• Aucun résultat trouvé

COUR SUPRÊME DU CANADA

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "COUR SUPRÊME DU CANADA"

Copied!
33
0
0

Texte intégral

(1)

DEVANT LA

COUR SUPRÊME DU CANADA

EN APPEL D’UN JUGEMENT DE LA COUR D’APPEL DU QUÉBEC

ENTRE :

DAVID BARER

APPELANT

et

KNIGHT BROTHERS LLC

INTIMÉE

MÉMOIRE DE L’INTIMÉE

(Règle 42 des Règles de la Cour suprême du Canada)

Me Jonathan Franklin Me Lazar Sarna

FRANKLIN &FRANKLIN

Bureau 545

4141, rue Sherbrooke Ouest Montréal (Québec)

H3Z 1B8

Tél. : 514 935-3576 Téléc. : 514 935-6862 j.franklin@franklinlegal.com lazarsarna@gmail.com Avocats de l’Intimée

Me Sylvie Labbé NOËL &ASSOCIÉS

111, rue Champlain Gatineau (Québec) J8X 3R1

Tél. : 819 503-2174 Téléc. : 819 771-5397 s.labbe@noelassocies.com Correspondante de l’Intimée

Thémis Multifactum inc.

4, rue Notre-Dame Est, bur. 100, Montréal (Québec) H2Y 1B8 Téléphone : 514 866-3565 Télécopieur : 514 866-4861

info@multifactum.com www.multifactum.com

(2)

Dossier n : 37594

DEVANT LA

COUR SUPRÊME DU CANADA

Me Leon J. Greenberg

STERNTHAL KATZNELSON MONTIGNY S.E.N.C.R.L.

Bureau 1020

1010, rue De La Gauchetière Ouest Montréal (Québec)

H3B 2N2

Tél. : 514 878-1011 Téléc. : 514 878-9195 ljg@skm.ca

Avocat de l’Appelant

Me Marie-France Major SUPREME ADVOCACY

340, rue Gilmour, suite 100 Ottawa (Ontario) K2P 0R3 Tél. : 613 695-8855 Téléc. : 613 695-8580

mfmajor@supremeadvocacy.ca Correspondante de l’Appelant

Thémis Multifactum inc.

4, rue Notre-Dame Est, bur. 100, Montréal (Québec) H2Y 1B8 Téléphone : 514 866-3565 Télécopieur : 514 866-4861

info@multifactum.com www.multifactum.com

(3)

Page MÉMOIREDEL’INTIMÉE

PARTIEI–EXPOSÉDESFAITS ... 1

PARTIEII–LESQUESTIONSENLITIGE ... 4

PARTIEIII–ARGUMENTATION ... 5

A. LA RECONNAISSANCE DE LA COMPÉTENCE DU TRIBUNAL DE LUTAH EN VERTU DU PARAGRAPHE 6 DE LARTICLE 3168C.C.Q. ... 5

B. LA COMPÉTENCE DU TRIBUNAL DE LUTAH EN VERTU DES PARAGRAPHES 3 ET 4 DE LARTICLE 3168C.C.Q. ... 12

C. LEXISTENCE DU CRITÈRE DE RATTACHEMENT IMPORTANT DU LITIGE AVEC LÉTAT ÉTRANGER EN VERTU DE LARTICLE 3164 C.C.Q. ... 19

PARTIEIV–ORDONNANCE DEMANDÉE AU SUJET DES DÉPENS ... 28

PARTIEV–ORDONNANCESDEMANDÉES ... 28

PARTIEVI–TABLEDESSOURCES ... 29

DISPOSITIONS LÉGISLATIVES ... 29

(4)

Mémoire de l’intimée

Numéro de dossier : 37594

COUR SUPRÊME DU CANADA

(EN APPEL D’UN JUGEMENT DE LA COUR D’APPEL DU QUÉBEC)

ENTRE :

DAVID BARER

APPELANT

et

KNIGHT BROTHERS LLC

INTIMÉE

MÉMOIRE DE L’INTIMÉE

(5)

PARTIE I – EXPOSÉ DES FAITS

1. Quant aux faits, l’intimée s’en remet dans l’ensemble à l’exposé présenté par l’appelant dans son mémoire.

2. L’intimée est en désaccord toutefois avec les allégations contenues aux paragraphes 6 et 7 de l’exposé de l’appelant.

3. Par ces allégations, l’appelant tente en effet de reformuler le contenu de la Motion to Dismiss the Second Amended Complaint présentée devant le tribunal de l’Utah (pièce P-4.3)1, pour en faire une simple question de juridiction. Or, tel qu’indiqué par la Cour d’appel du Québec dans le jugement rendu le 29 août 2016 sur la Requête de l’intimée en cautionnement pour frais en appel2, la requête pour rejet présentée par l’appelant soulevait non seulement des motifs de compétence mais également des motifs de droit non liés à des questions de juridiction.

4. Le contexte ayant conduit aux procédures en litige est le suivant :

 Central Bearing Corporation Ltd est une société canadienne ayant son siège social à Montréal ; l’appelant Barer est un résident de Montréal;

 L’intimée Knight Brothers LLC a été contactée par Barer Engineering Company (‘BEC’), Central Bearing Corporation Ltd et Barer pour fournir une offre d'installation de la machine;

 Les informations fournies par l’appelant Barer et ses sociétés à l’intimée à cette fin étaient incomplètes;

 BEC, en tout temps, était sous le contrôle de Central Bearing Corporation Ltd et de Barer, et a représenté qu'il s'agissait d'une division de Central;

1 Pièce P-4.3, Motion to dismiss, 15 juillet 2010, A.R., vol. 2, p. 70.

2 Jugement rendu le 29 août 2016 sur la Requête de l’intimée en cautionnement pour frais en appel, A.R., vol. 1, p. 9.

(6)

Mémoire de l’intimée Exposé des faits

 Le contrat pour le projet a été attribué à BEC le 29 mai 2007 par Hill Air Force Base et l’intimée a sous-traité les travaux pour compléter le projet ;

 À l'automne 2008, l’intimée a déterminé que les modifications aux dessins et devis exigeaient une augmentation des coûts, a noté l'augmentation du prix sur le contrat de commande, a signé le contrat d'achat modifié et a reçu de l’appelant le feu vert pour procéder;

 Avant que l’intimée ne termine le travail sur le projet, des discussions supplémentaires ont eu lieu entre l’intimée et l’appelant au sujet des prix du contrat d'achat modifié et l’intimée a accepté d'achever les travaux pour le projet en fonction de la promesse de paiement faite par l’appelant;

 Le projet a été achevé et accepté par Hill Air Force Base le 13 août 2009, mais BEC, Central Bearing Corporation Ltd et l’appelant n'ont pas payé le solde dû à l’intimée, soit 431 160,20 $, et n'ont pas payé les frais financiers sur le solde impayé.

5. Le 18 janvier 2013, le tribunal de district des États-Unis, division centrale du district d'Utah (le « tribunal de l'Utah ») a rendu un jugement modifié contre Barer Engineering Company of America, Central Bearing Corporation Ltd et l’appelant Barer3.

6. Le jugement modifié a été rendu à la suite d'une deuxième plainte modifiée datée du 2 juillet 20104 déposée par Knight contre BEC, Central et Barer soulevant les causes d’action suivantes :

 Violation du contrat;

 Enrichissement injuste;

 Allégation d’alter ego entre Central Bearing Corporation Ltd et BEC;

3 Pièce P-2, Amended Judgment in a Civil Case, January 18, 2013, A.R., vol. 2, p. 10.

4 Pièce P-3, Copy of Second Amended Complaint, July 2, 2010, A.R., vol. 2, p. 42.

(7)

 Allégation d’alter ego entre l’appelant Barer et les sociétés BEC et Central Bearing Corporation Ltd et utilisation par Barer des fonds de ces sociétés à ses propres fins;

 Représentation frauduleuse de la part de l’appelant Barer.

