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5 Produit tensoriel
5.1 D´ efinitions et exemples
Soient f(x), x ∈ Rd, et g(y), y ∈ Rk, deux fonctions localement int´egrables.
Alorsf(x)g(y) est localement int´egrable surRd+k, et l’on peut d´efinir une dis- tribution surRd+k:
(f(x)g(y), ϕ) = Z
Rd+k
f(x)g(y)ϕ(x, y)dxdy
= Z
Rd
f(x) Z
Rk
g(y)ϕ(x, y)dy
dx.
D´efinition 5.1. Soitf ∈ D′(Rd) etg∈ D′(Rk). On d´efinit le produit tensoriel def etg comme une distributionh∈ D′(Rd+k) telle que
(h, ϕ) = f(x),(g(y), ϕ(x, y))
pour toutϕ∈ D(Rd+k).
On noteh=f(x)⊗g(y).
Il faut v´erifier que le produit est bien d´efini. Pour simplifier, on suppose dans la suite qued=k= 1.
Lemme 5.2. Soit g∈ D′(R)etϕ∈ D(R2). Alors la fonction ψ(x) := g(y), ϕ(x, y)
appartient `a l’espaceD(R), et pour tout entier j≥0 on a ψ(j)(x) = g(y), ∂xjϕ(x, y)
De plus, siϕk ∈ D(R2)et ϕk →ϕdansD(R2), alors la suite ψk(x) := g(y), ϕk(x, y)
converge versψdansD(R).
D´emonstration. La fonction ψ(x) est bien d´efinie pour tout x ∈ R. Comme ϕ(x, y) = 0 pour|x| ≥R≫1, le support de ψest inclut dans la bouleBR⊂R de centre z´ero et de rayon R. Montrons que ψ est continu. En effet, soit {xn} ⊂ R une suite convergeant vers x ∈ R. Alors ϕ(xn,·) → ϕ(x,·) dans D(R). Il s’ensuit queψ(xn)→ψ(x).
Montrons queψ∈C∞(R) et
ψ(j)(x) = g(y), ∂xjϕ(x, y)
pour toutj≥1. (5.1) Soithn→0. Alors
ϕ(x+hn, y)−ϕ(x, y) hn
→∂xϕ(x, y) dans l’espaceD(Ry),
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d’o`u on voit que
h−n1(ψ(x+hn)−ψ(x)) = g(y), h−n1(ϕ(x+hn, y)−ϕ(x, y))
→(g(y), ∂xϕ(x, y)).
On a montr´e la relation (5.1) pourj = 1. Par r´ecurrence, on peut ´etablir (5.1) pourj≥2.
Soit maintenantϕk∈ D(R2) une suite telle queϕk →ϕdansD(R2). Alors les supports des fonctions ψk ∈ D(R) sont born´es uniform´ement par rapport
`
ak. Montrons que pour toutj≥0
ψk(j)(x)→ψ(j)(x) quandk→ ∞uniform´ement en x∈R.
Si ce n’est pas le cas, alors il existe un entierj≥0, une constanteε >0 et des suites{xl} ⊂Retkl→ ∞tels que
|ψ(j)kl (xl)−ψ(j)(xl)| ≥ε pour toutl≥1, (5.2) {xl} converge vers un point ˆxquandl→ ∞. (5.3) D’autre part, la convergence (5.3) entraˆıne queϕkl(xl,·)→ϕ(ˆx,·) dans D(R).
Commeg∈ D′(R), on obtient
ψk(j)l (xl) = g(y), ∂xjϕkl(xl,·)
→ g(y), ∂xjϕ(ˆx,·)
=ψ(j)(ˆx).
C’est une contradiction avec l’in´egalit´e (5.2).
Le lemme 5.2 permet de justifier la d´efinition du produit tensoriel. Siϕ∈ D(R2), alors la fonction ψ(x) = (g(y), ϕ(x, y)) appartient `aD(R), et l’on peut consid´erer (f, ψ). Evidemment, la fonctionnelle
ϕ7→(f, ψ) = f(x),(g(y), ϕ(x, y))
(5.4) est lin´eaire. Siϕk →ϕdansD(R2), alorsψk= (g(y), ϕk(x, y)) converge versψ dansD(R). Par cons´equent,
(f, ψk)→(f, ψ) quandk→ ∞, et donc la fonctionnelle (5.4) est continue.
