RR. V - PRINCIPE DE MOINDRE ACTION RELATIVISTE
1. Principe de Hamilton et lagrangien
• On suppose ici qu'on peut raisonner pour un point matériel à l'aide de coor- données généralisées {qi} et que le principe de Hamilton peut s'écrire comme en mécanique non relativiste à l'aide d'un “lagrangien”
L
({qi}, {qi•}, t).Pour simplifier l'écriture, on écrira souvent
L
(q, q•, t) en sous-entendant les sommations sur les différents termes correspondants.• En considérant qu'à deux instants t1 et t2 les positions du système corres- pondent à q(t1) et q(t2) données, on définit alors l'action :
S
=∫
t1t2L (q, q•, t)
dt.
◊ remarque : ici q et q• représentent des fonctions q(t) et q•(t) cherchées.
• Les équations du mouvement sont ensuite données par les relations d'Euler- Lagrange (déduites de δ
S
= 0) : ∂L
∂qi − ∂
L
∂qi•
#
$%% &
'((
•
= 0.
2. Formulation analogue à celle de la mécanique non relativiste 2.1. Point matériel isolé
• L'homogénéité et l'isotropie de l'espace imposent que le lagrangien ne dé- pende que de la norme de la vitesse :
L
=L
(v2).• L'invariance par changement de référentiel galiléen impose que l'action soit un scalaire vis à vis de la transformation de Lorentz ; ceci impose une expres- sion de la forme :
S
∝∫
ds =∫
1− β2 c dt, avec β = vc .
◊ remarque : le minimum de l'action correspond ainsi à un mouvement dont la durée propre pour le point étudié est extrémale.
• Pour les faibles vitesses : c 1− β2 ≈ c - v2
2c doit redonner la limite non relativiste
L
≈ m2 v
2.
Or, les lois sont inchangées si on ajoute un terme égal à la dérivée totale par rapport au temps d'une fonction f(M, t) ; c'est le cas pour toute constante.
On peut donc considérer :
L
= -mc2 1− β2 etS
= -mc∫
ds.◊ remarque : par construction, ceci concerne une particule matérielle ; la description corpusculaire d'un photon nécessite une étude plus approfondie.
2.2. Impulsion et énergie
• L'impulsion relativiste correspond à : pi = ∂
L
∂xi• (avec des coordonnées cartésiennes) ; ainsi : p
= γ mv
avec γ = 1 1− β2
.
• De même qu'en mécanique non relativiste, le hamiltonien peut être défini par :
H
=∑
pixi• -L
= p•v -L
= γ m c2 = m2c4+c2p2 (exprimé en fonction de l'impulsion).Il correspond à l'énergie “massi-cinétique” : E = m2c4+c2p2 = γ m c2 ; cette quantité est constante pour tout système dont le lagrangien (le hamilto- nien) ne dépend pas explicitement du temps.
2.3. Interaction avec un champ électromagnétique
• L'expérience montre que les effets d'un champ électromagnétique peuvent être exprimés à l'aide d'un potentiel scalaire V et d'un potentiel vecteur A
.
◊ remarque : cela correspond à un quadrivecteur A
= ( V c ; A
) mais on considère d'abord ici l'approche calquée sur la mécanique non relativiste.
• Pour une particule de charge q, on peut utiliser :
S
= -mc∫
ds - q∫
Aαdxα =∫ L
dt ;L
= -mc2 1− β2 + qA•v
- qV.
◊ remarque : on retrouve l'analogie avec
L
= Ec - Ep, où Ep = qV est l’énergie potentielle en électrostatique non relativiste.• On en déduit une impulsion généralisée
P
= p+ qA
, puis pour le hamilto- nien (en fonction de l'impulsion généralisée) décrivant l’énergie “totale” :
H
=∑
pixi• -L
=P
•v-L
= γ m c2 + qV = m2c4+c2.(P
−q
A)2 + qV.2.4. Équations du mouvement
• Le mouvement est décrit par les relations d'Euler-Lagrange, qui peuvent ici s’écrire ceci sous la forme : d
P
dt = ∇
L
= q∇(A•v) - q∇V, avec par ailleurs :∇
(A
•v
) = (v
•∇
)A
+ v
×(∇
×A
) (puisque xi et xi• sont des variables indépen- dantes).
En outre, puisque la particule se déplace, la variation de A
en un point fixe donné est : ∂A
∂t = dA
dt - (v
•∇
)A
; ceci donne finalement : dp
dt = qE
+ qv
×B
avec E
= -∇
V-∂A
∂t ; B
= ∇
×A
.
