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POLITIQUE LIVRE SEPTIÈME. D'ARISTOTE. CHAPITRE PREMIER. DE LA PERFECTION. Du meilleur Genre de vie. quelle est la meilleure constitution et

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(1)

POLITIQUE

D'ARISTOTE.

LIVRE SEPTIÈME.

DE LA PERFECTION

E T

DU BONHEUR DES ÉTATS (i).

CHAPITRE PREMIER.

Du meilleur Genre de vie.

QUICONQUE veut chercher, comme il con- vient, quelle est la meilleure constitution et le meilleur gouvernement d'un Etat

,

doit d'abord déterminer quel est le genre de vie le plus desirable. S'il restede l'incertitudesur

(i ) Aristote ouvre ici , comme Platon

, les deux sources du bonheur, l'une dans les qualités person- nelles des citoyens, l'autredanslesavantages réelsdu

(2)

ce premier point, l'autre demeurera égale- ment incertain.

Ceux-là doivent être plusheureux qui, eu égardàleurs moyens, ontle meilleur gouver- nementpossible,etilsleseronts'iln'ysurvient quelqueobstacleextraordinaire.Voyons donc d'abord quel est, de l'aveu général, le genre de vie le plus désirablepour toutle monde, ensuitesi la vie socialedoit, ou non

, être la

même que lavie privée.Nous croyons avoir .

suffisamment établi ailleurs(2) enquoi consiste lebonheur de la vie : nous nouscontenterons de faireicil'applicationde nos principes.

1°. Personnenecontesterala division

,faite parlesphilosophes,des biens en troisclasses: ceux de l'ame

,ceux du corps> et les biensex- térieurs. Touscesbiensdoiventse rencontrer chez les heureux.

Jamais on ne comptera parmi les heureux un hommequi n'a ni courage,ni tempérance,

nijustice

, ni prudence; qui redoute jusqu'au

pays qu'ils habitent.Voyez MOR.adNicom. L.VIII, cli. 11, 12eti3;etMOB.adEudem. L. I, ch. 7et 8.

-

STOB. Serm. 416.

-

UtopiedeT. Monus.

(2) Mor. àNicom. L. 1 etX.

(3)

voldes mouchesdans l'air; qui se livreà tous les excès du boire et du manger; qui, pour le plusvil intérêt, tuerait ses meilleursamis;

ni un hommeaussi dépourvu de raison que les enfanset lesfurieux.

Mais quoiqu'on soit d'accord la-dessus, on différé par le plus ou le moins. La plupart pensant qu'it leursuffitd'avoirtant soit peude vertu, desirentà l'infini surpasser les autres en richesse, en puissance , en gloire et en autresavantages semblales. Il est aisé de savoir là-dessusà quois'entenir;il n'yaqu'àconsulter l'expérience. Nous voyons tous que ce n'est point par lesbiens extérieurs qu'on acquiert et conserve les vertus,mais que c'est plutôt par les talens et les vertus qu'on acquiertet conserve les biens extérieurs ; et que, soit qu'onfasseconsisterle bonheur dans le plaisir ou dans la vertu, ou dans touslesdeux, ceux qui ont de l'intelligence et des mœurs excet- lentesy parviennent plutôtavecune médiocre fortune

, que ceux qui ont au-delàdu néces- saire, etqui manquentdesautresbiens.

Laraison,pour peu qu'ony prenne garde

suffit pournous en convaincre. Lesbiens exté-,

rieurs ne sont que des instrumens utiies , s'ils

(4)

sont proportionnés àleur fin, mais semblables à tout autre instrumentdont l'excès nuit néces- sairementou du moins est inutileà celui qui le manie.Lesbiensde l'ame, aucontraire,ne sont pas seulement. honnêtes, ils sont aussi utiles,etplus ilsexcèdentla

mesure commune, plusilsont d'utilité.

En général, les meilleures dispositions çt manières d'être suivent entr'elles les mêmes proportions-et disproportionsque leurs sujets; si donc i'ame, parsanature etrelativement à nous, est d'un tout autre prix que le corps et les biens

, ses bonnes habitudes surpasseront égalementcelles-decesdeux autressubstances.

