M. B ARBUT
De Pascal à Savage. Un chapitre de l’algèbre linéaire : le calcul des probabilités (cas fini)
Mathématiques et sciences humaines, tome 15 (1966), p. 15-28
<http://www.numdam.org/item?id=MSH_1966__15__15_0>
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DE PASCAL A SAVAGE.
UN CHAPITRE DE L’ALGEBRE LINEAIRE : LE CALCUL DES PROBABILITES
(cas fini)*
M. B A R B U T
L’exposé qui
suit n’a d’autreprétention
que desuggérer
auxenseignants
une voie moins
classique (bien
que trèsancienne,
y1654,
et asseznaturelle)
que cellequi
est suivie dans laplupart
des manuels pour l’initiation au Calcul desProbabilités. (Une première
version(5),
yécrite
il y aquelques années,
est main-tenant
épuisée).
Ce mode
d’exposition
a~ y à monavis, quelques avantages majeurs: d’abord,
celui
d’insérer
le Calcul desProbabilités
dans le contextegénéral
del’algèbre linéaire, partout présente,
y etqui
fait l’essentiel de tous les programmes de ma-thématiques ; ensuite
celuid’atténuer
lesdifficultés
que l’on rencontreauprès
des
étudiants
lors de l’introduction de la notion de variablealéatoire, quand
on a
commencé
pardéfinir
d’abord lesprobabilités. Ici,
la variable"incertaine", puis
la variablealéatoire
sont les notions dont onpart d’entrée
dejeu;
et lanotion de base celle
d’espérance
y c’est-à-dire de formelinéaire positive
sur unvectoriel de fonctions
numériques: l’intégrale.
Enfin,
cetteméthode permet
d’aborder le Calcul desProbabilités puis
sur-tout la
Statistique Mathématique
comme cequ’ils
sont en fait comme domaine desmathématiques appliquées:
unchapitre
de lathéorie mathématique
desdécisions.
1
-Le vectoriel des Paris
a)
Unpari,
c’est ladonnée
d’un ensemble Ad’éventualités, ete
pourchaque éventualité 1 EJ A,
d’un nombre xi : legain (ou
laperte),
yl’évaluation
desconséquences,
pour leparieur,
y del’éventualité
i.Par
exemple,
unpari
àpile
ou face.A=~1~2~x~=3yX~=-5:
le pa-rieur gagne 3 francs si c’est
pile, perd
5 francs si c’est face* Conférence fa ,1 te au premier stage International du Centre
Belge
dePédagogie
de la Mathématique,Knokke, te 21 Mai i 1966.
..
**Âttentionq,lactel’lement,.et
jusqu’à ce que cette notion soit introduite, nous ne savons pas cequ’est ja probabi 1 ité
de pile, ou celle de face.’
Chaque pari
xapparaît
ainsi comme une liste denombres,
autant que d’é-léments
de A si A estfini,
y ce que nous supposeronsjusqu’à
nouvel ordre :Si l’on
joue
auxdés,
avec deuxdés,
n =36;
si l’on
joue
autiercé’
y etqu’il
y ait dix chevauxpartants ~ n = 10 X 9 X 8 = 7~0~
yetc... -
Mais il
n’y
a pas que dansles jeux
de hasard que l’on rencontre desparis:
souscrire un contrat
d’assurance,
parexemple,
ypeut être assimilé
à tenir unpari
dans
lequel
A est l’ensemble desrisques couverts,
y le nombrexi
laconséquence
financière
du sinistre i : sommeremboursée
par l’assureur moins laperte affé-
rente à ce sinistre.
Plus
généralement
on est dans une situation depari,
ychaque
fois que l’on doitprendre
unedécision
dont lesconséquences,
yévaluées
par desnombres, dé- pendent d’éventualités
dues au hasard et surlesquelles
nous sommes sans aucunpouvoir.
Les nombres
xi
parlesquels
sontévaluées
lesconséquences
dupari,
ne sontpas
nécessairement
les valeurs nominales(en francs,
ou dans toute autreunité
monétaire)
de laperte
ou dugain
encouru; ce sont lesutilités (au
sens deséco- nomistes)
de cesconséquences
pour leparieur.
i
’
b)
Leprincipal
desproblèmes qui
seposent
à propos desparis
est un pro- blème decomparaison
et de choix. Si l’on m’offre de tenir unpari
tel que lepari
àpile
ou facedonné plus
haut enexemple ~ j’ ai
le choix entretenir,
ou nepas
jouer.
