines pouvant at­

teindre 2, voire 3 g/kg/jour. Chez le sujet sain, obèse ou dia­

bétique mais sans MRC, un apport élevé en protéines ne semble pas néphrotoxique, au moins à court et moyen termes. Par exemple, une étude menée chez 307 sujets obè­

ses, sans néphropathie, a démontré qu’un régime hypoca­

lorique hyperprotéiné (1,5 à 2 g/kg/jour) pendant deux ans entraînait une hyperfiltration glomérulaire, sans albuminu­

rie, par rapport à un régime hypocalorique normoprotéiné, ce qui témoigne d’une adaptation rénale physiologi que.12 De même, chez des patients obèses et diabétiques de type 2, indemnes d’une atteinte rénale, un tel régime pen­

dant huit semaines n’a pas entraîné d’augmentation de la créatininémie ni de l’albuminurie.13 Par contre, une étude prospective qui a suivi 1624 infirmières de 30 à 55 ans, pendant onze ans, et collecté des données concernant leur diète, a montré des résultats différents en cas de MRC. Au début de l’étude, 489 participantes présentaient une insuf­

fisance rénale moyenne (filtration glomérulaire entre 55 et 80 ml/min/1,73 m2) et 1135 une fonction rénale normale.

Celles qui consommaient davantage de protéines, soit en­

viron 90 g/jour, ont montré un risque trois fois plus élevé de déclin de la filtration glomérulaire dans le groupe avec in­

suffisance rénale moyenne, par rapport aux participantes dont la fonction rénale était normale au départ.14 C’est pour­

quoi, un régime riche en protéines et une consommation de CA hyperprotéinés sont contre­indiqués en cas de MRC.

(3)

complémentsalimentairespour

améliorerl

étatdesanté

Acide aristolochique

La néphropathie aux acides aristolochiques (NAA) a été décrite il y a plus de vingt ans. Neuf femmes de la région de Bruxelles, sans antécédent néphrologique, ont présenté une insuffisance rénale rapidement progressive évoluant vers une insuffisance rénale chronique terminale irréversible en quelques mois. Ces femmes avaient consommé des gélules à base d’extraits de racines de plantes chinoises, à visée amaigrissante.15 L’analyse de ces gélules révélait des extraits d’Aristolochia fangchi, une plante médicinale utilisée en médecine traditionnelle chinoise, qui avait été incluse par erreur dans la manufacture de ces gélules. Initialement appelée «néphropathie aux herbes chinoises», la NAA a touché plus de 100 patients en 1998, malgré le retrait du marché belge de la substance incriminée. D’autres cas de NAA ont été rapportés dans le monde entier. Leur nombre est cepen dant probablement sous­estimé, surtout en Asie du Sud­Est, compte tenu de l’existence de multiples prépa­

rations contenant des AA ou contaminées par ceux­ci, large­

ment utilisées en médecine traditionnelle chinoise, japo­

naise ou indienne et disponibles via les sites Web, malgré un avertissement de la FDA.16

Au plan sémiologique, la NAA est caractérisée par une insuffisance rénale chronique qui évolue rapidement, en deux à quelques mois, vers une insuffisance rénale termi­

nale (70% des cas), malgré l’arrêt de la prise d’AA.17 Le sé­

diment urinaire est inactif et il n’y a pas d’albuminurie. Les reins sont de petite taille, souvent asymétriques et aux contours irréguliers dans un tiers des cas. La biopsie rénale confirme le diagnostic démontrant une fibrose interstitielle étendue respectant les glomérules, associée à une atrophie ou même à une disparition des tubules (figure 1).17 Des cas de syndrome de Fanconi avec amino­acidurie suggèrent que la cellule tubulaire proximale est une cible privilégiée de la toxicité des AA. Un traitement par des stéroïdes est proposé si la filtration glomérulaire est supérieure à 20 ml/

min/1,73 m2, en particulier si l’histologie rénale montre une inflammation péritubulaire.17 Les AA ont également un po­

tentiel hautement cancérigène au niveau de l’urothélium.

