• Aucun résultat trouvé

L'émergence de la littératie : soutien à la famille

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "L'émergence de la littératie : soutien à la famille"

Copied!
257
0
0

Texte intégral

(1)

L'EMERGENCE DE LA LITTERATIE

SOUTIEN À LA FAMILLE

Mémoire présenté

à la Faculté des études supérieures de l'Université Laval

dans le cadre du programme de maîtrise en psychopédagogie

(mention adaptation scolaire)

pour l'obtention du grade de maître es arts (M.A.)

DEPARTEMENT D'ETUDES SUR L'ENSEIGNEMENT ET L'APPRENTISSAGE

FACULTÉ D'ÉDUCATION

UNIVERSITÉ LAVAL

QUÉBEC

2010

(2)

Inscrite dans le champ de l'émergence de la littératie, cette étude vise à démontrer

comment le soutien à la famille quant à l'exploitation quotidienne de la littérature

d'enfance peut être en relation avec le niveau de développement de la structure de

récit des enfants de trois ans. Dans cette optique, deux objectifs spécifiques sont

poursuivis.

- Le premier : promouvoir un modèle d'intervention de lecture interactive dans lequel

la discussion et les échanges entre l'enfant et son parent sont présents.

- Le deuxième : mesurer l'évolution du niveau de structuration du récit dans un

contexte de lecture interactive, de jeunes enfants âgés de trois ans, en se référant à

un groupe témoin d'enfants du même âge qui ne sont pas exposés

systématiquement à ce modèle d'intervention.

Pour ce faire, cette recherche présente une étude qualitative et descriptive qui met

en relief les niveaux initiaux et finaux de dix enfants, et ce, dans le but d'évaluer

l'efficacité de l'intervention parentale en fonction de l'évolution des enfants. Au

début de l'étude, les enfants étaient âgés de 3; 1:27 ans et à la fin de l'étude, de

3; 6:9 ans.

1

Les résultats obtenus suggèrent une relation positive entre les habiletés des

enfants à construire un rappel de récit et l'exposition de ces derniers à un modèle

de lecture interactive dans lequel la discussion et les échanges sont valorisés et

soutenus par les parents. Ainsi, le modèle de lecture interactive proposé semble

permettre le développement des habiletés à inférer inhérentes aux macroprocessus

qui servent la construction de sens en lecture.

(3)

Ce constat incite à porter une attention particulière au soutien à apporter aux

familles dans le cadre de divers programmes de prévention et de sensibilisation en

regard de la lecture pour les enfants d'âge préscolaire.

(4)

AVANT-PROPOS

Il y a déjà quelques années, j'ai débuté des études de second cycle universitaire.

Mon objectif était d'aller au bout de moi-même, de poursuivre mes apprentissages

aux niveaux professionnels et personnels et d'accomplir ce que je trouvais

admirable. Mon parcours riche en diversité et en expérience, m'a apporté plus que

je ne le croyais. Il a confirmé ma soif d'apprendre et mon désir d'améliorer les

chances de réussite de certains enfants. Toutefois, j'étais loin de me douter à quel

point ce projet allait devenir un exercice de patience, de motivation, de

détermination et d'endurance. Au fil des jours, j'ai appris à rechercher l'équilibre et à

concilier, famille, travail, recherche, lecture, écriture et loisirs. Au gré des sessions,

j'ai développé des méthodes de travail, des outils de recherches et j'ai lu des

auteurs qui demeureront à tout jamais, des ressources inestimables dans ma vie

tant professionnelle que personnelle.

Dans la complexité du quotidien, ce travail, qui me tenait tant à cœur, a été rendu

possible grâce à la compréhension, à l'aide, et aux conseils de nombreuses

personnes.

Tout d'abord, je tiens à remercier ma directrice de recherche madame Hélène

Makdissi, qui a travaillé avec moi tout au long de cette aventure de recherche. Elle,

est une source d'inspiration et de motivation. Elle est une enseignante de choix, un

guide hors pair, et une femme extraordinaire. Je tiens à la remercier pour son

appui, son écoute, sa compréhension et sa gentillesse. Elle demeure pour moi une

personne de confiance et une aide incroyable. Merci aussi à ma codirectrice,

Pauline Sirois, ainsi qu'à ma correctrice externe Andrée Boisclair pour leur temps et

leurs précieux conseils.

Je tiens aussi à remercier les enfants et leurs parents qui ont participé

volontairement à mon projet et qui ont contribué à la réalisation de cette étude.

Merci pour leur assiduité, leur confiance et leur engagement. Merci d'avoir cru en

(5)

Un remerciement tout spécial à Madeleine, une tante, une amie et un mentor.

Madeleine est pour moi un grand modèle de sagesse et de réalisation

professionnelle. Elle est dévouée et aidante. Madeleine a offert aux enfants plus de

vingt-cinq ans d'expérience et d'amour. Tout au long de mon projet, elle m'a lue,

corrigée et aidée à réaliser mon mémoire de recherche. Madeleine fut une aide

inestimable. Merci Mado! Un merci tout spécial à Éric pour toutes ces précieuses et

nombreuses heures que tu m'as offertes ainsi que pour tout le soutien à la mise en

page.

Dans un même ordre d'idées, merci à mon conjoint Alexandre qui a fait de mon

projet «notre projet». Merci pour ta patience, ta tolérance et ton accompagnement

tout au long de ce projet. Alexandre m'a offert une chance merveilleuse, et ce, par

son appui, son aide et son amour.

Merci aussi à mes parents Claude et Denise qui m'ont offert un modèle où

l'instruction est une valeur de premier ordre. Merci pour vos encouragements, votre

écoute et votre aide précieuse. Merci à maman pour toutes ces heures de

traitement de texte passées pour mon travail et merci pour ton implication dans la

réalisation de mon rêve. Merci à papa pour ton écoute, pour le modèle de

persévérance et les conseils que tu m'as offerts.

Mille et une fois merci à tous ceux qui m'ont appuyée et qui m'ont aidée. Merci

Marie-Judith pour ton aide. Merci à Mélanie et Marie-Renée, deux copines

extrêmement généreuses et dévouées qui m'ont supportée, qui m'ont écoutée et

qui m'ont facilité la tâche tout au long du projet en prenant en charge des détails qui

ont permis de faire une belle différence dans la gestion du projet.

(6)

Finalement, je tiens aussi à souligner la contribution du Fonds québécois de recherche

sur la société et la culture (FQRSC) qui, par l'intermédiaire du projet intitulé : La

construction du récit chez le jeune enfant âgé entre 2 et 3 ans en situation de lecture

interactive avec sa mère (numéro de projet 120735), a permis le financement de la

sélection des titres de la littérature d'enfance et de la constitution de pochettes de

lecture qui ont circulé dans les familles participantes et qui continuent, au-delà de la

recherche à «circuler» dans d'autres familles de la communauté.

(7)

TABLE DES MATIÈRES

RÉSUMÉ ii

AVANT-PROPOS iv

LISTE DES FIGURES ET DES TABLEAUX xii

INTRODUCTION 1

CHAPITRE 1 3

1 CADRE THÉORIQUE 4

1.1 L'acte de lire 4

1.1.1 La décontextualisation 5

1.1.2 L'acte de lire chez l'enfant d'âge préscolaire 6

1.1.3 La capacité de construire des inferences 10

1.1.4 Les inferences de types lexical et pronominal 10

1.1.5 Les inferences de type causal 12

1.2 Le récit 17

1.2.1 Qu'est-ce que le récit 17

1.2.2 Le développement du schéma de récit chez l'enfant 20

1.3 Le contexte de lecture interactive 22

1.3.1 Qu'est-ce que la lecture interactive 22

1.3.2 Les pratiques variées; influences culturelles pour divers milieux 27

CHAPITRE 2 29

2 MÉTHODOLOGIE 30

2.1 Les sujets: 30

2.1.1 Le propos d'ensemble 30

2.1.2 La description des sujets 31

2.1.3 Tableau synthèse 35

(8)