3. Formulation quadrivectorielle 3.1. Propriétés de base
• Les différences entre les conventions de notation “classique” et quadrivecto- rielle font apparaître des ambiguïtés dans les signes de certaines quantités si on les définit à partir du principe de moindre action.
Pour contourner ces difficultés, certains physiciens n’utilisent que les proprié- tés de base du principe de Hamilton. On applique ici cette démarche à l’étude d’une particule chargée en interaction avec un champ électromagnétique fixé.
• Avec Uα = dxα
dτ (où τ est le temps propre), l’action peut s’écrire :
S
= -mc∫
ds - q∫
AαUαdτ = -mc∫
ηαβdxαdxβ - q∫
Aαdxα.Ceci donne :
δ
S
= -mc ηαβdxαδ(dxβ) ηµνdxµdxν
∫
- q∫
Aαδ(dxα) = -∫
(mUα +q
Aα) d(δxα).L'intégration par parties donne : δ
S
= -⎡(mUα +q
Aα)δxα⎣ ⎤
⎦ + ηαβ d(mUα +qAα) dσ δxβ
∫
dσ.Pour des δxα nuls aux extrémités du mouvement : δ
S
= ηαβd(mUα +qAα)dσ δxβ
∫
dσ.Pour des δxα quelconques durant le mouvement, la condition δ
S
= 0 impose les équations du mouvement : d(mUα +qAα)dσ = 0 ; en particulier une quadri- vitesse constante pour un point matériel isolé : dUα
dσ = 0.
◊ remarque : on paramètre généralement par τ, mais ici un paramètre σ “quel- conque” peut convenir.
◊ remarque : la description d'un photon nécessite d'utiliser un autre paramètre car d τ = 0 (Uα n’est pas défini) ; la méthode doit être adaptée pour éviter qu'un terme (quel qu'il soit) proportionnel à d τ apparaisse au dénominateur.
3.2. Formulation la plus “simplement ressemblante”
• Ceci suggère qu'on peut raisonner en paramétrant par τ et que le principe de Hamilton peut s'écrire à l'aide d'un “lagrangien”
L
({xα}, {xα•}, τ), avec xα• = dxαdτ = Uα.
Pour un point isolé, on utilise généralement :
L
= -mc ηαβUαUβ = -mc2 etS
= -mc∫
ηαβUαUβ dτ.Cette écriture est formelle puisque ηαβUαUβ = c, mais pour appliquer le principe de Hamilton il faut distinguer la quadri-distance ds (dans l'action), qu’il faut exprimer en fonction des coordonnées, elles mêmes paramétrées éventuellement en fonction de τ (ou s).
Pour contourner cette ambiguïté, on peut choisir un paramètre σ “arbitraire”, en notant
L
({xα}, {xα•}, σ) = -mc ηαβU
αU
β , avec xα• = dxαdσ = Uα, quitte à considérer ensuite la limite σ→ τ par continuité.
• Les équations du mouvement sont ensuite données par les relations d'Euler- Lagrange (déduites de δ
S
= 0) : ∂L
∂xα − ∂
L
∂
U
α⎛
⎝⎜
⎞
⎠⎟
•
= 0.
Puisque ∂
L
∂xα = 0, ceci donne pour un point matériel isolé :
∂
L
∂
U
α = -mc
U
αU
βU
β = -m dxαdσ dσ
dτ = -mUα = Cste.
• Si alors on conserve la méthode de Hamilton pour définir un quadrivecteur énergie-impulsion, on obtient la grandeur généralisée : Pα = ∂
L
∂
U
α = -mUα.Or l'énergie-impulsion relativiste pα = mUα obtenue précédemment par une autre méthode fait apparaître un signe pour le moins étrange : Pα = -pα (ou l'analogue pour les coordonnées covariantes, car la métrique ηαβ n'influence pas les équations).
• Cette étrangeté vient du fait que l'impulsion construite pour et selon les conventions de la mécanique non relativiste ne respecte pas les notations quadrivectorielles.