De tels biens ne sont desirables quepourelle, et tout hommeles desire pour l'ame et non l'ame pour eux.Tenons donc pour certain, qu'il n'arrive de bonheurà chacun qu'autant qu'ila de vertu etde prudence

,

et qu'il agit

enconformité. Nous en avons l'exempleet la preuvedans Dieu qui estheureux,nonpour au- cun bien extérieur

, mais parlui-mêmeçtpar ses attributsessentiels.

La

félicité est biendiffé- rente de la bonnefortune.C'est de lafortune que nous viennent les biens extérieurs; mais

(5)

personne n'est justeni prudent parle bienfait d3 la fortune

, ni par son moyen.

2°. Des mêmes principes dépend le bon- heurdel'Etat.Il est impossiblequ'un Etatsoit heureux si l'honnêtetéen est bannie. Il n'y a riende bonàenattendre,pasplusque d'unpar- ticulier

, sans la vertu (3) et la prudence; le courage,lajusticeetlaprudencey ontlemême caractère et lamême influence que dans les particuliers; ce sont exactement les mêmes qui nousméritentlaréputation dejustes, pru- dens, courageux et tempérans.

Que ceci nous serve de préface. Nous n'avons pu nous dispenser de rappeler ces principes;maiscommeilsappartiennentà une autrethéorie, nous ne leur donnerons pas ici plusd'étendue.Ilnous suffira,quantàprésent, d'avoir établi que lameilleure existence pour

(3) Le mot devertune comprend pas seulementici lesquatres vertus cardinales,mais mêmel'urbanité.

Platonprouve aussi (Rep. IV et Lois, III)qu'il n'ya de cité heureuse que celle oùl'on jouit des trois sortes de biensj ceux de l'ame

, ceux du corps, etles biens extérieurs. Voyez aussidumême lePhilèbe

7 le

Theaitete,leParménideset lePhédon.

(6)

chacun en particulier

, et pour les Etats en corps , c'est la vertu avec assez de fortune pour pouvoirla pratiquer.

S'il prendfantaisieàquelqu'unde le contes- ter .nousluidonneronsplus ample satisfaction parla suite.

(7)

CHAPITRE II..

Erreurs sur

la fin

qu'on se propose.

I

L nous reste à expliquer sile bonheurest le

mêmeou non, pourl'Etatet pourchaquepar-.

ticulier. Qu'il faille le placer dansles mêmes genres de bien, c'est un point sur lequel on est assez d'accord dans tous les partis. Ceux qui mettent le bonheurde l'homme dans les richesses, neréputent d'heureuxquelesEtats riches. Ceux qui le placent dansledespotisme et la force,font consisterle suprême bonheur de l'Etat àdominersurplusieursautres.Ceux quine voient de bonheur pour l'homme que danslavertu , n'appellent heureuxquel'Etat où la vertu est en honneur.

Mais il se présentedèsle premierpas deux questionsàexaminer: la première,quelle vie est à préférer

, ou celle qui prend part atr gouvernement et aux affaires publiques

3 ou

la vie retirée et libre detout embarras de ce genre ? la deuxième, quelle constitution et quelle disposition dugouvernementilfaut re- gardercomme la meilleure, ou de celle qui admet toutle monde augouvernement,ou de

(8)

celle qui n'yadmetque leplus grand nombre exclusivement ausurplus? *

Il n'entre pointdansle plande la politique de déterminerce quipeut convenir à chaque Individu, mais ce qui convientà

la

pluralité,

Nous avonsd'ailleurs(dansnotre ouvrage sur la Morale)traitécepremierpoint.Nousl'omet- tronsdonc ici pour nousarrêter à l'autre.

Nul doute que le meilleur gouvernement nesoit celui danslequel chacun trouvelemieux son compte pour vivre heureux. Mais ceux mêmequi s'accordent à préférer la vie ver- tueuse,ne s'accordentpassurla question, s'il fautpréférerla vieactiveet politique àlavie contemplative et débarrassée du tracas des affaireshumaines ; vie que quelques-Unsre- gardent comme seule digne du. philosophe.