2.2.1 Les mesures en deux temps : initiales et finales 38

2.2.2 Le choix du récit 38

2.2.3 Le déroulement 40

2.2.4 L'analyse 41

2.3 Les interventions 42

2.3.1 Les pochettes de lectures 42

2.3.1.1 La constitution et la gestion des pochettes 42

2.3.1.2 Tableau des types de questions présentes dans les récits

contenus à l'intérieur des pochettes et leur fréquence pendant le projet 43

2.3.2 Les séminaires deformation 45

2.3.3 Les mesures intermédiaires 46

2.3.3.1 Les mesures de fréquences pendant les vingt semaines de projet 46

2.3.3.2 La vidéo parent/enfant en lecture interactive: mesure de

soutien ponctuelle 46

2.3.3.3 Les mesures de fréquences après deux, quatre et six mois

de la fin du projet 47

CHAPITRE 3 48

3 RÉSULTATS ET ANALYSES 49

3.1 Les mesures initiales et les mesures finales en utilisant le rappel

de récit comme mesure comparative 49

3.1.1 Les rappels de récit de Marie 49

3.1.2 Les rappels de récit de Lili 52

3.1.3 Les rappels de récit d'Alexandre 55

3.1.4 Les rappels de récit de Sarina 58

3.1.5 Les rappels de récit d'Eddy 60

3.1.6 Les rappels de récit de Rose 63

3.1.7 Les rappels de récit de Mathias 65

3.1.8 Les rappels de récit de Mathieu 67

3.1.9 Les rappels de récit de Julie 70

3.1.10 Les rappels de récit de Thomas 72

3.1.11 La comparaison des résultats des groupes expérimental et témoin 75

3.2 Les résultats et les analyses par rapport à l'intervention parentale 78

3.2.1 Les types de questions posées par les parents en cours

(9)

3.2.2 La fréquence des lectures interactives en cours de projet

pour le groupe expérimental 81 3.2.3 Commentaires généraux recueillis à la suite des séminaires

et des appels téléphoniques 86

3.3 Les pratiques de lecture interactive une fois le projet terminé 87

CHAPITRE 4 90

4 DISCUSSION 91

4.1 Le développement du schéma de récit 91 4.2 Le modèle de lecture interactive 93 4.3 Fréquences de lectures interactives 94

CONCLUSION 96

BIBLIOGRAPHIE 98

Bibliographie de la sélection de littérature d'enfance 102

ANNEXE A: 104

Les verbatim initiaux et finaux de chacun des enfants 104

1.1 Verbatim initial de Marie: 105 1.2 Verbatim final de Marie: 105 2.1 Verbatim initial de Lili: 108 2.2 Verbatim final de Lili: 113 3.1 Verbatim initial d'Alexandre: 117

3.2 Verbatim final d'Alexandre 121 4.1 Verbatim initial de Sarina 125 4.2 Verbatim final Sarina 130 5.1 Verbatim initial d'Eddy 134 5.2 Verbatim final d'Eddy 138 6.1 Verbatim initial de Rose 141 6.2 Verbatim final de Rose 145 7.1 Verbatim initial de Mathias 148 7.2 Verbatim final de Mathias 153 8.1 Verbatim initial de Mathieu 156 8.2 Verbatim final de Mathieu 162 9.1 Verbatim initial de Julie 165 9.2 Verbatim final de Julie 171 10.1 Verbatim initial de Thomas 174 10.2 Verbatim final de Thomas 180

(10)

1.1 Camille et ses amis 185 1.2 Les questions proposées pour le récit Camille et ses amis 186

2.1 Cher ours polaire 187 2.2 Les questions proposées pour le récit Cher ours polaire 189

3.1 Le chevalier Fredoux 191 3.2 Questions proposées pour le récit Le chevalier Fredoux 193

4.1 Comment je suis devenu pirate 194 4.2 Questions proposées pour le récit Comment je suis devenu pirate 196

5.1 Je t'aimerai toujours 197 5.2 Questions proposées pour le récit Je t'aimerai toujours 199

6.1 La fée des bonbons 200 6.2 Questions proposées pour le récit La fée des bonbons 202

7.1 La grenouille qui avait une grande bouche 203 7.2 Questions proposées pour le récit La grenouille qui avait une grande bouche ....203

8.1 La nuit des pirates 204 8.2 Questions proposées pour le récit La nuit des pirates 205

9.1 La petite princesse et le prince 206 9.2 Questions proposées pour le récit La petite princesse et le prince 208

10.1 La petite sœur 209 10.2 Questions proposées pour le récit La petite soeur 210

11.1 Le camion de Léon 211 11.2 Questions proposées pour le récit Le camion de Léon 211

12.1 Le cornichonnet Gaffeur 212 12.2 Questions proposées pour le récit Le cornichonnet Gaffeur. 215

13.1 Petit agneau 216 13.2 Questions proposées pour le récit Petit agneau 217

14.1 Le vilain petit canard 218 14.2 Questions proposées pour le récit Le vilain petit canard 219

15.1 Les enfants de la rivière 221 15.2 Questions proposées pour le récit Les enfants de la rivière 223

16.1 Les pompiers 224 16.2 Questions proposées pour le récit Les pompiers 225

17.1 Ourson des neiges 226 17.2 Questions proposées pour le récit Ourson des neiges 228

18.1 Trois petits cochons 229 18.2 Questions proposées pour le récit Trois petits cochons 232

19.1 Tu es trop petit 233 19.2 Questions proposées pour le récit Tu es trop petit 235

20.1 Ursule la libellule 236 20.2 Questions proposées pour le récit Ursule la libellule 237

(11)

1.1 Contenu de la pochette 1 239

2.1 Contenu de la pochette 2 239

3.1 Contenu de la pochette 3 239

4.1 Contenu de la pochette 4 239

5.1 Contenu de la pochette 5 240

6.1 Contenu de la pochette 6 240

7.1 Contenu de la pochette 7 240

8.1 Contenu de la pochette 8 240

9.1 Contenu de la pochette 9 241

10.1 Contenu de la pochette 10 241

ANNEXED 242

1.1 Grille d'identification du niveau de structuration du récit chez l'enfant 243

(12)

LISTE DES FIGURES ET DES TABLEAUX

Figure 1: L'acte de lire chez l'enfant d'âge préscolaire 7

Figure 2: Taxonomie des inferences 14

Figure 3: La structure du récit 18

Figure 4: Niveaux de rappel de récit en fonction des enfants

selon la fréquence de lecture 75

Figure 5: Comparaison des groupes expérimental et témoin en fonction

des niveaux de rappel de récit 78

Figure 6: Pourcentage des types de question en fonction des enfants 80

Tableau 1: Synthèse des informations concernant les enfants

du groupe expérimental 36

Tableau 2: Synthèse des informations concernant les enfants du

groupe témoin 37

Tableau 3: Types de questions posées leur fréquences 44

Tableau 4: Les niveaux de structuration des rappels de récit de Marie 52

Tableau 5: Les niveaux de structuration des rappels de récit de Lili 55

Tableau 6: Les niveaux de structuration des rappesl de récit d'Alexandre 58

Tableau 7: Les niveaux de structuration des rappels de récit de Sarina 60

Tableau 8: Les niveaux de structuration des rappels de récit d'Eddy 62

Tableau 9 : Les niveaux de structuration des rappels de récit de Rose 64

Tableau 10: Les niveaux de structuration des rappels de récit de Mathias 67

Tableau 11 : Les niveaux de structuration des rappels de récit de Mathieu 69

Tableau 12 : Les niveaux de structuration des rappels de récit de Julie 71

(13)

Tableau 13 : Les niveaux de structuration des rappels de récit de Thomas 73

Tableau 14 : Comparaison des résultats des groupes expérimental et témoin

pour les rappels de récit sans images 76

Tableau 15 : Fréquence des lectures interactives effectuées par semaine par les

dyadesparent/enfant 82

Tableau 16 : Écart entre les rappels initiaux et finaux en fonction

de la fréquence de la lecture 84

Tableau 17 : Fréquence des lectures interactives effectuées par semaine par les

(14)

Dans notre société, la lecture est le véhicule privilégié pour accéder à l'information, pour

communiquer et pour transmettre ou acquérir des connaissances. Pour cette raison, la

lecture peut être considérée comme un acte social. Cet acte littéraire social s'amorce

très tôt dans la petite enfance. D'ailleurs, les premières études portant sur la lecture

faite aux enfants, avant l'entrée à l'école, ont mis en évidence l'existence de corrélation

positive entre cette activité et des variables comme le vocabulaire, la connaissance des

caractéristiques du langage écrit, le développement du langage, la motivation à lire et le

développement conceptuel des enfants (Chomsky, 1972; Clark, 1976; Elley 1989; tiré

de Giasson et Boisclair 1997). En effet, par l'intermédiaire de la lecture, les enfants

d'âge préscolaire sont exposés à certains concepts comme ceux de temps (séquence,

chronologie, ordre des événements dans le récit), d'espace (lieux, positions) et de

certains concepts mathématiques (plus, moins, autant, premier, dernier, etc..) qui

seront nécessaires aux apprentissages scolaires.

