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L'apport de la Commission de Venise au développement d'un droit européen des minorités

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L'apport de la Commission de Venise au développement d'un droit européen des minorités

LEVRAT, Nicolas

LEVRAT, Nicolas. L'apport de la Commission de Venise au développement d'un droit européen des minorités. In: Auer, Andreas ; Flückiger, Alexandre ; Hottelier, Michel. Les droits de

l'homme et la constitution : études en l'honneur du Professeur Giorgio Malinverni . Genève : Schulthess, 2007. p. 3-28

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:45407

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L’apport de la Commission de Venise au développement d’un droit européen

des minorités

Nicolas Levrat

Professeur à l’Université de Genève

Giorgio Malinverni a été désigné par le gouvernement suisse pour siéger au sein de la Commission de Venise dès l’institution de celle-ci, en 1990. Son élection par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, le 27 juin 2006 comme juge suisse à la Cour européenne des droits de l’homme, a signifié la fin de son engagement au sein de cette Commission pour la démocratie par le droit. En plus de quinze années d’activités, Giorgio Malinverni aura laissé sa marque dans cette expérience institutionnelle particulière qu’est cette Commission, instituée par des Etats membres du Conseil de l’Europe en mai 1990, afin de contribuer à une transition pacifique des Etats d’Europe centrale – puis orientale – vers des régimes démocratiques libéraux et pluripartites fondés sur l’Etat de droit.

Bien que son acte constitutif ne la mentionne pas parmi ses axes d’activi- tés prioritaires, la question de la prise en compte de minorités va largement occuper la Commission de Venise, ainsi d’ailleurs que l’institution strasbour- geoise dans son ensemble, dès le début des années 1990. Cette préoccupation se traduira notamment par l’adoption au sein du Conseil de l’Europe de trois textes conventionnels relatifs à cet enjeu1. Sur cette thématique particulière,

1 Un des principaux produits de l’activité du Conseil de l’Europe est l’élaboration et l’adoption de conventions internationales, ensuite ouvertes à la signature et à la ratification par ses membres (conventions européennes), voire au-delà (conventions ouvertes). Produisant ces dernières années quelques quatre textes conventionnels par année (voir sur les conditions et les moda- lités de cette production normative N. Levrat, « De quelques particularités du mode d’élabo- ration des normes conventionnelles, et de leur influence sur la nature des Traités conclus au sein du Conseil de l’Europe », Revue de droit de l’ULB, vol. 22, 2000-2, «L’apport du Conseil de l’Europe au développement d’un droit européen», Bruxelles, Bruylant, pp. 19-58.). Le nombre de conventions actuellement recensées dans la Série des Traités du Conseil de l’Europe (voir http ://conventions.coe.int/Treaty/FR/v3DefaultFRE.asp) est de précisément 200. Parmi elles, adoptées respectivement en 1992, 1995 et 2000, la Charte européenne des langues régionales et minoritaires (STCE n° 148), la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales (STCE n° 157) et le Protocole n° 12 à la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales (STCE n° 177).

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Giorgio Malinverni aura posé les bases de l’action de la Commission de Venise, puisque c’est lui qui rédigea, durant le mois de mai 1990, dans le cadre d’un groupe de travail de la Commission sur la protection des minorités, une

« liste des principes concernant les minorités nationales » qui sera adoptée par la Commission lors de sa 4eréunion2. Cette liste sera ensuite présentée par le Président de la Commission (à l’époque M. La Pergola) à la réunion de Copenhague sur la dimension humaine de la CSCE3, et servira ensuite de base au projet de Convention de la Commission4.

Dans cette contribution, nous essayerons de montrer pourquoi la Com- mission pour la démocratie par le droit a constitué une structure adéquate pour travailler sur cette thématique (1) et quelles ont été concrètement ses contributions à la solution de la problématique résurgente des minorités na- tionales après la chute du mur (2). Dans une brève troisième partie conclu- sive, nous essayerons d’évaluer la substance de l’apport de cette Commis- sion à la prise en compte par le droit, au niveau européen, de la question minoritaire.

1. Pourquoi la Commission de Venise travaille-t-elle sur la question des minorités ?

A l’initiative du gouvernement italien, une Conférence pour la constitution d’une Commission pour la démocratie par le droit s’est tenue à Venise les 19 et 20 janvier 1990. Cette Conférence a adopté une Résolution créant, d’une part et à titre transitoire (pour une période de deux ans), la « Commission européenne pour la démocratie par le droit », et demandant d’autre part à cette Commission nouvellement créée et aux organes du Conseil de l’Europe d’examiner les modalités selon lesquelles pourraient être développés des liens institutionnels entre cette Commission et l’organisation strasbourgeoise.

Rapidement, un grand nombre d’Etats membres se sont montrés intéres- sés à participer aux travaux de cette Commission ; mais pas tous. En effet la République fédérale d’Allemagne – qui, après la chute du mur, souhai-

2 Laquelle s’est tenue à Venise les 25 et 26 mai 1990.

3 Et l’on retrouve trace de nombre de ces principes dans le Document de Copenhague du 29 juin sur la dimension humaine de la CSCE (voir pour l’intégralité du document, l’excellent site www.

ena.lu/mce.cfm). Les extraits pertinents pour ce qui concerne les minorités ont été repro- duits dans l’ouvrage collectif A. Fenet & al., Le droit et les minorités, Bruxelles, Bruylant, 1995, pp. 399-403.

4 « Rapport explicatif relatif à la proposition pour une Convention européenne pour la protection des minorités », Venise, 9 février 1991. Texte publié dans La protection des minorités. Travaux de la Commission européenne pour la démocratie par le droit, Editions du Conseil de l’Europe, Collection « Science et technique de la démocratie », n° 9, Strasbourg, 1994, p. 25.

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tait gérer de manière autonome les réformes, notamment constitutionnelles, qu’allait nécessiter la transition de l’ancienne Allemagne de l’Est vers sa ré- intégration à une Allemagne réunifiée – et le Royaume-Uni – qui pour des raisons historiques et de tradition juridique n’adhère pas à la conception de réformes démocratiques via des réformes de type constitutionnel – ne sou- haitent pas s’associer à ce projet. Aussi est-il décidé de recourir à une moda- lité de coopération permettant aux Etats désireux – pour autant qu’ils repré- sentent une majorité des membres de l’organisation – de coopérer dans le cadre du Conseil de l’Europe, sans pour autant lier les Etats réticents : l’Ac- cord partiel5.

1.1. Origine, structure et mandat de la Commission de Venise

C’est ainsi que le 10 mai 1990 est adoptée la Résolution (90) 6 relative à un accord partiel portant sur la création de la Commission européenne pour la démocratie par le droit, laquelle lie dix-huit des vingt Etats membres de l’organisation de l’époque. Cette Commission sera composée « d’experts in- dépendants de renommée internationale en raison de leur expérience au sein des institutions démocratiques ou de leur contribution au développement du droit et des sciences politiques »6, « désignés à raison d’un par pays »7.