C'est en effet entre ces deux genres de vie , la vie philosophique et lacarrière politique qu'ontchoisi tousceux, soit anciens,soit mor, dernes,quionteul'ambitiondese distinguer par leur mérite. Et certes, il n'importe pas ,

peude savoir où est la vérité.

rO. Il est de la sagesse, tant de chaque homme en particulier quede tout Etaten gé-

néral

9 de diriger ses actions,et sa conduite

(9)

vers le meilleur but. Or,de commanderà ses semblables

, plusieurspensentque

, si cela se fait despotiquement,c'est unegrande injus- tice;sicela sefait civilement,ce n'estpasune injustice,maisquec'est unobstacleàsapropre tranquillité. D'autres, au contraire3 pensent que la vie active etconsacrée aux affairespu- bliques

, est la seule digne de l'homme, et j

qu'on ne trouverajamais dans la vie privée autantd'occasionsd'exercerchaquevertu;que dans lemaniementdesaffaires publiquesetle gouvernementdel'Etat. D'autresvont jusqu'à soutenirque le despotisme et l'empire de la force sont pour un peuple la seule manière d'être heureux (4). Nous voyonsen effet que dans quelquesEtats, l'unique

sein

où tendent

Je gouvernementet les lois , c'est à dominer

sesvoisins. On a beau promener ses regards sur toutes lesconstitutions répandues dans les diversescontrées,sielles ont une fin particu- lière où visent leurs lois, la plupartasse-zcon- fuses, c'est toujoursà dominer.ALacédémone etenCrète,presquetouteleurdiscipline

et

leurs

loisnombreuses sont dirigées verslaguerre.

(4) Voyezci-aprèslettreB)lesADDITIONSquisui- vent leLivre VII.

(10)

Cheztoutesles nations qui ontlepouvoir de s'agrandir

,chez les Scythes

, chezlesPerses chez lesThraces, chez les Celtes, point de,

profession plusen honneurquecelle des armes.

En certainspaysil ya desloispour aiguillon- ner le courage guerrier, comm'e à Carthage oùl'on est décoréd'autant d'anneaux qu'ona fait de campagnes.

Il y avoit jadis en Macédoine une loi qui vouloit que ceux qui n'auroient tué aucun ennemi fussentaffublésd'un licou.

Chez lesScythes,' quiconque étoit dans ce cas-là avoitl'affrontde ne pas boire à la ronde dans lacoupe desrepas solemnels.

Les Iberiens

, nation belliqueuse

, dressent autour des tombeauxautant d'obélisquesque ledéfuntatué d'ennemis.

Il setrouve ailleurs d'autresinstitutionsap- prochantes,ordonnées par les lois ou reçues parla coutume.

Si pourtanton veut y faireattention, ilpa- roîtrafort absurde que la politique enseigneà dominerses voisins, de gré ou de force

(5).

En effet, commentériger en maximed'Etat

(5) Aristoteen veut, cesemble

2 àPlaton.

(11)

ou en loi ce qui n'estpas même licite? Or,il est illicitede commandersans aucun droit,à plus forteraisoncontre toutdroit, Une victoire injustenepeutpasêtreun justetitre. Cetteab- surditéne seremarqueenaucune autrescience.

Ce n'estl'office ni du médecinni du pilote de persuader ou de faire violence

, l'unàses ma- lades

, l'autre à ses matelots. Mais plusieurs semblent regarderla domination commel'ob.

jet de lapolitique; etcequ'on ne croitni juste ni utile pour soi, on n'a pas honte del'essayer surlesautres.Cesgens-là neveulentquepour eux-mêmesde lajustice dans le commande- ment;maiss'agit-ildecommanderauxautres,

lajustice(6) est lachose dont ilss'embarrassent le moins;absurditérévoltante, à moins que la naturen'ait destiné lesunsàdominer, et qu'elle n'aitrefusé cette aptitude aux autres. Si elle a établi cette distinction

, au moins ne faut-il pas entreprendre de dominer tout le monde, mais ceux-là seulementqui ne sont bons que pour êtredominés

(

7). C'estainsi qu'on ne va pas àlachassepour prendre leshommes etles

(6) Voyezci-après(lettreB )lesADDITIONSqui sui- vent leLivre VIII.

