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La médecine familiale a-t-elle une obligation professionnelle de jouer un rôle prépondérant dans la recherche sur les médicaments financée par l’industrie pharmaceutique?: NON

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Vol 57: August Août 2011

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Canadian Family PhysicianLe Médecin de famille canadien

875

This article is also in English on page 871.

Débats

C NON

omme n’importe quelle autre spécialité médicale, la médecine familiale doit faire de la recherche pour élargir sa base de données scientifiques. Étant donné que les com- pagnies pharmaceutiques financent la majorité des recher- ches chliniques1, il est normal que les médecins de famille se tournent vers l’industrie pharmaceutique pour obtenir du financement - normal, mais c’est une grave erreur. Il y a 3 importantes raisons pour chercher ailleurs des fonds pour la recherche: les compagnies pharmaceutiques ont un champ d’intérêts étroit; bon nombre des études post-homologation qu’elles financent sont des «études d’amorce»; les résultats de la recherche financée par l’industrie sont souvent biaisés.

Champ d’intérêts

Pour des motifs économiques évidents, les entreprises cherchent à financer la recherche qui augmentera les ventes de leurs produits. Parallèlement, bon nombre des problèmes que la médecine familiale traite n’ont rien à voir avec la pharmacothérapie (p.  ex.  faire face à la con- fusion sexuelle d’un adolescent) et, par conséquent, ils n’intéressent pas les entreprises pharmaceutiques. Si des chercheurs en médecine familiale se tournent vers les compagnies pharmaceutiques, la gamme des ques- tions qu’ils poseront deviendra plus étroite et plus commercialement orientée. Dans les universités améri- caines, 35  % des chercheurs en sciences biologiques qui ont reçu du financement de l’industrie ont signalé qu’ils avaient tenu compte de considérations commerciales dans le choix de leurs sujets de recherche, par rapport à 14 % chez ceux non financés par l’industrie2.

Quand il s’agit de problèmes pour lesquels il y a de multiples approches médicales, les entreprises cherchent à financer seulement la recherche sur la pharmacothéra- pie. Un bon exemple de cette situation est l’arthrite du genou. Les omnipraticiens auraient souhaité plus de recherche sur les taux de réussite de la chirurgie et des traitements conservateurs comme l’éducation et croyaient que les médicaments par voie orale avaient fait l’objet de trop d’études. Par ailleurs, la moitié des études identifiées ont porté sur la pharmacothérapie

par voie orale et le quart d’entre elles ont été financées par des entreprises pharmaceutiques; en revanche, ces compagnies n’ont financé qu’une étude sur 33 portant sur l’éducation et 5 des 238 études sur l’intervention chirurgicale3.

Dans un document de travail, Taylor a exploré l’utilité de la recherche clinique financée par les compagnies pharmaceutiques au Canada en interviewant 40 interve- nants-clés en médecine. Les résultats ont indiqué qu’ils étaient satisfaits de la disponibilité du financement versé par les entreprises pharmaceutiques, mais ils ont aussi exprimé un certain nombre de réserves à cet égard: 90 % prévoyaient un conflit d’intérêts probable; 80 % jugeaient que la recherche pharmaceutique clinique était du genre

«moi aussi»; 75 % la considéraient de style « aussi bien la faire»; et 40 % s’inquiétaient de délais possibles dans la publication de résultats défavorables4.

Études d’amorce

Il est reconnu que les médecins qui participent à des études cliniques augmentent leur recours aux médicaments à l’étude5. Les entreprises en profitent donc pour parrainer des études post-homologation, appelées études d’amorce, dont le seul but est de faire en sorte que les médecins com- mencent à utiliser un produit et continuent de le faire6.

L’étude d’amorce la plus largement publicisée est ADVANTAGE (Assessment of Differences between Vioxx and Naproxen To Ascertain Gastrointestinal Tolerability and Effectiveness)7, entreprise par Merck, pour pro- mouvoir l’utilisation du rofécoxib (c.-à-d. Vioxx). Une analyse de la correspondance de Merck, des rapports et des présentations à l’interne et à l’extérieur a révélé que l’étude avait été conçue par la division du marketing de Merck pour atteindre des objectifs de mise en marché. La division du marketing de Merck s’est occupée à la fois des données scientifiques et de celles sur la commercialisa- tion, y compris la collecte, l’analyse et la dissémination.

