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Écriture d’un scénario original de genre western mettant en scène un antihéros québécois et sa réalisation en format court-métrage suivi d’une réflexion sur l'antihéros dans le cinéma québécois

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Academic year: 2021

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Écriture d’un scénario original de genre western mettant

en scène un antihéros québécois et sa réalisation en

format court-métrage suivi d’une réflexion sur

l’antihéros dans le cinéma québécois

Mémoire

Martin Roy

Maîtrise en littérature et arts de la scène et de l’écran

Maîtrise ès arts (M.A.)

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Résumé

Ce mémoire comporte deux parties. En premier lieu, on retrouvera dans la partie création, les différentes étapes du processus créatif qui ont mené à la réalisation du film intitulé St-Placide, y compris le scénario. En second lieu, nous tentons de définir l’antihéros québécois en le comparant au héros utilisé dans le genre western.

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Table des matières

Résumé ... iii 

Table des matières ... v 

Avant-propos ... vii 

Introduction : présentation du projet ... 1 

1. La démarche d’écriture du scénario ... 5 

2. Les personnages ... 9  2.1 Maurice Simard ... 9  2.2 Gary Wayne ... 9  2.3 Gregory O’Connor ... 10  2.4 Théodore Bouchard ... 10  2.5 Aline Tremblay ... 11  2.6 Euclide Simard ... 11 

2.7 Antoine dit Antonio ... 11 

3. La démarche historique ... 13 

4. Le scénario ... 15 

5. La réalisation ... 31 

5.1 Le choix des comédiens ... 31 

5.2 Les décors ... 33  5.3 Le découpage technique ... 35  5.4 Le montage image ... 36  5.5 Le montage sonore ... 37  6. La production ... 39  6.1 Le budget ... 39 

6.2 Tableau des dépenses ... 41 

7. Le film St-Placide ... 43 

8. Réflexion sur l’antihéros dans le cinéma québécois ... 45 

8.1 L’antihéros québécois : qui est-il? ... 46 

8.2 Face à face : le héros du western vs l’antihéros québécois ... 57 

8.3 L’antihéros et le westerner dans le court-métrage St-Placide ... 63 

Conclusion : retour sur le projet ... 67 

Bibliographie ... 69 

Partie scénarisation et réalisation ... 69 

Partie réflexion sur le héros / antihéros dans le cinéma québécois ... 69 

Films cités ... 71 

Annexes ... 73 

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Avant-propos

Depuis mon enfance, le cinéma québécois a toujours occupé un grand espace dans ma vie. J’ai dû visionner plus d’une centaine de films québécois depuis la première fois où, à l’âge de cinq ans, j’ai pu admirer une œuvre de chez nous devant un grand écran, soit Matusalem (1993) du réalisateur Roger Cantin. Bien que d’autres films étrangers réussissent à me toucher, il n’y a pas de cinéma national qui m’interpelle plus que celui du Québec. Je l’admets, je souffre d’un chauvinisme aigu, mais il n’y a pas que mon amour pour la nation qui entretient cette admiration. Je me reconnais à l’intérieur de ses héros imparfaits qui font partie intégrante de l’identité du cinéma québécois. Ces héros n’ont rien à voir avec ceux du cinéma commercial américain, souvent trop parfaits pour correspondre à ce que je puisse être et aspirer. Toutefois, j’admets que certains films hollywoodiens parviennent à me divertir sans que je puisse me projeter à travers leurs héros.

L’idée de mettre en scène un héros québécois dans un film western découle de cette dualité cinématographique qui nous entoure. Nous ne pouvons nier aucune de ces deux cinématographies puisque chacune possède ses propres qualités. Ce pourquoi je trouvais intéressant de les lier dans une création où je pouvais prendre le meilleur des deux mondes en sélectionnant un genre cinématographique dominant au XXe siècle, le western, et en mettant en scène un antihéros québécois aux vertus limitées.

Ce projet ne révolutionnera pas le cinéma. Cependant, j’ose espérer qu’on le trouvera tout aussi interpellant qu’on peut le trouver divertissant.

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Introduction : présentation du projet

Depuis plusieurs années, je me suis fixé un objectif professionnel clair : écrire et réaliser un long-métrage de fiction. J’ai toujours été conscient du chemin à parcourir avant d’en arriver à ce but et des embuches éventuelles qui pouvaient survenir en cours de route. Mon parcours scolaire a été organisé avec l’optique de me donner le plus de chances possibles de persévérer pour éventuellement accomplir ma destinée. Après un parcours pré-universitaire en littérature et arts (profil cinéma) du Cégep de Sainte-Foy, j’ai poursuivi ma formation en études cinématographiques à l’Université de Montréal. À la suite de ce baccalauréat, j’ai rencontré madame Esther Pelletier afin de poursuivre mes études au deuxième cycle, à l’Université Laval. Après lui avoir fait part de mes intentions quant à la maîtrise en arts de la scène et de l’écran, elle a accepté de me diriger et c’est ainsi que j’ai débuté les premières recherches en vue de la réalisation de ce projet.