La mission de ces dix-huit experts est de coopérer « avec les Etats membres du Conseil de l’Europe ainsi que les Etats non membres, en particulier ceux de l’Europe centrale et orientale », avec pour « champ d’action spécifique [les]

5 Les Recommandations aux Etats membres doivent, en vertu de l’article 20.a du Statut du Conseil de l’Europe (STCE n° 1) être prises à l’unanimité des voix exprimées et à la majorité des voix des représentants ayant le droit de siéger ; un Etat opposé à un projet qui pourrait avoir pour ce qui le concerne des incidences financières ou par lequel il ne souhaite pas être lié, peut donc opposer son vote négatif (veto), lequel empêchera l’adoption d’une Recommandation. Aussi, dès août 1951, afin d’éviter les blocages, le Comité des Ministres adoptera lors de sa 9e session, une ré- solution statutaire envisageant la possibilité d’adopter des « Accords partiels ». Cette procédure permet « à certains représentants au Comité des Ministres, en s’abstenant de voter en faveur d’une proposition, de ne pas lier leur gouvernement à la décision de leurs collègues ». Ainsi,

« [s]i le Comité décide, à l’unanimité des voix exprimées et à la majorité des représentants ayant le droit de siéger au Comité, qu’il est permis de s’abstenir de participer à une proposition quel- conque dont il est saisi, cette proposition est soumise au Comité ; elle n’est considérée comme adoptée que par les représentants qui auront voté en sa faveur et son application est limitée en conséquence.

Toutes dépenses supplémentaires engagées par le Conseil de l’Europe à l’occasion d’une pro- position adoptée conformément à la procédure susvisée sont exclusivement à la charge des membres dont les représentants ont voté en faveur de cette proposition. » (Annexe au Statut du Conseil de l’Europe, STCE n° 1).

6 Article 3 § 1 de la Résolution (90) 6 du Comité des Ministres du 10 mai 1990.

7 Article 3 § 2 de la Résolution (90) 6 du Comité des Ministres du 10 mai 1990.

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garanties offertes par le droit au service de la démocratie »8. Cette mission se réalisera par un travail sur la connaissance des différents systèmes juri- diques visant à améliorer la compréhension entre cultures juridiques et par un « examen des problèmes posés par le fonctionnement, le renforcement et le développement des institutions démocratiques »9. Ces missions devront se réaliser par des travaux articulés autour de trois axes10:

– les principes et la technique constitutionnels, législatifs et administratifs au service de l’efficacité des institutions démocratiques et de leur renfor- cement, ainsi qu’au principe de la primauté du droit ;

– les droits et libertés publics, notamment ceux qui concernent la participa- tion des citoyens à la vie des institutions ; et

– la contribution des collectivités locales et régionales au développement de la démocratie.

Cette Commission est instituée comme un organe consultatif, et peut dans ce cadre :

– effectuer de sa propre initiative des recherches et élaborer, le cas échéant, des schémas de lois, de recommandations et d’accords internationaux ; – formuler des avis sur demande de l’Assemblée parlementaire, du Secré-

taire général ainsi que de tout Etat membre du Conseil de l’Europe, de tout Etat non membre ou de toute organisation intergouvernementale11. On reconnaît dans les priorités assignées aux travaux que devra mener cette Commission les principaux axes d’activité du Conseil de l’Europe, avec notamment une forte présence des questions institutionnelles liées à l’orga- nisation régionale et locale du pouvoir12. Par contre, la question des mino- rités n’y est aucunement abordée ; pour la simple raison que cette question

8 Article 1er § 1 de la Résolution (90) 6 du Comité des Ministres du 10 mai 1990.

9 Ibid.

10 Article 1er § 2 de la Résolution (90) 6 du Comité des Ministres du 10 mai 1990.

11 Les demandes des Etats membres ou non membres, ainsi que d’organisations intergouverne- mentales, doivent être formulées par l’entremise du Comité des Ministres du Conseil de l’Eu- rope, lequel se prononce dans la composition restreinte aux Etats membres de l’Accord partiel (article 2 § 2 de la Résolution (90) 6 du Comité des Ministres du 10 mai 1990).

12 Que l’on retrouve d’une manière plus générale dans les modalités de contribution du Conseil de l’Europe au processus de transition dans les pays d’Europe centrale et orientale. Ainsi, via la Conférence permanente des pouvoirs locaux et régionaux de l’Europe (CPLRE) et un programme de coopération intergouvernemental «Local democracy» (LODE), puis un peu plus tard, dans le contexte particulier des Balkans avec les agences de la démocratie locale, cette priorité singu- larise l’action du Conseil de l’Europe. Cette question, nous le verrons, a un lien direct avec la di- mension territoriale de certaines revendications minoritaires en termes d’autonomie politique.

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n’est encore pratiquement pas traitée dans le cadre de l’organisation stras- bourgeoise13, si ce n’est depuis le début des années 1980 sous l’angle de la dimension culturelle et linguistique14. Cette dernière demande émanant de l’Assemblée parlementaire sera relayée par la CPLRE15 avant d’aboutir, en 1992, à l’ouverture à la signature d’une Charte européenne des langues régionales ou minoritaires16. Si cette charte vise bien des langues qui sont celles de groupes minoritaires – puisqu’il faut entendre par langue régionale ou minoritaire des langues « pratiquées traditionnellement sur un territoire d’un Etat par des ressortissants de cet Etat qui constituent un groupe numé- riquement inférieur au reste de la population de l’Etat ; et différentes de la (des) langue(s) officielle(s) de cet Etat »17– son accent principal est placé sur la protection des langues comme partie d’un patrimoine culturel de l’Europe18,

13 Si ce n’est un activisme de l’Assemblée parlementaire entre 1957 et 1961 sur la question des minorités nationales (Résolution 136 (1957) « relative à la situation des minorités nationales en Europe » et Recommandation 285 (1961) « relative aux droits des minorités nationales ». Cette dernière demandait que soit inclus dans le 2e Protocole à la CEDH un article précisant : « Les per- sonnes appartenant à une minorité nationale ne peuvent être privées du droit, en commun avec les autres membres de leur groupe et dans les limites assignées par l’ordre public, d’avoir leur propre vie culturelle, d’employer leur propre langue, d’ouvrir des écoles qui leur soient propres et de recevoir l’enseignement dans la langue de leur choix ou de professer et de pratique leur propre religion. » L’on sait que la proposition ne sera pas retenue, et qu’il faudra attendre le 50eanniversaire de l’adoption de la CEDH pour voir un Protocole n° 12 lui être adjoint, lequel étend la portée du principe de non-discrimination tel que protégé par le CEDH, notamment à l’égard des minorités.

14 Mais l’approche est véritablement centrée sur la langue en premier lieu ; ainsi le premier principe énoncé est, de manière révélatrice « le respect de l’authenticité scientifique » dans le traitement scientifique, humain et culturel de chaque langue. Ce n’est qu’ensuite que sont envisagés la re- connaissance du droit de l’enfant à sa propre langue, et enfin seulement le droit des communau- tés humaines au développement de leur langue et leur culture propres (voir la Recommandation 928(1981) adoptée par l’Assemblée parlementaire le 7 octobre 1981).

15 De 1957 (réunie pour la première fois en janvier 1957, suite à une demande de l’Assemblée parle- mentaire (Résolution 76 (1955), puis convoquée régulièrement depuis (voir la Recommandation 191 (1959) du 22 janvier 1959)) à fin 1993, la CPLRE désigne la Conférence permanente des pou- voirs locaux et régionaux de l’Europe. Dès janvier 1994, l’acronyme CPLRE désigne le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe, institué par la Résolution statutaire (94)3 adoptée par le Comité des Ministres le 14 janvier 1994.

