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De la clinique au microscope - Syndrome de Sweet histiocytoïde

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Academic year: 2022

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Images en Dermatologie Vol. IX - n° 4-5 juillet-août-septembre-octobre 2016 142

De la clinique au microscope

Cas clinique

Syndrome de Sweet histiocytoïde

Histocytoïd Sweet syndrome

N. Ortonne1, F. Lebras2, C. Haioun2, A. Toma3, S. Ingen-Housz-Oro4 (1 Département de pathologie, hôpital Henri-Mondor, Créteil ; 2 Unité hémopathies lymphoïdes, hôpital Henri-Mondor, Créteil ; 3 Service d’hématologie, hôpital Henri-Mondor, Créteil ; 4 Service de dermatologie, hôpital Henri-Mondor, Créteil)

Un homme de 77 ans était suivi pour 2 pathologies hématologiques découvertes en 2007 : une papulose lymphomatoïde pauci- symptomatique et, découverte de façon concomitante, une hémopathie B à petites cellules ganglionnaire et médullaire de phénotype CD20+/-, CD5+, CD3-, ayant fait retenir le diagnostic

de lymphome lymphocytique (forme lymphomateuse de leucémie lymphoïde chronique [LLC]). En l’absence de signes de gravité, une abstention

thérapeutique était préconisée.

Observation

Il consultait pour l’apparition récente de fièvre et de sueurs nocturnes sans amaigris­

sement ni altération de l’état général. Dans le même temps, le patient rapportait l’apparition brutale de lésions cutanées sur les mains. L’examen clinique objectivait des plaques infiltrées et des papulonodules, indolores, fixes, sur les faces dorsales et palmaires des mains (figures 1 et 2). Il existait par ailleurs de petites adénopathies cervicales fermes, suspectes. Le reste de l’examen clinique était sans particularité.

Les hypothèses évoquées devant ces lésions cutanées étaient celles d’un syndrome de Sweet (SS), neutrophilique ou histiocytoïde, ou d’une localisation spécifique du lymphome lymphocytique, faisant craindre, devant les signes généraux, une trans­

formation en lymphome plus agressif.

Les examens biologiques standard (NFS­plaquettes, bilan inflammatoire, LDH) et les TEP­TDM ne retrouvaient finalement aucun argument en faveur d’une évolutivité du lymphome.

Une biopsie cutanée était donc effectuée sur une papule du dos de la main.

Diagnostic et évolution

La biopsie cutanée montrait un épiderme normal et dans le derme un infiltrat inflam­

matoire dense, de siège périvasculaire et péri­annexiel (figures 3 et 4, p. 145). Cet infiltrat était d’architecture diffuse, fait essentiellement de cellules mononucléées, sans polynucléaires matures (figure 5, p. 145), qui sont en principe les cellules principales des infiltrats du SS, chef de file des “dermatoses neutrophiliques”. Les cellules mononu­

cléées étaient pour certaines des lymphocytes, sans cellules atypiques, et pour d’autres des cellules ressemblant à des histiocytes, ou cellules “histiocytoïdes”. Ces dernières avaient un cytoplasme bien visible, éosinophile ou clair, et des noyaux allongés parfois réniformes présentant une chromatine fine sans nucléoles (figure 6, p. 145). L’analyse immunophénotypique indiquait que ces cellules exprimaient le marqueur histiocytaire CD68, alors que le marquage de CD163 était plutôt faible ou négatif (figure 7, p. 145),

Syndrome de Sweet • Syn- drome de Sweet histiocytoïde

• Syndrome de Sweet lympho- cytaire • Dermatose neutro- philique

Sweet syndrome • Histiocytoid Sweet syndrome • Lymphocytic Sweet syndrome • Neutrophilic dermatosis

Légendes

Figure 1. Éruption diffuse sur la main droite faite de multiples papulonodules érythéma- teux fixes, d’aspect œdémateux.

Figure 2. Les lésions sont également présentes sur la face palmaire, en regard notamment de l’éminence thénar.

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suggérant un phénotype monocytaire immature. Elles exprimaient également fortement la myéloperoxydase (figure 8, p. XX), enzyme classiquement présente dans les cellules myéloïdes, que ce soit dans des cellules immatures progénitrices ou dans les polynu­

cléaires neutrophiles matures.