(7) VoyezLiv.1, ch. 3et4.

(12)

manger ou en faire desvictimes

, mais seule- ment pour prendre Ici animauxsaunages qui sont bons à manger.

Il n'y a d'Etat heureux par lui-même, que celui qui est constitué sur les bases de l'hon- nêteté.Il est possible d'en trouver tel dont la position ne lui permette ni de guerroyer, ni desongeràvaincre..Son bonheur n'ensera pas moins assuré,dès qu'il usera de police et de loisvertueuses. S'il faut donc estimer honnêtes les exercices militaires,ce n'estpas comme fin dernière

, mais, comme institués pour une meilleure fin.

2°. Unsage: législateurne doitconsidérer, ni dansl'Etat,. ni dans le genre d'hommes,ni dans les sociét ésparticulièresdont il est com- posé, que leur idonéité à la vie heureuse et le genrede bonheur dontilssont susceptibles.

Ce n'est pas àdirequ'il faillela mêmeconsti- tution et les mêmes loispartout.Il sera de sa prudence,s'ily a des peuples voisins, depour- voir àla manièredeselcomporter enverseux, auxexercicesmilitairesque cette circonstance exige

,et aux servicesqu'on peut leur rendre.

C'est ceque nous examineronsailleurs

, en traitant de la fin à quoi doittendre unebonne

constitution.

(13)

CHAPITRE III.

Des deux Genres de vie dans

l'État,

l'active et la contemplntive.

Nous

n'avons affaire ici qu'àceux qui con- viennentduprincipe qu'il faut préférer la vie vertueuseàtouteautre, mais qui ne sont pas d'accord sur l'application de ce principe.

. Les uns ne font aucuncasdeschargesciviles, etmettentla vied'unhomme libre fort aq-des- sus de celle qu'on mène danslesembarras du gouvernement

(8);

lesautrespréfèrentla vie

(8) S'ilsetrouvoit (dit Platon

, Rép. L. 1 )un Etat uniquement composé de gens de bien^ on ybrigueroit la conditiondeparticulier

, commeonybrigue aujour- d'hui la magistrature. Chaque citoyen aimeroit mieux être heureux par les soins d'autrui, que de travailler au bonheur des autres.Le sage regarde comme chose indécente de sechargerde l'administration publique

de son pleingréetsans yêtre contraint. Le seulmotif,

quidoivel'engagerà gouverner, c'est la crainte d'être gouvernéparunpire que soi.

(14)

politique

,ne croyantpasqu'il soit possible de bien faire

, ni par conséquent d'êtreheureux, quand on ne fait rien

(9),

ni que le bonheur puisse seconcevoirdansl'inaction.

Lesuns et lesautres ont raisonjusqu'à cer- tainpoint, etse trompentàd'autres égards. Les premiers ont"raison de dire qu'il vaut mieux vivrelibre que decommander. Il n'ya rien de bien magnifique à se servir d'un esclave, en tantqu'esclave(10)

, ni à faire la loiauxgens qui sont forcésd'obéir.Maisilne faut pascroire que tout commandement soit domination.

L-empire qu'on exerce sur des hommeslibres ne diffère pas moins de celui sur lesesclaves,

(9)~Etvpa.TTiivsignifietoutà-la-fois bienfaireetêtre heureux,c'est-à-dire ,la cause et, l'effet. Les Grec.

étoientsi persuadés que le bienfaireengendre le bien- être7qu'ils exprimoientl'unetl'autre du même nom.

Tout le reste du chapitre est d'une telle obscurité

7

qu'onnepeutguèreseflatter de l'avoirbienrendu.