Depuis les vingt dernières années, les courants de recherche sur l'émergence de la

littératie suggèrent que l'enfant débute l'apprentissage du langage écrit bien avant son

entrée formelle en milieu scolaire car, effectivement, la littératie repose sur des

fondements tel la construction de sens. Ainsi, bien avant d'entrer à l'école, l'enfant

d'âge préscolaire, qui est en contact avec les livres, est en constante construction de

sens du langage écrit qui lui est présenté par un adulte lecteur. La compréhension n'est

pas uniquement la transposition du texte lu par l'adulte à l'attention de l'enfant, mais la

construction constante et évolutive de sens que l'enfant se bâtit en cours et après la

lecture. En effet, ce courant de pensée qui met en relief l'importance de la

complexification du discours oral de l'enfant s'approchant de celui des livres est

amplement documenté dans la littérature scientifique (Sulzby, 1991; Giasson, 1990).

Dans cette perspective, le présent mémoire exposera dans le premier chapitre les

assises scientifiques sur lesquelles reposent les objectifs de l'étude. Par la suite, la

(15)

réalisées auprès des enfants et de leurs parents. Dans un même ordre d'idées, les

chapitres trois et quatre présenteront les résultats obtenus, les analyses et une

discussion.

(16)
(17)

La littératie peut se définir d'une part, comme l'interprétation construite par le lecteur du discours écrit qui oblige la construction de sens par la compréhension des intentions et des motivations des personnages fictifs ainsi que du contexte dans lequel ils évoluent et, d'autre part, comme la transmission différée d'un message porteur de sens à un interlocuteur absent. En outre, de nombreuses études, telles celles de Ferreiro et Teberosky (1979) révèlent que les enfants développent un comportement littératie avant leur entrée en milieu scolaire. De plus, selon la déclaration de Persépolis de l'UNESCO (1975), Blanchet (2004) nous rapporte que la littératie contribue au bien-être personnel. Par conséquent, la littératie va bien au delà des habiletés conventionnées de lecture et d'écriture reposant sur la correspondance entre les lettres et les sons, ou sur ce qui est communément nommé la correspondance graphophonémique. La littératie offre des manières de penser, de parler, d'écrire, de lire et d'évaluer le monde qui reflètent la façon d'agir des enfants (Masny, 2005). Ainsi, lire permet la construction des savoirs et l'ouverture sur le monde, donnant ainsi un pouvoir tant individuel que social.

1.1 L'acte de lire

Pour lire, plusieurs auteurs font état de la nécessité de maîtriser un code alphabétique (Ehri, 2002; Giasson, 2003) impliquant des habiletés de conscience phonologique, de décodage (correspondance graphophonémique) et de la reconnaissance globale des mots. Cependant, l'acte de lire, ne se résume pas à cette seule maîtrise du code alphabétique. Plus que de retenir certains mots de vocabulaire écrits ou de s'assurer d'avoir reconnu ou décodé chacun des mots successivement, le lecteur qui cherche à comprendre le message, message communiqué en différé par l'auteur, devra surtout atteindre l'objectif de pouvoir interpréter le discours écrit décontextualisé auquel il est exposé (Ricoeur, 1995/1998; Makdissi, Boisclair, Bergeron-Blais, Sanchez et Darveau, 2010).

Pour accéder à l'interprétation d'un discours décontextualisé, l'enfant doit progressivement complexifier ses représentations des discours oraux et écrits en

(18)

semble important, avant de poursuivre sur la construction de sens qu'est l'acte de lire,

de bien comprendre et saisir les principes sous-jacents à la décontextualisation que

présente le langage écrit.

1.1.1 La décontextualisation

Dans la communication orale, la décontextualisation s'observe entre des personnes qui

ne partagent pas au départ, les mêmes informations. Le message doit alors être

explicite et ne peut compter que sur des mots pour transmettre l'information, décrire ou

pour raconter des expériences. Cette décontextualisation a cours puisque les

événements ne sont pas enracinés dans un contexte immédiat temporel, spatial ou

situationnel partagé par les interlocuteurs. Par exemple, un enfant qui raconte à sa

sœur une sortie éducative effectuée à la garderie alors que cette dernière n'était pas

présente, ou encore, un enfant de trois ans qui décrit son nouveau camion au téléphone

à sa grand-mère, ont recours à un discours décontextualisé.

Afin de favoriser cette appropriation qu'est la décontextualisation du discours et le

développement normal du langage des enfants, l'adulte peut exposer l'enfant d'âge

préscolaire à un environnement riche en histoires. La création d'un tel climat valorise et

favorise la complexification du discours décontextualisé et donc, l'émergence de la

littératie, définie comme étant l'interprétation par le lecteur du discours écrit qui oblige la

construction de sens. Ceci correspond à une période spécifique du développement de

l'enfant que Sulzby (1996) repris par Makdissi et Boisclair (2004a, 2004b), nomme la

période d' « oracy ». Pendant cette période, l'enfant commence à vouloir «raconter». Il

raconte des histoires qu'il invente, qu'il a écoutées ou qu'il a entendu lire par un pair ou

par un adulte. Il décrit et élabore sur ce qu'il entend ou voit à la télévision ou dans les

livres. En fait, il se prépare graduellement à devenir lecteur. Pour paraphraser Boisclair

et Makdissi (2004), il est un «apprenti-lecteur». Au fil du temps, il sera capable de

raconter et de discourir comme un livre d'histoire. En effet, selon ces auteures, entre le

moment où il apprend à parler et le moment où il commence à lire, l'enfant modifie peu

(19)

Comme le propose Giasson (1995), à l'oral, les interlocuteurs bénéficient d'une

interaction leur permettant de poser des questions, de réparer les bris de

communication, de demander des clarifications ou des précisions offrant ainsi une

communication efficace et avec moins de risques d'ambiguïtés. De plus, dans un tel

contexte, il est possible aux interlocuteurs de s'adapter l'un à l'autre et de choisir un

niveau de communication adéquat. Enfin, lorsque les interlocuteurs partagent le même

espace en même temps, ils possèdent les mêmes références sur des termes comme

hier, le mois dernier, il y a quelques minutes, etc., qui sont employés en cours de

dialogue.

Or, à l'écrit, Giasson (1995) relate que les règles qui régissent la construction de

phrases, ainsi que l'intention de communiquer, sont distinctes de celles de l'oral. Par

exemple, pour un lecteur, il est impossible d'obtenir un éclaircissement du scripteur

lorsqu'il lit les propos de ce dernier. De plus, le texte est écrit pour un public en général

ne permettant pas ainsi de tenir compte des besoins, des intérêts et des connaissances

d'un lecteur particulier. Enfin, lorsque le lecteur lit, il doit interpréter les termes tels :

hier, le mois dernier, il y a quelques minutes, etc., en fonction de la situation d'écriture.

Finalement, le lecteur doit obligatoirement se faire une représentation mentale des

personnages, des lieux et des événements du texte. Le lecteur doit donc

recontextualiser le discours écrit, et ce, dans le but de construire un sens, d'élaborer sa

compréhension.

1.1.2 L'acte de lire chez l'enfant d'âge préscolaire

Sulzby présente la période d' « oracy » comme une étape du développement de l'enfant

où celui-ci s'adapte à la décontextualisation du discours. Lorsque l'adulte fait la lecture

d'un récit à l'enfant d'âge préscolaire, ce dernier construit sa compréhension en

recontextualisant les éléments du discours élaborant ainsi la toile de fond de l'histoire.

(20)

construit lorsqu'en cours de lecture, l'enfant anticipe les événements, résout certaines

ambiguïtés, confirme ou infirme ses hypothèses et élabore sa compréhension

personnelle du message qui lui permettra par la suite d'accéder aux unités telles la

phrase, le mot ou la syllabe. Cette vision "top down" a été amplement initiée par

Goodman (tiré de Giasson, 2003). Contrairement au modèle « bottom-up » soutenu par

plusieurs auteurs (voir Kintsch, 2005), qui réfère à une élaboration de sens à partir des

microprocessus, c'est-à-dire la reconnaissance des mots, des phrases pour permettre

une construction intégrée et située du discours, le modèle « top-down » correspond

davantage au processus utilisé par un jeune d'âge préscolaire n'ayant pas encore

accès aux microprocessus mais qui construit du sens à partir d'un texte qui lui est lu. La

figure 1 illustre ce modèle.