Ne pasjouer,
c’est encore unpari,
lepari
nul:quoiqu’il arrive,
lerésultat
en est nul. Et il me faut comparer ces deuxparis
pour arriverà
unedécision
rationnelle.Or,
cettecomparaison
n’est pas facile: si c’estl’éventua- lité 1 qui
seproduit,
c’est tenir lepari qui
est l’acte leplus avantageux (je
gagne 3
francs);
mais si c’estl’éventualité 2,
c’est de ne rien faire(j’évite
une
perte
de 5francs). Or,
yje
suis dans l’incertitudecomplète quant à
cequi
vaarriver,
et c’est maintenantqu’il
me faut choisir.De
même,
si l’on m’offre pour unmême
ensemble Ad’éventualités
de sous-crire à l’un ou l’autre des deux contrats d’assurance :
1 1
il arrivera en
général
que pour certaineséventualités
x soitplus avantageux
que y(x . >
et que pour d’autres ce soit le contraire(xi y) .
Celui
qui "calcule",
comme ondit,.
sadécision,
pourra, dans un cas commecelui-ci, examiner
enquoi différent
les deuxcontrats;
nous avonssupposé
que les nombresxi’
parlesquels sontévaluées
lesconséquences
sont desutilités:
nous supposerons en outre que l’on
peut
d’unepart
les additionner entre eux(ou
les
soustraire),
et les soumettre à deschangements d’unité (des homothéties);
en
pratique,
y on lesconsidère toujours
commeappartenant
au corps desréels
ou à celui des rationnels. ’Examiner
la. différence
entre x et yprend
alors le sensprécis
de cal-culer la liste :
On
peut également lorsqu’on
calcule sadécision, envisager
de souscrire à la fois aux deuxcontrats,
cequi correspond
àl’opération :
1 ’1.
L’ensemble
de tous lesparis possibles
sur unmême
ensemble Ad’éventua- lités
est ainsi muni d’uneaddition,
avec lespropriétés
connues de l’additionvectorielle;
enpaxticulier t
lepari nul ~ c’est-à-dire
le vecteur nul :y joue,
on l’a vu, unrôle important, puisque
c’est à lui que l’on devra endé-
finitive comparer> lors d’unedécision,
tout autrepari.
Les
homothéties
ontégalement
un sens dans cetype
decalcul;
lepari :
homothétique
de x dans lerapport
X est toutsimplement
celuiqui
sedéduit
de x par
changement d’unité
derapport À
sur lesutilités.
Parexemple,
siles
utilités xi
sontexprimées
en francsfrançais,
etqu’on
veuille lesexpri-
mer en francs
belges, X
=9,8475,
le23
Mai1966.
En
résumée
1’ensemble desparis possibles
sur unmême
ensemble Ad’éven-
tualités
est le vectoriel de dimensionégale
au nombred’éléments
deA, ayant
pour corps de scalaires le corps des
réels (ou
desrationnels).
L’addition x + y de deux vecteurs a pour
signification :
tenir à lafois les deux
paris représentés
par les vecteurs x et yrespectivement.
L’ho-mothétie :
x---~~ x derapport
,Àcorrespond
auchangement d’unités
sur lesutilités.
Ce vectoriel est muni de sa structure d’ordre
partiel :
cette
inégalité signifie qu’en
touteéventualité
lepari représenté
par le vec- teur x est au moins aussiavantageux
que celuiqui
estreprésenté
par y.N - Une forme positive: l’ espérance .
a)
Leproblème fondamentale
avons-nousdit,
c’est celui de lacomparaison
et du choix entre
paries,
ou entreparis
et valeurs certaines. C’estplus préci-
sément
celui de la valeurqu’il
convient d’attacher à unpari,
sonutilité (tou- jours
au sens deséconomistes):
lesparis
sont en effet des "biens"qui
se ven- dent ets’achètent
couramment.Lorsque j’achète
un billet deloterie,
ylorsque je
souscris à un contrat
d’ assurance’
c’est bien unpari que j’achète.
Reprenons
unexemple
trèssimple,
celui dupari
x =(3e -5)
à deuxéventua-
lités ;
si l’on me demande de payer deux francs le droit deparieur,
il estprobable
que,,je refuserai;
si l’on me donne un franc sije
tiens lepari peut-être
ac-cepterai-je :
cequi signifie
que pour moi lavaleur, l’utilité
de cepari
se si-tue entre
-1
et2.