Le diagnostic retenu était donc celui d’un SS dans la variante “histiocytoïde”. Il n’y avait pas d’argument pour une localisation cutanée de l’hémopathie B ou une récidive de la papulose lymphomatoïde.

L’évolution dermatologique était rapidement favorable sous propionate de clobétasol avec régression rapide des lésions des mains, sans récidive ultérieure. Les signes généraux disparaissaient spontanément.

Discussion

Le SS a initialement été décrit par R.D. Sweet en 1964. Chef de file du groupe des dermatoses neutrophiliques, la maladie se caractérise classiquement par des lésions papulonodulaires infiltrées, survenant de façon brutale sur le tronc, les membres, avec une atteinte fréquente du visage. Comme la plupart des dermatoses neutrophiliques, cette maladie se caractérise par un infiltrat tissulaire de polynucléaires neutrophiles et son association fréquente à une pathologie générale sous­jacente, en particulier une hémopathie myéloïde ou lymphoïde, une maladie inflammatoire chronique notamment de l’intestin, plus rarement un cancer solide.

L’existence de formes particulières de SS a été initialement décrite par L. Requena et al. en 2005 (1), avec par la suite de nombreuses études de cas isolées ou de petites séries (2­6). L. Requena décrivait un aspect histologique particulier de SS, où les lésions, bien que typiques d’un point de vue clinique, se présentaient histologiquement sous la forme d’infiltrats de cellules mononucléées proches morphologiquement d’histiocytes, dont la nature reste encore aujourd’hui sujette à débat. C’est lui le premier qui a intro­

duit le terme de “SS histiocytoïde” (SSH). Ces cellules mononucléées étaient interpré­

tées comme des formes immatures de cellules monocytaires/myéloïdes recrutées dans la peau, ce qui pourrait expliquer pourquoi elles expriment des marqueurs de lignées myéloïde et monocytaire, ainsi que leur morphologie qui rappelle les cellules immatures des lignées monocytaires et myéloïdes de la moelle. Cette hypothèse reste au premier plan aujourd’hui. Ainsi, le SS classique serait responsable du recrutement tissulaire de polynu­

cléaires matures, et le SSH de cellules myéloïdes immatures, au stade de progéniteurs.

L’individualisation de formes histiocytoïdes et neutrophiliques de SS soulève de nom­

breuses interrogations d’ordre physiopathologique. Ces 2 tableaux sont­ils l’expression de 2 maladies différentes partageant la même expression clinique ou, au contraire, des formes évolutives d’une même maladie ? La description chez un même patient des 2 formes, dans le cadre de biopsies séquentielles, et l’existence de formes frontières, c’est­à­dire de SS classiques, neutrophiliques dans lesquels on peut identifier des cellules “histiocytoïdes” minoritaires (expérience de l’auteur) sont de notre point de vue en faveur de la seconde hypothèse. La nature exacte des cellules histiocytoïdes reste également à déterminer. Si la plupart des auteurs s’accordent pour penser qu’il s’agit de formes immatures de cellules myéloïdes/monocytaires, on ne sait pas si ces cellules sont des progéniteurs normaux, stimulés et recrutés à partir de la moelle par l’expression d’un panel de chimiokines particulier, ou s’il s’agit de cellules anormales, partageant avec la cellule néoplasique une même anomalie oncogénique témoignant d’une cellule souche cancéreuse commune. L’étude menée par P. Sujobert et al. sur une série de SS classiques associés à des leucémies aiguës myéloïdes, montrant la présence d’anomalies chromosomiques communes entre les cellules tumorales et les neutrophiles matures dans la peau, constitue certainement un argument en faveur de la seconde hypothèse (7).

Légendes

Figure 3. Infiltrat inflammatoire dermique périvasculaire et péri-annexiel, sans modi- fication épidermique (hématéine-éosine- safran [HES], x 50).

Figure 4. Sous un épiderme normal, il y a un œdème du derme superficiel, et dans le derme moyen et profond, un infiltrat inflam- matoire dense (HES, x 100).

Figure 5. L’infiltrat inflammatoire est fait essentiellement de cellules mononucléées, avec un mélange de petits lymphocytes et de cellules ressemblant à des histiocytes, ou

“histiocytoïdes”, sans polynucléaires neutro- philes matures (HES, x 200).

Figure 6. Les cellules “histiocytoïdes” ont des noyaux allongés, parfois réniformes, sans nucléoles et renfermant une chromatine fine, et leur cytoplasme apparaît modérément abondant, clair ou éosinophile (HES, x 400).