Dès octobre 2012, j’ai entrepris comme projet de maîtrise d’écrire un scénario original de genre western et de le réaliser pour en faire un court-métrage. Je tenais à ce que ce scénario ne soit pas tiré d’un livre ou d’une nouvelle puisque je voulais créer une histoire inédite tout comme les personnages qui la composent. J’avais dans l’esprit de me rapprocher d’une expérience complète du processus de production d’une œuvre cinématographique.

Lors d’un échange étudiant que j’ai eu la chance d’effectuer à l’Université Paul-Valéry de Montpellier, en France, au moment de mes études de premier cycle, j’ai suivi un cours sur le western. Des les premières séances, le chargé de cours a su me transmettre sa passion à l’égard de ce genre. L’idée d’éventuellement réaliser un film western germait dans ma tête dès que les cours se terminaient. Je prenais alors beaucoup de notes pour bien connaître les caractéristiques spécifiques du genre à l’étude.

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Dès les premières rencontres avec madame Esther Pelletier, j’ai démontré mon intérêt pour le western et ma volonté de travailler sur un projet touchant à ce genre. Je tenais également à ce que j’allais créer rejoigne le cinéma québécois, car j’apprécie beaucoup visionner les films d’ici et les étudier. Je me demandais pourquoi j’appréciais davantage notre cinématographie nationale que celle provenant du cinéma dominant américain. C’est lors de la rédaction d’un travail d’analyse sur le film Québec-Montréal (2003) de Ricardo Trogi que j’ai obtenu une réponse à savoir pourquoi ce cinéma m’interpellait : les héros d’ici me rejoigne davantage que ceux provenant d’Hollywood. Je me suis donc interrogé au sujet du héros au sein du cinéma québécois. À l’époque de ce travail écrit, j’aurais voulu approfondir la problématique sur l’utilisation de l’antihéros par rapport au héros conventionnel hollywoodien. Toutefois, ce court travail ne me permettait pas d'explorer cette avenue en profondeur. J’ai finalement eu l’idée d’associer le western à l’antihéros tiré d’œuvres cinématographiques québécoises. Cela comblait ainsi mes deux désirs, soit de réaliser une œuvre de genre western et de mettre en scène un antihéros québécois, mais aussi de réfléchir sur cette figure du cinéma québécois.

Après avoir eu l’approbation de ma directrice de recherche à propos du sujet de mon mémoire, j’ai entrepris ma démarche en ce qui concerne le volet création de mon projet de maîtrise. J’ai utilisé les vacances scolaires afin de réfléchir à ce que je comptais produire exactement en tant que court-métrage. Comme madame Pelletier m’avait prévenu du coût financier d’un tel projet, j’ai décidé que mon court-métrage durerait de dix à quinze minutes, ce qui, selon moi, me procurait assez de temps pour développer une intrigue intéressante. En ce qui a trait à l’esthétique souhaitée pour la création, j’ai visionné plusieurs films de genre western de la période classique (1939-1956) afin de m’inspirer quant à l’image, la narration et le montage.

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Lors de ma première session aux études supérieures, j’ai dû suivre un séminaire obligatoire avec madame Marie-Andrée Beaudet intitulé Séminaire de

maîtrise. Lors des séances, j’ai dû penser davantage à mon projet de mémoire, car

je devais le soumettre à la fin de ma deuxième session universitaire. Cela m’a beaucoup aidé à peaufiner ma réflexion et à acquérir des méthodes de travail efficaces afin de rendre un projet acceptable.

À la suite de l’approbation du projet de mémoire à l’été 2013, j’ai entamé l’écriture du scénario de mon projet. Ce qui vous sera présenté à l’intérieur de ce mémoire a été mûri, travaillé et retravaillé depuis ce temps-là. Vous y trouverez les étapes de l’écriture de mon scénario, la démarche créative de ma réalisation allant de la pré-production à la postproduction. Un essai critique sur l’antihéros dans le cinéma québécois suivra la création. À ces parties se joindront une conclusion, une bibliographie ainsi que des annexes relatives à la réalisation et à la production de ce projet de court-métrage.