,Postulons que l’on
puisse
effectivement fixer lavaleur,
yl’utilité
d’unpari:
ce sera la somme pourlaquelle
il m’estindifférent,
soit de tenir leparie
soit d’avoir certainement cette somme. Nous
appelons espérance
d’unpari
x,notée E(x),
sonutilité,
cette valeurd’équilibre
entrepari
et certitude.Cette
interprétation
del’espérance
d’unpari
comme sonutilité,
savaleur,
n’est pas
nouvelle;
c’est parexemple
celle de von Neumann dans(1);
nous ver-rons
plus
loinqu’elle
estégalement présente
chez Pascal. Et c’est une valeur del’espérance qu’exprime
le dicton: "Un tiens vaut mieux que deux tu l’auras".b) L’espérance E(x)
d’unpari
x,disions-nous; mais,
bienentendu,
ilfaut
pouvoir
calculerl’espérance
den’importe quel pari,
tout au moins de tousceux
qui
admettent lemême
ensemble Ad’éventualités,
de sorte que la compa- raison entre deuxparis
x et y seréduise à
lacomparaison, toujours possi- ble,
entre les deux nombresE(x)
etE(y).
-L’espérance
doit doncêtre
unopérateur appliquant
la vectoriel desparis
dans le corps
représentant l’échelle
desutilités.
Si celui-ci est le corpsÔÙ
desréels,
et si nous notons[t.
n le vectoriel de dimension n desparis
sur un tv-, ensemble A de n
éventualités, l’espérance
E est uneapplication
de91%
Il est bien
évident,
dupoint
de vuealgébrique,
que cetteapplication
doit
être linéaire
etpositive, c’est-à-dire
satisfaire aux trois conditions:3) équivaut d’ailleurs,
enprésence
dez1 )
àce
que E soit monotone :Mais ces trois conditions
s’imposent également
dans notreinterprétation
de
l’espérance
d’unpari
comme sonutilité,
comme sonprix.
La
positivité 3),
yexprime
en effet que si unpari
x a en touteéventua- lité
uneconséquence positive,
savaleur (son espérance)
doitêtre positive.
Lacondition
2)
ne faitqu’assurer l’homogénéité
desunités
choisies pourévaluer
les
utilités: l’espérance
doits’exprimer
dans lamême unité
que lesconséquen-
ces attendues du
pari;
sije
fais unchangement d’unités
derapport
X sur celles-ci
je
dois faire lemême changement d’unités
surl’espérance. Quant
à la condi-tison 1),
elle dit que leprix
à payer pour acheterà
la fois deuxparis (deux
billets de
loterie;
deux contratsd’assurance)
doitêtre
la somme desprix
àpayer pour chacun d’entre eux. Ce n’est
peut-être
pastoujours
vrai dans la pra-tique (il peut
parexemple
y avoir des"ristournes"),
mais nous l’admettronscomme
première approximation, quitte
à discuterplus
loin cettehypothèse.
On sait que
1)) 2),
et3)
ne sont pasindépendantes;
mais notre but n’est pas de donner uneaxiomatique minimale, c’est
de fairecomprendre
lemécanisme
de
l’espérance.
’
Aux trois conditions
écrites,
y il faut enajouter
unequatrième qui
assureque
l’espérance
d’unpari
coïncide bien avecl’utilité
de celui-ci dans le casoù
cetteutilité
est lamême
en touteéventualité:
les cas de certitudeoù, quoiqu’il arrive,
lesconséquences
sont lesmêmes.
Nous poserons donc :Nous venons de
définir
les conditionsauxquelles
doitsatisfaire l’espé-
rance ; il reste
à
la construire. >B
de robabi 1 ité et variables aléatoires ou alésas numé-
o
’
a) Chaque pari
x faitcorrespondre à cha ue éventualité
i6l
A un nom-bre
réel xi;
c’est uneapplication
de A dans.
Certaines des
valeurs xi peuvent être égales
entre elles(c’est
presquetoujours
le cas dans les loteries: à la loterienationale,
y parexemple,
l’ensem-ble A est très
vaste,
c’est celui de tous lesnuméros possibles;
mais le nom-bre des lots est
restreint,
de l’ordre de ladizaine).