16 Ouverte à la signature le 4 novembre 1992 (STCE n° 148) et entrée en vigueur le 1er mars 1998.

22 Etats membres du Conseil de l’Europe sont actuellement liés, à des degrés divers, par ce texte conventionnel.

17 Article 1, lit a, de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires (STCE n° 148).

18 Ainsi les paragraphes 2 et 5 du préambule précisent :

« 2. Considérant que la protection des langues régionales ou minoritaires historiques de l’Europe, dont certaines risquent, au fil du temps, de disparaître, contribue à maintenir et à développer les traditions et la richesse culturelles de l’Europe ; […]

5. Soulignant la valeur de l’interculturel et du plurilinguisme, et considérant que la protection et l’encouragement des langues régionales ou minoritaires ne devraient pas se faire au détriment des langues officielles et de la nécessité de les apprendre ; »

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même si le rattachement aux droits de la personne19 ainsi qu’une discrète évo- cation de la problématique résurgente des minorités ne sont pas totalement absentes20.

Aussi apparaît-il clairement qu’au moment où est prise la décision de constituer une Commission pour la démocratie par le droit, la perception de l’enjeu juridique d’une prise en compte des minorités n’apparaît pas aux yeux des Etats occidentaux. La cause en est double. D’une part, historique- ment et géographiquement, la problématique des minorités nationales est liée à l’Europe centrale, et non pas aux Etats-nations d’Europe occidentale21. D’autre part, la protection universelle des droits de l’homme s’est chronologi- quement substituée à la protection internationale des minorités et réduit l’en- jeu de leur prise en compte à l’interdiction de tout traitement discriminatoire à l’encontre des personnes appartenant à des groupes minoritaires. En effet, lorsque se dessine le droit international moderne, l’alternative entre un droit des minorités – qui dans la pratique de l’entre-deux-guerres avait échoué à protéger les populations bénéficiaires et à pacifier les territoires sur lesquels elles vivaient – et une protection universelle des droits de la personne était perçue avec une acuité particulière22. La transcription en droit positif de cette alternative sera clairement formulée par l’Assemblée générale des Nations Unies, qui dans sa Résolution 217 (III) du 10 décembre 1948 – laquelle contient la déclaration universelle des droits de l’homme – traite en quelques brefs paragraphes du sort des minorités. On peut ainsi y lire :

19 Le troisième paragraphe du préambule se lit comme suit :

« 3. Considérant que le droit de pratiquer une langue régionale ou minoritaire dans la vie privée et publique constitue un droit imprescriptible, conformément aux principes contenus dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques des Nations Unies, et conformément à l’esprit de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales du Conseil de l’Europe ; »

20 Ce sont les paragraphes 4 et 6 du préambule qui incluent pour le premier une référence aux travaux de l’OSCE qui portent notamment sur cette question, et pour le second aux débats en cours au sein du Conseil de l’Europe sur la question des minorités nationales. Ainsi :

« 4. Prenant en compte le travail réalisé dans le cadre de la CSCE, et en particulier l’Acte final d’Helsinki de 1975 et le document de la réunion de Copenhague de 1990 ; […]

6. Conscients du fait que la protection et la promotion des langues régionales ou minoritaires dans les différents pays et régions d’Europe représentent une contribution importante à la construction d’une Europe fondée sur les principes de la démocratie et de la diversité culturelle, dans le cadre de la souveraineté nationale et de l’intégrité territoriale ; »

21 De nombreux ouvrages traitent d’un point de vue historique de la question des minorités. Mais sans se plonger dans les détails de la constitution de ces minorités (notamment nationales), une approche statistique au tournant des années mille neuf cents nonante est révélatrice. Voir par exemple le World Directory of Minorities, édité par le Minority Rights Group (Harlow, Longham, 1990), ou en français R. Caratini,La force des faibles : encyclopédie mondiale des minorités, Paris, Larousse, 1986.

22 Voir ainsi pour un excellent article de doctrine et une claire alternative, P. Guggenheim, « Minder- heitenschutz oder Menshenrechte », Israelitisches Wochenblatt für die Schweiz, 1942.

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« Considérant que les Nations Unies ne peuvent pas demeurer indifférentes au sort des minorités ;

Considérant qu’il est difficile d’adopter une solution uniforme de cette ques- tion complexe et délicate qui revêt des aspects particuliers dans chaque Etat où elle se pose ;

Considérant le caractère universel de la Déclaration des droits de l’homme ; Décide de ne pas traiter par une disposition spécifique dans le corps de la Déclaration la question des minorités. »

Notons que l’interdiction de la discrimination garantissant que « chacun peut se prévaloir de tous les droits et de toutes les libertés proclamées dans la présente Déclaration, sans distinction de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique ou de toute autre opinion, d’origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation »23, bien qu’elle vise expressément l’origine nationale ou les critères traditionnellement uti- lisés pour définir les groupes minoritaires (race – le langage actuel préfère ethnie24– couleur, sexe, langue ou religion), n’est ainsi pas considérée par l’Assemblée générale elle-même comme constituant une disposition visant particulièrement la situation des minorités, puisqu’elle a décidé de ne pas traiter « par une disposition spécifique dans le corps de la Déclaration de la question des minorités ».

1.2. Emergence de la question des minorités nationales et recours à la Commission de Venise

Comme nous venons de le voir, la question des minorités, et plus particuliè- rement des minorités nationales, n’apparaît pas comme une priorité au début de l’année 1990, lorsqu’est constituée la Commission de Venise. Les enjeux juridiques de la transition économique et politique du régime socialiste vers un système économique et politique libéral ne sont pas immédiatement per- çus comme impliquant aussi un retour de la question des minorités natio- nales. Pourtant, avant même que la Commission de Venise ne soit constituée sous la forme d’un Accord partiel au sein du Conseil de l’Europe, trois Etats, la Hongrie, l’Italie et la Yougoslavie25 – c’est-à-dire un seul Etat membre du

23 Article 2 al. 1 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, Résolution 217 (III) A de l’As- semblée générale des Nations Unies, adoptée le 10 décembre 1948.

24 Voir par exemple la Déclaration des droits des personnes appartenant à des minorités nationales, ou ethniques, religieuses et linguistiques, (Annexe à la Résolution 47/135 du 18 décembre 1992).

25 Il s’agit encore de la République socialiste fédérative de Yougoslavie, laquelle a, notamment dans le cadre de la CSCE dès les années 1970, essayé d’obtenir un traitement juridique de la question des minorités nationales.

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Conseil de l’Europe26 (mais l’Italie joue un rôle particulier en tant qu’initia- trice du projet, ainsi qu’en occupant la Présidence de cette Commission et en y détachant du personnel27) – demandent la constitution d’un groupe de tra- vail sur la question des minorités nationales. Et ce groupe de travail se réunit dès le début mai 1990, chargeant Giorgio Malinverni de rédiger une « liste des principes concernant les minorités nationales », ce qui sera fait et validé par la Commission dans son ensemble avant la fin du même mois28.