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Que ces 2 formes de SS soient des maladies indépendantes ou des formes évolutives d’un même spectre lésionnel, il semble que les associations pathologiques diffèrent un peu entre la forme classique et la forme histiocytoïde de SS. L’association par­

ticulière du SSH avec les syndromes mélodysplasiques a pour la première fois été soulignée par M.D. Vignon­Pennamen et al. en 2006 (2), qui introduisaient le terme de “SS lympho cytaire”, lequel n’a pas été repris par les différents auteurs ayant publié à ce sujet par la suite. L’étude que nous avons récemment publiée se distingue par son caractère comparatif, puisque nous avons inclus de façon rétrospective et continue sur une période de temps donnée tous les malades ayant un SS, classique ou histiocytoïde, et avons déterminé les associations pathologiques, avec un suivi médian de 7,5 mois et 11,5 mois respectivement (6). Il ressort de cette étude que le SSH est plus fréquemment associé que la forme classique à une hémopathie, myéloïde mais également lymphoïde, et en particulier à un syndrome myélodyspla­

sique. De façon intéressante, notre patient avait une papulose lymphomatoïde et un lymphome lymphocytique.

Conclusion

Le SSH est une forme particulière de SS, où sont recrutés dans la peau, non pas des polynucléaires neutrophiles matures, mais des formes jeunes de cellules myéloïdes et/ou monocytaires. Cliniquement, il ressemble au SS neutrophilique, peut revêtir un caractère aigu ou chronique, et son traitement peut être difficile. Il est plus fré­

quemment associé à une hémopathie, et notamment un syndrome myélodysplasique, dont il peut précéder la survenue, justifiant un bilan au moment du diagnostic et une surveillance hématologique pendant au moins 6 mois. II

Références bibliographiques

1. Requena L, Kutzner H, Palmedo G et al. Histiocytoid Sweet syndrome: a dermal infiltration of immature neutrophilic granulocytes. Arch Dermatol 2005;141(7):834­42.

2. Vignon­Pennamen MD, Juillard C, Rybojad M et al. Chronic recurrent lymphocytic Sweet syndrome as a predictive marker of myelodysplasia: a report of 9 cases. Arch Dermatol 2006;142(9):1170­6.

3. Magro CM, Momtahen S, Nguyen GH, Wang X. Histiocytoid Sweet’s syndrome: a localized cutaneous proliferation of macrophages frequently associated with chronic myeloproliferative disease. Eur J Dermatol 2015;25(4):335­41.

4. Peroni A, Colato C, Schena D, Rongioletti F, Girolomoni G. Histiocytoid Sweet syndrome is infiltrated predominantly by M2­like macrophages. J Am Acad Dermatol 2015;72(1):131­9.

5. Chavan RN, Cappel MA, Ketterling RP et al. Histiocytoid Sweet syndrome may indicate leukemia cutis:

a novel application of fluorescence in situ hybridization. J Am Acad Dermatol 2014;70(6):1021­7.

6. Ghoufi L, Ortonne N, Ingen­Housz­Oro S et al. Histiocytoid Sweet Syndrome Is More Frequently Asso­

ciated With Myelodysplastic Syndromes Than the Classical Neutrophilic Variant: A Comparative Series of 62 Patients. Medicine (Baltimore) 2016;95(15):e3033.

7. Sujobert P, Cuccuini W, Vignon­Pennamen D et al. Evidence of differentiation in myeloid malignan­

cies associated neutrophilic dermatosis: a fluorescent in situ hybridization study of 14 patients. J Invest Dermatol 2013;133(4):1111­4.

Légendes

Figure 7. Immunomarquage de CD68 et de CD163 indiquant que l’infiltrat histio- cytoïde est fait de cellules exprimant nette- ment l’anti gène CD68 mais plus faiblement le CD163, normalement présent dans les macrophages matures (immunomarquage développé avec la diaminobenzidine [DAB], x 200).

Figure 8. Expression diffuse et intense de la myéloperoxydase par les cellules histio- cytoïdes (immunomarquage développé avec la DAB, x 400).

N. Ortonne déclare nepas avoir

de liens d’intérêts en relation avec cet article.

Les autres auteurs n’ont pas précisé leurs éventuels liens d’intérêts.

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Références

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