Quand on écrit : Pi “=” ∂
L
∂
U
i (avec i = 1 ; 2 ; 3), on l'interprète comme ce qui devrait s'écrire : Pi “=” ∂L
∂
U
i avec des indices co/contravariants. Or ceci est incohérent puisque dans un changement de coordonnées (typiquement une transformation de Lorentz) la grandeur contravariante Pi subit la transforma- tion inverse de celle pour la quantité covariante ∂L
∂
U
i .Il faudrait donc adapter la méthode et définir maintenant les “impulsions con- juguées” par Pi = - ∂
L
∂
U
i , correspondant à : P i = ηii Pi = pi = mUi (sans sommation sur les indices, avec ηii = -1).• Étant donné que η00 = +1, il faut vérifier que le signe est le même pour la composante P0 = - ∂
L
∂
U
0 (décrite à l'aide du hamiltonienH
dans la formula- tion non quadrivectorielle).En mécanique non relativiste, les notations de Hamilton-Jacobi correspondent à : d
S
(xi ; t) = -H
dt +Σ
pi dxi (sans indices co/contravariants). Cela corres- pond à pi = ∂iS
etH
c = -∂0
S
.La généralisation semble devoir s’écrire : d
S
(xα) =L
dτ = -pα dxα. Ainsi, le cas non relativiste correspondrait en fait plutôt à : pi = - ηij ∂jS
(avec indices co/contravariants).La formulation relativiste peut d'ailleurs s’écrire : d
S
= -mc ds = -m dxαdτ dxα correspondant effectivement à : pα = -∂α
S
= mUα = - ∂L
∂
U
α .• Rien n'interdit de raisonner avec les quantités Pα = ∂
L
∂
U
α = -mUα même s'il peut être parfois ambigu de les nommer “impulsions". Après tout, quand on raisonne avec une variable angulaire, l'impulsion généralisée conjuguée est un moment cinétique ; donc le signe étrange rencontré ici n'a en fin de compte rien de rédhibitoire.• Certains physiciens choisissent alors de conserver la définition pα = ∂
L
∂
U
αmais imposent le signe “usuel” en changeant le signe de l’action (seule la condition d’extremum est utilisée, il suffit de renommer en “principe d’action stationnaire”). Les relations d’Euler-Lagrange ne sont pas modifiées ; seule la limite du lagrangien aux faibles vitesses change de signe par rapport à l’expression non relativiste (mais l’important est surtout la limite des lois du mouvement).
• D’autres conservent le signe de l’action, mais choisissent de raisonner avec l’énergie-impulsion : Pα = pα = - ∂
L
∂
U
α = mUα ; c'est ce qui est proposé ici.• Si on cherche alors une formulation hamiltonienne, il faut l'adapter aux nota- tions : d
L
= ∂L
∂xα dx
α + ∂
L
∂
U
α dUα.Compte tenu des équations du mouvement :
∂
L
∂xα = d dσ
∂
L
∂
U
α = - pα• ;d
L
= - pα• dxα - pα dUα = - pα• dxα - d(pαUα) + Uα dpα ;d
H
= d(pαUα +L
) = - pα• dxα + Uα dpα.On retrouve la formulation hamiltonienne : pα• = - ∂
H
∂xα ; Uα = ∂
H
∂pα .
• Pour un point isolé :
H
= pαUα +L
= mcU
αU
αU
βU
β +L
= mcU
αU
α +L
= 0.Cette relation semble sans intérêt, il est vrai que la grandeur énergie est dans ce cas décrite par p0.
◊ remarque : en choisissant (seulement) maintenant de paramétrer par τ et en utilisant le fait qu'alors
L
= -mc2, on peut obtenirH
= c pαpα - mc2 quidonne ∂
H
∂pα =
cpα pβpβ
= pα m = U
α ; le résultat est conforme à ce qu'on pourrait attendre, mais le “bricolage formel” peut toutefois difficilement être considéré comme totalement satisfaisant.
◊ remarque : certaines difficultés de “transition” à partir du cas non relativiste sont liées à la paramétrisation par τ ; il faut l'utiliser avec circonspection.
& exercices n° I, II et III.
3.3. Interaction avec un champ électromagnétique
• Pour une particule de charge q, on peut utiliser :
L
= -mcU
αU
α - q AαUβ.• On en déduit une quadri-impulsion généralisée : Pα = - ∂
L
∂
U
α = mUα + q Aα(correspondant à
P
= p+ qA
).
• Les équations d'Euler-Lagrange donnent ensuite les équations du mouve- ment : d
P
αdσ = -
∂
L
∂xα = q Uβ ∂αAβ.
Ceci peut s'écrire plus “usuellement” : d
P
αdτ = q Uβ ∂αAβ.
• Par ailleurs d
P
α dτ =dpα
dτ + q dAα
dτ ; en outre Aα(xβ) ne dépend pas expli- citement de τ : dAα
dτ = ∂βAα dxβ
dτ .