Ce sont, comme le laisse deviner l’identité des Etats qui ont demandé que cette question soit mise à l’agenda de la Commission de Venise, la Hongrie et la Yougoslavie qui jouent à ce moment précis de l’histoire un rôle moteur dans la résurgence au sommet de l’agenda européen de la question des minorités ; mais dans des contextes et avec des intérêts différents. Ainsi la Yougoslavie avait de longue date et avec constance plaidé pour une prise en compte par le droit international de la question des minorités. C’est à l’insistance de la délégation yougoslave que l’on doit l’insertion d’un article sur les minorités

« ethniques, religieuses ou linguistiques » dans le Pacte de 1966 relatif aux droits civils et politiques29, ainsi que des efforts en vue de l’élaboration d’une déclaration des droits des personnes appartenant à des minorités nationales ou ethniques ou religieuses30. Dans le contexte plus spécifiquement européen, la Yougoslavie obtiendra une référence à la question des minorités dans le point VII du décalogue d’Helsinki31.

Quant à la Hongrie, si sous le régime communiste elle ne s’était pas mon- trée active sur cette question, elle est historiquement l’Etat qui est le plus directement concerné par la question des minorités, ayant notamment été

26 La Hongrie ne deviendra membre qu’en novembre 1990, premier parmi les pays ex-communistes à être admis au Conseil de l’Europe. Quant à la Yougoslavie, en coopération étroite avec le Conseil de l’Europe dès 1989, elle entamera sa désintégration en 1991, avant de rejoindre l’ins- titution strasbourgeoise.

27 Article 8 de l’Accord partiel du 10 mai 1990.

28 4e réunion de la Commission, Venise, 25-26 mai 1990.

29 Lequel se lit comme suit : « Dans les Etats où il existe des minorités ethniques, religieuses ou lin- guistiques, les personnes appartenant à ces minorités ne peuvent être privées du droit d’avoir, en commun avec les autres membres de leur groupe, leur propre vie culturelle, de professer et de pratique leur propre religion, ou d’employer leur propre langue. » (article 27 du Pacte internatio- nal relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966, UNTS 14668).

30 Adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 18 décembre 1992 (Résolution 47/135) ; mais trop tard pour la Yougoslavie. Sur ce rôle particulier de la Yougoslavie « étonnamment, du moins en rétrospective », voir I. Schulte-Tenkchoff et T. Ansbach, « Les minorités en droit inter- national », dans l’ouvrage collectif rédigé par A. Fenet & al., cité supra note 3, pp. 43-44.

31 Laquelle se lit comme suit : « Les Etats participants sur le territoire desquels existent des minori- tés nationales respectent le droit des personnes appartenant à ces minorités à l’égalité devant la loi, leur donnent l’entière possibilité de jouir effectivement des droits de l’homme et des libertés fondamentales et, de cette manière, protègent leurs intérêts légitimes dans ce domaine. » (Acte final de la Conférence sur la Sécurité et la coopération en Europe, Helsinki, 1er août 1975).

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après la première guerre mondiale « sanctionnée » par le Traité de Trianon qui l’ampute d’une majorité de ce qui était son territoire, laissant de nombreuses populations de nationalité hongroise au sein d’Etats voisins (Roumanie, Slovaquie, Slovénie, République fédérale de Yougoslavie principalement).

D’où l’intérêt des gouvernants de cet Etat de pousser à l’adoption de normes internationales relatives à la protection des minorités, dont pourraient bé- néficier ces populations hongroises résidant sur le territoire et possédant la citoyenneté des Etats voisins ; aujourd’hui encore, cet intérêt se traduit par une disposition constitutionnelle hongroise, laquelle précise que « la Répu- blique de Hongrie se sent responsable du sort des hongrois vivant hors de ses frontières et s’active à promouvoir et développer leurs relations avec la Hongrie. »32. Début 1990, la Hongrie est également l’Etat le plus avancé dans la transition vers les standards démocratiques et économiques occidentaux, ce qui se traduit par un rapprochement institutionnel avancé, notamment avec le Conseil de l’Europe33. Ce dernier facteur explique très certainement la grande influence dont jouit à ce moment la Hongrie sur la scène européenne.

Ainsi la Commission de Venise va, bien que cela ne figure pas dans son acte constitutif – ni dans la Résolution de la Conférence de Venise du 20 janvier 1990, ni dans la Résolution du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe du 10 mai 1990 instituant la Commission de Venise sous la forme d’un accord partiel au sein du Conseil de l’Europe – consacrer une part substantielle de ses activités à la question des minorités dans l’Europe d’après 1989.

2. Comment la Commission de Venise intervient dans le développement d’un droit des minorités

La contribution de la Commission de Venise au développement d’un droit européen des minorités va se réaliser selon trois modalités principales, toutes trois relevant d’un registre normatif. En effet, une forme de division fonc- tionnelle du travail dans la prise en compte des questions liées aux minorités en Europe après 1989 va rapidement s’établir entre d’une part la Conférence sur la coopération et la sécurité en Europe (CSCE qui deviendra l’OSCE en 1994) et de l’autre le Conseil de l’Europe. Nous avons vu ci-dessus que grâce à l’action de la République fédérative de Yougoslavie, la question des minorités

32 Article 6 § 3 de la Constitution de la République de Hongrie actuellement en vigueur.

33 La Hongrie sera d’ailleurs le premier Etat ex-communiste à adhérer au Conseil de l’Europe le 6 novembre 1990, six mois avant la Tchécoslovaquie (7 mai 1991) et un an avant la Pologne (26 novembre 1991). Quant à la Yougoslavie, lors des bouleversements de 1989, elle apparaissait comme étant en mesure de rejoindre rapidement le Conseil de l’Europe (avec lequel elle entrete- nait depuis le milieu des années 1980 des relations d’importance croissante).

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nationales apparaissait dès les années septante dans le champ des préoccu- pations de la CSCE. Alors que ce n’est, nous venons de le montrer, qu’au tour- nant des années nonante que le Conseil de l’Europe – organisation dédiée à la protection individuelle des droits de la personne – se voit assigner une mission dans le cadre de la protection des minorités. Il y a ainsi une claire antériorité de la CSCE.

Cependant, la CSCE jouit d’une particularité tout à fait intéressante d’un point de vue juridique, puisqu’il s’agit d’un processus de coopération multi- latéral délibérément ancré hors du droit. En effet, les engagements consentis dans le cadre de cette conférence, dès son origine, sont explicitement considé- rés par les Etats participants comme des engagements de nature strictement politiques, non générateurs de droits et d’obligations de nature juridique.

En conséquence, les résultats découlant des travaux tenus dans ce cadre ne prennent pas la forme d’actes juridiquement contraignants. Si des engage- ments de nature purement politique peuvent se révéler tout à fait adéquats pour réguler des relations entre Etats34, il paraît par contre nécessaire, pour offrir à des groupes de population minoritaires (qui ne se situent pas sur un plan d’égalité avec les Etats) des garanties dans leurs relations avec des Etats souverains, d’avoir recours au droit. D’où la possibilité, et même la nécessité, d’un espace pour une action normative qui, en raison des trajectoires histo- riques et des expériences accumulées par chacun de ces mécanismes de coo- pération, sera mieux accomplie par le Conseil de l’Europe que dans le cadre de la CSCE. Cette dernière concentrera son action sur la dimension sécuri- taire du traitement de la question des minorités (principalement nationales) avec l’institution dès 1992 d’un Haut Commissaire pour les minorités natio- nales, chargé de trouver des solutions ponctuelles aux tensions découlant de la situation de populations minoritaires dans certains Etats européens35.