Sur 39 patients atteints d’une néphropathie aux AA, Nortier a rapporté que dix­huit cas (48%) présentaient aussi un car­

cinome urothélial.18 Une augmentation dose­dépendante du risque oncogène est suggérée. Au plan de la pathoge­

nèse, l’exposition aux AA aboutit à une formation d’adduits d’ADN aux aristolactames, prédominant au sein des tissus rénaux et urothéliaux cibles, constituant une lésion muta­

gène respon sable d’une transversion au niveau des bases puriques AT R TA. Chez les patients atteints d’une NAA, une mutation spécifique AAG­TAG (Lys R Stop) a été re­

trouvée sur l’exon 5 du gène p53 (gène suppresseur de tu­

meurs). La protéine p53 est surexprimée au niveau des atypies et carcinomes urothéliaux de ces patients. Les cri­

tères diagnostiques de la NAA sont résumés dans le ta­

bleau 1.17

Chez tout patient connu ou suspect d’une NAA, une sur­

veillance oncologique est proposée.17 Une cytologie des urines tous les six mois est souhaitable, bien que peu sen­

sible. Un scanner des voies urinaires (Uro­CT) avec injection d’un produit de contraste et une cysto­urétéroscopie sont proposés une fois par an. Chez les patients candidats à une transplantation rénale, une cysto­urétérectomie bilatérale est conseillée avant la transplantation.17

La néphropathie endémique des Balkans (NEB) semble partager la même pathogenèse que la NAA. Décrite depuis les années 1950, la NEB toucherait au moins 25 000 person­

nes établies de longue date dans certains villages situés au bord du Danube et de ses affluents (Bulgarie, Bosnie, Croatie, Roumanie et Serbie). Elle est caractérisée par une histologie similaire à la NAA mais la progression de la ma­

ladie vers l’urémie terminale est plus lente. La NEB se com­

plique également de tumeurs urothéliales. Au sein du cortex rénal et des urothéliomes des patients atteints de NEB, on retrouve la présence d’adduits d’ADN aux aristolactames et la même mutation spécifique au niveau du gène p53 que celle décrite dans la NAA, ce qui démontre une pathoge­

nèse commune aux deux néphropathies.

Acide ascorbique

Les suppléments d’acide ascorbique, ou vitamine C, sont fréquemment utilisés pour la prévention de la grippe et des maladies cardiovasculaires, en raison de leur action anti­

oxydante. L’apport quotidien recommandé, de 75 mg pour les femmes et de 90 mg pour les hommes, est généralement couvert par une alimentation équilibrée. Bien que des ca­

Figure 1. Biopsie rénale démontrant une fibrose interstitielle hypocellulaire, respectant les glomé- rules, associée à une atrophie tubulaire

Diagnostic définitif de néphropathie aux acides aristolochiques retenu si : maladie rénale chronique (filtration glomérulaire l 60 ml/min/1,73 m2) r 2 des critères suivants :17

1. Histopathologie typique (fibrose interstitielle hypocellulaire, respectant les glomérules)

2. Confirmation de l’ingestion d’AA par des analyses phytochimiques 3. Détection d’adduits d’ADN aux aristolactames au niveau du tissu

rénal ou des voies urinaires Diagnostic probable

Si maladie rénale chronique r 1 des critères cités ci-dessus est présent en association avec un cancer urothélial lors de la présentation clinique Tableau 1. Critères diagnostiques de la néphropathie aux acides aristolochiques (AA)

(4)

rences en vitamine C puissent provoquer des maladies telles que le scorbut, une surconsommation peut aussi s’avérer dangereuse. La vitamine C est en effet métabolisée en oxalate. Des cas d’insuffisance rénale aiguë, secondaire à la précipitation des cristaux d’oxalate de calcium dans les tubules rénaux, ont été décrits chez des patients consom­

mant entre 500 mg et 2 g par jour de façon prolongée.19,20 Un cas de néphrite tubulo­interstitielle chronique irréversible, associée à la présence de granules d’oxalate dans l’inter­

stice, a été rapporté chez une femme ayant consommé des comprimés de vitamine C pendant dix ans.21 Une étude observationnelle suédoise a prouvé que les hommes qui consomment des suppléments de vitamine C (dose quoti­