Les valeursprises
par les xi constituent un ensembleyz ,
...~ eyk)
de nombres(k 4 n),
et A estpartitionné
en k classesAI, A2y ..., A k
1où:
Désignons
par où B est unepartie quelconque
deA,
la "fonctioncaractéristique"
de B :En termes de
paris
1cpB
est lepari
danslequel je
gagne 1 franc si seproduit
l’une des
éventualités
deB,
et rien sinon.On a alors
l’égalité (vectorielle) :
Où
Y1’
5Y2’
...Yk
sont desscalaires, et v
3es vecteurs(des
"... ...
paris).
Eneffet, chaque
iE
Aappartient
à une seule desclasses;
s’il ap-partient
à la classeAj’
on a :E devant
être linéaire,
y on doit avoir(conditions,
1 et2) :
Mais pour
chaque partie
B deAe cPB
est entièrementdéfinie
par ladonnée
deBe
et parconséquent
est une fonction de B. Posons :Avec ce
changement
de notation :et
l’espérance
de x se calcule en faisant la somme des valeurs obtenuesyj pondérées
par les coefficientsP(Aj ) .
Il suffit deconnaître,
pour toutepartie
B de
A, l’espérance P(B)
dupari cpB
pourêtre
en mesure de calculerl’espérance
de
n’ importe quel pari.
b)
Le nombreP(B), espérance
duparieur
dans lepari qui
lui donne un franc(unie
unité de sonéchelle d’utilité)
dans toutes leséventualités appartenant
àB,
et riensinon, peut être considéré
comme une mesure du"degré
deprobabilité"
attaché
par laparieur
à ce que lesprobabilistes appellent l’évènement
B. Nous dirons que pardéfinition P(B) = E ( ~ )
est pourchaque partie
B de A(pour
cha-que
"événement" B)
laprobabilité
de B.A
chaque partie
de Acorrespond
saprobabilité; l’application
P del’ensemble des
parties
de A. dansIR
n’est pasquelconque. Comme,
yquel
que soitB, c~B 90
neprend
que les v’aleurs 0 et1 ) ~
on a ,D’autre
part ~ CPA
est lepari qui
en touteéventualité
donne le résultat 1.D’après
laquatrième
condition sur lesespérances :
4-
Enfin,
si B et C sont deuxparties disjointes
deA,
on a :d’où, d’après
lalinéarité
del’espérance :
Nous retrouvons bien
ainsi,
pour laprobabilité définie
commeespérance
deparis particuliers,
lesparis 0-1,
y les axiomesclassiques
deKolmogorov (L’axiome
des
probabilités composées apparaîtra plus tard).
c) Appelons P1’
...Ypn
lesprobabilités
desévènements
ces nombres sont tous
positifs
ou nuls.D’après 3’ ) ~
pour toutévènement B~
et
d’après 2’ )
Toute suite p =
P2’
...?pn)
de nombrespositifs (ou nuls)
et desomme 1 constitue ce
qu’on appelle
une distribution deprobabilité
sur A. Aumoyen de p,
l’espérance E(x)
d’unpari
x =(x1’ x2’
... ~xn) peut s’écrire :
Remarquons qu’on
aurait pu obtenir directement cetteexpression
deE(x)
endécomposant
x sous la forme : .Les
paris fi1
constituent une base du vectoriel desparis :
Mais le passage par les valeurs y.
prises
par la fonction x de A dans~
se
prête
mieux auxgénéralisations ultérieures
aux casoù
A est infini: intro- duction del’intégrale
deLebesgue-Stieltjes*.
Deplus,
celacorrespond
à un modetrès usuel de calcul des moyennes.
d)
Unpari
x : une liste de nombres(x1’
..., uneapplication
-- n
X : A 2013201320132013 MB .
de l’ensemble des
éventualités
dans le corpsordonné des réels.
On dit que c’estune "variable incertaine"
(il
vaudrait mieux dire"fonction incertaine")
si l’onveut
indiquer
lasignification
de cette fonctionnumériques:
les valeursxi qu’elle prend
sont lesrésultats, incertains, d’éventualités commandées
par le hasard.A
partir
du moment où l’on a une distribution deprobabilité
p =sur l’ensemble A
d’éventualités
l’incertitudechange
decaractère
elle est me-surée
par p; lecouple (x,p)
est une variablealéatoire,
oumieux,
unaléa numé- rique.