7. L’appelant et/ou ses sociétés ont déposé plusieurs procédures à différentes étapes du procès :

 Stipulated Motion to Extend Time to Answer or otherwise Respond to Complaint – Exhibit P-75;

 Motion to Dismiss – Exhibit P-4.36;

 Appearance for a Settlement Conference without reserve of objection to jurisdiction - Settlement Conference report, Exhibit P-2.27.

8. Bien que l’appelant et ses compagnies aient eu l’opportunité de déposer une défense devant le tribunal de l’Utah, ils ont choisi de ne pas déposer de défense formelle.

9. Le jugement modifié est définitif, exécutoire et ne fait plus l'objet de recours ou d'appel ordinaires dans l'État de l'Utah.

10. Le ou vers le 18 mars 2013, l’intimée a signifié à Central Bearing Corporation Ltd et à l’appelant Barer une requête en reconnaissance et en exécution d'un jugement rendu à l'extérieur du Québec8 visant à ce que la conclusion du jugement modifié soit reconnue et déclarée exécutoire dans la province de Québec.

5 Pièce P-7, A.R., vol. 2, p. 114.

6 Pièce P-4.3, A.R., vol. 2, p. 70.

7 Pièce P-2.2, A. R., vol. 2, p. 25.

8 Motion in Recognition and Enforcement of a Judgment rendered outside Quebec, A.R., vol. 1, p. 16.

(8)

Mémoire de l’intimée Les questions en litige PARTIE II – LES QUESTIONS EN LITIGE

11. Voici la position de l’intimée quant aux questions en litige suggérées par l’appelant.

A. La reconnaissance de la compétence du tribunal de l’Utah en vertu du paragraphe 6 de l’article 3168 C.c.Q.

L’intimée soumet que l’appelant a reconnu la compétence du tribunal de l’Utah selon les dispositions de l’article 3168 (6) C.c.Q. En effet, dans le litige entendu en Utah, l’appelant et/ou ses sociétés ont déposé plusieurs procédures à différentes étapes du procès, ce qui a eu pour conséquence que l’appelant a ainsi reconnu la compétence territoriale du tribunal de l’Utah.

B. La compétence du tribunal de l’Utah en vertu des paragraphes 3 et 4 de l’article 3168 C.c.Q.

L’intimée soumet d’une part que la loi de l’Utah est la loi applicable au fond du litige opposant les parties. L’intimée a poursuivi l’appelant en Utah puisque celui-ci a failli à ses obligations contractuelles envers elle dans le cadre d’un contrat de services devant être réalisé en Utah. L’intimée soumet d’autre part que l’argument soulevé devant le tribunal de l’Utah fondé sur la théorie de l’alter ego est suffisant pour établir que les obligations des sociétés appartenant à l’appelant constituent des obligations personnelles incombant à ce dernier.

L’intimée ajoute de plus qu’il y avait bel et bien une preuve au dossier quant à une promesse de payer de la part de l’appelant, laquelle devait être exécutée en Utah.

C. L’existence du critère de rattachement important du litige avec l’État étranger en vertu de l’article 3164 C.c.Q.

L’intimée soumet que l’exigence d’un lien important du litige à l’État dont l’autorité a été saisie ne doit pas faire l’objet d’une vérification additionnelle et distincte puisque les dispositions que l’on retrouve aux articles 3165 à 3168

(9)

C.c.Q. englobent la notion de « lien réel et substantiel » tel qu’exprimé en common law. Nonobstant ce qui précède, l’intimée ajoute que l’effet combiné des facteurs liés tant aux parties qu’à l’objet du litige créait, en l’espèce, un lien de rattachement important entre le litige et l’autorité du tribunal de l’Utah qui satisfaisait à l’exigence prévue par l’article 3164 C.c.Q.

PARTIE III – ARGUMENTATION DE L’INTIMÉE

A. La reconnaissance de la compétence du tribunal de l’Utah en vertu du paragraphe 6 de l’article 3168 C.c.Q.

12. Les arguments soulevés dans le mémoire de l’appelant reprennent en tout point les questions dont le juge de la Cour supérieure a déjà disposé de façon détaillée et auxquelles la Cour d’appel du Québec a adhéré.

13. Au paragraphe 16 du jugement de première instance9, le juge de la Cour supérieure a noté que l’appelant a plaidé sur une question de fond (« substantive issue ») devant le tribunal de l’Utah et que, de ce fait, il a reconnu la compétence juridictionnelle du tribunal de l’Utah.

14. La même observation fut faite par la Cour d’appel dans le jugement rendu le 29 août 201610 sur la Requête en cautionnement pour frais en appel, à savoir que la requête pour rejet (pièce P-4.3)11, présentée par l’appelant, soulevait des motifs de droit non liés à des questions de juridiction :

“[3] This said, as the trial judge noted, the appellant does appear to have consented to the jurisdiction of the US District Court for the District of Utah as his motion to dismiss raised jurisdictional

9 Judgment of the Superior Court (Honourable Marc-André Blanchard, J.S.C.), May 6, 2016, A.R., vol. 1, p. 1.

10 Jugement de la Cour d’appel (Honorables Yves-Marie Morissette, Guy Gagnon et Marie-Josée Hogue), 29 août 2016, A.R., vol. 1, p. 9.

11 Pièce P-4.3, Motion to dismiss, July 15, 2010, A.R., vol. 2, p. 70.

(10)

Mémoire de l’intimée Argumentation but also non-jurisdictional grounds. He then allowed the case to

proceed by default, which raises legitimate questions about the recovery of the money owed to the respondent pursuant to the judgment rendered in Utah on January 18, 2013.”

15. Contrairement à ce que semble vouloir prétendre l’appelant, le jugement interlocutoire rendu par le tribunal de l’Utah sur la requête pour rejet n’a pas eu pour seul effet de conclure que le fait d’amener le débat sur une question de fond constituait une reconnaissance par l’appelant à la compétence du tribunal de l’Utah. Ce qu’il convient de retenir de cette décision c’est plutôt la conclusion à laquelle est venu le tribunal de l’Utah quant à la question plus large de l’alter ego.

Non seulement cette décision a-t-elle confirmé la compétence territoriale du tribunal de l’Utah, mais elle a également identifié l’appelant comme étant une partie défenderesse appropriée.

16. Par ailleurs, cette Honorable Cour ne saurait accepter la distinction proposée par l’appelant entre l’effet d’une défense au fond et l’effet d’une défense faite pour

« sauver sa peau ». Par ce moyen, l’appelant invite la Cour à appliquer une norme beaucoup plus libérale que celle de l’acquiescement à la juridiction du tribunal étranger. La prétention de l’appelant à l’effet qu’il aurait soulevé la question de fond pour une question de survie financière, « to save his skin »12, ignore tout simplement le risque pouvant découler d’un tel geste. Si l’objectif consistait à s’assurer que le tribunal de l’Utah disposait de tous les arguments nécessaires pour solutionner le litige dans l’éventualité où, usant de sa discrétion, le tribunal se déclarait compétent, alors la conséquence pour l’appelant est la même : le tribunal de l’Utah pouvait manifestement user de sa discrétion et se reconnaître compétent par la même occasion. En effet, la partie qui présente un argument devant le tribunal s’expose évidemment à ce que certaines conclusions du juge quant à la preuve offerte pour appuyer ou contrer sa requête lui soient opposées plus tard13. De plus, il convient de reconnaître qu’une partie défenderesse qui conteste la

12 Mémoire de l’appelant, volume 1, paragraphes 50 et 56.

13 Morissette-Paré c. Gestion des rebuts D.M.P. Inc., 1997 CanLII 10375 (C.A.).

(11)

compétence du tribunal saisi et qui, ayant échoué dans ses prétentions, se résigne à plaider au fond ou, tout simplement, se laisse condamner par défaut, décide alors de s’en remettre à la juridiction de ce tribunal.