dienne estimée à 1000 mg) encouraient un risque accru de

développer des calculs rénaux par rapport aux non­con­

sommateurs.22 L’examen du sédiment urinaire peut montrer des cristaux d’oxalate de calcium, évocateurs d’une néphro­

pathie liée à l’abus de vitamine C (figure 2). Cependant, une biopsie rénale démontrant les cristaux d’oxalate intra­

tubulaires, notamment en lumière polarisée, est souvent nécessaire pour établir le diagnostic (figure 3). La néphro­

pathie aux oxalates peut également être observée en de­

hors d’une intoxication par la vitamine C, notamment en cas d’hyperoxalurie primaire ou secondaire, par exemple lors d’absorption accrue d’oxalates par l’intestin, dans la ma­

ladie cœliaque, la maladie de Crohn, lors d’un traitement par orlistat, après bypass gastrique, ou dans les intoxications à l’éthylène glycol, au méthoxyflurane (produit anesthé­

sique ancien) et au xylitol, un édulcorant à visée rafraîchis­

sante. La vitamine C doit donc être considérée comme un CA potentiellement néphrotoxique, si consommée à hautes doses et de façon prolongée, indépendamment de la pré­

sence ou non d’une MRC préexistante.

Autres compléments alimentaires occasionnellement néphrotoxiques

La racine de la réglisse contient de la glycyrrhizine, con nue pour ses effets thérapeutiques contre les ulcères gastriques, les hyperlipidémies, les allergies, son action anti­inflamma­

toire et immuno­stimulante. La réglisse, souvent présente dans des bonbons, induit un pseudo­aldostéronisme hypo­

réninémique avec une hypertension artérielle, une hypo­

kaliémie et une alcalose métabolique (effet minéralocorti­

coïde). Des cas de myopathies secondaires à l’hypokaliémie induite par la réglisse ont été rapportés. De rares cas d’in­

suffisance rénale aiguë anurique et de tubulopathie, se­

condaires à une rhabdomyolyse hypokaliémique, ont été décrits.23,24

Figure 2. Sédiment urinaire par microscopie en contraste de phase

Il montre à la fois des cristaux d’oxalate de calcium monohydratés en forme d’haltè re (flèche longue) et d’oxalate de calcium dihydratés en forme d’enveloppe (flèches courtes).

Les cristaux de monohydrate peuvent aussi apparaître sous forme d’aiguille.

Figure 3. Biopsie rénale à faible (A et B) et fort grossissement (C et D) et avec lumière polarisée (B et D)

Les cristaux d’oxalate de calcium obstruant les tubules sont aisément visua- lisés.

Remerciements au Dr Samuel Rotman, Institut de pathologie, Centre Hospitalier Universitaire Vaudois (CHUV), Lausanne.

A

C

B

D

Indications Néphrotoxicité Ephédra • Rhinite allergique Néphrolithiase secondaire

• Asthme aux calculs d’éphédrine,

• Perte pondérale noréphédrine,

• Stimulant pseudoéphédrine Cranberry Infections urinaires Néphrolithiase secondaire (canneberge) à répétition à une hyperoxalurie Yohimbe Dysfonction érectile Lupus érythémateux induit

avec atteinte rénale

L-Lysine Herpès labial Dysfonction tubulaire

proximale – syndrome de

Fanconi (glycosurie,

aminoacidurie, phosphaturie)

Artemisia Troubles digestifs Insuffisance rénale aiguë absinthium secondaire à une rhabdomyolyse Larrea • Antioxydant • Maladie rénale cystique tridentate • Anti-inflammatoire • Adénocarcinome rénal (Chaparral)

Chrome • Diabète de type 2 • Nécrose tubulaire aiguë

• Hypolipémiant • Néphrite interstitielle

• Perte pondérale

• Augmentation de la masse musculaire

Tableau 2. Rares cas de néphrotoxicité de certains compléments alimentaires

(5)