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1. La démarche d’écriture du scénario

Lorsque j’ai débuté l’écriture du scénario, j’avais une bonne idée de ce que je comptais faire. Les œuvres de genre western possèdent tous leurs différences, mais elles contiennent cependant beaucoup d’éléments récurrents qu’on pourrait qualifier de clichés, ce qui en fait un genre bien distinct. Comme je tenais à faire évoluer mon antihéros, inspiré du cinéma québécois, à l’intérieur de ce genre, je disposais déjà d’une bonne base pour écrire le synopsis de mon projet : un jeune homme sans ambition se voit contraint d’être formé par un cowboy venu de l’ouest afin de rétablir l’ordre dans son village. Ainsi, je pouvais débuter l’élaboration des personnages et de la structure narrative du court-métrage.

Mes recherches pour la partie réflexive de mon mémoire m’ont aidé à définir les personnages de l’histoire, car j’avais déjà en ma possession plusieurs ouvrages traitant du cinéma western et du cinéma québécois. Ces personnages sont très typés et ils ont été pensés ainsi. J’ai repris les grands traits du westerner pour mon personnage venu de l‘Ouest, Gary Wayne, héros emblématique du western classique reconnu pour son courage et son exemplarité. John Wayne dans Stagecoach (John Ford, 1939) représente un bel exemple d’un westerner. D’ailleurs, le nom fictif du cowboy de mon court-métrage, Gary Wayne, est inspiré de deux acteurs emblématiques de ce genre, soit Gary Cooper et John Wayne. Par ailleurs, les caractéristiques de mon antihéros représenté par le personnage de Maurice proviennent de personnages aux vertus parfois douteuses issus du cinéma québécois, notamment du célèbre Ovide Plouffe, développé dans le roman

Les Plouffe (1948) de Roger Lemelin et adapté au cinéma dans Les Plouffe (1982)

de Gilles Carle. Ces deux types de personnages, le westerner et l’antihéros, seront définis davantage dans l’essai. En ce qui concerne la structure narrative, j’ai modifié quelque peu celle d’un western classique. De façon générale, le westerner sert de protagoniste et arrive dans un lieu étranger afin de rétablir l’équilibre et

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l’ordre dans la société dans laquelle il évolue ou qui l’engage1. Or, ici, le

personnage principal est Maurice, un antihéros. Le cowboy, Gary Wayne, bien qu’il soit engagé de l’extérieur, joue le rôle de l’adjuvant. Comme il s’agit d’un court-métrage, je désirais réaliser une fin étonnante, sans aucun retour à un équilibre dans la société comme c’est le cas dans le western classique. De plus, je tenais à créer une attente envers le personnage du cowboy afin de lui donner une plus grande envergure.

J’ai la chance d’avoir accès à un lieu hautement reclus dans une forêt dans la région de Charlevoix. Il s’agit d’une vieille roulotte appartenant à mon père et qui se situe sur la terre d’un membre de notre famille. C’est l’endroit idéal pour se recueillir sans aucun dérangement provoqué par autrui ou par la technologie qui nous entoure au quotidien. C’est là que j’ai eu l’idée de créer une grande ellipse pour illustrer la progression de l’apprentissage du personnage principal, un élément qui s’avérait nécessaire selon moi. J’ai choisi cette façon de faire puisque je devais illustrer l’apprentissage de Maurice d’une manière assez concise étant donné la durée du court-métrage. J’ai également eu l’idée de pasticher le plan final de The Great Train Robbery (1903) d’Edwin S. Porter, dans lequel un cowboy porte un regard vers la caméra avant de sortir son arme et de tirer vers le spectateur. En plus de rendre hommage à la première œuvre western de l’histoire du cinéma, ce plan de vue offrait une belle ambiguïté quant à la conclusion du récit.

Puis, j’ai entrepris l’écriture des scènes. Je ne suis pas du genre à forcer l’inspiration, mais lorsqu’elle cogne à la porte, il ne faut pas rater la chance de saisir ce qu’elle nous apporte. Lors de la première soirée d’écriture, j’ai écrit cinq scènes, soit près du tiers du court-métrage. En tout, cela m’a pris plus d’un mois pour terminer l’écriture de cette étape importante de mon projet. Lors de la rédaction, j’ai eu recours aux descriptions des personnages que j’avais réalisées et