17. Dans la décision Beals c. Saldanha14, l’honorable juge Major déclarait :

« En l'absence d'injustice ou d'autres raisons tout aussi impérieuses qui n'ont pas été identifiées dans le présent appel, il n'y a aucune raison logique de faire la distinction entre un jugement après le procès et un jugement par défaut. »

18. Il poursuit, un peu plus loin :

« En l'espèce, les appelants ont délibérément décidé de ne pas défendre l'action en Floride contre eux. Les plaidoiries des intimés sont alors devenues les faits sur lesquels reposait le jugement rendu en Floride. Par conséquent, les appelants n'ont pas le droit d'attaquer la preuve présentée au juge et au jury de la Floride comme étant frauduleuse. »15

19. Placé devant le dilemme de devoir s’exposer à un possible acquiescement à la juridiction du tribunal étranger, l’avocat de l’appelant en Utah aurait dû faire valoir clairement que les procédures déposées pour contester la juridiction du tribunal de l’Utah à l’égard de l’appelant personnellement n’emportait pas reconnaissance de la compétence du tribunal de l’Utah et qu’il fallait considérer qu’aucun lien véritable n’existait entre le tribunal de l’Utah et le litige impliquant l’appelant personnellement. Or, il ne l’a pas fait.

20. L’appelant tente de s’exclure d’un côté, mais il est rattrapé de l’autre, vu son lien avec les sociétés Barer Engineering Company of America et Central Bearing Corporation Ltd. Par ailleurs, il se devait, de toute façon, d’assurer la défense de ses sociétés.

14 Beals c. Saldanha, 2003 CSC 72 [Beals], par. 31.

15 Id., par. 54.

(12)

Mémoire de l’intimée Argumentation 21. Les faits en l'espèce n'établissent pas que l'appelant s’est vu contraint de produire

une défense pour « sauver les meubles ». D’autres procédures ont en effet été déposées par l’appelant. D’autres gestes ont été posés par lui qui ne se concilient pas avec sa prétendue nécessité de « save his skin ». Ainsi, dans le litige entendu en Utah, l’appelant et/ou ses compagnies ont déposé plusieurs procédures à différentes étapes du procès :

 Stipulated Motion to Extend Time to Answer or otherwise Respond to Complaint – Exhibit P-716;

 Motion to Dismiss – Exhibit P-4.317;

 Appearance for a Settlement Conference without reserve of objection to jurisdiction - Settlement Conference report, Exhibit P-2.218.

22. Il s’agit donc d’une manifestation positive qui doit être considérée et réputée comme constituant une reconnaissance de compétence. L’appelant s’est vu accorder une occasion équitable d’exposer ses prétentions et de faire valoir ses moyens de défense devant les tribunaux de l’Utah. Si certains ne furent pas soulevés, il n’a alors que lui à blâmer, car l’occasion lui a été donnée de le faire.

23. Son incapacité à faire rejeter l’action contre lui personnellement ou contre ses sociétés n’est pas due à un manque de préavis ou de délai, mais à son recours, selon lui, à des conseils juridiques négligents. Cette négligence ne peut constituer un obstacle à la reconnaissance et à l'exécution du jugement de l’intimée devant les tribunaux québécois. L’appelant est l’auteur de son propre malheur. Après s’être vu débouté de sa requête en irrecevabilité devant le tribunal de l’Utah, il a décidé de ne pas se défendre contre l'argumentation présentée contre lui dans les

16 Pièce P-7, Stipulated Motion to Extend Time to Answer or otherwise Respond to Complaint, A.R., vol. 2, p. 114.

17 Pièce P-4.3, Motion to dismiss, July 15, 2010, A.R., vol. 2, p. 70.

18 Pièce P-2.2, Appearance for a Settlement Conference without reserve of objection to jurisdiction - Settlement Conference report, A.R., vol. 2, p. 25.

(13)

procédures déposées devant le tribunal de l’Utah et il s’est vu condamné par défaut.

24. Le moyen de défense fondé sur l'ordre public empêche l'exécution d'un jugement étranger qui est contraire au concept québécois de la justice. Toutefois, la condamnation personnelle d’un administrateur qui est l’alter ego d’une compagnie qui a fait défaut de respecter ses obligations contractuelles et qui a agi en commettant un abus de droit à l’encontre de son cocontractant ne viole pas les principes de moralité de telle sorte que l'exécution du jugement monétaire choquerait la conscience des Québécois. La défense fondée sur l'ordre public que tente maintenant d’invoquer l’appelant ne peut viser à empêcher l'exécution d'un jugement rendu par un tribunal étranger ayant un lien réel et substantiel avec la cause d'action suivant les dispositions de l’article 3168 C.c.Q. tel que reconnu par la Cour supérieure et confirmé par la Cour d’appel du Québec.

25. Bien que l’appelant et ses compagnies aient eu l’opportunité de déposer une défense devant le tribunal de l’Utah, ils ont choisi de ne pas déposer de défense formelle. Dans ces circonstances, il convient d’affirmer que l’appelant a reconnu, non seulement implicitement mais également de façon expresse, la compétence territoriale de l’autorité étrangère selon les dispositions de l’article 3168 paragraphe 6 C.c.Q. Il est trop tard aujourd'hui pour tenter à nouveau d’opposer l’absence de compétence du tribunal de l’Utah. De plus, le jugement rendu en Utah bénéficiant de l’autorité de la chose jugée, l’appelant ne peut plus s'opposer à la requête en reconnaissance en invoquant des moyens qu'il aurait pu invoquer à l'encontre de la poursuite originale en Utah.

26. La jurisprudence admet qu’il peut y avoir reconnaissance implicite de la compétence du tribunal étranger. La Cour d’appel du Québec, dans l’affaire Ellipse

(14)

Mémoire de l’intimée Argumentation Programme c. International Image Services Inc.19, traite de la possibilité d’une reconnaissance tacite de la compétence du tribunal de la façon suivante :

« Le législateur ayant maintenant prévu que le défendeur peut reconnaître la compétence des tribunaux du Québec, je ne vois pas pour quelle raison cette reconnaissance ne pourrait pas être tacite. »

27. Quant aux décisions invoquées par l’appelant pour appuyer son argumentation voulant qu’il n’ait jamais acquiescé ou reconnu la compétence des tribunaux de l’État de l’Utah malgré la présentation de certains moyens déclinatoires devant l’autorité étrangère (aux paragraphes 44 et 52 de son mémoire), il convient de distinguer ces décisions. En effet, dans Cortas Canning & Refrigerating Company c. Suidan Bros. Inc./Suidan Frères inc.20, il s’agissait d’une affaire dans laquelle la Cour n'a pas trouvé le lien réel et substantiel requis pour faire exécuter un jugement étranger contre le président et actionnaire d’une société défenderesse.

La Cour a conclu que les faits nécessaires pour établir la compétence étaient insuffisants. Cependant, les plaidoiries dans cette affaire étaient différentes, tout comme le contexte factuel. Quant à la décision rendue dans Forest Fibers Inc. v.

CSAV Norasia Container Lines Limited21, les moyens préliminaires proposés ne visaient aucun moyen de fond comme ce fut le cas devant le tribunal de l’État de l’Utah dans le présent dossier. De plus, les déterminations juridictionnelles dans ces deux affaires dépendaient de leur contexte spécifique et ne sauraient trancher la question dans la présente affaire.

28. La décision Cortas Canning and Refrigerating Co. c. Suidan Bros. Inc./Suidan Frères22 n’est ni la seule décision à s’être prononcée en matière d’application de l’article 3168 (6) C.c.Q. ni une jurisprudence pouvant être considérée comme une décision phare en matière de reconnaissance tacite de la juridiction d’un tribunal

19 1997 CanLII 10253 (C.A.), p. 7.

20 Cortas Canning & Refrigerating Company c. Suidan Bros. Inc./Suidan Frères inc., 1999 CanLII 12203 (QC CS) [Cortas Canning].

21 2007 QCCS 4794.