Des CA à base de germanium ont été utilisés, initialement au Japon, puis dans les pays occidentaux, comme élixir contre des maladies telles que le cancer. Plus de 30 cas d’in­

suffisance rénale secondaires au germanium ont été décrits depuis 1980.25 Les patients se présentent avec une fatigue, une perte pondérale, des troubles gastro­intestinaux, une anémie et une insuffisance rénale chronique caractérisée, à la biopsie, par une dégénérescence tubulaire sans lésion glomérulaire. L’analyse urinaire ne montre pas de protéinu­

rie ni d’hématurie. Une récupération de la fonction rénale, lente et souvent incomplète, est possible, même à distan­

ce de l’arrêt du produit. La majorité des cas étaient liés à la prise de composés de germanium dits non organiques, tels que le GeO2 (dioxyde de germanium).26

D’autres CA ont très occasionnellement été associés à une néphrotoxicité. Il s’agit de CA contenant de l’éphédra, du cranberry (canneberge), de la yohimbine, de la L-lysine, de l’artemisia absinthium (absinthe), de la larrea tridentate et du chrome. Pour une description détaillée avec les références correspondantes, le lecteur est renvoyé à l’article de revue de Gabardi.27 Les indications de chacun de ces agents et la description clinique toxique correspondante sont résumées dans le tableau 2.

contaminantsdans lescompléments alimentaires

La pureté des CA peut être altérée par l’introduction ac­

cidentelle ou non de substances non déclarées ou par une contamination par des métaux lourds, ou encore des micro­

organismes. Une recherche, menée sur 121 substances, mon­

tre que les contaminations sont fréquentes et peuvent sur­

venir dans plusieurs étapes, dès la production, surtout dans des pays ayant des contrôles moins rigoureux.28 La néphro­

toxicité aux métaux lourds (tableau 3) est caractérisée par une néphrite tubulo­interstitielle chronique évoluant vers l’IRC, une tubulopathie proximale (glycosurie, aminoacidu­

rie, hyperphosphaturie, hypercalciurie) ou une atteinte glomérulaire, souvent dans le cadre d’une exposition pro­

fessionnelle.

conclusion

La consommation de CA est prévalente dans notre so­

ciété. Ceux­ci ne sont pas soumis aux mêmes contrôles d’efficacité, de toxicité et de conformité que les médica­

ments de la chaîne pharmaceutique. Une éventuelle con­

sommation de CA doit être recherchée chez des patients qui présentent une maladie rénale aiguë ou chronique d’origine peu claire. Le cas échéant, la composition des CA doit être identifiée. Avant toute consommation prolongée de CA potentiellement néphrotoxique, les patients devraient se soumettre à un dépistage d’une éventuelle MRC sous­

jacente, souvent asymptomatique, par des analyses de sang (créatininémie) et d’urine (sédiment urinaire, recherche d’une protéinurie) chez leur médecin.

Néphropathie Autres manifestations

Cadmium • Tubulopathie proximale Ostéoporose, ostéomalacie, diabète, cancer (voies urinaires, rénale, poumon), HTA,

• Lithiase rénale maladies cardiovasculaires, pneumopathie

• Cancer rénal

Mercure • Nécrose tubulaire aiguë Symptômes neurologiques et psychiatriques (paresthésies, tremor, anxiété,

• Tubulopathie chronique troubles de la personnalité, dépression, troubles du sommeil), pneumopathie

• Glomérulonéphrite extramembraneuse (intoxication aiguë), maladies cardiovasculaires

Chrome • Nécrose tubulaire aiguë Cancer de l’appareil respiratoire, ulcérations cutanées, toxicité hématologique

• Tubulopathie proximale

Plomb • Néphrite tubulo-interstitielle Anémie hémolytique, crise de goutte, encéphalopathie, neuropathies périphériques,

• Tubulopathie proximale psychose, ostéoporose, douleurs abdominales, maladie cardiovasculaire,

hypertension artérielle

Arsenic • Tubulopathie proximale Cancer (peau, poumon, vessie, foie), diabète, maladies cardiovasculaires, symptômes

• Cancer rénal et des voies urinaires gastro-intestinaux, hémolyse, hépatomégalie, polyneuropathie, encéphalopathie Tableau 3. Néphrotoxicité des métaux lourds contaminants

Les auteurs n’ont déclaré aucun conflit d’intérêts en relation avec cet article.