Pour un
même
ensemble Ad’ éventualités ~
il y a ainsi uneinfinité d’aléas
numériques:
leur ensemble est leproduit cartésien Pn
xSn~ où Pn
est le vectorieldes
paris (le
vectoriel de dimension n sur@),,,
etSn
lesimplexe
de dimension n.I V - Espérances (et conditionnelles : Pascal.
a) Jusqu° ici ~
nous avonsconsidéré
lesparis
sur unmême
’ensembled’éventua- lités A;
ceci est insuffisant pour les besoinspratiques;
car cetensemble,
dufait des informations
qu’on recueille,
de l’histoirequi
sedéroule, est,
dansbien des cas, en
perpétuelle évolution.
" Vo 1 r,
par exemple(9).
Précisons,
en nousplaçant
dans le cas d’unjeu
de hasardqui
sedéroule
en
plusieurs
coups; à un certainmoment,
l’ensemble deséventualités
estA,
etmon
pari
est x, uneapplication
de Adans .
Si l’on
joue
un coupe l’ensemble Ad’éventualités
estpartitionné
enclasses
A1’
1 yA
...A ,’
ry selon lerésultat
de ce coup, de sortequ’au
coup sui-vant l’ensemble
d’éventualités
seraréduit
soit e soit àA2,
..., soit àÃr.
Par
exemple,
si l’on lance trois fois de suite undé
à sixfaces,
Aest, avant.que
l’on commence, l’ensemble des216 triplets (u,
v,w)
de nombres en-tiers de 1 à
6.
A l’issue dupremier
coup, on se trouvera avec pour nouvel en- sembled’éventualités
une et une seule des six classesAl
YAz,
... ~A6
estl’ensemble des
36 triplets commençant
par1, AZ
celui destriplets commençant
par
2,
etc....A l’issue d’un coup, l’ensemble
d’éventualités
se trouve doncréduit
de A à l’une desclasses, ,de
lapartition correspondante
deA; quant
aupari
x(à
la fonction x de A
dans IR),
il se trouveréduit à
sa restrictionx Aj j à
A . SiJl’on
préfère
lelangage vectoriel,
xA
est laprojection
de x sur le sous-espaceengendré
, , parA..
J
L’espérance
dexA.
"J(qui
est une formelinéaire positive
del’espace
desapplications
deAi dans !R),est
cequ’on appelle l’espérance
. . - - conditionnelle de x,. - ...si
A . J considéré
commeévènement
. deA,
seproduit.
Notons ]LaEA J
"(XA j où EA ,
J .est
l’opérateur espérance
pour l’ensembleA . d’éventualités ;
notons demême EA
l’espérance lorsque
A est l’ensembled’éventualités.
C’est ici
qu’intervient
ce que nousappellerons
le"principe
de Pascal" : est la valeur dupari
xA.;
cequi résulte
ducoup
que nousjouons,
J J J
’avec A comme ensemble
d’éventualités,
ce sont lesparis x,_
...y 1x Ar
chacun
ayant
pourutilité,
pour valeur(c’est
le motmême employé
parPascal)
son
espérance. Par conséquent,
nous pouvonsécrire,
enappliquant
la formulegé-
nérale
du calcul del’espérance :
Où
= EA (cpt )
est laprobabilité lorsque
A est l’ensembled’éventualités
Jde l’événement
_
b)
Autre formulation :cpA J désignant
la fonctioncaractéristique
dans Ade
A-
J(ÇPAivaut 1
pour leséléments
deAje
0 pour lesautres),
nous avons :.7
JLe
produit
coïncide avecxA.
sur et vautzéro ailleurs; l’égalité
ci-J J
"dessus est une
expression
du vecteur x comme somme de sesprojections
sur lessous-espaces
engendrés
parA1’
rA~ ...~ Ay. respectivement.
>Si j 1= k,
posons :(x
est nulle surAkj.
Le
principe
dePascal,
sarègle d’enchaînement
desespérances, peut
alorss’écrire :
ce
qui signifie
quel’opérateur espérance,
a si A est l’ensembled’éventualités,,
est une combinaison
linéaire
desopérateurs
conditionnelsBA-’
avec pour coeffi-j
cients les
probabilités (si A)
desévènements Aj.
c)
J’ai dit"principe
de Pascal". Lisons en effet sa lettre du2.9
Juillet1654
àFe rmat ~
à propos duproblème
despartis.
Le
problème,
d’abord: deuxjoueurs jouent
àpile
ou face "en troisparties
et chacun a mis 32
pistoles
aujeu".