22 Cortas Canning, supra, note 20.

(15)

étranger. En effet, une décision rendue en 2014 par le juge Louis Gouin, J.C.S., Jules Jordan Video Inc. c. 144942 Canada Inc.23, est venue préciser les paramètres d’application de l’article 3168 (6) C.c.Q. Cette décision qui présente de nombreux aspects semblables au dossier en litige dresse une excellente analyse de la jurisprudence pertinente et dégage, en se fondant sur des arrêts des tribunaux supérieurs, les principes suivants :

« [61] Le Tribunal n’est pas en appel du Jugement sur la juridiction, et n’a pas à refaire le procès de l’existence ou pas de la Facture, ce sur quoi se sont acharnés les Intimés.

[64] Par ailleurs, le Tribunal est interpellé par le nombre de procédures que les Intimés ont déposé dans le cadre du Litige d’origine, sur une période de plus de 7 ans, et ce, jusqu’à la Cour suprême des É.U.

[65] Ceci illustre bien qu’ils ont reconnu, d’une certaine façon, la compétence de l’état de la Californie, au sens de l’article 3168(6) C.c.Q., et qu’ils ont tout fait pour faire valoir leurs droits dans l’état de la Californie.

[70] Qu’aujourd’hui les Intimés puissent prétendre à une absence de compétence de la Cour de district dépasse l’entendement, en plus du fait que cela reviendrait à inciter le Tribunal à manquer totalement de courtoisie à l’égard des Tribunaux américains.

[71] Le Tribunal est donc d’opinion que l’état de la Californie était compétent pour décider du Litige d’origine. »

29. De plus, dans le cadre de cette analyse, c’est à bon droit que le juge de première instance a décidé que le facteur de la reconnaissance par l’appelant de l’autorité étrangère par sa participation active aux procédures intentées en Utah constituait un élément significatif ou déterminant sur l’importance du lien de rattachement du litige avec l’autorité étrangère. Un tel constat relève essentiellement d’une

23 Jules Jordan Video Inc. c. 144942 Canada Inc., 2014 QCCS 3343 [Jules Jordan Video], par. 61, 64, 65, 70, 71.

(16)

Mémoire de l’intimée Argumentation appréciation des faits qui a droit à la déférence, à moins qu’il ne souffre d’une erreur manifeste et déterminante.

30. À la lumière de l’analyse qui précède, l’intimée soumet que le juge de première instance n’a pas commis d’erreur en décidant que le fait de soulever une question de fond devant une autorité étrangère équivaut à une reconnaissance à tout le moins implicite et probablement expresse, de la compétence du tribunal au sens de l’article 3168 (6) C.c.Q. Dans un tel cas, le tribunal a alors juridiction pour entendre tout le litige. Le jugement de première instance et celui de la Cour d’appel sont conformes à la jurisprudence et ne révèlent aucune erreur déterminante justifiant l’intervention de cette honorable Cour.

B. La compétence du tribunal de l’Utah en vertu des paragraphes 3 et 4 de l’article 3168 C.c.Q.

31. L’appelant allègue essentiellement que le tribunal de l’Utah n’était pas compétent pour rendre jugement sur la réclamation de l’intimée, soit le cas prévu au premier paragraphe de l’article 3155 C.c.Q.

32. De son côté, l’intimée souscrit au bien-fondé de la décision rendue par le juge de première instance quant à la compétence du tribunal de l’Utah en vertu des paragraphes 3 et 4 de l’article 3168 C.c.Q.

33. L’article 3168 C.c.Q. ne s’exprime pas en termes de la « cause d’action » comme chef de compétence, mais plutôt en termes de « constituants de la cause d’action » comme chefs variés de compétence. Ainsi, le paragraphe 3 de l’article 3168 C.c.Q. exige que le préjudice et la faute ou le fait dommageable qui l’a causé aient eu lieu dans le for étranger. Cependant, rien n’interdit à un demandeur d’établir sa cause d’action de façon étroite pour justifier la compétence de l’autorité étrangère. Quant au paragraphe 4 de l’article 3168 C.c.Q., il permet d’établir la compétence des autorités étrangères si les obligations découlant d’un contrat

(17)

devaient être exécutées dans le for étranger, ce qui inclut la non-exécution ou l’exécution fautive de l’une de ces obligations.

34. Un examen simultané des trois facteurs de rattachement retenus par le juge de première instance, à savoir les paragraphes 3, 4 et 6 de l’article 3168 C.c.Q., conduit aux constats suivants : la réclamation de l’intimée était relative aux activités commerciales de l’appelant et de ses sociétés dans l’État de l’Utah; l’appelant a failli à ses obligations contractuelles envers l’intimée dans le cadre d’un contrat de services devant être réalisé en Utah; le recours entrepris était basé sur un contrat à remplir en Utah; le préjudice a été subi dans l'État de l'Utah; la faute a été commise dans l'État de l'Utah; les obligations des parties au contrat devaient être exécutées dans l'État de l'Utah; Central Bearing Corporation Ltd et l’appelant ont participé de façon active aux procédures judiciaires introduites par l’intimée en Utah; ils ont donc reconnu la juridiction de la Cour de l'Utah; l’appelant était l’administrateur de la compagnie défenderesse Central Bearing Corporation Ltd et son alter ego; une promesse de payer les sommes dues a été faite par l’appelant, laquelle promesse fut reçue dans l’Utah.

35. De plus, la preuve devant le tribunal de l’Utah a démontré les faits suivants :

 L’appelant agit à titre d’alter ego pour les sociétés Central Bearing Corporation Ltd et Barer Engineering Corporation of America;

 Les deux sociétés utilisent le même compte de banque;

 Central Bearing Corporation est enregistrée auprès du Registraire des entreprises au Québec et opère sous les noms de Barer Engineering et C.B.I.;

 La société Barer Engineering Corporation constitue un écran ou une coquille vide utilisé (e) par l’appelant pour protéger ses biens et les mettre à l’abri de ses créanciers;

(18)

Mémoire de l’intimée Argumentation

 Il y a confusion des fonds entre l’appelant et ses sociétés, et entre les sociétés elles-mêmes;

 L’appelant confond les biens de la société Central Bearing Corporation avec ses propres biens et il utilise cette société pour payer ses dépenses personnelles et pour ses besoins personnels.

36. Par ailleurs, il ne convient pas de retenir l’argument de l’appelant voulant qu’aucune preuve n’ait été administrée dans le cadre du débat tenu devant le juge de la Cour supérieure. Cette affirmation est inexacte. Une simple lecture de la décision laisse clairement voir qu’une preuve documentaire a été déposée et analysée par la Cour à travers l’ensemble de la preuve et des procédures provenant du tribunal de l’Utah. Rappelons à cet égard que toutes les pièces ont été admises comme preuve24. L’intimée a satisfait au fardeau de preuve relié à sa demande de reconnaissance de la décision du tribunal étranger.

37. Compte tenu de tous ces éléments de preuve, et malgré le fait que l’appelant soit domicilié au Québec, le tribunal de l’Utah était compétent pour entendre ce litige et pour condamner conjointement et solidairement l’appelant et toutes les sociétés qu’il contrôle en se fondant sur la levée du voile corporatif et sur son interprétation des dispositions des paragraphes 3 et 4 de l’article 3168 C.c.Q.

38. L’ensemble de ces circonstances, analysées sous l’éclairage des constituants de la cause d’action suivant les paragraphes 3, 4 et 6 de l’article 3168 C.c.Q., constitue la démonstration d’un lien de rattachement important entre le litige et l’autorité judiciaire de l’Utah.

39. La décision Aboud c. Eplus Technology Inc.25 constitue un bel exemple d’application des facteurs de rattachement d’un litige pour établir la compétence d’un tribunal étranger :

24 Jugement de la Cour supérieure rendu le 6 mai 2016, paragraphe 2, A.R., vol. 1, p. 1.

25 Aboud c. Eplus Technology Inc.,2005 QCCA 2 [Aboud].

(19)

« Le tribunal américain était-il compétent pour entendre le litige?