Implications pratiques

Vingt-six pour cent de la population lausannoise consomme des compléments alimentaires (CA). Dans le milieu sportif, cette pratique semble encore plus fréquente

Bien que les CA ne soient pas dénués d’effets secondaires, aucun contrôle pharmacologique et très peu d’études scien- tifiques ont été effectués sur les CA

Le rein, souvent exposé à de fortes concentrations lors de consommation de substances exogènes, est fréquemment affecté. Tous ses constituants peuvent être touchés (glomé- rulopathie, tubulopathie ou néphrite interstitielle)

La créatine, les compléments hyperprotéinés, les dérivés de l’acide aristolochique et la vitamine C à hautes doses peuvent entraîner une insuffisance rénale aiguë ou chronique Une mesure de la filtration glomérulaire dérivée de la créati- ninémie, ainsi qu’un stix urinaire devraient être effectués chez tout consommateur de CA ayant des facteurs de risque de présenter une maladie rénale chronique

>

>

>

>

>

(6)

1 Marques-Vidal P, Pécoud A, Hayoz D, et al. Preva- lence and characteristics of vitamin or dietary supplement users in Lausanne, Switzerland : The CoLaus study. Eur J Clin Nutr 2009;63:273-81.

2 Balluz LS, Okoro CA, Bowman BA, et al. Vitamin or supplement use among adults, behavioral risk factor surveillance system, 13 states, 2001. Public Health Rep 2005;120:117-23.

3 Ponte B, Pruijm M, Marques-Vidal P, et al. Deter- minants and burden of chronic kidney disease in the population-based CoLaus study : A cross-sectional ana- lysis. Nephrol Dial Transplant 2013;28:2329-39.

4 Poortmans JR, Francaux M. Renal dysfunction ac- companying oral creatine supplements. Lancet 1998;352:

234.

5 Koshy KM, Griswold E, Schneeberger EE. Interstitial nephritis in a patient taking creatine. N Engl J Med 1999;340:814-5.

6 Sandhu RS, Como JJ, Scalea TS, et al. Renal failure and exercise-induced rhabdomyolysis in patients taking performance-enhancing compounds. J Trauma 2002;53:

761-4.

7 Edmunds JW, Jayapalan S, DiMarco NM, et al. Crea- tine supplementation increases renal disease progression in Han : SPRD-cy rats. Am J Kidney Dis 2001;37:73-8.

8 Gualano B, de Salles Painelli V, Roschel H, et al.

Creatine supplementation does not impair kidney func- tion in type 2 diabetic patients : A randomized, double- blind, placebo-controlled, clinical trial. Eur J Appl Physiol 2011;111:749-56.

9 Poortmans JR, Francaux M. Long-term oral crea- tine supplementation does not impair renal function in healthy athletes. Med Sci Sports Exerc 1999;31:1108-10.

10 * Fouque D, Aparicio M. Eleven reasons to control the protein intake of patients with chronic kidney disease. Nat Clin Pract Nephrol 2007;3:383-92.

11 Ikizler TA, Greene JH, Wingard RL, Parker RA, Hakim RM. Spontaneous dietary protein intake during progression of chronic renal failure. J Am Soc Nephrol 1995;6:1386-91.

12 Friedman AN, Ogden LG, Foster GD, et al. Com- parative effects of low-carbohydrate high-protein versus low-fat diets on the kidney. Clin J Am Soc Nephrol 2012;7:1103-11.

13 Sargrad KR, Homko C, Mozzoli M, Boden G. Effect of high protein vs high carbohydrate intake on insulin sensitivity, body weight, hemoglobin A1c, and blood pressure in patients with type 2 diabetes mellitus. J Am Diet Assoc 2005;105:573-80.

14 * Knight EL, Stampfer MJ, Hankinson SE, Spiegelman D, Curhan GC. The impact of protein intake on renal function decline in women with normal renal function or mild renal insufficiency. Ann Intern Med 2003;138:

460-7.