Le champ normatif est par contre laissé au Conseil de l’Europe, et nous verrons que la Commission de Venise va se révéler plus prompte à formuler des propositions que l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe ou la mécanique de la coopération intergouvernementale.

34 Et de ce point de vue, il est indéniable que l’Acte final d’Helsinki et les travaux menés dans le cadre de la CSCE ont eu une importance déterminante sur l’évolution de l’Europe. Pour la pos- sibilité de l’existence de telles relations et leur lien avec un ordre juridique international, voir les passionnants travaux de l’Institut du droit international conclus en 1983 à la session de Cambridge sur le thème des « textes internationaux ayant une portée juridique dans les relations mutuelles entre leurs auteurs et textes qui en sont dépourvus » ;Annuaire de l’Institut du droit international, Vol. 60-I, session de Cambridge 1983, Paris, Pedone, 1983, pp. 166-373 et Vol. 60- II, Paris, Pedone, 1984, pp. 117-291.

35 Déclaration du Sommet de Helsinki, 10 Juillet 1992, pp. 7-15, prévoyant notamment des méca- nismes d’alerte rapide et d’action rapide.

Voir le site www.osce.org/documents/mcs/1992/07/4046_fr.pdf .

(12)

2.1. L’élaboration de règles conventionnelles pour la protection des minorités

La première initiative, et peut-être la plus importante, de la Commission de Venise consiste à travailler, très promptement, à l’élaboration d’une proposi- tion pour une Convention européenne pour la protection des minorités. Ce texte sera adopté par la Commission dans son ensemble le 9 février 1991, et sera transmis au Comité des Ministres. Il est en effet clair que quelle que soit la qualité des travaux de cette Commission et la compétence des membres qui la composent, celle-ci ne constitue qu’un organe consultatif constitué d’experts indépendants36, et ne possède à ce titre pas la légitimité permettant l’adoption d’un texte appelé à lier sur le plan européen les Etats. Son mandat initial prévoit cependant que « la Commission peut effectuer de sa propre initiative des recherches et élaborer, le cas échéant, des schémas de lois, de recommandations et d’accords internationaux »37. De plus il est indiqué que

« toute proposition de la Commission peut être discutée et adoptée par les organes statutaires du Conseil de l’Europe. »38 Aussi la Commission est-elle bien dans son rôle en élaborant un projet et en le transmettant à l’organe compétent du Conseil de l’Europe39.

Mais une sorte de compétition va s’engager avec l’autre organe principal du Conseil de l’Europe, l’Assemblée parlementaire, qui parallèlement aux tra- vaux de la Commission de Venise, s’engage en 1990 dans la recherche de solu- tions normatives aux revendications des minorités. Ces travaux connaissent une première consécration en octobre 1990 avec l’adoption par l’Assemblée parlementaire d’une Recommandation40 et d’une Directive41 relatives toutes deux « aux droits des minorités nationales ». Ces textes, outre qu’ils consti- tuent le retour après quelques trente années de silence de l’Assemblée parle- mentaire à une approche plus générale de la question des minorités, font le constat qu’il existe en Europe de nombreuses catégories de minorités et que

« avec l’évolution des Etats d’Europe centrale et de l’Est vers la démocratie, de graves problèmes de minorités apparaissent également dans ces pays »42, que le Conseil de l’Europe se doit de les traiter. En conséquence, l’Assemblée énonce une série de normes minimales pour assurer une protection juridique

36 Article 3 §§ 1 et 2 de la Résolution (90) 6 du Comité des Ministres du 10 mai 1990.

37 Article 2 § 1 de la Résolution (90) 6 du Comité des Ministres du 10 mai 1990.

38 Ibid.

39 En vertu des articles 1.b et 15.a du Statut du Conseil de l’Europe (STCE n° 1), c’est bien le Co- mité des Ministres qui est compétent pour adopter des accords internationaux dans le cadre du Conseil de l’Europe.

40 Recommandation 1134 (1990) relative aux droits des minorités, adoptée le 1er octobre 1990.

41 Directive N° 456 (1990) relative aux droits des minorités, adoptée le 1er octobre 1990.

42 Recommandation 1134 (1990) § 6.

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adéquate des minorités (Recommandation 1134) et se propose d’une part « de définir plus en détail les principes concernant les droits des minorités qui ont été énoncés [par la Recommandation 1134] et qui pourraient être inclus dans un Protocole additionnel à la Convention européenne des Droits de l’Homme ou dans une convention spéciale du Conseil de l’Europe »43, et d’autre part

« de jouer un rôle de médiation et de conciliation dans les conflits mettant en cause des minorités chaque fois que la demande lui en sera faite »44.

Ce second rôle, nous l’avons vu, sera confié à la CSCE et non au Conseil de l’Europe45. L’élaboration d’un texte conventionnel va par contre continuer à occuper l’Assemblée. Considérant que le processus n’avance pas assez rapidement46, les Parlementaires ne sont pas non plus convaincus par la pro- position de Convention formulée par la Commission de Venise. Non que son contenu soit jugé inapproprié ou mal rédigé, mais parce que « bien qu’elle contienne une définition remarquable des droits à garantir, la proposition de convention paraît faible sur le mécanisme de contrôle. Aussi l’Assemblée estime-t-elle préférable et urgent d’élaborer un protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme »47.

Ce que fera l’Assemblée parlementaire l’année suivante, en annexant à sa Recommandation 120148 une « Proposition de protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fonda- mentales concernant les personnes appartenant à des minorités nationales ».

Cette proposition, bien qu’elle reprenne pour l’essentiel les mêmes principes que ceux développés par la Commission pour la démocratie par le droit – la divergence principale portant sur la forme et les modalités de contrôle49,

43 Directive N° 456 (1990), § 3.

44 Directive N° 456 (1990), § 5.

45 Si l’on excepte les « mesures de confiances » qui seront mises sur pied par le Secrétariat du Conseil de l’Europe, dans le but de mettre en œuvre une des décisions du Sommet de Vienne du 9 octobre 1993 ; mais ces actions n’auront pas, sur la durée, l’impact de l’action normative du Conseil de l’Europe.

46 La Recommandation 1177 (1992) adoptée le 4 février 1992 indique que « Les pétitions et les dé- clarations de principe d’autorités gouvernementales en faveur d’une reconnaissance, d’une pro- tection, voire d’une promotion des droits des « minorités » sont aujourd’hui nombreuses, que celles-ci soient qualifiées de nationales, d’ethniques et de culturelles, de linguistiques ou de religieuses. […] L’extrême diversité des situations est désormais convenablement recensée et analysée. Il en est de même de la très grande complexité des problèmes soulevés et des difficul- tés à la fois juridiques et politiques à résoudre ceux-ci. Dire cela aujourd’hui ne suffit plus. […]

Il est urgent de déboucher sur des décisions et des engagements internationaux susceptibles d’être mis en œuvre rapidement sur le terrain. Il en va de la paix, de la démocratie, des libertés et du respect des droits de l’homme sur notre continent. » (§§ 6, 7 et 8).

