R EVUE DE STATISTIQUE APPLIQUÉE
E. D OURILLE
Effet d’une mutation technologique sur l’estimation des
paramètres des modèles à coefficients techniques : application de la théorie à l’industrie du ciment en France
Revue de statistique appliquée, tome 16, n
o3 (1968), p. 37-42
<
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EFFET D’UNE MUTATION TECHNOLOGIQUE
SUR L’ESTIMATION DES PARAMÈTRES
DES MODÈLES A COEFFICIENTS TECHNIQUES : APPLICATION DE LA THÉORIE
A L’INDUSTRIE DU CIMENT EN FRANCE
Note présentée
parE. DOURILLE
Directeur
du
Centred’Etudes Régionales
surl’Economie de 1 Energie
I - INTRODUCTION
La
prévision
de la consommationd’énergie
d’une branche industriellepeut
être effectuée en tenantcompte
de l’évolutiontechnique passée
etprévisible
deséquipements
consommateursd’énergie
de cette brancheainsi que d’une
hypothèse
de variation de saproduction.
Divers
articles,
notamment dans la Revue deStatistique Appliquée
en 1964
(vol.
XI -n°1),
ontprésenté
ces modèles à coefficientstechniques
a
et P
de formulegénérale :
où AC et AI sont
respectivement
les accroissements enpourcentage
de la consommation et de l’indice deproduction
et n le nombre d’annéescorrespondant
à ces accroissements totaux.Ces coefficients
s’expriment
en fonction de :-
po
= consommation unitaire moyenne deséquipements
en annéede base
zéro,
- p n
= consommation unitaire moyenne en année n deséquipe-
ments
qui
existaientdéjà
en annéezéro,
-
03C1"n
et03C1"n’ =
consommations unitaires moyennes en année ndes
équipements
mis en service entre les années zéro et n,respective-
ment en renouvellement et en
développement,
- v =
in - rapport
desproductions
dues auxéquipements
deo
renouvellement sur les
productions
de l’année zéro.Pour un seul
équipement
mis en.service
en année T sa consomma-tion unitaire en année n
(z;) s’exprime
en fonction desprogrès techniques
p des installations nouvelles de l’année zéro à l’année T
puis
de ses pro-grès techniques
propres w. Enappelant
p.i la différence de consomma-
tions unitaires entre les
équipements
mis en service en année(i
+1)
eti,
et W j la différence de consommation unitaire del’équipement
mis enservice en année T entre les années
(j
+1)
etj,
iet j pouvant prendre
des valeurs entières
0,
1...jusqu’à (n - 1).
Appelons 1,
2 et 3 lespériodes
de mise en servicerespectivement
des
équipements
existants en année de base0,
deséquipements
ancienset nouveaux existants en année n.
Si on
admet,
dans unepremière approche
duproblème :
- que les
progrès
annuels sontidentiques
au cours de chacune despériodes 1, 2
et 3 etégaux respectivement
à pl, p2, et p3.- que
pendant
cespériodes
les renouvellements se font par tranches annuelleségales ;
- que les variations annuelles w sont
indépendantes
de l’annéede mise en service et
égales
à vcri,w 2et
w3 pour chacune des troispé- riodes ;
- que les durées de vie des
équipements
restentégalement
les mêmes
Dl, D2, D3
au cours de chacune de ces troispériodes,
on établit un modèle(appelé E)
où :Ces modèles éliminent la consommation unitaire de base
z0 à laquelle
se
rapportent
les variations p et w, car le modèle suppose que nous ayons affaire à un ensembled’équipements homogènes.
En
fait,
les coefficientstechniques
sont estimés pour une branche industriellecomportant
deséquipements
divers. Même enprenant
soin d’effectuer l’étudetechnico-économique
de la branche par usages de l’é-nergie,
nous sommes enprésence d’équipements
utilisant destechniques
différentes.Quand
elles évoluenthomothétiquement,
onpeut
estimer les p etw par la moyenne
pondérée
des p et w de chacune destechniques.
Mais
quand
il y a introduction d’unetechnologie
nouvelle coexistantpendant quelques
années avec l’ancienne mais lasupplantant rapidement
on ne
peut plus
utiliser la méthodeprécédente
d’estimation des p et wde la
branche ;
il faut alors tenircompte
des consommations unitaireszA 0
etz ô
destechniques
A et Bqui
sontdifférentes,
de la vitesse de passage d’unetechnique
à une autreet,
éventuellement de l’étatd’équi-
libre entre ces deux
techniques
verslequel
on tend.C’est ce
qu’à
étudié au CEREN unstagiaire
M. P. Mondon(E.NSAE) qui
a trouvé une formulationmathématique
dans le cas d’unetechnique
A venant se substituer à une
technique
B. Enappliquant
ces formules àla branche Ciment en France pour les
techniques
de la voie sèche(A)
et de la voie humide
(B)
pour lapériode
connue s’étendant de l’année 1956 à l’année1966,
il a montré que le(AC) 66/56
donné par le calcul(51 %)
étaitpratiquement
celui que l’on a constaté(50 %) statistiquement . Ayant
ainsi vérifié la valeuropératoire
de ses modèles sur lepassé,
il a pu avecplus
d’assurance estimer les exet (3
pour les dix années à venir.Nous
présentons
ci-dessous les résultats de son étude et de sescalculs.