Celuiqui
aparié
surpile empoche
les 64pistoles
dès quepile
sera apparu trois fois au cours d’une suite de coups, et inversement pour celuiqui
aparié
sur face. On voit quecinq
coups auplus
sufi- , . , -, - 1- ..
risent a cLecicLer, et ie jeu peut se
schématiser
par leréseau ci.=contre, où
l’on aindiqué
pourchaque
situa-tion le "score" de chacun des
joueur;
et aux sommets terminaux le
gain
decelui
qui
aparié
sur face."Voici
à
peuprès,
ditPascal,
comme
je
fais pour savoir la valeur de chacune desparties
..."Soulignons
le motvalseur, qui indique
bien ce dont ils’agit :
cal-culer
l’espérance
d’unpari
dans lesens que nous avons
donné
ici à l’es-pérance,
celle del’utilité (selon le jargon moderne)
d’unpari.
. "Posons que le
premier
en aitdeux et l’autre
une;..."
Ils sontdans la situation
marquée
par lesommet
(1,2)
dugraphique,
y si lepremier
est leparieur
de face. "Ilsjouent
maintenant unepartie,
ydont
le sort est tel que, y si lepremier
la gagne, = il gagne tout
l t argent qui
est aujeu,
savoir 64pistoles;
si l’autre la gagne. ils sont deuxparties
à deuxparties,
et parconséquent,
s’ils veulentse
séparer,
il fautqu’ils
retirent chacun leurmise, savoir,
chacun 32pistoles",
Nos
joueurs
sont dans la situation(1 ,2) qui peut
les amener aux situationsfinales, (3,2), (2e3)e (1,3). Pour eux,
et dans nos notations :est l’ensemble
d’éventualités
à ce coup; s’ils lejouent,
A estpartitionné
en :selon que le hasard les conduit à la situation
(2,2)
ou à la situationA2.
L’espérance (la valeur)
siA2
estréalisée~ du parieur
de face est la sommecertaine
64;
sonespérance
siA1
est de32,
car, diraplus
loinPascal,
"le ha-sard est
égal".
Mais remarquons le
petit
membre dephrase : "...
s’ils veulent sesépa-
rer, il faut
qu’ils
retirent....". Dans la situation(2,2),
nosjoueurs peuvent
soit continuer
à jouer,
et remettre ladécision
dupartage
auhasard,
soitne
pas
jouer:
la sommequ’ils
doivent alors retirer estprécisément
leurespérance (estimée
ici à32 pistoles).
Cetteespérance
est bien ici la valeur certainequi équivaut
pour eux à tenir lepari,
leprix
dupari.
Et la suite est encore
plus
nette :"Considérez donc, Monsieur,
que si lepremier
gagne, il luiappartient 64;
s’ilperd,
il luiappartient 32".
"Il luiappartient 32",
sonespérance
siA2
est iciencore la valeur pour lui de la situation
A2 . "Donc,
s’ils ne veulentpoint
ha-sarder cette
partie
et seséparer
sans lajouer,
lepremier
doit dire:. "Je suissûr
d’avoir32 pistoles,
car laperte même
me lesdonne;
mais pour les32
au-tres, peut-être je
lesaurai, peut-être
vous les aurez; le hasard estégal;
par-tageons
donc ces32 pistoles
par lamoitié
et medonnez,
outrecela,
mes32 qui
me sont aura donc
48 pistoles
et l’autre16".
Ici,
Pascal ditpratiquement
tout enuelques lignes. D’abord,
l’additionde deux
paris
sur lemême
ensemble{~, A2 d’éventualités :.le pari (32~ 32)
et le
pari ( 32~ 0 ) ;
et l’additioncorrespondante
desespérances: l’espérance
dupari global
est la somme des deuxespérances.
Mais pour la
première,
r ils’agit d’un pari
danslequel j’ai 32
en touteéventualité (mais
l’un de ces32
estlui-même
uneespérance,
y non une somme cer-taine).
Sonespérance
est32:
c’est laquatrième
des conditions que nous avonsimposées à l’espérance.