Merck a caché la nature commerciale de l’étude aux par- ticipants, aux médecins chercheurs et aux membres du conseil d’examen des établissements8.

Partialité dans la recherche financée par l’industrie

Si certains produits pharmaceutiques sont beaucoup ou pas

La médecine familiale a-t-elle une obligation professionnelle de jouer un rôle prépondérant dans la recherche sur les médicaments financée par l’industrie pharmaceutique?

Joel Lexchin

MD

suite à la page 877

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Débats

utilisés, cela dépend des résultats de la recherche clinique.

C’est pourquoi, en raison de la nature hautement concur- rentielle de l’industrie pharmaceutique, il y a des pressions financières énormes pour assurer que les résultats de la recherche sont favorables au produit à l’étude. Une récente étude systématique qualitative s’est penchée sur 19 méta- analyses qui examinaient la relation entre la recherche financée par l’industrie et les résultats; 17 d’entre elles con- cluaient que le financement par l’industrie se traduisait plus probablement par des résultats favorables au produit9.

L’une des raisons souvent données pour justifier les résultats positifs de la recherche financée par l’industrie est que ces compagnies ont les ressources pour organiser des études portant sur de grands nombres de patients suscep- tibles de produire des différences significatives sur le plan statistique. Par ailleurs, cette justification ne peut expli- quer la supériorité associée à la commandite par l’industrie dans des situations où des études comparatives directes de 2 médicaments différents ont des résultats différents selon la compagnie qui est à la source du financement. Par exemple, des 9 études qui ont comparé l’olanzapine et la rispéridone, 5 étaient parrainées par Eli Lilly, fabricant de l’olanzapine, et favorisaient ce médicament, tandis que 3 des 4 études financées Janssen, fabricant de la rispéri- done, étaient en faveur de cette dernière10. Pareillement, des études randomisées contrôlées de comparaison directe entre des statines étaient plus susceptibles de signaler des conclusions favorables au produit du commanditaire par rapport à l’autre médicament étudié11.

Systématiquement, les entreprises ne publient pas les résultats de recherche qui sont défavorables à leurs pro- duits et, dans ce qui est publié, les conclusions sont souvent dramatiquement modifiées. Des 74 études inscrites auprès de la Food and Drug Administration (FDA) des États-Unis portant sur 12 antidépresseurs, 37 études jugées comme ayant des résultats positifs par la FDA ont été publiées; 1 étude considérée positive n’a pas été publiée12. En outre, 11 autres études qui ont produit des résultats négatifs ou

douteux ont été publiées de manière à donner l’impression de résultats positifs. Même si le matériel publié donnait l’impression que 94 % des études semblaient avoir produit des résultats positifs, l’analyse par la FDA a démontré que seulement 51 % d’entre elles en avaient eus. En plus de cette publication sélective de conclusions, l’ampleur de l’effet dans ces études publiées était systématiquement gonflée d’en moyenne 32 %12.

Conclusion

Il n’est jamais facile de trouver du financement pour la recherche, en particulier sur des sujets qui concernent les médecins de famille. Il est tentant de se tourner vers les compagnies pharmaceutiques pour obtenir leur aide, mais il faut résister à cette tentation. Les compagnies

pharmaceutiques s’intéressent à leurs bilans, et les efforts de recherche sont dirigés vers les projets qui assurent que leurs bilans s’améliorent. La recherche en médecine familiale doit accorder la préséance aux besoins du patient avant les profits du secteur privé.

Dr Lexchin est professeur à la Faculté des politiques et de la gestion en matière de santé de la York University à Toronto, en Ontario, urgentologue au University Health Network à Toronto, et professeur agrégé au Département de médecine familiale et communautaire à l’University of Toronto.