Acte de lire : la construction de sens

chez l'enfant d'âge préscolaire

î I

Macroprocessus

■*"; Microprocessus j

I

i

Inferences lexicales

et pronominales Inferences causales

i < i r I L Connaissances

sur le monde Imagerie mentale

Processus d'élaboration

Fig. 1 : L'acte de lire chez l'enfant d'âge préscolaire

Inspiré de Irwin (2007) ; Giasson (1995)

Cette représentation de l'acte de lire met en relief que la construction de sens repose

sur l'ensemble des macroprocessus utilisés dans l'acte de lire. Le lecteur (ici, un enfant

d'âge préscolaire à qui l'adulte fait la lecture) infère les liens causaux qui sont le

squelette du récit ainsi que le sens qu'il attribue au lexique, aux pronoms, aux

connecteurs, etc (inference lexicale-pronominale). En fait, par de multiples interactions

(21)

avec les livres, l'enfant d'âge préscolaire se construit une représentation du texte qui

l'implique activement dans sa recherche de sens (l'acte de lire) par l'élaboration

progressive d'une représentation globale de l'histoire (macroprocessus). Pour y arriver,

le jeune enfant se construit une représentation mentale cohérente du récit, laquelle

vient s'ancrer avec ses connaissances déjà construites (processus d'élaboration)

(Kintsch, 2004). La figure 1 rejoint en ce sens le modèle de lecture

construction-intégration (Kintsch, 2004), modèle axé sur la compréhension de texte. En

effet, tel que représenté dans la figure 1, les connaissances sur le monde permettent

l'élaboration des macroprocessus qui favorisent la construction de sens. Pour des

enfants d'âge préscolaire, le développement de ces macroprocessus facilitera le

développement des microprocessus lors de sa scolarisation formelle, comme le

suggèrent les propos de Giasson et Boisclair (1997) relatant l'existence de corrélation

positive entre l'activité de lecture faite par l'adulte à l'attention de l'enfant et

l'apprentissage de la lecture autonome.

Les microprocessus

Pour comprendre l'information contenue dans une phrase, le lecteur autonome peut

reconnaître globalement un mot soit comme s'il s'agissait d'une image, connu en

éducation comme étant la reconnaissance logographique ou soit par reconnaissance

orthographique des mots écrits déjà souvent rencontrés et décodés par le lecteur

(Sirois, 2004). Cependant, lorsque le lecteur est confronté à la lecture d'un mot écrit

nouveau, bien que celui-ci puisse être connu dans son langage à l'oral, il doit procéder

différemment. Il utilise alors le processus de décodage. Il doit utiliser la reconnaissance

par segmentation et assemblage graphophonémique.

Le décodage peut être très laborieux pour l'enfant. Il exige souvent patience,

concentration et énergie. Le jeune lecteur se retrouve rapidement en surcharge

cognitive lorsqu'il utilise uniquement ce processus (Sirois, 2004). Quoi qu'il en soit,

mêmesi le décodage est adéquatement réalisé, le lecteur débutant doit recourir

également à des processus différents basés sur les inferences afin de favoriser l'accès

(22)

même des microprocessus.

Les macroprocessus

Les macroprocessus permettent l'organisation globale des idées en une histoire

cohérente. Ce sont les processus qui mènent à l'essence, au cœur du récit. Cette toile

de fond constitue la structure sémantique du contenu global du texte. Les

macroprocessus sont accessibles à l'enfant d'âge préscolaire qui a la capacité de

contextualiser un discours décontextualisé qui lui est lu.

En regard des textes narratifs, l'ensemble des macroprocessus permettent à l'enfant

d'âge préscolaire de se construire sa propre représentation mentale des idées et des

événements décrits dans le texte, lui fournissant les outils pour établir des liens afin de

mieux comprendre et retenir l'information (Irwin, 2007; Giasson, 1990). Comme illustré

à la figure 1, les macroprocessus, qui permettent la construction du sens, s'élaborent à

partir des capacités à déduire le sens des mots et des événements, des relations

causales interprétées par le jeune lecteur, des relations qu'il élabore avec ses propres

connaissances sur le monde afin de se faire des représentations mentales (processus

d'élaboration), c'est-à-dire afin de recontextualiser le récit.

Pour arriver à une compréhension approfondie du texte, l'enfant d'âge préscolaire

utilise à juste titre, les macroprocessus. Ceux-ci lui permettent de construire les liens

pour s'expliquer les actions de l'histoire, les buts et les motivations des protagonistes,

les émotions, les causes des événements, les caractéristiques des objets, les relations

spatiales et temporelles, etc (Graesser, Singer et Trabasso, 1994; Trabasso et Wiley,

2005).

Lorsque l'enfant utilise l'ensemble de ces macroprocessus pour construire du sens à

partir du texte qui lui est lu, il élabore et recontextualise le contenu de l'histoire en se

servant, entre autres, du processus d'élaboration (fig.1).

(23)

L'inférence est, selon Makdissi et Boisclair (2005), la capacité de déduire une

information non directement écrite mais qui découle d'un texte. C'est la construction de

liens causaux entre ce qui est écrit dans un texte et les connaissances sur le monde du

lecteur, la construction d'information implicite que ce dernier doit comprendre s'il

parvient «à lire entre les lignes». Selon Nicholas et Trabasso (1980) ainsi que les

recherches de Trabasso et Wiley (2005), les inferences permettent de résoudre

certaines ambiguïtés tant lexicales que pronominales lors de la compréhension allant

de la simple phrase au texte complet. Elles permettent aussi la déduction des causes et

la prédiction des conséquences dans le cours des événements. De plus, elles

permettent les interprétations et une représentation plus élaborée de l'action en cours et

définissent ainsi la toile de fond de l'histoire. La recontextualisation rendue possible par

l'intermédiaire des diverses inferences, permet au lecteur d'identifier, de juger et de

corriger les anomalies tout au long de sa lecture. Pour l'enfant d'âge préscolaire, la

capacité d'inférer entraîne la construction du sens par les macroprocessus (figure 1).

Les inferences peuvent être vues selon différentes taxonomies. Pour les besoins de la

présente recherche, il conviendra de distinguer deux catégories principales : les

inferences lexicales et pronominales, puis les inferences causales.

1.1.4 Les inferences de types lexical et pronominal

Le lecteur utilise aussi des éléments à l'intérieur du texte qui lui permettent de créer des

relations entre les propositions ou entre les phrases. Qu'il s'agisse de marqueurs de

référence, de mots de substitution, de marqueurs de discontinuité ou encore de mots de

relation, le lecteur doit développer les habiletés à comprendre ces subtilités qui

assurent une cohésion locale des différentes parties qui constituent le texte (Sanchez,

2004). Dans la gestion de la cohésion du texte, il existe des inferences dites lexicales et

pronominales. Prenons par exemple, la phrase suivante dans laquelle une inference

lexicale est à construire :

(24)

• À Noël, regarde dans l'arbre tous ces chouloulous qui sont suspendus et qui

brillent.

Pour le lecteur, «chouloulous» est un mot inconnu. Pour résoudre l'ambiguité lexicale,

le lecteur doit utiliser ses connaissances par l'intermédiaire du contexte de la phrase. Le

mot «Noël» permet au lecteur de se situer dans le temps et de référer à ses

connaissances sur le monde. Le lecteur peut aussi utiliser les indices sémantiques pour

avoir en tête le champ lexical des mots associés au thème de Noël afin de substituer au

mot «chouloulous», un mot connu et de se construire une image mentale. De plus, au

niveau de la syntaxe, le lecteur utilise la préposition «dans» pour se situer dans

l'espace, à savoir que l'objet qu'il cherche à se représenter n'est ni «au dessus», ni «en

dessous» mais «dans» l'arbre. De la même façon, le mot «suspendu», lui permet de se

représenter la position de l'objet par rapport à l'arbre. Dès lors, le lecteur habile

comprendra que le pseudo-mot «chouloulous» signifie par exemple : «boules de Noël».

Il utilise alors une inference pour nourrir ses macroprocessus et ainsi construire du

sens.

De plus, les inferences peuvent avoir lieu lorsque le lecteur doit utiliser le contexte pour

clarifier sa compréhension du sens d'un mot. D'ailleurs Vygotsky (1934/1985) distingue

les mots «signification» et «sens». Un mot peut donc avoir une signification donnée et

plusieurs sens selon le contexte dans lequel il est utilisé. Prenons l'exemple suivant :

L'enfant qui lit le commentaire suivant sur son bulletin «Je te félicite, tes notes ont

monté» doit utiliser le contexte pour déduire qu'il ne s'agit pas du sens «élevé dans les

airs» mais plutôt «augmenté, croître».