1 WRIGHT, Will, Six Guns and Society, Berkeley, University of California Press,

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j’ai alors volontairement décidé de supprimer la petite histoire d’amour que j’avais mise en scène entre Maurice et une prénommée Aline, afin de couper dans la durée du scénario. J’ai laissé le projet reposer pendant une semaine avant de le relire. J’ai effectué quelques corrections, mais c’est après l’avoir présenté à ma directrice et avoir visité des lieux de tournage que j’ai apporté des changements majeurs. Tout d’abord, j’ai écourté la scène d’ouverture qui s’étendait sur plus de trois pages en la coupant de moitié grâce à la suppression d’un personnage secondaire, qui n’apportait au final rien à l’histoire outre un moment de divertissement. Ensuite, comme mon scénario initial ne comportait aucun personnage féminin, j’ai décidé d’en inclure deux, dont une qui incarnerait un rôle assez important dans le court-métrage et que j’avais précédemment retirée : Aline Tremblay. Le fait de l’inclure apporte une dimension que je n’avais pas imaginer au départ, c’est-à-dire qu’elle ajoute de la pression sur le protagoniste et qu’elle aide à faire ressortir la nonchalance du personnage par rapport à son propre destin. Afin de l’inclure dans le récit sans trop en augmenter sa durée, j’ai coupé les scènes où l’on voyait les antagonistes se préparer à attaquer le village. J’ai fait ce choix après avoir vu quelques courts et moyens-métrages westerns d’un jeune John Wayne où l’on entend souvent parlé des méchants avant de les voir apparaître lors du point culminant du film, comme dans les films réalisés par Robert N. Bradbury The

Lawless Frontier (1934), Blue Steel (1934) et The Man from Utah (1934). Je crois

avoir pris la bonne décision, car ils apportaient peu beaucoup d’éléments nouveaux à l’histoire, et le fait d’en parler à trois reprises avant de les retrouver dans la scène finale provoque une anticipation chez le spectateur.

Lors d’une visite dans la région de Charlevoix, j’ai visité deux écuries. On m’a fortement suggéré de ne pas tourner avec des gens sur les montures, comme je l’entrevoyais, car on doit posséder une bonne expérience avant de chevaucher un cheval. Je n’avais pas pensé à cela du tout, je croyais qu’une initiation d’une heure aurait suffi pour ce que j’avais besoin de faire, c’est-à-dire marcher sur quelques mètres pour ensuite descendre de la monture. J’ai donc décidé de filmer

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des chevaux dans la nature, afin d’en inclure dans le court-métrage et modifier la partie du scénario où Maurice et Gary montaient leurs chevaux.

Au final, entre l’approbation du projet et la fin de l’écriture, il s’est déroulé quatre mois avant de mettre la touche finale au scénario. La version que vous lirez est donc de la version finale avant le tournage, rédigée en trois jets, et qui s’intitule

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2. Les personnages

2.1 Maurice Simard

L’indécis

Il incarne l’antihéros du court-métrage. Il a peu d’ambition. Il est âgé de 21 et est le fils unique d’Euclide Simard. Maurice n’a jamais connu sa mère, décédée à sa naissance. Il n’est pas « manuel » et il est un grand consommateur de littérature. Il réside toujours à la résidence familiale et travaille à l’occasion au moulin du village, où travaille également son père. Il s’est exilé au Nord des États-Unis à l’âge de 18 ans pour y trouver du travail, mais il est revenu chez lui après seulement deux mois. Il a fière allure et il mesure plus de six pieds. Il est toutefois timide et renfermé, se dévoilant seulement lors de fêtes au village lorsqu’il boit de l’alcool. Il tend à toujours rechercher le consentement de son père dans tout ce qu’il fait, sauf en amour. Maurice est amoureux d’Aline Tremblay, mais son paternel veut qu’il choisisse Marguerite Bordeleau, la fille de son patron. Il ne possède pas de talent particulier, mais il apprend vite lorsqu’il le veut bien. Il ne sait pas ce qu’il veut faire comme métier plus tard et il n’a pas fait d’études particulières. Il ne possède pas d’arme et n’en a jamais manœuvrer.

2.2 Gary Wayne

L’instructeur

Il est embauché par le maire afin de former un jeune, Maurice, qui saura faire régner la loi en échange d’un bon montant d’argent. C’est un homme courageux qui possède de grandes qualités athlétiques. Gary Wayne ne connait pas son âge, mais il affiche la fin de la trentaine. Il est originaire de l’Ouest des États-Unis et il ne parle pas bien français, bien qu’il essaie de le parler pour être courtois. Il est d’une morale exemplaire et il ne recherche qu’à remettre l’ordre dans les communautés qui l’emploient. Il est grand, de belle apparence, toujours

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problèmes liés à la justice. Orphelin, il n’aime pas aborder son passé et son enfance. Il possède une très bonne capacité d’adaptation et les gens apprécient sa compagnie puisqu’il sourit beaucoup et possède un bon sens de l’humour. C’est un homme de valeurs. La liberté, l’intégrité, l’honneur et l’égalité guident sa vie. C’est également quelqu’un de très pragmatique.