[7] L’article 3155 C.c.Q. énonce le principe de la reconnaissance par l’autorité du Québec des jugements rendus hors Québec et énumère les cas d’exception dont le suivant, invoqué par l’appelante: (…) [8] L’appelante prétend que le juge de la Cour supérieure aurait dû exiger la preuve des divers éléments énoncés à l’article 3168 3° C.c.Q. avant de conclure à la compétence des tribunaux américains… […] [9] Cette proposition doit être évaluée à la lumière de l’article 3158 C.c.Q., qui restreint les pouvoirs de l’autorité québécoise en lui permettant de vérifier uniquement « si la décision dont la reconnaissance ou l’exécution est demandée remplit les conditions prévues au présent titre, sans procéder à l’examen au fond de cette décision. »; [10] En l’espèce, il ressort des pièces produites et notamment des jugements, qui font preuve de leur contenu suivant l’article 2822 C.c.Q. précité, que les tribunaux américains étaient compétents pour entendre le litige car 1° l’appelante y a commis une faute – il s’agit de l’utilisation d’un système frauduleux pour obtenir sans payer des pièces d’équipement informatique – et 2° l’intimée y a subi un dommage – une perte monétaire importante qui l’a conduite à la faillite; [11] Le deuxième moyen de l’appelante est mal fondé et il doit être rejeté. »

40. Une autorité étrangère aura compétence si un préjudice a été subi dans l'État où la décision a été rendue et si ce préjudice résulte d'une faute qui y a été commise ou d'un fait dommageable qui s'y est produit. Ces conditions sont respectées dans le dossier qui nous occupe.

41. À cet égard, l’intimée s’inspire des propos de l’honorable juge Major, de la Cour suprême du Canada, dans l’arrêt Beals v. Saldanha26 :

“33 In the present case, the appellants purchased land in Florida, an act that represents a significant engagement with the foreign jurisdiction’s legal order. Where a party takes such positive and important steps that bring him or her within the proper jurisdiction of a foreign court, the fear of unfairness related to the duty to defend oneself is lessened. If a Canadian enters into a contract to buy land in another country, it is not unreasonable to expect the individual to enter a defence when sued in that jurisdiction with respect to the transaction.

26 Beals, supra, note 14, par. 33.

(20)

Mémoire de l’intimée Argumentation 34 The “real and substantial connection” test is made out for all of

the appellants. There exists both a real and substantial connection between the Florida jurisdiction, the subject matter of the action, and the defendants…”

42. L’article 3155 C.c.Q. établit une présomption en faveur de la reconnaissance et de l’exécution des jugements étrangers. Cette présomption ne peut être écartée que dans l’un des six cas d’exception prévus par le législateur québécois. La reconnaissance du jugement étranger est la règle, à moins de tomber sous l'une des six exceptions prévues à l’article 3155 C.c.Q.27 Afin de faire échec à cette demande, l’appelant devait établir que l’une ou l’autre des exceptions prévues à l’article 3155 C.c.Q. s’applique. Or, il n’a pas été en mesure de relever ce fardeau.

43. En l'espèce, aucune des exceptions prévues à l’article 3155 C.c.Q. ne trouve application et, de ce fait, la règle est de reconnaître le jugement de l’Utah. Lorsque le tribunal québécois est satisfait que les procédures dans la juridiction étrangère ont été correctement signifiées à la partie adverse et que le jugement dont on demande la reconnaissance est final, le rôle du tribunal québécois est très limité.

L'autorité québécoise se limite à vérifier si la décision, dont la reconnaissance ou l'exécution est demandée, remplit les conditions de reconnaissance du jugement étranger prévues aux articles 3155 à 3168 C.c.Q., sans procéder à l'examen au fond de la décision28. Le tribunal québécois ne doit pas examiner les mérites de l’affaire ou réentendre l’affaire29, ni siéger en appel du jugement étranger30.

44. L’article 3158 C.c.Q. prévoit en effet :

27 Mutual Trust Co. c. St-Cyr, 1996 CanLII 6010 (C.A.), autorisation de pourvoi à la Cour suprême refusée, 26 juin 1997.

28 Aboud, supra, note 25.

29 Société canadienne des postes c. Lépine, 2009 CSC 16 [Société canadienne des postes], par. 22 et 23; Chevron Corp. c. Yaiguaje, 2015 CSC 42 [Chevron Corp.], par. 44.

30 Stonecroft Resources Inc. c. Marble Point Energy Ltd., 2011 QCCA 141 [Stonecroft Resources].

(21)

3158. L'autorité québécoise se limite à vérifier si la décision dont la reconnaissance ou l'exécution est demandée remplit les conditions prévues au présent titre, sans procéder à l'examen au fond de cette décision.

45. L’interdiction d’examiner au fond la décision étrangère oblige le tribunal québécois qui doit se prononcer sur l’absence ou non de compétence du tribunal étranger, à limiter son examen aux éléments de preuve du jugement étranger. C’est ce que le juge de première instance a fait. Ce n’était pas le rôle du juge de la Cour supérieure, ni celui des juges de la Cour d’appel, de s’ingérer dans les motifs qui ont conduit le tribunal d’origine à juger comme il l’a fait.

46. L’appelant invite, sans fondement, cette honorable Cour à aller au-delà du rôle dévolu au juge saisi d’une requête en reconnaissance et exécution d’une décision étrangère.

47. L’appelant tente par tous les moyens d’inciter le tribunal québécois à remettre en question la décision du tribunal de l’Utah au motif qu’il y a absence de preuve, devant le tribunal de première instance, quant à sa participation dans l’une ou l’autre des obligations découlant d’un contrat à être exécuté dans l’Utah.

48. Cette prétention de l’appelant ne saurait être avalisée. D’une part, l’argument retenu par le tribunal de l’Utah fondé sur la théorie de l’alter ego est suffisant pour établir que les obligations des sociétés appartenant à l’appelant constituent des obligations personnelles incombant à ce dernier. D’autre part, il y avait bel et bien une preuve au dossier quant à une promesse de payer de la part de l’appelant, laquelle devait être exécutée en Utah. Cette preuve consistait dans les allégations de l’appelant au soutien de sa requête pour rejet31, lesquelles doivent être tenues pour avérées. Indépendamment de sa qualité, la preuve était au dossier au moment du jugement rendu par défaut devant le tribunal de l’Utah.

31 Pièce P-4.4, Memorandum of David Barer in Suppport of Motion to Dismiss, 15 juillet 2010, A.R., vol. 2, p. 74.

(22)

Mémoire de l’intimée Argumentation 49. Par ailleurs, l’appelant admet volontiers l’existence d’un contrat signé dans l’Utah

entre l’intimée et les sociétés dont il est l’actionnaire32. Ce faisant, il est clair qu’une obligation incombait aux sociétés contrôlées par l’appelant.

50. Pour appuyer ses prétentions, l’appelant invoque aux paragraphes 74, 76 et 79 de son mémoire, la décision rendue dans l’affaire Zimmerman Inc. c. Barer33. Cependant, cette décision n’a pas la portée décisive que voudrait lui attribuer l’appelant. En effet, le jugement étranger rendu par le tribunal du Vermont dans la décision Zimmerman était un jugement rendu par défaut et nullement motivé. Le tribunal du Vermont n’avait devant lui aucune preuve de quelque nature, ni aucun élément révélant l’existence possible d’une fraude qui lui aurait permis d’appliquer la doctrine de l’alter ego. Puisqu’aucune défense ni requête pour rejet n’avait été déposée, il n’y avait aucun motif permettant de faire reconnaître la compétence du tribunal ou encore l’acquiescement de la partie défenderesse à la compétence du tribunal. La décision Zimmerman révèle l’existence de plusieurs lacunes empêchant de pouvoir faire reconnaître cette décision étrangère, lacunes qui ne se retrouvent pas dans le dossier dont appel, tel qu’il appert aux paragraphes 20 à 22 du jugement d’appel.