Et le
résultat
finals’exprime
bien parAyant calculé l’espérance (il
dit learti, c’est-à-dire
lepartage)
en(1~ 2),
Pascal le calcule ensuite deproche
enproche
en(0, 2)
et en(0~1)
enappliquant toujours
lesmêmes principes:
addition desparis~ linéarité
de l’es-pérance,
y formule desespérances conditionnelles, espérance
desparis
donnant lemême résultat
en touteéventualité.
d)
De ce que nous avonsappelé
ici leprincipe (ou
larègle)
dePascal,
ondéduit aisément
le4ème
axiomeclassique
du Calcul desProbabilités,
celui des"probabilités composées".
Nous avons :Supposons
que: x= 9Be où
B est unepartie quelconque
deA;
alors la for- mules’écrit:
est la
probabilité
conditio nnelle de B siA~.
Particularisons encore: A est
partitionné
en deux classesseulement,
X etsa
partie complémentaire Y;
et posons B =X (1 ~~ où 1
est unepartie quelconque
de A.
Mais
Et il reste
l’égalité :
qui
est celle desprobabilités composées.
Cetteégalité peut
encores’écrire,
si- .
forme sous
laquelle apparaît
sasignification
essentielle: la distribution deprobabilité P , c’est,
pourl’ensemgle
Ad’éventualités,
unefaçon
de traduirel’opinion
duparieur
sur la vraisemblance des.évènements (parties)
deA; l’éga-
lité
ci-dessus nous dit comment il doit modifier sonopinion lorsque
deA,
l’en-semble
d’éventualités’se réduit
à un sous-ensemble X deprobabilité
non-nulle.Remarque :
Letroisième
axiome deKolmogorovy.
celui del’additivité
desprobabi- lités d’évènements disjoints, étant
lui aussi un casparticulier
de larègle pascalienne d’enchaînement
desespérances,
une autre voie deprésentation
seraitde
partir d’emblée
deparis
dont lesrésultats
sonteux-mêmes
desparis,
y chacunévalué
par sonespérance,
et toutes lesespérances étant
conditionnelles.C’est à cela que nous invite
Pascal;
maisje
pense que pour desdébutants
il estpréférable d’opérer progressivement,
commeje
l’ai fait ici. ,y - Qùe1ques remalrques
enterminant..
a) "aubjectJvea"
et- r81e de laPour avoir
l’espérance
y il suffit de se donner une distribution deproba- bilité
sur l’ensemble des
éventualités;
lespi
sontarbitraires
y pourvuqu’ils
satis-fassent aux contraintes :
Le
parieur
les estimera au mieux de sonexpérience,
cequ’il
sait des con-ditions du
pari,
etc... En ce- sens, lesprobabilités
tellesqu’elles apparaissent
dans l’introduction que nous avons
esquissée
sont"subjectives";
deuxparieurs pourront différer
dans leurs estimationspersonnelles
despi .
L’axiomatique
desespérances
nous assure de l’existence d’une mesure(et
même
d’une foule demesures)
des"degrés
de vraisemblance" desévénements
d’unmême
ensembled’éventualités.
Une choseest,
dans unethéorie,
d’avoir une me-.sure ; une autre en est de
posséder
des instruments de mesure"objectifs".
Parexemple,
lagéométrie
euclidienne assure que lapièce
danslaquelle
nous noustrouvons a une certaine hauteur de
plafond;
mais deuxobservateurse
s’ils nedisposent
pas d’instrument telqu’un mètre, pourront différer
dans l’estimation de cettehauteur.
’’B.
Le
r8iI.e
de lastatistique mathématique (plus particulièrement
dans sonchapitre "Estimation" )
c’estprécisément
de fournir unemétrologie
au Calculdes
Probabilités,
defaçon
que nos deuxparieurs qui divergeaient
audépart
dans leurs
estimations, verront,
si tous deuxacceptent
1 - de se
soumettre à
un certaintype d’expérience (tirages
dans uneurne)
2 - les
règles
du Calcul desProbabilités
leur
opinion
converger vers unemême
estimation. -De là,
on voitque
dansl’expression
"Calcul desProbabilités" c’est
le mot calculqui
estimportant, plus que
le motprobabilités.
b) L’hypothèse
de 1 l n 6a Cl té commetoujours, qu*une approximtion.
Dès le début du 18ème siècle,
lesparadoxes
dutype "paradoxe de Saint Pétersbourg" ont mis
enévidence que la règle d’évaluation,proposée par Pascal
pour
les paris, fondée
sur lalinéarités
seheurte à de graves difficultés si
ons’en sert
sansprécaution. Ces paradoxes sont
ceuxdans lesquels
onconsidère
unpari entre
unriche, et
unpauvre qui n’a par exemple, que 5 francs pour toute
fortune; le pari à pile
ouface dans lequel il perdrait 100 francs si pile, et
il gagnerait 200
francssi face,
a uneespérance positive pour le pauvre (si
lehasard est égal entre pile et face), et pourtant
ilest douteux que celui-ci
ac-cepte d’y risquer sa fortune.