15 Vanherweghem JL, Depierreux M, Tielemans C, et al. Rapidly progressive interstitial renal fibrosis in young women : Association with slimming regimen including Chinese herbs. Lancet 1993;341:387-91.

16 Gold LS, Slone TH. Aristolochic acid, an herbal carcinogen, sold on the Web after FDA alert. N Engl J Med 2003;349:1576-7.

17 ** Refik Gökmen M, Cosyns JP, Arlt VM, et al. The epidemiology, diagnosis, and management of aristolo- chic acid nephropathy : A narrative review. Ann Intern Med 2013;158:469-77.

18 * Nortier JL, Martinez MC, Schmeiser HH, et al.

Urothelial carcinoma associated with the use of a Chinese herb (Aristolochia fangchi). N Engl J Med 2000;

342:1686-92.

19 Mashour S, Turner JF, Merrell R. Acute renal failure, oxalosis, and vitamin C supplementation : A case report and review of the literature. Chest 2000;118:561-3.

20 Lamarche J, Nair R, Peguero A, et al. Vitamin C-in- duced oxalate nephropathy. Int J Nephrol 2011;2011:

146927.

21 Nakamoto Y, Motohashi S, Kasahara H, et al. Irre- versible tubulointerstitial nephropathy associated with prolonged, massive intake of vitamin C. Nephrol Dial Transplant 1998;13:754-6.

22 Thomas LD, Elinder CG, Tiselius HG, et al. Ascorbic acid supplements and kidney stone incidence among men : A prospective study. JAMA Intern Med 2013;173:

386-8.

23 Saito T, Tsuboi Y, Fujisawa G, Sakuma N, et al. An autopsy case of licorice-induced hypokalemic rhabdo- myolysis associated with acute renal failure : Special re- ference to profound calcium deposition in skeletal and cardiac muscle. Nihon Jinzo Gakkai Shi 1994;36:1308- 14.

24 Ishikawa S, Kato M, Tokuda T, et al. Licorice- induced hypokalemic myopathy and hypokalemic renal tubular damage in anorexia nervosa. Int J Eat Disord 1999;26:111-4.

25 Tao SH, Bolger PM. Hazard assessment of germa- nium supplements. Regul Toxicol Pharmacol 1997;25:

211-9.

26 Schauss AG. Nephrotoxicity in humans by the ultra- trace element germanium. Ren Fail 1991;13:1-4.

27 * Gabardi S, Munz K, Ulbricht C. A review of die- tary supplement-indiced renal dysfunction. J Am Soc Nephrol 2007;2:757-65.

28 Genuis SJ, Schwalfenberg G, Siy AK, et al. Toxic element contamination of natural health products and pharmaceutical preparations. PLoS One 2012;7: e49676.

* à lire

** à lire absolument

Bibliographie

Références

Documents relatifs

h La baisse du flux sanguin rénal au cours des états de choc est à l’origine d’une ischémie rénale, en particulier dans la zone externe de la médullaire externe car la PaO 2

(iv) The angularly averaged surface brightness profile is most sensitive to the column density of the gas at the centre of the haloes which in turn is very sensitive to the

L’équation de la MDRD est plus précise pour le diagnostic d’insuffisance rénale modérée et sévère chez les patients

la membrane d’échange (« filtre ») est en-dehors du corps (rein artificiel); circulation de sang et de dialysat dans le filtre. intra-corporelle : dialyse péritonéale

De ce fait, le Ministère de la santé déconseille la consommation des boissons énergisantes par les femmes enceintes, les sportifs et les enfants et recommande de ne pas associer

Dans la première édition par Le Duchat en 1711 , les textes étaient restitués dans une version la plus complète possible et comportaient plusieurs notes pour expliquer

La caractéristique fondamentale du générateur PV donnée pour un éclairement et une température donnée, n’impose ni le courant ni la tension de fonctionnement ; seule la courbe I

Il n’existe pas de groupe à risque clairement défini mais il est généralement reconnu que les patients nés pré- maturément ou souffrant d’une maladie chronique (sur- tout