47 Recommandation 1177 (1992) § 12.

48 Adoptée le 1er février 1993.

49 Dans l’avis adopté par la Commission de Venise sur ce projet de Convention, rédigé en décembre 1992 par Giorgio Malinverni (disponible en anglais uniquement sur Internet, à l’adresse www.

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un Protocole additionnel à la CEDH impliquant que les dispositions qu’il contient pourraient, contre les Etats y ayant souscrit, être invoquées devant la Cour européenne des droits de l’homme – aura surtout un retentissement en raison du seul article allant nettement au-delà des propositions des ex- perts vénitiens. En effet, l’article 11 de ce projet énonce : « Dans les régions où elles sont majoritaires, les personnes appartenant à une minorité nationale ont le droit de disposer d’administrations locales ou autonomes appropriées, ou d’un statut spécial, correspondant à la situation historique et territoriale spécifique, et conformes à la législation nationale de l’Etat ». Le lien entre les droits des minorités nationales et des modalités d’autonomie territoriale constitue une thématique explosive, que les Etats voudront écarter, parce que considérée comme porteuse d’instabilité. Ainsi durant cette même année 1993, le premier Sommet du Conseil de l’Europe50 adopte à Vienne le 9 oc- tobre une « Déclaration de Vienne », à laquelle est annexée une Déclaration sur les minorités nationales. Les chefs de gouvernement européens y font le constat que « les minorités nationales que les bouleversements de l’histoire ont établies en Europe doivent être protégées et respectées afin de contribuer ainsi à la stabilité et à la paix. Dans cette Europe que nous voulons bâtir, il faut répondre à ce défi :assurer la protection des droits des personnes appartenant à des minorités nationales au sein d’un Etat de droit, dans le respect de l’intégrité ter- ritoriale et de la souveraineté nationale des Etats. A ces conditions ces minorités apporteront une précieuse contribution à la vie de nos sociétés »51. Ainsi la

venice.coe.int/docs/1992/CDL-MIN(1992)008-e.asp ), celle-ci constate que la différence fonda- mentale entre son projet (de deux ans antérieur) et celui-ci concerne la forme et le mécanisme de mise en œuvre des droits. Pour le reste, bien que plusieurs dispositions de caractère général qui figurent dans le projet de la Commission pour la démocratie par le droit ne se retrouvent pas dans le projet de l’Assemblée, ce qui aura pour effet de limiter les droits dont pourraient bénéficier les minorités, la Commission note que les dispositions proposées correspondent à celles de son propre projet. Pour ce qui est du mécanisme de mise en œuvre par contre, la Commission sous la plume de G. Malinverni, tout en reconnaissant qu’un Protocole additionnel à la CEDH aurait des avantages, réitère ses doutes sur l’efficacité d’un mécanisme de protection juridictionnelle des droits énoncés, avançant pour cela deux raisons. Premièrement, « while it is closely linked to the protection of human rights, the protection of minorities does present far more marked political features », ce qui aurait pour conséquence qu’une décision de la CEDH ne serait pas nécessaire- ment le meilleur moyen de régler le problème. Deuxièmement, la Commission de Venise doute que la nature de certains droits énoncés au bénéfice des minorités se prête à une mise en œuvre judiciaire. Aussi la Commission ne soutient-elle pas le projet de l’Assemblée. Il est intéressant de noter sur cette question de la mise en œuvre une forme de renversement des fronts, les hommes et femmes politiques exigeant un mécanisme placé sous la supervision des juges, les experts en droit constitutionnel trouvant plus de mérite à une solution négociée sur la base de principes juridiques (« The Commission therefore persists in its belief that flexible, diplomatic solutions applied by a non-judicial body may prove more efficient in this tricky field »).

50 Lequel réunit pour la première fois les chefs de gouvernement ou d’Etats des Etats membres du Conseil de l’Europe à l’invitation du gouvernement autrichien, qui exerce la Présidence du Conseil de l’Europe, les 9 et 10 octobre 1993.

51 Annexe II à la Déclaration de Vienne, §§ 1 et 2. C’est nous qui soulignons.

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question d’une dimension territoriale en lien à des solutions aux revendica- tions, par ailleurs légitimes, de minorités nationales est écartée.

Par contre, dans le corps de la déclaration elle-même, les dirigeants euro- péens s’engagent à « souscrire des engagements politiques et juridiques rela- tifs à la protection des minorités nationales en Europe et de donner mandat au Comité des Ministres d’élaborer les instruments juridiques internationaux appropriés ». De plus, ils demandent expressément au Comité des Ministres, entre autres mesures, « de rédiger à bref délai une convention-cadre précisant les principes que les Etats contractants s’engagent à respecter pour assurer la protection des minorités nationales. Cet instrument serait ouvert également à la signature des Etats non membres ».

En fait, le Comité des Ministres n’avait pas attendu cette injonction pour transmettre, en mai 1992, la proposition formulée par la Commission de Venise au Comité directeur des droits de l’homme du Conseil de l’Europe, afin que celui-ci en examine les mérites. Mais les discussions au sein de ce Comité directeur achoppaient sur la résistance des représentants de plu- sieurs Etats européens (France et Turquie notamment). Par contre, une fois une telle instruction clairement énoncée par les plus hautes autorités éta- tiques, l’adoption d’un texte conventionnel européen dans un délai raison- nable est acquise. Cependant, se fondant sur le nouveau mandat confié par la Déclaration des Chefs d’Etat et de gouvernement, les Etats membres du Conseil de l’Europe vont abandonner l’examen du projet de Convention de la Commission de Venise, pour charger un nouveau Comité ad hoc52 de rédiger un nouveau projet de Convention-cadre. Si le rapport explicatif à la Conven- tion-cadre qui sera ouverte à la signature au sein du Conseil de l’Europe le 5 février 1995 précise que le projet de la Commission de Venise a été examiné parmi plusieurs autres textes, l’examen des dispositions du projet vénitien et du texte adopté par le Comité ad hoc, puis le Comité des Ministres, montrent la claire filiation de cette nouvelle convention qui reprend la structure, les orientations de principe (comme par exemple l’affirmation – au demeurant historiquement contestable53– que « la protection des minorités nationales et des droits et libertés des personnes appartenant à ces minorités fait partie intégrante de la protection internationale des droits de l’homme et, comme telle, constitue un domaine de la coopération internationale »54) ainsi que la

52 Mis en place par le Comité des Ministres le 4 novembre 1993, dans le but de concrétiser la de- mande des chefs d’Etats et de gouvernements énoncée à Vienne le mois précédent, il s’intitule Comité ad hoc pour les minorités nationales (CAHMIN).

53 Puisque la protection internationale des minorités est antérieure à la protection internationale des droits de l’homme.

54 Article 1er, § 1 de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales du 1er février 1995, STCE n° 157. A comparer avec le texte de l’article premier du projet de la Commission de

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plupart des dispositions, à la notable exception de la définition de ce qu’est une minorité nationale !

Ainsi, si la Commission n’a pas elle-même formellement rédigé le texte qui donnera le fondement à la Convention-cadre de 1995, son projet de 1991 a, nous y reviendrons dans notre conclusion, fait plus que jeter les bases du texte conventionnel.

