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Chapitre I. Usages sociaux et politiques du patrimoine.

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Academic year: 2022

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Chapitre I. Usages sociaux et politiques du patrimoine.

Activité introductive : définition du sujet.

Depuis le XIXe siècle le patrimoine n’a cessé de séduire notamment dans le monde occidental en perte de repère identitaire du fait de l’évolution culturelle de ces 30 dernières années (Mondialisation) . Ainsi le patrimoine devient une valeur refuge qui enracine l’identité des nations.

Ainsi comme le dit Pierre Nora « on est passé d’un patrimoine étatique et national à un patrimoine de type social et communautaire où se déchiffre une identité de groupe ».

La sauvegarde du patrimoine est tout d’abord un enjeu social. En effet, le patrimoine est géré par le politique à travers des campagnes de préservation. Cependant ces dernières années le soucis de la préservation du patrimoine est sorti du jeu politique qui se retrouve à travers un désengagement progressif de l’État dans l’aide économique apporté à la campagne de préservation du patrimoine. En témoigne le projet de l’île Seguin qui mobilise des acteurs publiques (préfet des hautes Seine ainsi que la commune de Boulogne qui se retrouvent face aux inquiétudes des organisations telles le collectifs « Vue sur l’île Seguin ». De plus le patrimoine est un enjeu politique autour de l’identité collective, faire de certains lieux comme de certaines figures (Vercingétorix, Clovis) des éléments de la mémoire collective est aussi dans le débat politique. De nombreux hommes politiques de droite (François Fillon et Nicolas Sarkozy avant lui) comme de gauche (J.L. Mélenchon) se sont servis de ces éléments patrimoniaux pour mettre en avant une certaine idée de la France. En témoigne le débat autour de la politique de reconstruction de la basilique Notre Dame suite à l’incendie en avril 2019 qui avait opposé au parlement deux conceptions aux antipodes (progressisme vs conservatisme) = Voir programme de première.

Le patrimoine contemporain est donc une construction sociale qui rassemble les hommes et les femmes à diverses échelles et qui se reconnaissent autour d’un bien matériel, d’une pratique collective. Le patrimoine est donc le fondement de l’identité collective. Le patrimoine est ainsi d’une part culturel (du fait de l’art, la religion, l’histoire) mais aussi social à travers les mémoires, les pratiques d’un groupe. Le patrimoine peut aussi être source de division, entraînant parfois une instrumentalisation à travers des débats. Ici l’historien peut apaiser les tensions en apportant un éclairage et donc sensibiliser le public sur ces questions.

En quoi les différents usages (sociaux et politiques) du patrimoine sont-ils source de cohésion autant que de tensions ?

I. Les usages sociaux du patrimoine, une dimension affective et identitaire forte.

Le patrimoine est d’abord une source de cohésion sociale, qui rassemble autour d’une identité commune. Il fait écho à un héritage, à un passé commun (monuments, patrimoine matériel). Il peut aussi émerger quand un groupe s’intéresse à ses racines (pratiques populaires, folklore, costumes, danses, musiques, gastronomie comme nous l’avons vu au travers du couscous). C’est pourquoi il est de plus en plus préservé, protégé. Observons cet usage social du patrimoine à travers deux exemples.

A. Le reggae Jamaïcain, ciment identitaire promouvant les questions d’amour, d’injustice, et de résistance.

Comment le reggae participe-t-il à forger et à faire rayonner l’identité culturelle des peuples qui le pratique? (notion clé = Patrimoine immatériel)

Le reggae a été inscrit au patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO en Novembre 2018. Ce style musical hérité du rock steady (mélange de ska et de rhythm and blues) était réservé aux populations marginalisées se révoltant contre l’establishment post-colonial. Dans les années 1970 des figures comme Bob Marley permettent au reggae de se populariser dans le monde entier.

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Des concerts célèbres ont lieu chaque année dont le reggae sumfest à Montego Bay au mois de Juillet.