2.3 Gregory O’Connor

Le bootlegger irlandais

Chef de la « mafia irlandaise » de Québec, âgé de 32 ans, il contrôle le commerce de l’alcool de tous les établissements de la ville de Québec et de l’est de la province, dont celui de l’auberge de St-Placide. Il s’immisce dans les travaux publics de plusieurs petites communautés grâce à une entreprise connexe et « légale », comme c’est le cas pour le petit village de St-Placide. Il poursuit la tradition familiale, car son père et ses oncles géraient la mafia irlandaise avant lui. Il est intelligent et possède un bon sens de l’anticipation. Il est très habile au fusil. Craint de tous et impulsif, il garde toujours une flasque de whisky en sa possession. Il est athlétique, mais arbore une allure négligée : il porte la barbe et les cheveux assez longs. Il parle bien français, mais avec un accent, et il s’exprime majoritairement en anglais. Excellent manipulateur, il désire étendre son pouvoir et ne laisser personne l’empêcher d’atteindre ses objectifs.

2.4 Théodore Bouchard

Le maire

Maire du village depuis douze ans, il est aimé et respecté de tous, sauf de Gregory et sa bande. Petit et chauve, il a 57 ans. Excellent communicateur, il fait passer les intérêts de ses villageois avant les siens et ceux de sa famille. Il est marié et père de 8 enfants. Il est inquiet pour sa sécurité personnelle et celle des villageois en raison de la corruption présente au sein de son village.

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2.5 Aline Tremblay

La prétendante

Jeune femme ambitieuse âgée de 19 ans. Elle est jolie, mais elle ne sort pas du lot. Elle ne recherche pas l’attention. Elle est naturelle et aspire à devenir enseignante à l’école du village. Elle aime Maurice en raison de sa culture générale et de leur passion commune, la littérature. Elle voudrait bien qu’il lui demande sa main, mais elle ne désire pas effectuer les premiers pas. Elle est attirée par la nouveauté et elle rêve de voyager afin de découvrir de nouvelles cultures.

2.6 Euclide Simard

Le père

Père de Maurice, il est veuf et a 47 ans. Il travaille au moulin à bois depuis l’âge 16 ans et occupe toujours la même fonction. Il recherche fréquemment ce qu’il y a de meilleur pour son fils unique, ce qui le pousse parfois à être contrôlant. Il n’a pas voulu se remarier puisqu’il respecte son mariage malgré le décès de sa femme, survenu à la naissance de Maurice. Il est très religieux et se soucie beaucoup de ce que peuvent penser les autres.

2.7 Antoine dit Antonio

L’aubergiste

Aubergiste du village, il détient l’établissement que son père a construit. C’est un homme très volubile et il sait entretenir ses clients. Il craint les Irlandais, surtout son chef Gregory, et il n’essaie pas de les décevoir de peur de représailles. C’est un homme assez naïf.

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3. La démarche historique

Bien que la trame narrative de mon scénario soit le fruit de mon imagination, j’ai tenté du mieux que j’ai pu de respecter les éléments historiques qui s’y attachent. L’année où se déroule l’action, 1929, n’est pas révélée dans le scénario, mais je l’ai ajoutée à l’écran à la suite du générique afin de situer le spectateur par rapport à l’époque où se déroule l’histoire qu’il visionnera.

Tout d’abord, l’église de St-Placide-de-Charlevoix ainsi que le pont couvert de ce petit village ont respectivement été construits en 1915 et en 1926. Les scènes à l’intérieur de l’église ont été tournés à l’église Sainte-Jeanne d’Arc de Lévis, construite en 1917. L’année d’érection de l’église fut déterminante dans mon choix afin d’assurer une cohérence avec l’extérieur de celle filmée dans Charlevoix.