2.2. L’évaluation des législations nationales relatives aux minorités

Comme le prévoit son statut, « la Commission formule des avis sur demande de l’Assemblée parlementaire, du Secrétaire général, ainsi que de tout Etat membre du Conseil de l’Europe […] »55. Elle sera ainsi amenée à se pronon- cer sur le cadre juridique relatif à la protection des minorités au sein de dix

« Etats »56. Ses avis concernent tant des Etats membres57 que des « Etats » non-membres58. Cinq d’entre eux ont été rendus sur la demande de « l’Etat » concerné lui-même59, cinq sur demande de l’Assemblée parlementaire, que ce

Venise, lequel se lit comme suit : « La protection internationale des droits des minorités eth- niques, linguistiques et religieuses, ainsi que les droits des personnes appartenant à ces mino- rités, telle que garantie par la présente Convention, est une composante essentielle de la pro- tection internationale des droits de l’homme et, comme telle, est un domaine de la coopération internationale ».

55 Article 2 § 2 de la Résolution (90) 6 du 10 mai 1990. Le paragraphe 3 de cet article étend la possibilité à des Etats non membres du Conseil de l’Europe de formuler une telle requête, par l’intermédiaire du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe.

56 La demande formulée par le ministre chargé de la protection des droits des groupes nationaux et ethniques de la République du Monténégro en novembre 2003 ne peut véritablement être assimilée à une demande d’un Etat, le Monténégro étant à cette date clairement une République de la Fédération de Serbie-Monténégro. Cette question n’est cependant pas même soulevée par l’avis rendu en 1994 par la Commission de Venise (CDL-AD (2004) 026 (www.venice.coe.int/

docs/2004/CDL-AD(2004)026-f.asp). Signalons encore l’avis rendu à propos « des groupes de personnes auxquels la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales pourrait s’appliquer en Belgique adopté par la Commission lors de sa 50e session plénière (Venise, 8-9 mars 2002) », que nous classons tant dans la présente catégorie que dans celle des avis interpré- tatifs (voir ci-dessous).

57 Hongrie (1993 et 2001), Moldova (1999), Belgique (2002), Croatie et Lituanie (2003), Ukraine et Roumanie (2005).

58 Moldova (1993), Croatie (1996), Bosnie-Herzégovine (2001) et Monténégro (2004, voir note 56).

Des avis concernant certains Etats ont été rendus tant préalablement à leur adhésion que posté- rieurement à celle-ci, raison pour laquelle ils apparaissent dans les deux catégories.

59 Hongrie, en 1993 et 2001, Lituanie en 2003, Monténégro (voir note 56) en 2004, Ukraine et Rou- manie en 2005.

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soit préalablement à l’adhésion60, ou postérieurement à celle-ci, dans le cadre du contrôle du respect des engagements pris au moment de l’adhésion61. La demande relative à la Belgique a été formulée par l’Assemblée à la demande de députés belges francophones, relayés par une majorité de membres de la Commission des affaires juridiques de l’Assemblée.

Soulignons enfin le mode de saisine particulier pour ce qui a concerné le projet de loi relatif aux communautés et minorités nationales en Bosnie- Herzégovine, puisque celui-ci a été demandé par le Bureau du haut-représen- tant, fonction internationale liée à la mise en œuvre des Accords de Dayton sur le territoire de la Bosnie. Ce dernier cas illustre tant l’ouverture dont à fait tout au long de son existence preuve la Commission de Venise dans sa collaboration avec des institutions ou Etats n’ayant pas de lien direct avec le Conseil de l’Europe, que la reconnaissance par la Communauté internatio- nale de la pertinence et de l’importance du rôle joué par cette Commission dans des situations politiquement complexes.

Sans pouvoir nous livrer, faute de place, à une analyse détaillée du contenu de ces différents avis, soulignons à leur propos trois éléments qui nous paraissent significatifs pour caractériser le rôle de la Commission de Venise en l’espèce.

Premièrement, constatons que cette modalité d’action revient à « l’ap- proche classique » – celle qui a prévalu dans le cadre de la Société des Na- tions – de la question des minorités, c’est-à-dire à un examen de la situation de certaines minorités dans certains pays, au cas par cas. Ce qui n’empêche pas que des éléments juridiques communs puissent se dégager de la lecture combinée de ces avis, comme nous allons le voir.

Deuxièmement, et selon une interprétation stricte de son mandat par la Com- mission, c’est dans le cadre d’une protection des minorités selon les mécanis- mes de l’Etat de droit que s’inscrivent les avis de la Commission. Ce qui ne limite néanmoins pas l’examen aux dispositions qui peuvent être invoquées

60 Moldova (1993), Croatie (1996). Il est depuis 1951 acquis que les adhésions au Conseil de l’Europe ne peuvent se faire qu’après que l’Assemblée parlementaire a rendu un avis positif concernant l’Etat candidat. Cependant, depuis 1993, l’adhésion conditionnelle d’Etats membres est devenue la règle. Ainsi dans son avis positif relatif à la candidature d’un Etat, l’Assemblée constate que certains éléments posent encore problème au regard des standards européens, et prend acte de l’engagement unilatéral de l’Etat candidat à se conformer dans les meilleurs délais à ces divers standards ; sur la base de ces engagements précis, l’Assemblée parlemen- taire se déclare alors favorable à l’adhésion de l’Etat candidat. L’Assemblée qui ensuite souhaite contrôler le respect de ces engagements a donc mis au point une procédure de suivi qui lui per- met d’engager des actions pour vérifier la satisfaction effective des engagements contractés (voir notamment la Résolution 115 (1997) amendée par la Résolution 1431 (2005), laquelle ins- titue une Commission pour le respect des obligations et engagements des Etats membres du Conseil de l’Europe).

61 Moldova (1999), Croatie (2003).

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devant les juridictions, puisque la Commission traite également dans une majorité de ses avis en la matière de dispositions qui, par exemple, visent à assurer une participation équitable de groupes minoritaires aux processus décisionnels.

Troisièmement, la procédure d’avis dans ces cas s’apparente plus à un dialogue, s’inscrivant dans la durée, qu’à la seule analyse statique de disposi- tions législatives. Le dialogue se noue tant avec les différents acteurs concer- nés dans le pays à propos duquel doit être rendu l’avis (autorités gouver- nementales, mais aussi membres du Parlement ou instituts spécialisés dans la protection des minorités, ainsi que représentants de groupes minoritaires eux-mêmes) qu’entre les membres de la Commission. Ainsi les rapporteurs désignés par la Commission se rendent dans le pays en question pour rencon- trer les acteurs et comprendre les enjeux. Quant au dialogue entre membres de la Commission, il se manifeste – outre les discussions en séance ou autour dont il n’existe pas de compte-rendu détaillé – par des commentaires écrits nominalement signés et rendus publics. C’est de ce dialogue qu’émerge (ou parfois n’aboutit pas) le texte de l’avis que la Commission adopte ensuite en séance plénière. Ainsi, outre la dimension normative qui peut être attachée au texte de l’avis adopté, cette procédure d’avis s’inscrit aussi dans une procé- dure de dialogue politique dont la valeur, même si nous n’avons la place d’en traiter plus en détail ici, ne doit pas être sous-estimée.