L'utilisation de pronoms ou de mots de substitution dans une phrase peut aussi exiger

de l'enfant d'utiliser diverses inferences. Dans ce cas, l'enfant doit avoir une

connaissance, du moins intuitive, de la syntaxe de la langue afin de résoudre le

problème de compréhension des anaphores (« anaphoric devices », Oakhill et Yuill,

(1991)

(25)

• Ils sont allés la reconduire à sa dernière demeure.

Dans cet exemple, le lecteur sera à la recherche de sens et il tentera de déduire « qui sont allés», « qui » est la personne représentée par le pronom « la » ainsi que l'endroit représenté par l'expression « sa dernière demeure ». Ces inferences anaphoriques nourrissent les macroprocessus qui permettent la compréhension, sous l'angle d'une représentation globale de l'histoire.

1.1.5 Les inferences de type causal

Au-delà de ces indices explicites, le lecteur, qui a toujours l'objectif de «construire du sens» au moment de la lecture, devra aussi déduire les relations implicites entre les propositions et les phrases. Ce sont souvent des relations de causes ou de temps que l'enfant est appelé à interpréter. En développant cette capacité, l'enfant construit des inferences de connexion du texte (connecting inferences) lui permettant ainsi de reconstituer les liens causaux implicites (Van den Broek, 1994). Cette capacité à construire ces inferences est cruciale dans le développement de la compréhension (figure 1).

En effet, les inferences causales permettent d'expliquer la séquence d'événements basée sur la toile de fond que le lecteur se construit et réajuste tout au long de sa lecture. Elles permettent non seulement de corriger des anomalies mais aussi de déduire des causes, d'anticiper des conséquences, de déterminer les motivations, les buts et les émotions des personnages.

Par exemple :

Exemple 1 : Le bonhomme de neige a fondu. Pourquoi ? Ici, le lecteur doit déduire que la chaleur explique la fonte du bonhomme de neige (cause). Ceci s'explique probablement par l'arrivée du printemps. En établissant ce lien, grâce à ses

(26)

connaissances sur le monde, l'enfant infère, ce qui lui permet de construire sa

compréhension (macroprocessus).

Exemple 2 : Je dévale la pente à toute vitesse me dirigeant vers la forêt. Que se

passera-t-il? Dans cet exemple, le lecteur peut appréhender plusieurs conclusions

possibles dans cette situation (conséquence). Ceci s'explique par la connaissance

que l'enfant possède et qui lui permet d'anticiper un problème qui constituera un

point central du schéma du récit. Ainsi, il élabore sa compréhension

(macroprocessus).

Exemple 3 : Le voleur braqua son arme sur la caissière et s'écria «Vite! Haut les

mains!». Quelle est la motivation et le but du personnage? Le lecteur pourra déduire

que la motivation du personnage est sans doute l'appât du gain et que son but sera

de repartir avec l'argent avant l'arrivée des policiers. Le but est d'ailleurs une

composante macrostructurale en haut de la hiérarchie du schéma du récit, créant le

lien entre les tentatives d'action et la problématique.

Exemple 4 : La mère, les yeux pleins de larmes, regarde sa fille sur la plus haute

marche du podium. Quelle émotion éprouve la mère? Le lecteur qui référera

seulement au mot «larmes» inférera de façon erronée, une émotion de tristesse.

Toutefois, le «compreneur efficace» (Makdissi et Boisclair, 2005) fait appel à sa

connaissance des compétitions et du podium, au contexte de la mère qui est

spectatrice de la victoire de sa fille pour déduire que les larmes sont des larmes de

fierté à l'égard de celle-ci. Ses connaissances sur le monde permettent à l'enfant

d'établir le lien servant l'élaborer sa compréhension (macroprocessus).

Il existe différents types d'inférence causale. La figure 2 suivante permet de les

préciser et de les situer.

(27)

Inferences

Lexicales et pronominales Causales

Prospectives Rétrospectives

Intégratives Élaboratives Intégratives Élaboratives

Figure 2 : Taxonomie des inferences

L'inférence causale rétrospective (backward oriented)

L'inférence causale rétrospective telle que documentée par Magliano (1999) se construit au fur et à mesure de la lecture en faisant référence à ce qui a été lu précédemment, comme c'est le cas dans les phrases suivantes : «La jeune fille met de la crème solaire et son chapeau, et va à la plage. Sur place, elle construit un magnifique château de sable». Pour inférer la saison, le lecteur fait appel aux éléments déjà lus. La crème solaire, le chapeau, la plage, le château de sable permettent effectivement la déduction de la saison. C'est aussi le cas pour l'exemple 1 cité précédemment.

L'inférence causale prospective (forward oriented)

L'inférence causale prospective expliquée par Magliano (1999), se définit, quant à elle, par une idée de déduction des événements à venir dans le texte. Il s'agit, pour le lecteur, d'anticiper la suite des événements. Dans les phrases suivantes : «La jeune fille met de la crème solaire et son chapeau, et va à la plage. Sur place, elle construit un magnifique château de sable. Tout à coup, une énorme vague se profile au loin et déferle vers la plage».

(28)

s'appuie donc sur son expérience pour anticiper la suite des événements et se validera

en cours de lecture. C'est aussi le cas pour l'exemple 2 cité précédemment.

Les inferences intégratives et élaboratives

Qu'il s'agisse d'une inference causale rétrospective ou prospective, nous pouvons

dégager deux types d'inférences générées à partir de la source d'information : les

inferences intégratives et élaboratives. En effet, construire une inference integrative

demande au lecteur d'utiliser un ensemble d'informations contenues dans le texte et de

les lier afin de construire du sens. Par contre, pour construire une inference élaborative,

le lecteur fait appel aux informations contenues dans le texte mais doit de façon

prioritaire, les lier à son vécu, à ses expériences et à ses connaissances antérieures

ainsi qu'au réseau de concepts qu'il maîtrise afin de construire le sens. Dans l'intérêt de

clarifier ces propos, prenons les deux exemples suivants :

• Le chat s'avança à pas feutrés et bondit soudainement devant le moineau.

Heureusement, le moineau s'élança rapidement vers les branchages de l'arbre

qui était près de lui, tel un protecteur.

Pourquoi l'oiseau est-il monté dans l'arbre? La réponse exige d'intégrer causalement

les informations contenues dans les deux phrases. Si le chat n'avait pas bondi devant

l'oiseau, ce dernier ne serait sans doute pas allé se réfugier dans l'arbre. L'oiseau est

donc allé dans l'arbre à cause de l'arrivée du chat. Bien que les connaissances sur le

monde des chats et de leurs proies nourrissent également cette inference integrative,

elles n'en demeurent cependant pas moins secondaires. Pour s'en convaincre, il

convient de réaménager la phrase avec des pseudo-mots :

• Le vipale s'avança et bondit devant le chamace. Heureusement, le chamace

s'élança rapidement vers les branchages de l'arbre.

(29)

Pourquoi le chamace s'est-il élancé vers les branches? La suite énonciative permet de résoudre la causalité. En ce sens, il convient de considérer ce type d'inférence comme étant l'intégration des énoncés. L'intégration des énoncés n'est toutefois pas toujours suffisante aux inferences à construire, comme l'exemple suivant peut en témoigner.

• Un homme s'avance, retire son veston et le repose sur le dossier de son siège. Une fois assis, les lumières s'éteignent et le rideau se lève. Les projecteurs s'allument sur les artistes qui entament les noces de Figaro.

Au moment d'identifier à quel événement le personnage assiste, le lecteur construit une inference rétrospective élaborative. Effectivement, il serait facile pour le lecteur de croire que le protagoniste assiste à un spectacle sans pour autant qu'il infère qu'il se trouve à un opéra, s'il n'avait pas élaboré le sens à partir de sa connaissance de l'œuvre de Mozart. Ainsi, les informations du texte suggérées précédemment offrent la possibilité d'une construction de sens à partir des informations présentes dans le texte (rétrospective) qui s'élabore grâce au réseau d'expériences et de connaissances (élaborative). Tel était le cas dans les exemples 1, 3 et 4.

Ces différents types d'inférences catégorisés dans la figure 2 et intégrés dans la figure 1 exposent l'importance des capacités à inférer dans l'élaboration des macroprocessus d'une compréhension de texte.