51. En conséquence, l’intimée soumet que le jugement de première instance ne révèle aucune erreur justifiant l’intervention de cette honorable Cour puisque les documents produits au soutien de la requête en reconnaissance et exécution du jugement étranger démontrent clairement que l’appelant est partie liée aux manquements contractuels de ses sociétés. Le juge de première instance a appliqué la présomption de l’article 2822 C.c.Q. selon laquelle le jugement étranger est présumé faire preuve de son contenu et il a déterminé avec justesse que l’appelant n’avait pas produit d’élément de preuve permettant de renverser cette présomption.

32 Mémoire de l’appelant, volume 1, p. 4.

33 2016 QCCA 260, par. 20-22.

(23)

52. À la lumière de ces principes et sur la base de la preuve au dossier, le juge de première instance était justifié d’accueillir la requête en reconnaissance de la décision rendue par le tribunal de l’Utah, l’appelant n’ayant pas réussi à prouver un moyen de défense à la reconnaissance et à l'exécution de la décision étrangère.

C. L’existence du critère du rattachement important en vertu de l’article 3164 C.c.Q.

53. La prétention de l’appelant, au paragraphe 83 de son mémoire, fondée sur l’existence du critère additionnel du rattachement important du litige à l’État étranger que n’aurait pas respecté le juge de première instance est manifestement mal fondée et ne résiste pas à l’analyse de la jurisprudence des tribunaux supérieurs en cette matière.

54. L’argument de l’appelant à cet égard se fonde sur la prémisse erronée que le critère du « facteur de rattachement important » constitue un critère additionnel à considérer lors de la détermination de la compétence du tribunal étranger dans le cadre d’une action personnelle à caractère patrimonial. L’intimée soumet que les dispositions de l’article 3164 C.c.Q. qui énoncent le principe général n’ont pas pour effet de créer un critère additionnel élevant l’article 3164 C.c.Q. au rang de règle de droit dont l’application s’imposerait en toute circonstance.

55. Parce qu’elles énoncent de manière plus spécifique les facteurs de rattachement permettant de conclure à un lien suffisant entre le litige et l’autorité étrangère, les dispositions de l’article 3168 C.c.Q. englobent le critère de rattachement du « lien réel et substantiel » tel qu’exprimé en common law. Ainsi, l’exigence d’un facteur de rattachement important à l’autorité étrangère ne doit pas faire l’objet d’un contrôle additionnel et distinct.

(24)

Mémoire de l’intimée Argumentation 56. Cette interprétation s’inspire des propos du professeur Claude Emanuelli, dans son

volume Droit international privé québécois34 :

« Cela dit, les règles prévues par l’article 3164 ne s’appliquent pas en tant que telles lorsque la compétence des autorités étrangères dépend des dispositions particulières des articles 3165 à 3168. »

57. Le juge de première instance a appliqué avec justesse l’enseignement de la Cour suprême dans l’arrêt Spar Aerospace v. American Mobile Satellite35. Sa conclusion à l’effet que l’exigence d’un « lien réel et substantiel » ne constitue pas un critère additionnel auquel il faut satisfaire pour déterminer la compétence des tribunaux québécois en l’espèce est juste et constitue la seule conclusion possible en regard de l’application des faits au droit. Dans Spar Aerospace Ltée v. American Mobile Satellite Corp., M. Le juge LeBel rappelle que les dispositions du Livre dixième du Code civil du Québec, y compris donc les règles applicables à la reconnaissance et à l'exécution des décisions rendues hors du Québec, « doivent s'interpréter comme un tout cohérent et en fonction des principes de courtoisie, d'ordre et d'équité »36.

58. L’ambiguïté que soulève la notion de « lien réel et substantiel » semble mieux convenir à la common law qu’au système civiliste. En effet, contrairement à la situation prévalant dans les systèmes de common law, le Code civil du Québec prévoit une règle générale et des règles particulières pour juger de la compétence de l’autorité étrangère. Selon la règle générale énoncée à l’article 3164 C.c.Q., les tribunaux étrangers sont compétents dans les mêmes conditions que les tribunaux québécois. Quant aux règles particulières, on les retrouve notamment aux articles 3165 à 3168 C.c.Q. pour tout ce qui concerne les actions personnelles à caractère patrimonial. En vertu du principe de la primauté du texte spécial, les dispositions particulières de l’article 3168 C.c.Q. écartent l’exigence du critère additionnel du

34 Claude Emanuelli, Droit international privé québécois, 3e éd., 2011 [Claude Emanuelli], par. 280.

35 Spar Aerospace v. American Mobile Satellite Corp., 2002 CSC 78 [Spar Aerospace].

36 Id., par. 55.

(25)

« lien réel et suffisant » que sous-tend l’article 3164 C.c.Q. dans les domaines indiqués par l’article 3168 C.c.Q.

59. Le législateur québécois accorde un traitement particulier aux actions personnelles à caractère patrimonial. Les dispositions de l’article 3168 C.c.Q. sont, d’une certaine manière, autosuffisantes, faisant en sorte que la compétence de l'autorité étrangère découle simplement de l'application de l'un ou l'autre des paragraphes de l’article 3168 C.c.Q. En effet, l’article 3168 C.c.Q. édicte des règles de compétence indirecte exclusives.

60. Certes, l’article 3164 C.c.Q. se présente comme un principe général à double volet : la compétence des autorités étrangères est, d'une part, déterminée en fonction des règles du Titre troisième mais, d'autre part, seulement « dans la mesure où le litige se rattache d'une façon importante à l'État dont l'autorité a été saisie ». Toutefois, en matière d'action personnelle à caractère patrimonial, le fait qu'une situation réponde à l'une ou l'autre des conditions édictées aux paragraphes 1 à 6 de l’article 3168 C.c.Q. suffit habituellement à constater l'existence d'un rattachement important au sens de cette disposition.

61. Selon l’article 3164 C.c.Q., le fondement de l'exercice approprié de la compétence par l'autorité étrangère repose sur l'existence d'un lien de rattachement important entre le litige et l'État étranger. Dans le respect des principes de courtoisie, d'ordre et d'équité, cette exigence fait contrepoids aux critères de compétence fort larges de l’article 3168 C.c.Q. en matière d'actions personnelles à caractère patrimonial.

Cependant, l'approche qui consiste à étudier la question du lien de rattachement important dans la seule perspective des justiciables québécois n'est, selon l’intimée, ni fidèle au texte de l’article 3164 C.c.Q. ni conforme aux principes de courtoisie, d'ordre et d'équité applicables à la reconnaissance et à l'exécution des décisions étrangères. Une interprétation stricte de l’article 3164 C.c.Q. rendrait improbable la reconnaissance au Québec de quelque décision que ce soit rendue hors du Québec en matière d’action personnelle à caractère patrimonial, ce qui

(26)

Mémoire de l’intimée Argumentation semble contraire aux principes de courtoisie internationale énoncés dans l’arrêt Spar Aerospace.

62. Tel que l’a rappelé récemment l’honorable juge Gascon dans l’arrêt Chevron Corp. c. Yaiguaje37, « la notion de courtoisie, qui sous-tend toujours des actions de reconnaissance et d'exécution, milite en faveur de règles d'exécution généreuses ».

63. Les principes de courtoisie doivent servir de fondement à tout système moderne de droit international privé. L’article 3155 C.c.Q. fait référence à ces principes d'ordre et d'équité : d’abord au paragraphe (3) « La décision a été rendue en violation des principes essentiels de la procédure » et également au paragraphe (5) « Le résultat de la décision étrangère est manifestement incompatible avec l'ordre public tel qu'il est entendu dans les relations internationales ».

64. L’appelant plaide, au paragraphe 91 de son mémoire, que l'approche retenue par le juge de première instance est inéquitable, essentiellement parce qu'elle n'assure pas une protection adéquate des résidents québécois. L’appelant exprime l'opinion que le jugement de l’Utah a été rendu en contravention des principes fondamentaux de la procédure et que le juge étranger a fait fi de la protection des intérêts des non-résidents ou de sa propre juridiction sur l’appelant. Cet argument n’est pas pertinent. Rien dans le dossier n'indique que le juge de l'Utah n'avait pas à cœur les intérêts de tous les défendeurs, y compris ceux de l’appelant. En fait, à moins d'éléments qui auraient amené le juge québécois à croire le contraire, la courtoisie internationale exigeait que le juge québécois fasse confiance au juge étranger. Quant à l’argument de l’appelant fondé sur le « forum shopping », l’intimée soumet qu’il s’agit d’un argument spécieux. Rien ne fait voir que l’intimée s’est adressée aux tribunaux de l’Utah dans un contexte de «forum shopping».