Remplacer
lesvaleurs
ennuméraire par des utilités
nerésoud
engénéral
pas
la difficulté. Car elle est insoluble.
Elle tient à ce que, y comme tous les
"modèles" linéaires,
y aussi bien ceuxdes sciences
physiques
que des scienceséconomiques
ousociales,
le calcul desespérances, qui
est le"modèle"
d’une certaine classe dedécisions
en cas d’in-certitude,
n’estqu’une approximation
commode et valable seulementlocalement;
c’ e st-à-dire !
y si les ordres degrandeurs
des nombres mis enjeu
sontcomparables
Le calcul des
espérances offre,
y à monavis,
une bonne occasion de faireréfléchir
à cequ’est
uneapproximation,
et au domaine devalidité
d’unmodèle.
c ) des: hypothèse.:
Savage.Toute la
construction, içi,
aété,
suivant la voietracée
parPascal,
fon-dée
sur l’ assimilation desparis
à desvecteurs;
cela asupposé
audépart qu’un pari
soit une liste de nombres: x =(x1’
yx2’
,... ~xn)
et parconséquent,
on y ainsisté,
que lesconséquences
dechaque éventualité
i soientévaluées
par un nombrexi.
On
peut
refuser cettehypothèse
dans certainsproblèmes
dedécisions
faceà
l’incertitude;
il y a bien des cas où lesconséquences
seront difficiles àéva-
luernumériquement
dans uneéchelle d’utilité:
parexemple,
si desconsidération
deprestige,
ousentimentales,
etc... entrent enjeu.
L’effort de L. J.
Savage (voir (2)
et(3) )
aconsisté
à s’affranchir del’hypothèse
que lesconséquences
soientd’emblée évaluées numériquement;
et àfonder son
axiomatique
sur la seulecohérence
desdécisions (de
tenir ou non unpari)
les unes parrapport
aux autres. Le noeud del’affaire,
c’est bienentendu
chez lui aussi les
décisions
conditionnelles.Et ce que montre
Savage,
y c’estqu’un
certain nombred’exigences
assez na-turelles sur la
cohérence (la "rationnalité")
desdécisions implique
non seule-’
ment l’existence d’une distribution de
probabilité (satisfaisant
aux conditionshabituelles)
sur l’ensemble deséventualités;
mais celle d’uneutilité numérique
sur les
conséquences,
et quel’utilité
d’unpari
est alorsdonnée
par larègle
de Pascal.
Bibliographie
1)
Surl’espérance
commeutilité
desparis,
et le Calcul desdécisions
en cas d’incertitude.(1)
J. Von NEUMANN -Theory
of games and Economic Behavior(P.U.P. - 1944)
Cha-pitre
3.(2)
L.J. SAVAGE - The Foundations of Statistics(Wiley - 1954).
(3)
G. MORLAT - Despoids
et des choix.(Mathématiques
et SciencesHumaines,
n° 3 -
1963).
(4)
G. MORLAT -Statistique
etThéorie
de ladécision. (Mathématiques
et SciencesHumaines,
n° 8 -1964).
(5)
M. BARBUT - Calcul desdécisions -.
Calcul desespérances -
Calcul des Proba-bilités. (Mathématiques
et SciencesHumaines,
n° 2 -1963).
2)
Sur larègle
despartis
de Pascal.(6)
B. PASCAL - Lettres à Fermat du29
Juillet et du 24Août 1654. (Se
trouventdans les oeuvres
complètes, Bibliothèque
laPléïade,
N.R.F. et dans les"Oeuvres
Complètes", L’intégrale,
Edition duSeuil).
(7)
G. Th. GUILBAUD -Eléménts principaux
de lathéorie
desjeux,
inStratégie
et
décisions économiques (C.N.R.S., 1954).
(8)
G. Th. GUILBAUD - Larègle des
Partis et la Ruine des Joueurs.(Mathématiques
et Sciences
Humaines,
n°9 1964).
3)
Untraité récent
de Calcul desProbabilités (niveau 3ème Cycle) exploi-
tent