Exemples 5.3. (a) δa⊗δb=δ(a,b)pour touta, b∈R.
(b) Sif ∈ D′(R), alorsf⊗1∈ D′(R2) et (f⊗1, ϕ) =
f(x), Z
R
ϕ(x, y)dy .
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5.2 Propri´ et´ es du produit tensoriel
Th´eor`eme 5.4. (a) Le produit tensoriel est commutative : si f, g ∈ D′(R), alors
f(x)⊗g(y) =g(y)⊗f(x).
(b) Le produit tensoriel est continu : sifk→f dansD′(R)etg∈ D′(R), alors fk(x)⊗g(y)→f(x)⊗g(y) dansD′(R2).
(c) Le produit tensoriel est associative : sif, g, h∈ D′(R), alors f(x)⊗g(y)
⊗h(z) =f(x)⊗ g(y)⊗h(z) .
(d) D´erivation du produit tensoriel : si f, g∈ D′(R), alors
∂xj f(x)⊗g(y)
= (∂xjf(x))⊗g(y).
(e) Multiplication par une fonction r´eguli`ere : sif, g∈ D′(R)et a∈C∞(R), alors
a(x) f(x)⊗g(y)
= (a(x)f(x))⊗g(y).
(f ) Translation du produit tensoriel : sif, g∈ D′(R)et b∈R, alors (f ⊗g)(x+b, y) =f(x+b)⊗g(y).
Pour la d´emonstration de ce r´esultat, on aura besoin du lemme suivant.
Lemme 5.5. Soit ϕ∈ D(R2). Alors il existe une suite{ϕn} ⊂ D(R2)telle que
ϕn→ϕ dans D(R2), (5.5)
ϕn(x, y) =
Ln
X
k=1
unk(x)vnk(y), (5.6)
o`u unk, vnk∈ D(R).
D´emonstration. Supposons que suppϕ ⊂ BR. Soit {Pk(x, y)} une suite de polynˆomes telle que
kPk−ϕkCk(B2R)<1/k.
Siχ∈ D(R),χ= 1 surBR etχ= 0 surBc2R, alors la suite ϕk(x, y) =χ(x)χ(y)Pk(x, y) v´erifie toutes les propri´et´es requises.
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D´emonstration du th´eor`eme 5.4. (a)Il faut montrer que
(f(x)⊗g(y), ϕ) = (g(y)⊗f(x), ϕ) pour toutϕ∈ D(R2).
Supposons d’abord que
ϕ(x, y) =
L
X
n=1
un(x)vn(y).
Alors
(f(x)⊗g(y), ϕ) =
L
X
n=1
(f(x)⊗g(y), un(x)vn(y)) =
L
X
n=1
(f, un) (g, vn),
=
L
X
n=1
(g(y)⊗f(x), un(x)vn(y)) = (g(y)⊗f(x), ϕ).
Dans le cas g´en´eral, on choist une suite {ϕn} ⊂ D(R2) v´erifiant (5.5), (5.6).
Alors
(f(x)⊗g(y), ϕ) = lim
n→∞(f(x)⊗g(y), ϕn) = lim
n→∞(g(y)⊗f(x), ϕn) = (g(y)⊗f(x), ϕ).
(b)Soitϕ∈ D(R2). Alors
(fk×g, ϕ) = (fk(x),(g(·), ϕ(x,·)))→(f(x),(g(·), ϕ(x,·))) = (fk×g, ϕ).
La d´emonstration des popri´et´es (c)–(f) est bas´ee sur des id´ees analogues.
Exemple 5.6. Soitf ∈ D′(R). Alors (f⊗1, ϕ) =
f(x), Z
R
ϕ(x, y)dy , (1⊗f, ϕ) =
Z
R
f(x), ϕ(x, y) dy.
On conclut que f(x),
Z
R
ϕ(x, y)dy
= Z
R
f(x), ϕ(x, y)
dy pour toutϕ∈ D(R2). (5.7)