D’excellentes raisons justifiaient ce choix et plusieurs éléments militaient en faveur

37 Chevron Corp., supra, note 29, par. 42.

(27)

d'un recours devant le tribunal de l’État de l’Utah tel que mentionné tout au long du présent mémoire.

65. Dans la décision Chevron Corporation c. Yaiguaje38, la Cour suprême a exprimé l’opinion suivante :

« Deuxièmement, aucune injustice n'entraîne pour les débiteurs judiciaires une obligation de se défendre contre une procédure de reconnaissance et d'exécution. En substance, par leur propre comportement et leur non-conformité légale, les débiteurs se sont fait l'objet d'obligations en cours. C'est pour cette raison qu'ils peuvent être appelés à répondre de leurs dettes dans diverses juridictions. Bien entendu, les principes d' équité et de protection sont également protégés en donnant au débiteur judiciaire étranger la possibilité de convaincre la cour d'exécution qu'il y a une autre raison pour laquelle la reconnaissance et l'exécution ne devraient pas être accordées… » (références omises)

66. Le point de vue de l’appelant traduit un manque fondamental de confiance envers les autorités judiciaires des autres états étrangers. La courtoisie, qui requiert que les États fassent preuve de déférence et de respect envers les actes qu’un autre État a légitimement réalisés, constitue le principe de fond du droit international privé. Il est nécessaire qu'il en soit ainsi parce que les États et leurs institutions doivent se faire mutuellement confiance.

67. L’article 3158 C.c.Q. énonce une règle claire : l'autorité québécoise doit se limiter à vérifier si la décision étrangère remplit les conditions énoncées dans le chapitre traitant de la reconnaissance et de l'exécution des décisions étrangères, sans examiner le bien-fondé de la décision. Le principe de la courtoisie internationale oblige le juge québécois à suivre cette règle, sous réserve de l'obligation du juge, conformément aux principes d'ordre et d'équité, de vérifier si le résultat de la décision étrangère est manifestement incompatible avec l'ordre public tel qu’il est entendu dans les relations internationales. Agir autrement refléterait inévitablement

38 Chevron Corp., supra, note 29, par. 55.

(28)

Mémoire de l’intimée Argumentation un manque de confiance envers l'autorité étrangère, ce qui irait à l'encontre du principe de la courtoisie internationale.

68. Les tribunaux québécois s'attendent à ce que leurs décisions soient reconnues et déclarées exécutoires à l'étranger, dans la mesure où ils étaient compétents pour les prononcer, et, en retour, ils doivent reconnaître et déclarer exécutoires les décisions prononcées à l'étranger, lorsque les circonstances et l'application des principes d'ordre et d'équité le justifient.

69. Ainsi, dans le dossier dont appel, le tribunal de première instance devait se demander si le résultat de la décision étrangère est manifestement incompatible avec l’ordre public tel qu’il est entendu dans les relations internationales. C'est la notion d'ordre public dans les relations internationales qui doit primer et non la notion d'ordre public interne, bien que celle-ci puisse être déterminante pour la décision à rendre.

70. Le fardeau de démontrer l'incompatibilité entre le résultat de la décision étrangère et la notion d'ordre public reconnue dans les relations internationales repose sur les épaules de l’appelant, fardeau dont il ne s’est pas déchargé.

71. Dans un premier temps, l’appelant et sa société Central Bearing Corporation Ltd ont invoqué, aux paragraphes 17, 18 et 28 de leur défense amendée39, l’absence de lien de droit entre l’intimée et eux.

72. L’intimée soutient pour sa part qu’il existe un lien de droit suffisant entre l’appelant et elle en raison de l’application de l’article 317 C.c.Q. et de la levée du voile corporatif.

73. D'après la doctrine et la jurisprudence québécoises, l'actionnaire majoritaire d'une compagnie peut être considéré comme l’alter ego de cette dernière. Il en est de

39 Pièce P-9, Answer and Counter-Claim of Barer Engineering, July 15, 2010, A.R., vol. 2, p. 122.

(29)

même pour son directeur ou son âme dirigeante. Cela dépend évidemment des faits.

74. Quant à la question de savoir si l’appelant peut être lié par le jugement de l’Utah, il suffit d'examiner les liens qui l'unissent à Barer Engineering Corporation of America et Central Bearing Corporation Ltd.

75. Pour cela, il faut regarder si l’un exerce un certain contrôle sur l’autre faisant en sorte que les affaires de l’un font partie des activités de l’autre. Le fait que les dirigeants et actionnaires soient les mêmes et que les différentes compagnies ou leurs actionnaires exercent dans le même domaine de l'industrie milite en faveur de les considérer comme des ayants droit les uns des autres. De plus, à la suite de la décision de son âme dirigeante, la compagnie Barer Engineering Company of America est maintenant inopérante, mais son âme dirigeante a incorporé une nouvelle compagnie qui fait affaire dans les mêmes domaines sous un nom semblable.

76. Central Bearing Corporation Ltd et l’appelant sont liés par le jugement rendu en Utah en raison du fait que ce sont eux qui contrôlent la compagnie tant au niveau de l'actionnariat que de la prise de décisions. Il existe une représentation étroite entre les deux entités faisant en sorte que l'un gère les affaires de l'autre. Même si, au niveau de leur structure, l’appelant est une entité distincte de Central Bearing Corporation Ltd, en réalité, les deux parties se confondent tant par les affaires que par la même âme dirigeante. Les deux poursuivent les mêmes buts commerciaux et les mêmes intérêts. Cette conclusion ressort notamment de certains passages du jugement de la U.S. Court for the District of Utah en date du 24 janvier 201140, d’ailleurs reproduits au paragraphe 8 du jugement dont appel41, dans lequel le juge américain rapporte les déclarations d’un ancien employé de la compagnie

40 Pièce P-4.5, Memorandum of Decision and Order Denying Barer’ Motion to Dismiss, January 24, 2011, A.R., vol. 2, p. 122.

41 Judgment of the Superior Court (Honorable Marc-André Blanchard, J.S.C.), May 6, 2016, A.R., vol. 1, p. 1.

(30)

Mémoire de l’intimée Argumentation relativement à la confusion des fonds et des biens entre les différentes compagnies défenderesses et l’appelant.

77. Dans la décision Stonecroft Resources Inc. c. Marble Point Energy Ltd42, la Cour d’appel a reconnu que bien que les appelants soient résidents du Québec, ils sont l'âme dirigeante de leur société et, comme le tribunal étranger était compétent à l'égard de leurs sociétés, la compétence du même tribunal à leur égard pouvait être reconnue par le tribunal québécois. Il s’agissait dans cette affaire d’une demande de reconnaissance d’un jugement étranger condamnant les sociétés appelantes à payer des sommes à l'intimée par les tribunaux des Iles Vierges Britanniques. Les appelants, à titre d'administrateurs, ont été tenus solidairement responsables, par le tribunal étranger, des dépens adjugés contre les sociétés appelantes. La Cour a conclu que les Iles Vierges Britanniques étaient compétentes et que la compétence de ce tribunal devait être reconnue également à l’égard des administrateurs des sociétés appelantes.

78. Nonobstant ce qui précède, l’intimée soumet qu’il existe un critère de rattachement important entre le ressort de l’Utah, l’objet de l’action et l’appelant. L’effet combiné des facteurs liés tant aux parties qu’à l’objet du litige créait, en l’espèce, un lien de rattachement important entre le litige et l’autorité du tribunal de l’Utah qui satisfait à l’exigence prévue par l’article 3164 C.c.Q.