On retrouve deux autres éléments recherchés afin d’offrir un petit côté authentique à mon court-métrage. Premièrement, lorsque le maire informe le personnage principal de sa rencontre à Québec avec un député nommé Casgrain, il s’agit bel et bien d’un homme ayant occupé cette fonction. En effet, l’honorable Pierre-François Casgrain a exercé les fonctions de député de la circonscription de Charlevoix-Saguenay de 1925 à 1941. Il fut également le mari de l’honorable Thérèse Casgrain, dont le nom résonne davantage aujourd’hui que celui de son époux. Le dernier élément concerne le choix de la chanson utilisée lorsque Gary Wayne ouvre la radio dans sa chambre. On entend alors une œuvre du violoneux Arthur-Joseph Boulay intitulée Le reel du cowboy. En plus de son titre qui correspond au genre du film, ce « reel » fut enregistré et distribué sous l’étiquette Victor en avril 1929. Comme l’histoire se déroule à l’automne 1929, il est très plausible qu’on ait pu entendre cette chanson à la radio de l’époque.

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4. Le scénario

St-Placide

* Comme de nombreux scénaristes, j’ai opté pour le logiciel Celtx pour la rédaction du scénario. La version que vous lirez sera celle utilisée lors du tournage.

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5. La réalisation

5.1 Le choix des comédiens

Un grand défi pour accomplir ce projet fut la sélection des comédiens. Ayant peu de contacts dans le milieu et possédant un budget restreint, j’ai dû faire preuve d’imagination pour assembler une distribution satisfaisant mes besoins pour le court-métrage. Pendant ma formation au premier cycle à l’Université de Montréal, j’ai visionné plusieurs films de genres et courants différents. L’un de mes préférés fut celui du néoréalisme italien, dont une des caractéristiques importantes consiste en la présence d’acteurs amateurs à l’écran, afin d’optimiser le réalisme des œuvres tournées, mais aussi en la réduction des coûts de production. Je me suis donc inspiré de ce courant dans la sélection de la majorité des acteurs et actrices pour mon projet.

Lors de l’écriture du scénario, j’avais une bonne idée de l’acteur qui incarnerait Maurice, le protagoniste. Il s’agissait de Dominic Desnoyers, un jeune acteur issu de la cohorte 2012 du Conservatoire d’art dramatique de Québec, mais également un ami de longue date. Il incarnait, par ailleurs, la majorité des rôles principaux de mes projets antérieurs, notamment ceux réalisés au collégial. Lorsqu’il a accepté le rôle, je savais qu’il apporterait une crédibilité solide au film et qu’il constituerait un bon mentor pour les autres acteurs lors du tournage, ceux-ci étant majoritairement des amateurs.

En ce qui concerne le deuxième personnage le plus important du court-métrage, Gary Wayne, un cowboy type du western, j’ai opté pour l’apparence du comédien plutôt que pour son expérience, et je ne regrette pas ce choix. J’ai demandé à Gregory Murphy, un coéquipier de hockey dont l’anglais est sa langue maternelle, s’il souhaitait jouer dans mon film et il a accepté sur le champ. Ce fut à

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jamais fait de théâtre, ni d’improvisation. En revanche, il possède toutes les caractéristiques physiques que j’imaginais pour ce rôle : il parle bien anglais, il est grand, costaud et dégage une assurance au premier regard.

Deux rôles me semblaient plus difficiles à combler et ils comportaient la même difficulté, c’est-à-dire que je devais trouver des acteurs dans la soixantaine. Pour incarner le maire, j’ai pensé à Alain-Martin Richard, un artiste possédant une grande expérience de scène, mais n’ayant jamais participé à une œuvre cinématographique. C’est un homme très occupé et j’ai dû organiser l’horaire afin qu’il puisse jouer dans le film. Il répondait tellement bien à la description de mon personnage que cela n’a pas été une corvée de répondre à ses exigences. La recherche de l’autre personnage plus âgé du court-métrage, le père de Maurice, Euclide Simard, a été plus ardue. Je voulais un homme de grande stature afin de concorder avec les six pieds trois pouces du protagoniste. J’ai sélectionné le père d’un ami, un homme détendu dans la vie, mais pour qui l’expérience de tournage a été très difficile et stressante. Je l’avais rencontré au préalable, et je n’avais pas présagé cela. De plus, je n’avais pas fait attention à sa monture de lunettes très moderne et cela ne concordait pas du tout avec l’époque de l’œuvre. J’ai donc décidé de retourner la scène où le personnage d’Euclide intervient et de changer de comédien. J’ai passé deux entretiens et j’ai choisi quelqu’un avec une légère expérience et une bonne aisance à l’oral : Laval Pearson. Ce choix fut le bon, et bien qu’il soit plus petit que Maurice, il lui ressemble davantage que son prédécesseur. Je suis donc bien heureux d’avoir retourné la scène entre le père et son fils.