(10) Lesesclaves peuvent êtreàdeux usages.Quand on ne les emploie que comme esclaves, pour fairela volontéde leurmaître,ce ne sont que de simplesma- chines. Quandon les consulteouqu'on leurconfiequel.

que affaire,cen'estplusàtitred'esclaves

,mais

à

titre

d'hommesinstruits.

que

(15)

quel'hommenépôurla liberté d'avec l'homme naturellement esclave

-,

dont on a donné la définition au commencement de cet ouvra- ge

(II).

D'ailleurs,iln'estpasexact d'éleverl'inaction au-dessus de la vie active, puisque c'est en action que consistelafélicité

,et que lesactions des hommes justes et modérés ont toujours des fins honnêtes.

Il ne faut pas conclure de-là, comme font les seconds, qu'it n'est rien de tel qued'avoir le pouvoir en main,que c'estleplussûr moyen d'exécuterlesprojetshonnêtes;qu'ainsi,celui qui peut commander ne doit pas laisser le commandement à unautre, qu'il doitplutôt le luienlever, fût-ce le père à sesenfans, les enfans àleurpère, lesamis à leursamis,sans

se soucier de toutes ces considérations; que nous devons desirer exclusivement

cequ'il

y a demeilleur,etqu'il n'y a rien de

comp-

rable au bonheur qu'on nous procure même malgré nous.

Celapourroitêtrevrai, si desentrepriseset des actesd'autoritéquinouschoquentpouvoient

(11) Liv.1, ch. 5.

(16)

nousprocurereffectivementce qu'ilyadeplus à desirer pournous. Or c'estce qui nesepeut, et ces prétendus gouvernemens se font il- lusion à eux-mêmes. Pour que leurs procédés fussent tolérables,il faudroit au moins qu'ils eussent sur nousautrèslemêmepouvoirquele mari sursa femme, le père sur ses enfans, le maître sur ses esclaves. Sans cela, quel que soitlesuccèsultérieur,ils ne peuvent justifier l'injurequ'ilnousontfaited'avanceen violant

notre liberté.

Entre semblables, l'honnêteté et la justice c'estd'avoir chacunson tour.Il n'y a que cela qui conserve l'égalité. L'inégalité entr'égaux et les distinctionsentresemblables sont con- tre nature, et par conséquent contre l'hon- nêteté.

Si pourtant il se rencontroit quelqu'un qui surpassât tous les autres en mériteeten .puis- sance, et qui eûtfaitsespreuves pardegrands exploits, ilseroit beau delui céder et juste de lui obéir. Mais il ne suffit pas d'avoir du mé-

rite,

il faut avoir assezd'énergie et d'activité pour être sûr dusuccès.

Cela supposé étant d'ailleurs constant que la félicité consiste en action,lameilleurevie,

(17)

pour

l'Etat

entier, commepour chacun enpar- ticulier

, c'estsanscontreditla vie active.

Au surplus, il ne faut pas, comme quel- ques-unssel'imaginent, restreindre la vie ac- tive aux seules actions qui se terminent au dehors, ni aux projets qui naissent de l'occa- sion. Elle embrasse aussi les méditations qui roulent sur ces actions et ces projets, et qui , outre le contentement qu'elles appor- tent par elles-mêmes, ont encore l'effet de rendre l'exécution plus parfaite. Jamais on n'est plus maître de l'action extérieure que quand ellea été précédée d'examen et de ré-

flexion; c'est ainsi qu'en architecture le mé- rite desouvragesprocède de laprofonde mé- ditationdesplans.

Les Etats les plus isolés eux-mêmes ne peuventpasresterdans l'oisivetéquand même ils le voudroient. Ce ne peut être que par portionset par intervalles. S'ils n'ontpoint de commerceau dehors,il y aau moinscommu- nication nécessaired'une partieà l'autre. Il en est de même des villes et des individusen- tr'eux.Apeine Dieu lui-mêmeet lemondeen- tier seraient-ils heureux si, outre leurs actes

(18)

internes, ils ne se répandoient audehors par leursbienfaits.

, Il est donc clair que la source du bonheur est la même pour lesEtats et pour les par- ticuliers.

(19)

CHAPITRE IV.