Intérêts concurrents

Dr Lexchin a été expert-conseil auprès d’une firme d’avocats représentant Apotex en 2007. De 2007 à 2008, il a été consultant auprès du gouvernement fédéral dans sa défense contre une poursuite visant à contester l’interdiction de la publicité directe aux consommateurs de médicaments d’ordonnance.

En 2010, il a été expert-conseil auprès d’une firme d’avocats qui représentait la famille d’un patient présumé être décédé d’un effet secondaire d’un médi- cament fabriqué par Allergan Inc. Il est présentement membre du groupe de direction à Healthy Skepticism et membre du Conseil d’administration de Health Action International Europe.

Correspondance

Dr Joel Lexchin, School of Health Policy and Management, York University, 4700 Keele St, Toronto, ON M3J 1P3; téléphone 416 736-2100, poste 22119;

courriel jlexchin@yorku.ca Références

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JAMA 2005;294(11):1333-42.

2. Blumenthal D, Campbell EG, Causino N, Louis KS. Participation of life-science faculty in research relationships with industry. N Engl J Med 1996;335(23):1734-9.

3. Tallon D, Chard J, Dieppe P. Relation between agendas of the research community and the research consumer. Lancet 2000;355(9220):2037-40.

4. Taylor KM. The impact of the pharmaceutical industry’s clinical research programs on medi- cal education, practice and researchers in Canada: a discussion paper. Dans: Canadian phar- maceutical research and development: four short-term studies. Ottawa, ON: Industrie, Sciences et Technologie Canada; 1991.

5. Andersen M, Kragstrup J, Søndergaard J. How conducting a clinical trial affects physicians’

guideline adherence and drug preferences. JAMA 2006;295(23):2759-64.

6. Psaty BM, Rennie D. Clinical trial investigators and their prescribing patterns: another dimen- sion to the relationship between physician investigators and the pharmaceutical industry.

JAMA 2006;295(23):2787-90.

7. Lisse JR, Perlman M, Johansson G, Shoemaker JR, Schechtman J, Skalky CS, et collab.

Gastrointestinal tolerability and effectiveness of rofecoxib versus naproxen in the treatment of osteoarthritis: a randomized, controlled trial. Ann Intern Med 2003;139(7):539-46.

8. Hill KP, Ross JS, Egilman DS, Krumholz HM. The ADVANTAGE seeding trial: a review of inter- nal documents. Ann Intern Med 2008;149(4):251-8.

9. Sismondo S. Pharmaceutical company funding and its consequences: a qualitative systema- tic review. Contemp Clin Trials 2008;29(2):109-13. Cyberpub. du 16 août 2007.

10. Heres S, Davis J, Maino K, Jetzinger E, Kissling W, Leucht S. Why olanzapine beats risperi- done, risperidone beats quetiapine, and quetiapine beats olanzapine: an exploratory analysis of head-to-head comparison studies of second-generation antipsychotics. Am J Psychiatry 2006;163(2):185-94.

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conclusions Finales

Les entreprises pharmaceutiques financent des études de recherche portant sur une gamme étroite d’intérêts ayant plus d’attraits commerciaux; souvent les questions posées dans ces études ne sont pas pertinentes à la médecine familiale.

Quand des médecins participent à des études cliniques financées par l’industrie, ils ont davantage recours au médicament à l’étude;

par conséquent, les compagnies pharmaceutiques financent souvent des études cliniques post-homologation dans le seul but de faire en sorte que les médecins de famille commencent à prescrire un médicament donné.

Les résultats de la recherche financée par l’industrie sont souvent biaisés en faveur du médicament à l’étude; les études qui produisent des résultats négatifs ne sont souvent pas publiées ou encore leurs conclusions sont modifiées pour qu’elles donnent l’impression d’être favorables.

Les parties à ce débat contestent les arguments de leur opposant dans des réfutations accessibles à www.cfp.ca. Participez à la discussion en cliquant sur Rapid Responses.

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suite de la page 875

Références

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