Pour les autres rôles, j’ai opté pour la disponibilité de certains de mes proches et amis afin de compléter la distribution. J’ai été surpris par certains, notamment par celui qui incarnait le barman, et par les deux personnages féminins. Je n’avais toutefois pas l’intention de jouer dans le film, mais je n’ai pas eu d’autres choix puisque celui qui devait interpréter Fernand Côté s’est désisté.

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J’aurais préféré lui attribuer le rôle, mais comme ce n’était pas un personnage secondaire, je ne crois pas que ma présence vient restreindre la qualité du film.

Avant d’entamer le tournage, j’aurais aimé compter sur un budget plus important ainsi qu’une équipe de production plus grande, afin de travailler exclusivement avec des acteurs professionnels. Par contre, même avec quelques embûches mineures, j’ai aimé l’expérience de travailler avec une équipe composée majoritairement d’amateurs. Certains d’entre eux possèdent un talent caché qui pourrait être développé avec plus d’expérience. Personnellement, je n’hésiterais pas à retravailler avec des amateurs, même si je crois qu’un meilleur équilibre entre des professionnels et des amateurs présenterait une option préférable.

5.2 Les décors

Les décors participent grandement à définir le genre western. Si les paysages naturels et les champs le composent, il ne faut en aucun cas atténuer les décors intérieurs qui sont très typés dans les différents films de cette catégorie.

Bien qu’ils ne se situent pas à l’ouest du continent où la plupart des westerns ont été tournés, les paysages montagneux de Charlevoix constituaient un bel endroit pour filmer des images extérieures. Puisque la nature, lorsqu’elle n’est pas modifiée par l’homme, ne change pas, j’ai donc convenu de diriger plusieurs scènes à l’extérieur. Cela m’a permis de ne pas trop me soucier des anachronismes, car l’histoire se déroule en 1929. J’ai également choisi cette région pour deux raisons. La première en est une strictement économique. Mes parents possèdent une maison centenaire dans la région, et cela m’a permis d’héberger toute l’équipe de tournage gratuitement. Mais comme le pont couvert de St-Placide-de-Charlevoix m’a grandement inspiré pour le scénario, j’ai voulu faire d’une pierre deux coups, c’est-à-dire le filmer et profiter du fait d'être dans la région pour y tourner les scènes extérieures. L’église de cet ancien petit village,

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avec l’époque du court-métrage. J’ai pu profiter également de la maison familiale pour mettre en scène certaines scènes à l’intérieur pour la même raison historique.

La recherche des endroits de tournage intérieur fut une tâche plus ardue puisqu’ils devaient correspondre à la même époque et ne montrer aucune trace de modernité. J’ai dû trouver une église de la région de Québec d’une grandeur similaire à celle de Charlevoix, car je n’aurais pas eu assez de figurants si j’avais tourné à cet endroit. Après en avoir trouvé une à Neuville, il a fallu que je poursuive mes recherches puisque j’ai eu des problèmes de disponibilité avec cette dernière. C’est finalement à Lévis, à la chapelle de Ste-Jeanne d’Arc érigée en 1917, que mon choix s’est arrêté. À l’exception d’un micro et de haut-parleurs que j’ai pu dissimuler, il n’y avait rien qui pouvait compromettre la temporalité du récit. C’est avec ce souci que j’ai trouvé le Pub le Mitan, un endroit parfait pour la scène de l’auberge, où j’ai pu orienter la caméra pour mes besoins.

Pour ce qui est de la scène du bureau du maire, Gregory Murphy, l’acteur incarnant Gary Wayne, m’a offert de créer une ambiance d’entrée de bureau dans son sous-sol, car sa maison date de la fin du 19e siècle. J’étais sceptique, mais la

visite des lieux m’a convaincu et m’a fait économiser de l’argent, car je voulais réserver un endroit historique de Québec au coût de 300 $ pour quatre heures. D'autant plus que cela n’aurait rien apporté de plus au court-métrage, car j’avais déjà l’idée de tourner la scène avec le moins de plans possible. Nous avons donc pu travailler sans contrainte de temps, ce qui a causé beaucoup moins de stress au réalisateur ainsi qu'aux acteurs!

Comme il a été nécessaire de reprendre la quatrième scène du tournage, celle entre le père et le fils, j’ai pris la décision de ne pas retourner dans la région de Charlevoix. La scène, qui avait préalablement été tournée dans une chambre de la maison centenaire familiale, ne présentait pas davantage de caractéristiques de l’époque qu’une chambre décorée sobrement d’une maison moderne. Et comme la scène se déroule la nuit, l’éclairage est sobre et les détails

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n’apparaissent pas à l’écran. J’ai donc aménagé le sous-sol de la maison de mes beaux-parents, qui se situe à Lévis, pour y tourner cette scène et je suis très satisfait du résultat. Cela a facilité également le calendrier de tournage, car j’ai pu tourner deux scènes sur la Rive-Sud de Québec lors de la même journée.