Souvent mis en marge des discours du fait des préjugés autour de ce style souvent associé à la culture rastafari. À l’origine, le mouvement naît en Jamaïque au sein des populations noires, des descendants d'esclaves déportés sur l'île. Et dès ses débuts, il est résolument tourné vers l’Afrique notamment au culte voué au négus éthiopien ras Stafari Makonen nommé Sélassié Ier en 1930, un roi noir qui devient empereur à l'époque où le continent africain est dominé par les puissances coloniales. Le mouvement rasta de Jamaïque n'utilisent pas le drapeau jamaïcain parce qu'ils se considèrent comme un peuple qui a été déplacé de force d'Afrique au temps de l'esclavage. Et ils continuent à se considérer africains. L'un des buts du Rastafari, sans doute le plus important, serait de rapatrier tous les Noirs des Caraïbes en Afrique. Ce mouvement, qui prône l’usage de la

« ganja » (cannabis) pour élever l’âme lors de méditations, souffre de nombreux préjugés.

Le reggae est surtout issu d’un sentiment de révolte, et de contestation face à un ordre établi.

Il n’en demeure pas moins que le reggae permet de promouvoir cet identité culturelle à l’échelle planétaire. On retrouve même du regard en France à travers des groupes tels que le groupe de l’île Maurice Kana ou le groupe breton Rasta Bigoud. Ces groupes à l’image du chanteur ivoirien Tiken Jah Fakoly expriment l’idée de lier les peuples par le biais de la musique. L’ONU a d’ailleurs exprimé le fait que le reggae revêtait d’un « discours international sur les questions d’injustice, de résistance, d’amour et d’humanité ». Si cette distinction n’apporte pas plus de notoriété à ce style musical, ou ne vise pas à sa sauvegarde (le genre n’étant pas du tout menacé d’extinction) , elle reconnait au style sa portée universelle et passe au dessus des stéréotypes légitimant ce style musical à l’échelle internationale.

Jalon 1 : Réaménager la mémoire. Les usages de Versailles de l’empire à nos jours.

B. Versailles, une vitrine de la France.

Comment le château de Versailles est-il devenu un symbole de la culture française, y compris à l’international? Pourquoi peut-on dire qu’il est au coeur d’enjeux économiques majeurs? (notion clé = Muséification / Mécénat)

La valorisation du patrimoine est vecteur de cohésion sociale (défense des patrimoines régionaux par les communautés, mais aussi l’UNESCO) mais aussi d’unité nationale (valorisation du patrimoine national par le biais de promotion auprès de la population, d’actions éducatives, etc. : Versailles devient ainsi dès le XIXème siècle un musée d’histoire de France, inauguré en 1837). Il permet aussi de rayonner et de développer le tourisme : enjeu économique fort.

Versailles occupe une place à part dans le patrimoine français. Louis XIV avait fait du relais de chasse de Louis XIII un véritable écrin permettant de surveiller la cour (en 1649 la haute noblesse parisienne s’était révoltée poussant le jeune Louis à fuir Paris), et de monter au reste de l’Europe la puissance du roi soleil. A la fois ville crée ex-nihilo, château et jardins. Sous la Révolution ce symbole de l’absolutisme est cependant épargné devenant même un musée central des arts.

L’état du château de Versailles nécessite de nombreuses campagnes de restauration au cours du XXe siècle, un décret (Debré) organise le retour à Versailles de tous les objets du château conservés dans des collections publiques nationales. Le château est donc inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco en 1979. Deux pratiques de financement originales furent mises en place à Versailles : La souscription auprès des populations avec par exemple en 1951 la médiatisation de la préservation demandée par André Cornu, secrétaire d’Etat aux Beaux-Arts et sa publicité de la participation financière à un geste patriotique équivalent à un paquet de Gauloises (marque de cigarettes très consommée à l’époque) remporte un énorme succès.

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Le mécénat privé a permis aussi au château de trouver des fonds. Suite à la Première Guerre mondiale le milliardaire John Davison Rockfeller Junior fait un don d’un million de dollars à la France permettant ainsi de restaurer l’Orangerie, les Trianon. Depuis 2003 le mécénat s’est tourné vers les entreprises au travers de l’intervention des marques de luxe telles Cartier, Louis Vuitton, Chanel. Entre 2012 et 2018 les marques de luxe ont apporté près de 20% du mécénat de l’établissement. Ces entreprises y retrouvent un avantage par l’utilisation du domaine pour leur campagne de publicité s’accaparant l’image luxueuse et élitiste de Versailles. En effet, la loi mécénat de 2003 prévoit, que pour chaque don financier, 2% de cette donne soit rétrocédés au donateur sous forme de contrepartie. Par exemple la publicité « J’adore » de Dior mettant en scène l’actrice Charlize Theron dans la galerie des glaces fut mise en scène par le cinéaste Jean-Jacques Annaud.