Dela grandeurdesEtatseldesvilles (12). \ APRÈS

avoir posé ces principes pour tenir lieu de préface, et fait connoître ci-devant toutes les formes de gouvernement, il nous resteà direquelles conditionssontrequisespour avoir un Etat tel qu'on peut le souhaiter. Il nest guèrepossible de lui donner une excel- lente constitution

, sans l'avoir àuparavant pourvu suffisamment des choses nécessaires.

Pour cet effet, iln'y aqu'à prendre à souhait toutcequ'il nousplaira, pourvu quece soient choses possibles; et d'aborduncertain nombre dhabitans et un territoire proportionné.

De même queles autres ouvriers,le tisse- rand parexemple, ou le constructeurde vais- seaux, doivent avoir sous la main la matière qui convientà leurouvrage, et que l'ouvrage estd'autantplus beauquelamatière estmieux préparée ; de même il faut qu'un fondateur d'Etat, etun législateur aient touteprête et

(12) Voyezci-après

, CHAP. XI.

(20)

convenablement préparée lamatière qui leur est propre.

Leur première provision consiste clans le nombre et la qualité des habitans. Combien en faut-il et de quelleespèce?

La deuxième,danslagrandeuret -lafertilité du pays.

1°. Plusieursfontdépendrelebonheur d'un Etatou d'uneville, de sa grandeur(13). Soit: mais quefaut-ilappeler grand ou petit Etat?

c'est cequ'ilsignorent.Ilsen jugentparla po- pulation; selon eux,c'est un grand Etat ou une grandeville,quandils'ytrouve une grande mùltitude d'habitans.Erreur: c'estbienmoins à leur multitude qu'à leursfonctionsetà leurs talens qu'il faut regarder. Car chaqueEtat a son oeuvrespéciale; en sorte qu'ilfautréputer

(13) On trouve plus de commodités et de ressources dans un village que dans une maison; dans uneville que dansun village; dans une province que dans une ville i dansungrandEtatque dans les bornes étroites d'une petiteprovince. Plus les villes sont fréquentes, plus ellessont propres àsesecourir.Maisil fautbeau- coup de villes médiocres et pas d'excessivementgran- des. Celles-ci dévorent les petites qui les entourent.

VoyezJ.-J.Rousseau

? Contr.Soc.L.IX , c. 10.

(21)

pourleplusgrandceluiquipeuts'enacquitter

le mieux (14).

Hippocrate peut être

, quant à la stature , pluspetithommequ'unautre, maisil estplus grand médecin.

20. Sil'on veut aussi estimer la grandeur

dunEtat ou d'une villeparle nombrede ses habitans,au moins ne faut-il pasy comprendre le premier venu. Il s'y rencontre nécessaire- mentbeaucoup d'esclavcs,denouveaux venuset

d'ét,rangers; ce ne sont pas là des citoyens.On nappelleainsi que ceux qui composentréelle- mentl'Etatcomme parties intégrantes. C'est le nombre extraordinaire de ceux-ci qui cons- titue une grandeville,un grandEtat. On ne s aviserapoint d'appeler grandceluid'oùilsort beaucoupd'ouvriers et peude gens deguerre.

Grand et peuplé

, sont deux choses distinctes.

3°.Ilest difficile,l'expérience prouve même qu'il est presqu'impossi.blequ'un Etatoumême unevilletrop peupléesoitbiengouvernée(i5).

Entre cellesqu'on estime bien policées, nous

<j4) C'est danstoutparlesfacultés qu'on juge dela grandeur.

(15) TémoinsBabylone

, Niirive

, Rome, Alpxan- drie,le Caire

, Constantinople

, Londres

, Paris,etc.5

(22)

n'en voyons point dont la population soit ex- cessive.