(30)

1.2 Le récit

Le récit est un type de discours qui permet à l'humain de se représenter son monde et

son imaginaire, tout en en permettant son expression pour autrui.

«Il est important d'offrir aux enfants une littérature qui leur permet de mieux comprendre leur monde et de développer leur capacité de créer des significations. Les histoires offrent un contenu idéal permettant aux enfants d'enrichir leurs représentations intérieures et leurs capacités de raisonnement.» (Strickland et Cullinan, 1990, Tiré de Giasson et Boisclair 1997).

1.2.1 Qu'est-ce que le récit

Le récit se distingue des textes informatifs, scientifiques, des textes poétiques et du théâtre puisque le récit est un texte narratif qui possède des caractéristiques récurrentes que le lecteur distingue intuitivement à cause de sa structure prévisible.

Compte tenu que l'auteur et le lecteur (ici, le jeune enfant à qui l'adulte fait la lecture) sont deux personnes distinctes possédant chacune leur vécu, leurs expériences, leur système de croyances, et leurs connaissances, il va sans dire qu'ils ne partagent pas nécessairement les mêmes structures qui leur permettent de donner sens aux propos écrits et lus. Pour que l'enfant en vienne à comprendre l'essence du texte, il devra, en cours de lecture réaliser une réflexion l'amenant à l'analyse et à l'interprétation des propos de l'auteur. Ainsi, il va au-delà de la compréhension des actions et se construit une toile de fond.

Pour mieux comprendre ce qu'est effectivement un récit, il est important d'approfondir les composantes de sa structure. Les caractéristiques récurrentes présentées à la figure 3 permettent la prévisibilité de ce type de discours narratif.

(31)

2 Evénement perturbateur Problématique 1 La situation initiale Personnages, espace, temps

6. Résultats des actions Est-ce que ca fonctionne?

7. Conclusion

Figure 3 : La structure du récit

Inspirée de M. Pichette et A-C Lefebvre 2005

1. La situation initiale permet de situer les personnages dans le temps et dans

l'espace et donne une situation de départ, créant le premier contexte et l'ébauche de la

toile de fond.

2. L'événement perturbateur présente la problématique vécue par le protagoniste.

3. Le déséquilibre émotionnel est l'état dans lequel se retrouve le protagoniste à la

suite de l'événement perturbateur. Les sentiments et les émotions ressenties par les

personnages sont présents, explicitement ou implicitement, tout au long du récit et sont

la raison d'agir des protagonistes.

(32)

4. Le but à atteindre par le protagoniste est engendré par le déséquilibre émotionnel. Il constitue la recherche de solution au problème.

5. La série de tentatives d'actions sont les actions entreprises par le ou les personnages pour résoudre leurs problèmes dans le but de retrouver un équilibre émotionnel.

6. Les résultats des actions sont les réponses favorables ou défavorables à l'obtention d'une solution.

7. La conclusion est la situation finale. Elle représente le retour à un équilibre émotionnel pour les personnages lorsque la solution est atteinte. Elle peut aussi comprendre une projection vers l'avenir ou une morale.

Ce type de structure de base du récit propose les émotions vécues par le protagoniste comme étant le squelette des relations causales. Effectivement, le rôle des émotions est prédominant. Certains auteurs affirment même que l'enfant prend précocement conscience des émotions positives et négatives qui entraînent les événements du récit. Avec le temps, l'enfant comprend que ces émotions opposées déséquilibrent les personnages et les poussent à agir vers un nouvel équilibre (Makdissi, Boisclair, Blais-Bergeron et Sanchez Madrid, 2008; Trabasso et Stein, 1997).

Selon Stein (1988), l'organisation mentale que l'enfant élabore, lorsqu'il entend une histoire, n'est pas le fruit du hasard, pas plus qu'une liste d'événements isolés. En effet, il structure son organisation mentale selon son développement cognitif.

La compréhension en lecture, reposant sur les macroprocessus présentés à la figure 1, implique la construction cohérente d'une représentation mentale du texte. Celle-ci exige la construction de relations causales hiérarchisées entre les événements et plus particulièrement, entre les sept composantes du récit, mentionnées précédemment.

(33)

Pour ces raisons, un jeune lecteur, ici l'enfant d'âge préscolaire pour qui l'adulte fait la lecture, doit développer un ensemble de connaissances sur le monde ainsi que sur la structure du récit pour favoriser la compréhension. L'ensemble de ce développement débute bien avant l'âge scolaire. Il débute dans la petite enfance, lorsque l'enfant est exposé à des expériences de lecture.

1.2.2 Le développement du schéma de récit chez l'enfant

Il semble que la construction des connaissances implicites sur la structure de récit, soit directement reliée avec les expériences de littératie vécues par l'enfant dans la petite enfance. Piaget (1969/1978) et Vygotsky (1985/1934) proposent de présenter aux enfants différents contextes pédagogiques où les enfants peuvent développer des compétences complexes et construire leur propre raisonnement. C'est pourquoi, il convient de présenter des récits complexes aux jeunes enfants plutôt que de se limiter aux livres d'images. En effet, les livres d'images peuvent aider les enfants à enrichir leur vocabulaire. Cependant, ils ont besoin d'être exposés à des récits structurés selon la représentation de la figure 3 pour développer les capacités à inférer nécessaires à l'élaboration des macroprocessus, de la toile de fond de l'histoire donc de la construction de sens (figure 1).

Par l'exposition à des récits complexes, l'enfant d'âge préscolaire développe un modèle de schéma de récit allant du plus simple au plus complexe. Selon Stein (1988), l'organisation que l'enfant élabore, lorsqu'il entend une histoire, croît avec l'âge et est graduée selon son niveau de développement cognitif et chronologique. Effectivement, le jeune enfant élabore son rappel de récit selon une échelle développementale. Un modèle élaboré par Makdissi et Boisclair (2008) permet de comprendre comment l'enfant développe les relations causales lorsqu'il est en situation de rappel de récit. Tout d'abord, l'enfant organise son rappel de récit autour d'objets souvent présents sur la page première de couverture. Par la suite, l'enfant sstructure son rappel de récit autour des personnages. Puis, il devient capable d'organiser son rappel de récit autour d'événements disjoints correspondant à une série d'illustrations indépendantes, considérant ainsi chacune des illustrations du récit comme une histoire indépendante.

(34)

Ceci survient, selon Trabasso, Stein, Rodkin, Munger et Baughn (1992), vers l'âge de

trois ans. Par la suite, l'enfant construit son rappel de récit autour du problème, des

épisodes et/ou de la fin en coordonnant ces composantes.

L'apparition des liens successifs de temporalité notés par Stein (1988) sont considérés

par Makdissi et Boisclair (2008) lorsque l'enfant semble organiser son rappel de récit

autour des problèmes, des épisodes et/ou de la fin en organisant entres elles, ces

composantes dans le temps, (en premier, puis, après...).

Selon Trabasso et al. (1992), c'est vers quatre ans que l'enfant peut élaborer des liens

de causalité entre certains éléments du récit en ne rappelant qu'un épisode incomplet,

ce qui correspond au niveau de l'apparition des liens de causalité, l'explication entre les

composantes pour Makdissi et Boisclair (2008). À ce niveau d'organisation, l'enfant

constitue son rappel de récit autour du problème, des épisodes et/ou de la fin en

mettant ces composantes en relation causales, donnant ainsi naisance au but et à la

solution.

Enfin, l'enfant semble générer un thème d'ensemble qui peut être construit à partir du

problème, du but, des épisodes, de la fin et de la solution. Il s'agit d'un lien qui permet

la construction d'un thème ou d'une morale. Contrairement à Makdissi et Boisclair

(2008) qui suggèrent l'émergence de ce niveau de développement autour de six ans,

Trabasso et al. (1992) situent ce niveau de développement vers l'âge de dix ans.

L'écart d'âge entre ces deux études peut possiblement s'expliquer en partie par le

contexte différent dans lequel les enfants ont été placés. En effet, alors que les

premières auteures ont pris un rappel de récit préalablement lu à l'enfant, les seconds

ont recueilli des récits à partir d'un livre illustré sans texte.

Tout au long de son développement, l'enfant complexifie son rappel de récit. Cette

évolution est possible grâce à l'enrichissement de toutes les composantes de ses

macroprocessus (inferences lexicales, pronominales, inferences causales,

(35)

connaissances sur le monde, imagerie mentale, figure 1) qui lui permettent de construire du sens dans des contextes de plus en plus complexes.