Cette préservation et cette valorisation ont permis à Versailles de devenir un des lieux touristiques majeur. En 2018 les recettes de la billetterie s’élevaient même à un montant de 62 millions d’euros soit plus de la moitié du financement pour le fonctionnement du château.

Dépassant la barre des 8 millions de touristes, le château est le troisième monument le plus visité derrière le musée du Louvre et Notre Dame de Paris. Versailles est également devenu un espace d’exposition d’artistes contemporains comme les controversés Jeff Koons ou Anish Kappoor dont les oeuvres controversées, car considérées comme étant peu compatibles avec le classicisme versaillais participaient au décorum versaillais. En témoigne l’exposition Dirty Corner en 2015 qui fut exposée dans les jardins du château.

Ainsi les vastes campagnes de réhabilitation et de sauvegarde associée au renforcement de la fonction touristique de Versailles ont participé à la muséification de ce lieu éminemment politique.

II. Le patrimoine un outil idéologique et diplomatique : usages politiques du patrimoine.

Le patrimoine peut être effacé : en Chine, la Révolution culturelle de Mao Zedong, de 1966 à 1968, s’en prend aux traces de la culture traditionnelle chinoise, vue comme rétrograde. Le patrimoine peut générer des conflits de mémoire : en Espagne, le régime de Franco a construit un sanctuaire, le Valle de los Caidos, entre 1942 et 1959. Ce lieu de mémoire pose des problèmes pour la démocratie qui veut se réconcilier avec son passé. Observons les usages politiques du patrimoine à travers deux exemples.

A. Versailles haut-lieu de la vie politique française.

Pourquoi peut-on dire que le musée de Versailles est utilisé comme une « seconde capitale » par les dirigeants politiques français. (notion clé = Congrès)

Comme l’explique l’historien Fabien Opperman (auteur d’une thèse sur l’image et les usages de Versailles au Axe siècle) « le château de Versailles conserve encore au XXe siècle l’image de symbole de la monarchie absolue qui a permis sa construction et son développement au XVIIe XVIIIe siècles ».

Même après la Révolution le palais de Versailles garde une stature politique, notamment sous le règne de Louis Philippe (1830-1848) qui y rénove le château et impose sa marque à travers la célèbre Galerie des Batailles. Des fresques imposantes telles que la représentation de la Bataille de Bouvines de Vernet (bataille marquant la prépondérance de la couronne sur le royaume de France) montre l’unité du peuple autour de la figure du roi. Versailles demeure au XXe siècle, un lieu de pouvoir étatique et gouvernemental ; outre la présence des assemblées parlementaires dans le château au travers des congrès. le Congrès est la réunion des deux chambres du Parlement (Assemblée nationale et Sénat). Il peut être réuni dans trois cas : en vue d’une révision de la Constitution ; pour autoriser l’adhésion d’un État à l’Union européenne ; pour entendre une déclaration du Président de la République. Par exemple le 9 Juillet 2018, le Président Emmanuel

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Macron s’est adressé à 15 h à l’ensemble des députés et sénateurs rassemblés en Congrès à Versailles. Une allocution d’une heure et demie où le Chef de l’État a rappelé les grandes lignes de sa politique économique, sociale et internationale.

Versailles est aussi le palais de la représentation du pouvoir et de la réception des chefs d’État étrangers. De nombreux chefs d’État y ont été invités. En 2017 le premier acte du président Emmanuel Macron fut de recevoir le chef d’État Vladimir Poutine à Versailles. C’est dans ce lieu que le président français a fait preuve d’autorité mais aussi de sérénité face à son homologue russe.

Le soin des mots du président français sur des sujets sensibles tels que la critique des médias pro- russe en France, ou la question syrienne, associé à la stature du lieu ont marqué la presse internationale.