La raisonse joint icià l'expérience. La loi

v est un ordre quelconque, et la bonne police pourdes citoyens n'est que labonté de l'ordre établi entr'eux. Or, Je nombre trop excessif n'est pas susceptible d'ordre. Il n'yaque la puissance divinequi puisse l'y introduire,com- me elle l'afait dansl'univers. Dureste,cen'est que dans l'étendue et dansle nombreque se remarque labeauté. Uneville, en conséquence, est nécessairement très-belle se trouvela juste mesure de grandeur. Cette mesure est déterminéeencegenrecomme en tout autre;

par exemple,

en

genre d'animaux,deplantes, dinstrumens.Chacund'eux,trop grandoutrop petit, n'apluslamêmeefficacité

, perd même sa nature ou demeure inutile.Un navirequi n'auroitqu'unepalme (16) ou quiauroitdeux stades (17) delong, cesseroitd'être navire,sa petitesseou son excessivegrandeurlerendant

les coquins s'y cachent aisément, etquandilsontcor- rompu la populace

, c'est un incendie qu'onne peut éteindre qu'avec beaucoupde sang.

(16) Quatreàcinq pouces.

(17) Environ cent quatre-vingt-dixtoises.

(23)

également impropreàlanavigation.IIen est de même d'uneville oud'un Etat.Leur propriété essentielle,c'estlasuffisance deleursmoyens.

Si une ville a peu d'habitans , elle n'a point cettesuffisance; sielle en a trop , ellepourra bien,étant pourvuedes choses nécessaires, sub- sister comme nation;mais ce ne seraplusune . ville.L'onnepourraeneffet

y

établir unebonne police. Quelgénéral d'armée pourroit comman- der une multitude excessive ? quel homme pourroits'y faireentendre, àmoinsd'avoirles poumons d'un Stentor? Lapremière condition pour une ville est donc-d'avoir une multitude d'habitans

, tellequ'elle puisse suffireàtoutes ses fonctionsetseprocurer touteslescommo- dités de la vie civile. Elle peutsansdouteex- céderce nombre,et passer encore pourville.

Cela ne doitpourtant pas alleràl'infini. Mais quelest

le

termedel'accroissement?Ilest indi- qué parla nature mêmedes fonctions civiles.

Ces fonctions sont ou celles desgouvernans, ou celles des, gouvernés.Celles des premiers sont denommerauxemplois, etdeveilleraux jugemens.Or,pouravoir de bonsjugesetpour distribuerles offices suivant le mérite,ilfaut que

les

citoyenss'entre-connoissent,

et

sachent

(24)

ce que chacun vaut; sans quoiles places de magistrats et de juges ne peuvent être bien conférées. Il nestpasraisonnable de procéder légèrement ni dans l'un, nidans l'autre de ces deux choix, commecelasefait évidemment danstoute cité trop peuplée. Ilyestd'ailleurs facileaux étrangersetaux nouveaux venus de se perdie alors dans la foule, etdese glisser dans lesplaces.

Concluons doncquela grandeurd'une ville doit se borner à la multitude d'habitans qu'on peut alimenter aisément, et dont l'ensemble peut se connaître d'un seul coup d'œil(18).

Voilà comment je détermine cette grandeur.

(18) Lacédémonen'avoit que 7000 citoyens et Athè- nes2000.

Point de capitale(ditJ.-J. Rousseau

, Contr. Soc.

L.III,c.i3.)le siègedu gouvernement doit alterner.

(25)

CHAPITRE

V.

De la Contrée adjacente et territoriale.

ILfaut

en dire à-peu-près autantdel'étendue duterritoirede chaque ville.

i °. Laplus convenablemesure estsans con- treditcelle quifournitplusquesuffisamment à ses besoins. La suffisance consiste en effet à avoirdeson fond toutle nécessaire

, et à ne manquerde rien.

Le territoire doit donc êtrefertile en tout genre deproductioos,etassezétendu pour que ses habitans puissent y vivre librement et à leur aise,en serenfermantdans les bornesde latempérance.C'estcequ'on détermineraavec plus de précision dans un Traité d'Econo- mie, lorsqu'ilsera questiondes acquisitionset des moyens de subsistance, ainsi que del'u- sagequ'on peuts'enpermettre.Carilne laisse pasd'y échoir du douteà cause de la diver- sité des mœurs, qui portentles hommes aux deuxextrêmesdela somptuositéetdela mes-

quinerie.

t

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