Finalement les équations du mouvement peuvent s'écrire : dpα
dτ = q Uβ Fαβ avec un champ électromagnétique Fαβ = ∂αAβ - ∂βAα.
◊ remarque : le tenseur Fαβ comporte 16 composantes ; puisqu'il est antisymé- trique, les composantes diagonales sont nulles et seules six des autres sont indépendantes ; on les note par deux “pseudo-notations tri-vectorielles” :
◊ champ électrique : E!"
= c.(F10 ; F20 ; F30) ; E1 = -∂1V - ∂A1
∂t = c ∂
1A0 - c ∂0A1 ;
◊ champ magnétique : B!"
= (F32 ; F13 ; F21) ;
B1 = ∂2A3 - ∂3A2 = ∂3A2 - ∂2A3.
◊ remarque : attention à ne pas confondre l'énergie et le champ E!"
.
3.4. Formulation quadratique
• La formulation relativiste peut s’écrire : d
S
= -mc ds = -m dxαdτ dxα peut aussi s'écrire : d
S
= -mc ds = -m dxαdτ
dxα dτ dτ.
Ceci suggère d'utiliser un lagrangien quadratique (parfois appelé “lagrangien géodésique”), paramétré par τ, en ajustant le coefficient :
L
= -m2 UαU
α.
◊ remarque : cette écriture formelle sans radical est plus pratique dans cer- tains calculs.
• Puisque ∂
L
∂xα = 0, ceci donne pour un point matériel isolé la quadri- impulsion : pα = - ∂
L
∂Uα = mUα = Cste.
• On obtient alors le hamiltonien
H
= pαUα +L
= 12m pαp
α (on peut considé- rer que
H
= m2 c
2 représente “qualitativement” l'énergie de masse).
Ceci donne ∂
H
∂pα = U
α ; les expressions proposées peuvent dont aussi être utilisées avec la méthode hamiltonienne.
◊ remarque : pour les faibles vitesses, ce lagrangien ne tend pas vers l'ex- pression non relativiste (facteur 1
2 ) ; toutefois sa forme est analogue (vis à vis de τ) à celle non relativiste (vis à vis de t), or τ tend vers t pour les faibles vitesses ; c'est pourquoi il est efficace de façon opportuniste.
& exercices n° IV, V et VI.
3.5. Description corpusculaire d'un photon
• Le cas d'un photon peut être étudié à partir de celui d'une particule massive, en passant à la limite pour m → 0.
Avec la notation quadratique, l'action d'une particule massive peut s'écrire :
S
= -mc22
ds2 dτ2 dτ
∫
= -21∫
pµdxµ avec l'impulsion pµ = mUµ = m 1− β2dxµ dt . L'indétermination de Uµ provient de la limite β → 1 quand m → 0 ; la limite pour les photons correspond alors à substituer : m
1− β2
→ hν c2 .
Ceci donne :
S
= - hν2c2
∫ U
αU
α dt avec Uα = dxαdt ; donc un lagrangien
L
= - hν2c2 UαUα de forme analogue, mais avec une paramétrisation par t.
◊ remarque : pour les particules massives, le lagrangien peut être choisi afin de déterminer les variations des xi(t) ; l'usage de notations invariantes relati- vistes conduit à étudier les xα(s), non indépendantes puisque reliées par l'expression ds2 ; toutefois, on ne fait ainsi qu'introduire une équation de plus avec une inconnue de plus : il faut déterminer
∫
ds ; pour les photons, il n'y a pas cette inconnue supplémentaire puisque∫
ds = 0, par contre la contrainte supplémentaire impose d'utiliser la variable t pour paramétrer.◊ remarque : seule la méthode quadratique permet de décrire les photons ; elle s'adapte à la relativité générale, mais avec un paramètre différent de t.
◊ remarque : on peut s'inquiéter du fait que la paramétrisation par t brise l'invariance relativiste, mais la formulation
S
= - 12
∫
pµdxµ la respecte.• Puisque ∂
L
∂xα = 0, ceci donne pour un photon la quadri-impulsion : pα = - ∂
L
∂
U
α = hνc2 Uα = Cste.
• On obtient par ailleurs le hamiltonien
H
= pαUα +L
= c22hνpαp
α.
Ceci donne ∂
H
∂pα = Uα ; pα• = - ∂
H
∂xα = 0 ; les expressions proposées sont donc conformes à l'usage “classique”.
& exercice n° VII.