Versailles n’est pas un lieu important uniquement pour la France. L’Allemagne unifiée en 1871 est née à Versailles. Suite à la guerre opposant la France à la Prusse le roi de Prusse Guillaume est proclamé empereur dans la galerie des glaces, le lieu symbolique de la puissance de l’adversaire vaincu (l’empire napoléonien est abolit). Le tableau d’Anton von Werner immortalise cette consécration de la figure de Bissmarck (vêtu de blanc) acteur de l’unification de l’Allemagne. Après la Première Guerre mondiale la plus importante des conférences internationales, le Traité de Versailles fut signé le 28 juin 1919 (5 an jour pour jour après le déclenchement du conflit) dans la même Galerie des glaces. Cet endroit fut imposé par la France en signe de revanche face à l’Allemagne vaincue. Le tableau de William Orpen est d’ailleurs devenu une « icône de l’événement ». On y trouve les représentants allemands penchés de dos signant sous le regard froid les représentants des pays vainqueurs alignés tel un jury d’examen.

B. Patrimoine et totalitarisme

Quel rapports ambivalents les totalitarisme nouent-ils avec le patrimoine ?

L’Europe du XXe siècle fut particulièrement marquée par les idéologies des régimes totalitaires (fascistes, nazis et communistes). Ces régimes ont fondé de nouvelles villes et en ont reconstruit d’autres, souvent en utilisant les projets les plus avancés en design architectural et urbain disponible à leur époque. Cependant certains régimes peuvent aussi détruire le patrimoine pne faisant pas partie de leur idéologie comme en atteste les destructions commises par l’idéologie islamiste envers les sites préislamiques.

Le projet totalitaire s’incarne dans une vision de l’espace urbain et architectural. En effet, le patrimoine peut être utilisé comme un moyen de légitimer une politique, comme en atteste l’obsession de l’Italie fasciste pour la gloire antique de Rome. Benito Mussolini engagea une campagne de réhabilitation de la ville de Rome par des destructions de bâtisses populaires cernant les monuments antiques, et par la construction d’une place centrale (piazza Augusto imperatore) incarnant la synthèse du catholicisme, de l’Antiquité et du fascisme. L’objectif derrière ce programme était de présenter Mussolini comme le nouveau Auguste. Le palais Littorio synthétise à lui seul ce modèle de retour à l’Antique associé à la vision moderne architecturale. En effet le bâtiment rappelle la structure du Colisée avec ses étages de voutes. Cette obsession du Duce pour l’architecture allait même au delà de l’Italie.

Renouant avec l’Antiquité le Duce véhiculait à la fois un message de dictateur ayant tout pouvoir ainsi qu’un message de conquérant à l’instar des empereurs d’antan. En effet, l’Italie souhaitait développer son empire colonial en Afrique. La volonté de coloniser l’Ethiopie à partir de l’Érythrée témoigne de cette volonté expansionniste. Les fascistes misèrent beaucoup sur la capitale Érythréenne Asmara en recréant la vision d’une ville européenne emprunte de modernité. Dans les années 30 la ville est même devenue un lieu d’expérimentation pour les architectes comme en témoigne la station service futuriste en forme d’avion. Les régimes totalitaires ont donc une appétence pour l’architecture et une urbanisation reflétant une volonté politique. L’acte créatif peut

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être aussi supplanté par l’acte destructif afin de passer un message auprès des autres nations. Si les régimes totalitaires souhaitaient montrer que leur modèle était le bon le totalitarisme ayant pour idéologie l’islamisme aujourd’hui mise plus sur la terreur et la destruction afin de marquer son emprunte dans l’histoire.

Le terrorisme étant une action violente ayant pour but de provoquer la terreur. Il trouva chez les islamistes de Daech une résonance particulière notamment dans le traitement du patrimoine. En effet, ces derniers afin de choquer le monde occidental décidèrent de s’attaquer aux symboles commun de l’humanité que sont les sites classés et les objets exposés dans les musées. Ils diffusèrent les destructions sur les réseaux sociaux afin que la violence de leur acte trouve un écho dans le monde occidental. Choquant une grande partie de la population mais aussi suscitant une fascination morbide pour la mise en scène. En témoigne l’utilisation du site de Palmyre comme lieu d’exécution et de destruction de son patrimoine. Cette mise en scène des destructions notamment dans le musée de Mossoul à l’aide de marteau piqueur et de masses avaient avant tout pour but de séduire des jeunes en mal de violence. Ainsi la destruction du patrimoine peut aussi être un acte politique à travers sa mise en scène.