Pour l'enfant d'âge préscolaire qui ne lit pas de façon autonome, l'exposition fréquente aux récits dans un contexte de dialogue avec l'adulte encouragera le développement de ses macroprocessus. Un des contextes facilitant est la lecture interactive.

1.3 Le contexte de lecture interactive

Dans un contexte développemental, il est naturel pour l'enfant de rechercher des relations causales. Prenons l'exemple du petit Edouard, trois ans, qui regarde un film avec sa grande sœur Elisabeth, six ans. À tout instant, le jeune enfant dérange sa sœur par ses questions : «Pourquoi la petite fille pleure? Pourquoi son papa est fâché? Pourquoi, y s'en va ? Pourquoi la p'tite sirène y va pareil?». Cette série de «pourquoi» met en évidence le besoin des enfants de trois ans d'utiliser les relations causales pour construire leur compréhension. Parallèlement à ce que vit un enfant lorsqu'il écoute un film, la lecture d'un livre par l'adulte lui offre une occasion unique de jouer à anticiper mais aussi à vérifier des hypothèses.

1.3.1 Qu'est-ce que la lecture interactive

Sylvie Thivierge, orthophoniste, spécialiste des difficultés de compréhension en lecture chez les jeunes enfants, utilise la discussion, le questionnement pour élaborer la compréhension du lecteur débutant. Dans sa discussion avec un enfant en cours de lecture, Thivierge lui demande «Comment crois-tu que l'histoire va se poursuivre»? Elle laisse alors l'enfant élaborer l'anticipation de son histoire. Cette manière de questionner l'enfant en regard de l'histoire est effectivement source de développement d'inférence selon Nicholas et Trabasso (1980), puisque la question exigera une anticipation, une prédiction logique. L'intérêt de ce type d'intervention de Thivierge réside dans le dialogue qu'elle poursuit avec l'enfant : «Wow! Si tu avais été l'auteur de l'histoire, ça serait une suite géniale! Mais tu sais que l'auteur peut avoir une idée différente qui soit

(36)

bonne aussi. Allons voir!» Les propos de Thivierge sont utilisés ici pour démontrer

comment ce type d'interaction peut être ludique.

Ces activités d'anticipation permettent à l'enfant de s'approprier le texte et vise

spécifiquement l'interprétation ou la compréhension comme le suggère Sipe (2002). En

s'engageant ainsi dans l'acte de lire, l'enfant utilise sa créativité et l'imagination propre

aux enfants de son âge pour devenir à sa façon, co-auteur. Cet engagement peut se

traduire selon Sipe (2002) par de multiples manifestations. L'enfant qui devient

participant et acteur de son histoire propulse son développement cognitif. L'enfant

développe l'ensemble de ses macroprocessus et de ses habiletés d'explication.

Certains enfants choisiront d'acter, de jouer ou d'utiliser leur corps pour mimer. Le

lecteur peut aussi donner l'occasion à l'enfant de s'engager dans le texte en installant

un dialogue lui permettant de donner son opinion, d'exprimer une critique, d'émettre des

hypothèses, etc. (Sipe, 2002).

Ce type d'activité de lecture avec l'enfant prend la forme de lecture interactive. Celle-ci

se veut une intervention offrant à l'enfant la possibilité d'échanger et de discuter en

nommant des objets et des personnages certes, mais surtout en se questionnant à un

autre niveau pour nommer des événements, des émotions et des relations. L'adulte qui

s'intéresse aux propos de l'enfant, qui échange avec lui, offre à celui-ci la possibilité

d'être actif dans le processus de construction de sens. En agissant ainsi, l'adulte

favorise la complexification de l'expression des relations causales (Boisclair et

Makdissi, 2004).

Selon Anne Van Kleeck (2008), lorsque l'adulte propose un texte à un jeune enfant, il

doit prendre en considération son âge, ses intérêts, son milieu de vie. De plus, lorsque

l'adulte se soucie de discuter avec l'enfant et qu'il dispose de questions encastrées

dans le texte ou qu'il dirige la réflexion et le dialogue de manière efficace, il l'aide

l'enfant à parfaire ses connaissances en utilisant le langage comme outil de

raisonnement. Lorsque l'adulte félicite, encourage et implique activement l'enfant dans

(37)

le processus d'inférence, il peut aussi l'amener à porter un jugement critique et à avoir

une meilleure compréhension du texte.

Ce n'est pas seulement la lecture d'histoire en elle-même mais l'ensemble

des interactions dans lesquelles elles se déroulent qui permettent à l'enfant

de développer ce qui est tellement utile pour réussir en classe, soit une

pensée reflexive pouvant porter sur un univers imaginé plutôt que concret.

L'enfant a d'abord besoin d'un adulte compétent faisant la médiation entre

lui et le texte (...) (Giasson et Boisclair, 1997, p. 96).

L'adulte compétent va amener l'enfant dans un dialogue lui permettant de complexifier

son raisonnement dans le but d'élaborer des relations causales et de construire des

inferences. Pour y parvenir, l'adulte peut élaborer des activités ludiques en lecture

interactive. Ce faisant, il permettra à l'enfant de développer ses habiletés à inférer, se

basant sur ses connaissances sur le monde et construisant sa représentation mentale.

Il soutient ainsi les macroprocessus permettant à l'enfant la construction de sens tel

que représenté à la figure 1.

Makdissi et Boisclair (2006) proposent un modèle de planification et de réalisation

d'activités en sept points :

1. L'adulte choisit l'activité de lecture en fonction d'une chaîne causale des

événements et des composantes qui constituent l'histoire. Cette structure de

récit permet à l'adulte d'intervenir en cours de lecture.

2. Après avoir analysé la chaîne causale du récit, l'adulte prévoit des questions

ouvertes susceptibles de susciter l'émergence des relations causales par

l'enfant.

3. L'adulte supporte l'enfant dans son utilisation du texte et des illustrations et de

son propre raisonnement pour bâtir sa compréhension du récit.

(38)

4. L'adulte pose des questions ouvertes à l'enfant qui nécessitent une élaboration

sur des moments importants dans la chaîne causale des événements. Que

s'est-il passé ? Pourquoi est-ce arrivé ainsi ? Que crois-tu qu's'est-il va arriver maintenant?

5. L'adulte accueille les propositions de l'enfant tout en conservant en tête ses

intérêts.

6. L'adulte crée un climat d'échange chaleureux, met l'enfant en confiance,

reformule à l'occasion les propos de l'enfant en demandant des précisions et en

exprimant son intérêt face à ses propos.

7. L'adulte encourage l'enfant à participer et le félicite.

À titre d'exemple, le livre de Werner Holzwarth et Wolf Erlbruch, intitulé La petite taupe

qui voulait savoir qui lui avait fait sur la tête présente une chaîne causale

particulièrement riche pour l'intervention de l'adulte.

Voici un résumé du livre :

Ce récit raconte l'histoire d'une petite taupe qui, un soir, sort le nez de sa tanière

pour voir si le soleil s'est couché. En sortant sa tête du trou, elle reçoit un long

boudin brun et malodorant sur la tête qui la dégoûte. Désireuse de connaître

celui qui lui avait fait sur la tête, la petite taupe interpela les animaux autour d'elle

pour trouver le coupable tout en avertissant que sa vengeance sera terrible.

Sans réponse positive, elle décide d'interroger certains animaux. Sa quête

l'amène donc à rencontrer le pigeon, qui fait un «splach» mou et blanc, (donc,

par inference, différent de celui qu'elle a sur la tête). Poursuivant sa quête, elle

rencontre un cheval, une chèvre, un lièvre, une vache qui, comme

précédemment démontrent que leur «caca» est différent de celui mis en cause,

ce que peut exprimer l'enfant explicitement, par inference, lors d'une lecture

interactive. Par la suite, la taupe rencontre deux mouches posées sur les

excréments d'un autre animal. La taupe commence à interroger les mouches

mais interrompt sa question en réfléchissant. À ce moment, l'enfant fait

l'inférence que les mouches ne peuvent pas être les auteurs du méfait; par

contre, elles sont des spécialistes en la matière. Au moment où l'on retourne la

page, l'enfant valide son hypothèse à savoir que les mouches sont des

spécialistes et qu'elles peuvent aider la taupe à résoudre son problème. Les

(39)

mouches identifient le chien du boucher comme responsable du grand désarroi de la taupe.