II - LA FORMULATION
MATHEMATIQUE
Supposons
que latechnique
A se substitue à latechnique
B linéai-rement dans le
temps
t de telle sorte que sapart
x soit définie parx = B. t + p., étant entendu que x = 0
quand
t- 03BC/03BB
et x = 1 1quand
tt atteint un nombre d’années
Mettons
l’exposant
A à tous lesparamètres
relatifs à latechnique
A et B à ceux relatifs à la
technique
B.Appelons ZT (t)
la consommation unitaire en année t d’unéquipe-
ment A mis en service en année T.
Par définition
(dans
les conditions du modèle Eprésenté ci-dessus):
et pour l’ensemble des
équipements, pendant
lapériode
Sachant que
et
appelant
zr
(t) apparaît
ainsi comme la somme de deux termesl’expression
dezT (t) devient, pendant
lapériode
de substitution d’unetechnique
B à une autreA,
ler terme 2ème terme
nI et wi
étant les moyennespondérées
autemps
zérorespectivement
desp et des w, le 1er terme de cette somme est celui
qui apparaîtrait
seuls’il
n’y
avait pas effet de substitution de latechnique
A à latechnique
B .La 2ème terme de cette somme fait
apparaître
l’influence de cette mutationtechnologique :
nous verrons parl’exemple
suivantqu’elle peut
être trèsimportante.
Formule
simplifiée
Les
applications numériques
nous montreront quey et
w2 ont trèsgénéralement
des valeurs absoluesnégligeables
parrapport
à celle de03C01, Tu2et
wl. Onpeut
doncpratiquement
leplus
souvent se contenter de la formulesimplifiée
suivante :L’influence de la substitution
apparaît
enajoutant seulement 11:2
àn 1.
III - APPLICATIONS A LA BRANCHE
"CIMENT"
3.1. Etude sur la
période
1956-1966Par examen des
statistiques
et consultationd’experts en équipements producteurs
deciment,
M. Mondon a recueilli les données suivantes :- En 1956 commence à
appara3tre
latechnique
des fours à"voie sèche"
pour laproduction
de clinker.Avant cette année de base Pi 1 = -
1,2 % ; wi - - 0, 3 %,
etz0 =
1 450
th/t
- On
peut prendre pratiquement
en toutepériode
la durée de vie D = 30 ans pour tous leséquipements ;
- de 1956 à 1966 on
peut adopter
les valeurs suivantes :- la substitution se fait linéairement
pendant
8 ans(1956
à1964) puis
se stabilise à raison de 80%
duprocédé
A et 20%
du pro- cédé B, cequi
veut direqu’en
moyennepondérée
la consommation uni- taire deséquipements
neufs àpartir
de 1964 est de 960th/t.
M. Mondon a alors effectué les calculs suivants :
où
p2 et w2
sont les p et w de lapériode
56-64qui
doit tenircompte
des effets de la substitution de latechnique
A à latechnique
B commeindiqué ci-dessus,
et où p et w sont lespgêt W3 de
1965 et 1966 rap-portés
à le nouvelle basezl, (960 th/t).
Par le calcul de
P2 et W2
nous savonsd’après
la formule ci-dessus que03C02 = 1, 2 %
et le terme de substitution :Tout se passe comme si nous avions
un p 2 moyen
de -1,
2 -4, 5 =
-
5, 7 %. Nous
saisissons làl’importance primordiale
du terme dû à lasubstitution.
Pour
w2
l’influence de la substitution est presquenégligeable : w2
est
égal
àw2 (- 0, 3 %) plus
le terme dù à la substitution.(w2 t
moyen = +0, 1 %)
soitw2 = - 0, 2 %
au totalEnfin,
pour lapériode
1965-1966 onpeut pratiquement adopter
p3 = -0, 3 %
et w3 = 0.Résultats des calculs :
étant ainsi
calculés,
on en déduit les valeurs des coefficients etd’après
les formules données dans l’introduction :a - 0, 63
etP=l,7
Ces coefficients introduits dans la formule
générale
AC =aAI
n
donnent,
pour1966,
base 100 en 1956.AC = 51
%
sachant que AI a été de 108%
Or la
statistique
donne pour 1966 :AC% = 50 %
On
peut
donc en déduire que nosmodèles,
avec lesparamètres
p et w calculés selon la formulation de M.
Mondon, analysent
convena-blement ce
qui
s’estpassé
dans cette branche.3.2. Etude sur la
période
1965-1975Les estimations des
paramètres techniques
donnant des résultats satisfaisants à l’aide du modèle E et des calculsprécédents
pour lapé-
riode1956-1966,
onpeut partir
de cette mêmeanalyse
pour établir les coefficientstechniques
de lapériode
1965-1975.Au cours de cette
période
les fours à voie sèche se substituerontaux fours anciens et seront installés en
développement
à raison de 80%,
20
%
des nouveaux fours utilisanttoujours
latechnique
de la voie humide . Il estpossible
que les fours à voie semi-sèche(technique C)
viennentintroduire une troisième classe
Ze0,
mais lesexperts
nepensent
pasqu’il
y ait lieu d’en tenir
compte
encorependant
cettepériode,
pour l’ensemblefrançais.
Dans ces conditions les calculs effectués avec les
hypothèses pré-
cédentes donnent :et
Ce sont ces coefficients
techniques
que M. Mondonsuggère l’adopter
pour nos
prévisions
de consommations de combustiblesportant
sur l’année 1975 de la branche"Ciment".
IV - CONCLUSION
Les
modèles, permettant
d’estimer une consommation en fonction d’un indicateur deproduction
au moyen deparamètres techniques, appellent
une connaissance
plus analytique
deséquipements lorsqu’une technique
nouvelle
supplante rapidement
une ancienne avec une base de consomma-tion unitaire nettement différente. Il faut alors estimer les