III. Le patrimoine en débat

A. Un conflit de patrimoine : les frises du Parthénon depuis le XIXe siècle.

Jalon 2 : Conflits de patrimoine : les frises du Parthénon depuis le XIXe siècle.

Pourquoi les frises du Parthénon sont-elles un objet patrimonial contesté depuis le début du XIXe siècle?

(notion clé = Spoliation)

Les frises du Parthénon sont un symbole d’une identité collective commune liée à l’histoire antique. Au Ve siècle avant notre ère le stratège Périclès lançait la construction du temple dédié à Athéna. Sur ce temple figurait la représentation de la procession des Panathénées réalisée par Phidias entre 442 et 438 avant notre ère (une fête civique célébrant la déesse protectrice de la cité et symbolisant l’unité de la cté athénienne). Cette frise représentait donc le panhellénisme autour de la religion (ce qui était commun à tous les Grecs). 2500 plus tard ces frises font toujours autant parler d’elle notamment autour de la controverse de leur restitution. En effet, entre 1801 et 1805 les frises ont été prélevés par les Britanniques sous la direction de l’ambassadeur du Royaume Uni auprès de l’Empire Ottoman (qui possédait le territoire grecque à la fin du XIXe siècle), Lord Elgin.

Aujourd’hui ces frises sont conservées au British Museum de Londres et suscitent des revendications venant de la Grèce qui reviennent régulièrement dans la diplomatie européenne.

Dès la fin des années 80 les autorités grecques militent pour le retour des frises et s’exposent au refus des autorités britanniques. A travers la figure de Melina Mercouri ministre de la culture et son discours en juin 1986 face à la société de l’Oxford Union (association mondialement célèbre pour ses invités prestigieux qui viennent discourir auprès des étudiants de l’université d’Oxford).

Cette dernière militait pour le retour des marbres en disant que ces derniers avait été spoliés par les Britanniques profitant de la domination turque. Celle-ci rappelait que les marbres étaient le symbole de l’identité grecque et l’image aussi de l’unité d’un peuple autour de valeurs communes.

Les Britanniques usèrent aussi de l’argument environnemental montrant que le musée britannique était le mieux à même de protéger les frises mais les Grecs répondirent à cela en 2009 à travers l‘ouverture d’un musée national au pied de l’acropole d’Athènes. Une salle spéciale a même été élaborée spécialement pour le retour des frises montrant la volonté des grecs de récupérer ces frises. Mais les Britanniques refusent encore catégoriquement le retour des frises. En 2019 la polémique autour de ce sujet a même fait un bon en avant au travers des propos polémique du directeur du musée anglais H. Fitscher parlant « d’acte créatif » pour parler de l’exposition des frises d’Elgin dans le musée londonien et justifier ainsi la conservation de ces objets d’art par les

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Britanniques. Ce débat prend aussi une tournure géopolitique à travers le soutien à la Grèce du président chinois Xi Jipping auprès des Grecs pour la restitution de ces oeuvres en 2019.

Ainsi le débat autour de ces frises n’a pas fini de faire parler de lui. Les Grecs mettant en avant une spoliation de leur patrimoine et les Britanniques mettant en avant le fait que les oeuvres avaient été léguées légalement. Les propos du Premier ministre britannique B. Johnson le 12 mars 2021 rappelle ce point et ce deux semaines avant le bicentenaire de l’indépendance de la Grèce. Le Premier ministre Kyriakos Mitsotakis avait officiellement demandé le prêt des frises du Parthénon à cette occasion.

B. La question de la restitution des oeuvres d’art.

Quels enjeux sont soulevés par la question des oeuvres d’art aux États africains? (notion clé = Translocation patrimoniale)

Dès l’investiture du président de la République Emmanuel Macron la question des oeuvres d’art africaine fut mise en avant. Lors de son discours à Ouagadougou (capitale du Burkina Faso) le président faisait de la restitution des œuvres d’art africaine la priorité de son mandat : « Je veux que d’ici cinq ans les conditions soient réunies pour des restitutions temporaires ou définitives du patrimoine africain en Afrique ». C’était alors la première fois qu’un président de la République française prenait position sur la question des œuvres africaines conservées dans les musées français depuis la colonisation. La position marque une rupture avec celle défendue jusqu’alors : les collections nationales sont inaliénables et aucune restitution n’est donc possible. Ce point trouve son origine dans l’édit de Moulins datant de 1566 portant sur le principe d’inaliénabilité des biens acquis par le royaume de France. Tout objet ou territoire acquis par l’Etat était donc soumis à ce principe qui intégrer pour la postérité la conservation des biens acquis.