En signifiant clairement que le coupable est maintenant identifié et en arrêtant le récit ici, une réaction de l'enfant est immédiate. L'enfant veut que l'histoire continue parce que, selon sa connaissance de la structure du récit (figure 3), l'enfant sait que, bien que la série d'actions de la taupe (étape 5 de la figure 3) ait mené à un résultat positif (étape 6 de la figure 3), il manque encore une étape, la conclusion de l'histoire (étape 7 de la figure 3) qui correspond à la situation finale et qui représente le retour à l'équilibre émotionnel du personnage principal. La taupe ayant annoncé sa vengeance, l'enfant est désireux de valider son anticipation de la fin de l'histoire. L'adulte doit donc poursuivre l'histoire, l'enfant ayant spontanément initié un processus d'inférence causal et voulant le satisfaire.

Ce récit de Werner Holzwarth et Wolf Erlbruch offre donc à l'adulte la possibilité d'intervenir à chacune des pages en ouvrant des discussions, en créant un climat où le dialogue et le plaisir prennent place, en ayant de nombreuses opportunités d'établir des relations causales et de construire des inferences.

C'est à l'aide des questions ouvertes, telles que proposées par le modèle de lecture interactive de Makdissi et Boisclair (2006) et de Sipe (2002) que l'adulte guide l'enfant dans sa construction de sens : «Pourquoi la taupe sort-elle le soir?» «Comment se sent la taupe?» «Pourquoi tu me dis ça?» « Qu'est-ce qu'elle veut? » «Qu'est-ce qu'elle va faire tu penses?» «Tu ferais quoi, toi?» «Est-ce que la taupe a su ce qu'elle voulait savoir? Pourquoi?» «Qu'est-ce qu'elle va faire maintenant?» «Pourquoi, elle n'accuse pas les mouches?» «Comment les mouches peuvent l'aider?» «Comment crois-tu qu'elle va se venger?» «Qu'est-ce que tu ferais au chien du boucher?» «Comment elle se sent maintenant?»

Selon Giasson et Boisclair (1997), Van Kleeck (2008) et Sipe (2002) il semble clair que les occasions d'interactions où l'adulte sert de médiateur entre le texte et l'enfant, favorisent le développement de celui-ci. En effet, les routines de lecture interactive

(40)

créent des contextes prévisibles et facilitent l'apprentissage. C'est donc dire, qu'augmenter la fréquence et le style d'interaction des lectures interactives chez les enfants d'âge préscolaire favorise le développement des habiletés à construire des liens causaux, à inférer, bref à construire du sens.

1.3.2 Les pratiques variées; influences culturelles pour divers milieux

Selon une étude menée par Van Kleeck (2006, 2008), un grand nombre d'habiletés langagières, prélittéraires et littéraires peuvent être développées par la lecture animée et interactive entre parents et jeunes enfants. Le développement de ces habiletés peut être influencé par les différences culturelles, les valeurs, les croyances et les coutumes. Dans cette étude, Van Kleeck montre l'impact de ces facteurs d'ordre culturels sur les interventions en lecture interactive et envisage comment on peut utiliser ces informations pour modifier la façon de conduire les interventions.

La multiculturalité présente dans notre société oblige les intervenants gravitant autour des enfants d'âge préscolaire à user de souplesse, de flexibilité et de compréhension dans leur approche pour promouvoir la lecture interactive chez les petits. Des approches différenciées sont conseillées avec les différentes communautés culturelles, car il convient de tenir compte des valeurs, des coutumes et des croyances pour amener les enfants d'âge préscolaire à utiliser le récit comme tremplin pour développer leurs macroprocessus rendant ainsi l'acte de lire plus spontané (Van Kleeck, 2006, 2008; Ruddell et Unrau, 2004).

Dans certaines cultures, les enfants sont naturellement stimulés à questionner, à discuter et ils développent des habiletés de l'ordre des macroprocessus. Toutefois, d'autres cultures valorisent l'enfant tranquille, peu dérangeant, qui écoute et observe. Dans un même ordre d'idées, certaines cultures introduisent très tôt l'acte de lire chez l'enfant. Dès les premiers mois, certains adultes font la lecture aux enfants, laissant ces derniers manipuler et découvrir l'univers littéraire alors que certains croient qu'il n'est pas nécessaire de faire la lecture aux enfants avant l'âge de cinq ou six ans, âge considéré pour certaines cultures comme l'âge de raison (Van Kleeck 2006, 2008).

(41)

Des interventions différenciées sont aussi à privilégier à l'intérieur même de la

communauté québécoise. Selon Blanchet (2004), le parent s'implique auprès de son

jeune avec, à la base, ses propres motivations, ses propres croyances et ses propres

compétences. Les études démontrent que peu importe la façon de faire la lecture aux

enfants, l'impact sur le développement est positif (Burns, Espinosa et Snow; 2003) d'où

l'importance de promouvoir la lecture interactive auprès des enfants d'âge préscolaire.

C'est donc dire qu'envisager soutenir la pratique de lecture interactive au sein des

familles exigera, comme le sous-tend Van Kleek (2006), une guidance à accorder aux

parents afin de rapprocher la culture familiale, les croyances et les valeurs qui y sont

inhérentes, à la culture scolaire littéraire et les fondements cognitifs et langagiers qui lui

sont nécessaires (Boisclair et Sirois, 2010).

(42)
(43)

2 METHODOLOGIE

Inscrite dans le champ de l'émergence de la littératie, cette étude vise à soutenir la lecture faite en famille pour des enfants âgés de 3 ans. Elle vise à décrire comment un contexte de lecture interactive régulier est en lien avec le niveau de structure de récit. Dans cette optique, deux objectifs spécifiques sont poursuivis.

- Le premier objectif: promouvoir un modèle d'intervention (lecture interactive) dans lequel la discussion et les échanges entre enfants et parents sont présents. - Le deuxième objectif: mesurer l'évolution du niveau de structuration du récit dans

un contexte de lecture interactive, de jeunes enfants âgés de trois ans, en le comparant à un groupe témoin d'enfants du même âge qui ne sont pas exposés systématiquement à ce modèle d'intervention.

Pour ce faire, une recherche qualitative et descriptive a été menée en mettant en relief les niveaux initiaux et finaux de structuration du récit des sujets, et ce, dans le but d'évaluer l'efficacité de l'intervention en fonction de leur évolution. Afin de pouvoir soutenir les parents de manière hebdomadaire pour contrer l'écart souligné par Van Kleek (2006) entre les croyances et les valeurs familiales et la manière proposée de faire la lecture interactive, la présente recherche s'est limitée à dix dyades enfant-parent. La nécessité de soutenir les parents dans une telle démarche de lecture auprès de leur jeune enfant justifie le choix de ce petit nombre de dyades traité en étude de cas.

2.1 Les sujets :

2.1.1 Le propos d'ensemble

Les enfants qui participent à l'étude proviennent de deux régions: La Malbaie et Québec. Ils sont âgés en moyenne de 3;1 :27 ans au début de l'étude et de 3;6 :9 ans à la fin de l'étude. Le nombre de filles est égal au nombre de garçons; c'est à dire 5 filles et 5 garçons. Tous sont accompagnés par leur mère tout au long du projet. Il est à

Figure

Fig. 1 : L'acte de lire chez l'enfant d'âge préscolaire  Inspiré de Irwin (2007) ; Giasson (1995)
Figure 2 : Taxonomie des inferences
Figure 3 : La structure du récit
Tableau 1 : Synthèse des  expérimental
+7

Références

Documents relatifs

L’intervention de l’AFD dans le secteur de l’éducation, de la formation professionnelle et de l’emploi vise à favoriser la cohésion sociale, lutter contre les

Partager des informations et confronter des expériences qui ont déjà démontré leur pertinence, tels sont les objectifs de la ren- contre régionale «Coopération internationale dans

 Chirurgie de l’obésité : échanges avec les médecins de l’assurance maladie Pr Anne Dutour en lien avec Dr Sylvie Russeil, Assurance

 Groupes de travail ARS en PACA: Pertinence des soins et Surpoids pédiatrique Pr Anne Dutour, Dr Véronique Nègre, Pr Rachel Reynaud, CSO PACA Ouest.  12 mesures pour

[r]

Les moyens consacrés à la vie étudiante sont en hausse de 134 M € par rapport à 2020, dont plus de 80 M € seront consacrés aux bourses sur critères sociaux (avec en

sont à votre disposition pour vous écouter, vous conseiller, vous soutenir, vous accompagner en toute vous conseiller, vous soutenir, vous accompagner en toute confidentialité,

Gynécologues, pédiatres, médecins généralistes, psychologues, sages- femmes, puéricultrices, infirmières, assistantes sociales, conseillères conjugales et familiales, secrétaires