79. L’évaluation de l’importance du lien de rattachement doit résulter d’une analyse globale de l’ensemble des facteurs pertinents. On ne saurait exiger que chacun de ceux-ci ait un lien substantiel et étroit avec le litige.

80. Suivant l’opinion émise par le professeur Claude Emanuelli43 :

« Les critères de compétence retenus par l’article 3168 sont alternatifs : la présence de l’un d’entre eux suffit à établir la compétence d’une autorité étrangère dans le cadre d’une action personnelle à caractère patrimonial. »

42 Stonecroft Resources, supra, note 30.

43 Claude Emanuelli, supra, note 34, par. 290.

(31)

81. Lorsque, comme en l’espèce, plusieurs des facteurs spécifiques de rattachement énoncés à l’article 3168 C.c.Q. trouvent application, il n’y a pas lieu de démontrer, conformément à l’article 3164 C.c.Q., l’existence d’un critère additionnel de rattachement important entre le litige et l’État dont l’autorité a été saisie. Le jugement de la Cour suprême dans Société canadienne des postes c.

Lépine44 rappelle, à cet égard, que normalement les règles spécifiques permettront d’établir le lien suffisant. Dans le dossier dont appel, le juge de première instance, avec raison, a conclu à l’inexistence d’une situation juridique complexe permettant de passer outre aux facteurs de rattachement spécifiques énoncés à l’article 3168 C.c.Q.

82. Ce principe a été réitéré dans l’affaire Jules Jordan Video Inc. c. 144942 Canada Inc.45, alors que le tribunal était appelé à évaluer l’importance du lien de rattachement entre le litige et l’autorité étrangère. Bien que la trame factuelle soit différente, il existe néanmoins suffisamment de similarités pour s’en inspirer. Le juge Gouin s’exprimait alors ainsi :

« [55] Ainsi, si l’un des facteurs énoncés à l’article 3168 C.c.Q.

trouve application, l’on peut alors plus facilement conclure à l’existence d’un lien important entre le litige et le tribunal d’origine, tel qu’articulé à l’article 3164 C.c.Q.

[56] Or, les DVDs, soit les «thirteen copyrighted adult DVDs owned by JJV or Gasper and featuring Gasper’s performances»

faisant l’objet du Litige d’origine, lequel, le Tribunal le rappelle, est relié à une violation alléguée des droits d’auteur des Requérants selon le droit américain, ont été vendus dans l’état de la Californie, et ce fait dommageable y a causé un préjudice.

[57] Il s’agit d’une application de l’article 3168 (3) C.c.Q,, et aussi une illustration de l’existence d’un lien important, au sens de l’article 3164 C.c.Q., entre le Litige d’origine et la Cour de district qui a rendu le Jugement Otero 2. »

83. En conclusion sur cet aspect, l’intimée soumet d’une part que, puisque le tribunal de l’Utah a exercé correctement sa compétence, le tribunal québécois se devait de

44 Société canadienne des postes, supra, note 29, par. 36.

45 Jules Jordan Video, supra, note 23, par. 55-57.

(32)

Mémoire de l’intimée Ordonnance demandée au sujet des dépens Ordonnances demandées reconnaître et d’exécuter le jugement qui a été rendu en Utah, car aucun moyen de défense n’a été soulevé pour en empêcher l’exécution. D’autre part, l’intimée soumet qu’ayant appliqué avec justesse l’enseignement des tribunaux supérieurs, le juge de première instance n’a pas commis d’erreur en concluant que le lien entre l’Utah et le litige impliquant l’appelant constitue un facteur de rattachement important qui donnait compétence au tribunal de l’Utah.

PARTIE IV – ORDONNANCE DEMANDÉE AU SUJET DES DÉPENS

84. L’intimée demande de condamner l’appelant aux frais de justice tant en première instance que devant la Cour d’appel du Québec et devant la Cour suprême du Canada.

PARTIE V – ORDONNANCES DEMANDÉES

85. L’intimée demande à la Cour suprême de rejeter le présent appel, de confirmer le jugement de la Cour d’appel du Québec et celui de la Cour supérieure qui ont accueilli la requête en reconnaissance du jugement modifié rendu le 18 janvier 2013 par le tribunal de l’État de l’Utah contre l’appelant avec frais.

LE TOUT respectueusement soumis.

Montréal, le 26 mars 2018 (S) FRANKLIN & FRANKLIN FRANKLIN & FRANKLIN

Procureurs de l’intimée Knight Brothers LLC

(33)

PARTIE VI – TABLE DES SOURCES

Paragraphe(s) Jurisprudence

Aboud c. Eplus Technology Inc., C.A. 2005 QCCA 2 (CanLII) ... 39, 43 Beals c. Saldanha, 2003 CSC 72 (CanLII), [2003] 3 R.C.S. 416 ... 17, 18, 41 Chevron Corp. c. Yaiguaje, 2015 CSC 42 (CanLII) ... 43, 62, 65 Cortas Canning and Refrigerating Co. c. Suidan Bros. Inc./Suidan Frères

inc., 1999 CanLII 12203 (QC CS) ... 27, 28 Ellipse Programme c. International Images Services Inc. et al., 1997

CanLII 10253 (QC CA) ... 26 Forest Fibers Inc. c. CSAV Norasia Container Lines Ltd., 2007 QCCS

4794 ... 27 Jules Jordan Video inc. c. 144942 Canada inc., 2014 QCCS 3343 ... 28, 82 Morissette-Paré c. Gestion des rebuts D.M.P. Inc., 1997 CanLII 10375

(QC CA) ... 16 Mutual Trust Co. c. St-Cyr, 1996 CanLII 6010 (CQCA) ... 42 Société canadienne des postes c. Lépine, 2009 CSC 16 (CanLII) ... 43, 81 Spar Aerospace Ltée c. American Mobile Satellite Corp., 2002 CSC 78

(CanLII) ... 57, 61 Stonecroft Resources Inc. c. Marble Point Energy Ltd., 2011 QCCA 141 ... 43, 77 Zimmermann inc. c. Barer, (C.A., 2016-02-05), 2016 QCCA 260 ... 50

Doctrine

EMANUELLI, Claude. Droit international privé québécois, 3e éd. 2011, par. 280, 290 https://edoctrine.caij.qc.ca/wilson-et-lafleur-

livres/12/146396446 ... 56, 80 Dispositions législatives

Code civil du Québec, RLRQ, ch. C-1991, 317, 2822, 3155, 3158, 3164, 3168 Civil Code of Québec, CQLR c CCQ-1991, 317, 2822, 3155, 3158, 3164, 3168

Références

Documents relatifs

à la fois sur la dérogation au droit et sur l’objectif à atteindre, ce qui devrait permettre une meilleure adéquation entre l’atteinte et les objectifs gouvernementaux. Si

91(2A) de la Loi constitutionnelle de 1867 accorderait au Parlement du Canada le pouvoir d’établir un régime d’indemnisation des périodes de chômage qui ne permettrait

84 Desjardins n’est pas un émetteur MasterCard et le guide des frais de Visa (« Visa Canada Fee Guide ») n’est pas en preuve.. Mémoire de l’intimée L’argumentation

1. Le présent mémoire est produit tant dans le dossier 35009 à la suite de l’appel de MM. Marcotte et Laparé que dans le dossier 35018. Laparé, et ce, dans l’un et l’autre

d’apporter leur assistance, au besoin en consultation avec la Cour conformément à l’article 93-3 du Statut, pour garantir la comparution des deux témoins en utilisant

Après le verdict du jury, saisie d’une motion, la Cour supérieure de justice de l’Ontario a jugé que la somme que le jury avait accordée à M.. Cadieux devait être réduite

Pour  l’heure,  l’Accusation  a  communiqué  l’identité  et  les  déclarations  (dont  certaines  expurgées)  d’environ  les  deux  tiers  des  33 

Enfin, nous avons tout de même présenté, le 24 avril dernier, une demande de financement pour un litige au Programme de contestation judiciaire.. Nous devrions obtenir une réponse