Depuis 2006 la question revient régulièrement au devant de l’actualité notamment en 2016 au travers du musée Quai Branly rebaptisé Jacques Chirac en hommage aux efforts déployés par l’ex-président dans la création de ce musée. Ce musée qui se consacre en priorité à l’art africain et asiatique. Ce musée recèle près de 70 000 oeuvres venus d’Afrique Subsaharienne et suscite donc la critique des spécialistes de l’art qui accuse le musée de véhiculer un néocolonialisme. En effet, le problème de l’acquisition de ces biens se pose au travers de la question de translocation patrimoniale, phénomène d’appropriation d‘éléments et d’oeuvre d’art aux dépends d’un plus faible. L’ère coloniale a vu par le biais d’une relation dominant/dominé la privation des biens culturels aux pays assujettis par la métropole française. Ainsi les spécialistes parlent donc de spoliation de ces biens durant la période coloniale. Il fallait donc en mesurer l’étendue de cette spoliation. En Novembre 2018 un rapport est publié sous le nom de rapport Sarr-Savoy (du nom des du philosophe et économiste sénégalais Felwine Sarr et de l’historienne de l’art française Bénédicte Savoy). Ce rapport démontre que la France s’est approprié illégalement près de 90 000 objets d’art venant d’Afrique subsaharienne. La réaction face à ce rapport n’est pas passé auprès de certains cercles. Par exemple le directeur du musée du Quai Branly a brandi l’argument que la restitution des oeuvres « allait vider les musées européens », le ministre de la culture ainsi que les académiciens des Beaux arts ont quant à eux préféré parler de circulation des oeuvres sous la forme de prêts. Mais le rapport lui même concluait qu’il ne pouvait y avoir de négociations et qu’il fallait simplement rendre les oeuvres d’art au pays spoliés.

Cette question de la prise de conscience du débat sur la restitution des objets d’art un pris un nouveau tournant en 2020 notamment au travers du militantisme de certains groupes. Par exemple l’activiste panafricain Mwazulu Diyabanza avait en juin 2020 avait réalisé un coup médiatique au Quai Branly en tentant de subtilisé un poteau funéraire provenant du Tchad et diffusé sur les

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réseaux sociaux les revendications derrières ce geste. Ce dernier donnait l’argument suivant : « J’ai dû acheter un billet avec mon argent pour voir des choses qui ont été volées, un patrimoine qui appartient au continent d’où je viens » pour montrer l’absurdité de la situation. Une loi fut même promulguée afin de permettre la restitution de ces objets d’art le 25 démembre 2020 dérogeant ainsi au fameux principe d’inaliénabilité du patrimoine. Cette loi permettait la restitution des statues mettant en scène la cérémonie Ato au sein du royaume de Dahomey (actuel Bénin) ainsi que la restitution du sabre avec fourreau dit d'El Hadj Omar Tall au Sénégal.

Conclusion de l’axe

Qu’il soit matériel ou immatériel le patrimoine joue un rôle central dans la constructions des identités sociales et politiques. Le patrimoine relève d’une dimension affective et identitaire forte. L’identité est bien au centre du processus de patrimonialisation.

Au cœur de l’action de plusieurs acteurs à différentes échelles le patrimoine est exploité, instrumentalisé et devient une ressource comme nous l’avons vu pour Versailles.

L’appropriation engendre aussi des conflits d’usage à toutes les échelles et des enjeux géopolitiques du fait de revendications territoriales ou politiques comme en témoigne le conflit israélo-palestinien au Moyen-Orient, ou de spoliations à travers les frises du Parthénon. Enfin le patrimoine est aussi un enjeu de mémoire, la controverse sur la question des oeuvres d’art africaine en est la preuve même.

A travers les usages ce sont des enjeux de mémoire et d’image véhiculées qui sont au coeur des relations. On peut voir aussi que la préservation du patrimoine est source d’enjeu mobilisant tout autant d’acteurs et étant sources d’enjeux similaires.

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