Quant au fond, ces avis insistent tout d’abord sur les possibles consé- quences, principalement en relation avec les exigences d’un Etat de droit, que pourra avoir la mise en œuvre des dispositions soumises à l’examen des membres de la Commission. Ainsi les avis sont attentifs à la nécessité de ne pas garantir les droits des personnes appartenant à un groupe minoritaire au détriment des droits de personnes appartenant à un tel groupe mais sou- haitant jouir, à égalité avec les autres citoyens, du droit commun à tous les ci- toyens. A l’inverse, les avis de la Commission mettent toujours en exergue les possibilités que les textes législatifs laissent aux autorités pour apporter des dérogations aux droits garantis aux minorités, soulignant le danger qu’un texte positif dans son contenu puisse être privé de ses effets par des décisions ultérieures des autorités administratives ou politiques. Enfin, l’existence de mécanismes juridictionnels effectifs qui pourront garantir le respect des droits énoncés est également toujours soulignée comme constituant une par- tie intégrante et nécessaire d’une protection d’une minorité.

Les autres éléments relèvent des situations particulières à chaque texte soumis à examen, et nous n’en traiterons pas dans cette brève contribution.

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2.3. L’adoption d’avis interprétatifs d’autres textes conventionnels du Conseil de l’Europe

La capacité de formuler des avis reconnue à la Commission par l’article deux paragraphe deux de la Résolution du Conseil des Ministres l’instituant ne concerne pas les seules situations nationales. Ainsi à plusieurs reprises, la Commission sera appelée à rendre des avis interprétant le sens ou la por- tée de dispositions d’autres textes conventionnels adoptés dans le cadre du Conseil de l’Europe62. Trois cas particuliers ont été soumis à l’attention des membres de la Commission et ont donné lieu à l’adoption d’avis ; deux en 1996, un en 2002.

La première demande émane de la Commission des Affaires juridiques et des droits de l’homme de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe et concerne l’interprétation de l’article 11 du projet de Protocole additionnel à la CEDH annexé à la Recommandation 1201 de l’Assemblée parlementaire63. Le cas est un peu particulier, dans la mesure où il ne s’agit pas d’un texte conventionnel adopté par les Etats membres du Conseil de l’Europe, mais d’un texte sans valeur juridique contraignante propre, adopté par la seule Assemblée parlementaire ; mais dans la mesure où d’une part l’Assemblée parlementaire s’y réfère dans les avis qu’elle rend dans le cadre de la procé- dure d’adhésion de nouveaux Etats membres, et qu’elle exige sur cette base de ceux-ci un engagement unilatéral à respecter les principes contenus dans cette Recommandation 1201, et que d’autre part plusieurs accords bilatéraux entre Etats membres du Conseil s’y réfèrent également, le texte de cet article sans portée juridique propre n’en produit pas moins des effets juridiques.

Comme le souligne la Commission, « les Etats semblent en effet craindre que le droit de disposer d’administrations locales ou autonomes appropriées,

62 Ces avis interprétatifs, rendus principalement dans le domaine de la protection des minorités, sont considérés comme une des contributions majeures de la Commission de Venise au fonc- tionnement du Conseil de l’Europe. Ainsi dans le cadre des réflexions sur le rôle du Conseil de l’Europe au-delà de son cinquantième anniversaire, les Etats membres avaient mandaté un

« Comité des sages », lequel dans son rapport final rendu au Comité des Ministres en octobre 1998, « estime qu’il serait utile à l’avenir que les conventions du Conseil de l’Europe contiennent des dispositions précises concernant leur interprétation. La possibilité de demander à la Com- mission de Venise, si besoin en est, de donner des avis non contraignants sur l’interprétation des conventions existantes dépourvues de mécanismes d’interprétation propres doit être prise en considération. En effet, dans le passé, la Commission de Venise a déjà répondu à plusieurs demandes d’avis juridiques de la part de commissions de l’Assemblée parlementaire ». (Rap- port final au Comité des Ministres (CM(98)178), Strasbourg, 20 octobre 1998, § 13). L’Assem- blée parlementaire reprendra et étendra l’idée, en proposant dans sa Recommandation 1458 (2000) la création d’une « autorité judiciaire générale » en vue de permettre « une interprétation et une application uniforme des conventions du Conseil de l’Europe dans les différents Etats membres. »

63 Dont le texte est cité supra, au point 2.1.

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combiné avec le droit de contacts transfrontaliers (article 10 de la proposi- tion de Protocole), puisse promouvoir des tendances sécessionnistes. […] la sensibilité à l’égard d’une autonomie quelconque de minorités nationales est encore trop forte dans nombre d’Etats : on craint la spirale autonomie cultu- relle, autonomie administrative, sécession »64. Outre une interprétation dé- taillée des termes de ce projet d’article, de laquelle il ressort notamment que

« la possibilité d’une application de l’article 1365 combiné avec l’article 11 de la Recommandation 1201 ne saurait être exclue » ; ce qui pourrait alors signifier que dans une région dotée d’une autonomie institutionnelle en faveur du groupe – minoritaire au niveau national mais relativement majoritaire dans l’aire dans laquelle des institutions autonomes existent – les personnes ap- partenant au groupe majoritaire au niveau national mais se retrouvant en situation minoritaire au regard des institutions territoriales dominées par le groupe minoritaire, pourraient elles-mêmes exiger une autonomie institu- tionnelle pour défendre leurs droits… Si nous n’avons aucune difficulté à ad- hérer à pareil avis sur le fond, il nous paraît cependant que la mise en œuvre d’une telle règle se révélerait extrêmement complexe, voire source d’insta- bilité institutionnelle, toute solution selon ce paramètre étant probablement génératrice d’une nouvelle situation justifiant protection.

Mais surtout, la Commission note que « le droit international ne saurait en principe imposer aux Etats des solutions territoriales au problème des minorités et que ceux-ci ne sont en principe pas tenus d’instituer des for- mes de décentralisation en leur faveur » et qu’en conséquence, « compte tenu de l’état actuel du droit international, une approche extensive du droit des minorités de disposer d’administrations locales ou autonomes n’est possible qu’en présence d’un instrument de droit international contraignant, ce qui n’est pas le cas en l’espèce ». De plus, la Commission prend soin de préciser, pour ce qui concerne le droit international positif applicable en Europe, que

« pour la Convention-cadre [pour la protection des minorités nationales], la participation aux affaires publiques est avant tout une question d’autonomie personnelle et non d’autonomie locale », et que par ailleurs, « l’interprétation de la Convention européenne des droits de l’homme n’a pas, non plus, laissé entendre que des dispositions de celle-ci pourraient être utilisées pour reven- diquer un droit à un statut spécial. » Ainsi selon la Commission de Venise, la portée de cet article 11 doit être interprétée, au regard du droit international existant, d’une manière extrêmement restrictive.

64 CDL-INF (96) 4, 22 mars 1996, p. 5. L’article 10 mentionné est celui du projet annexé à la Recom- mandation 1201 de l’Assemblée parlementaire.

65 Lequel se lit comme suit : « L’exercice des droits et libertés énoncés dans ce Protocole s’applique intégralement aux personnes appartenant à un groupe majoritaire dans l’ensemble de l’Etat, mais minoritaire dans une ou plusieurs de ses régions. »

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