5.3 Le découpage technique

L’étape de la réalisation du découpage technique vient après l’écriture du scénario et la recherche des lieux de tournages. Cela m’a pris un certain temps à dessiner toutes les scènes puisque je n’avais pas entrepris cette démarche depuis mes études au cégep. J’ai dû réviser mes notes afin de respecter les normes quant à l’échelle des plans et la proportion que ces derniers prennent à l’intérieur des petits rectangles qui représentent les différents plans.

Je ne me considère pas comme un professionnel du dessin, mais j’ai tout de même opté pour réaliser le scénarimage moi-même, à la main et sans l’aide d’un ordinateur. Je crois que d’imager soi-même les différents plans d’une scène amène à se sentir davantage comme un artisan. Le fait de l’avoir fait au crayon de plomb m’a donné une latitude, car je pouvais effacer au fur et à mesure des changements que je voulais apporter au plan.

Lors des journées de tournage, le directeur photo et moi-même fonctionnions avec les dessins originaux. Il m’est arrivé parfois de modifier les plans sur le plateau de tournage, afin d’améliorer le court-métrage, et je dessinais donc un croquis rapide avant de les filmer. Il ne faut pas avoir peur de réagir sur le champ si l'on juge que c’est bénéfique pour le film. Par contre, je tirerai comme leçon que je devrai mieux explorer les angles des endroits où l’on filmera, car cela optimise le temps de préparation des différentes scènes.

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5.4 Le montage image

La partie du montage image s’est très bien déroulée, notamment en raison de mon expérience dans le domaine. J’ai utilisé le logiciel Final Cut Pro 7, un programme que je maîtrise bien à l’exception des composantes reliées à la correction des couleurs. J’ai laissé cette portion à mon directeur photo, puisqu’il s’y connaissait mieux que moi en la matière, et parce que je n’avais pas beaucoup de temps pour apprendre à bien corriger les images.

L’approche que j’ai privilégiée pour effectuer le montage comportait deux éléments. Tout d’abord, je tenais à ce que celui-ci reflète le plus possible le western classique, dont la période s’échelonne de 1939 à 1956. C’est un montage linéaire qui ne contient pas ou très peu de retours en arrière ou de grandes ellipses vers le futur. Également, le montage de la majorité des films de ce genre possède des transitions entre les scènes comme un fondu enchaîné par exemple. Bien qu’il puisse être dynamique lors des scènes d’actions, les réalisateurs et les monteurs de westerns ne changeaient pas beaucoup de plans lors des scènes au contraire de ce qui se fait aujourd’hui. Cet élément a provoqué en moi des questionnements, car tout en voulant respecter cet aspect, j’étais conscient de l’époque à laquelle nous vivons et de la capacité que nous possédons à l’égard du dynamisme à l’écran. Je crois avoir fait un bon compromis entre l’approche contemporaine du montage et celle du western classique.

L’autre point qui me tenait à cœur lors de cette étape importante de postproduction consistait à être fidèle à moi-même, c’est-à-dire que je voulais garder ma touche personnelle. Elle consiste à laisser une bonne latitude quant au montage sonore. Lorsque je fais le montage des différents plans, je désire laisser une grande place au son, car je crois que le son est toujours aussi important que l’image dans un film et qu’ils vont de pairs. Conséquemment, je réfléchis aux plans en fonction du son afin de ne pas être contraint et limité lorsque je suis rendu à cette étape; cela la rend plus facile.

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5.5 Le montage sonore

Le montage sonore occupe une place importante dans l’organisation de la postproduction. Si cette étape peut être négligée par certains réalisateurs, ce n’est pas le cas pour moi, car on peut créer des ambiances qui vont venir augmenter la qualité du récit et des images qui la composent.

J’ai décidé de ne pas enregistrer le son en direct lors des tournages pour deux raisons. Premièrement, certains lieux de tournage ne m’offraient pas une prise de son de qualité et il aurait fallu la refaire de toute manière. La deuxième raison consiste en un effet de style, car voulant rester fidèle au western classique, j’ai constaté que même dans leurs versions originales, les œuvres de ce genre doublaient les voix en studio, et cela paraît souvent à l’écran lorsqu’on y porte bien attention. Lors du doublage en studio, le montage image apparaissait à l’écran et les acteurs tentaient de dire ce qu’ils disaient à l’écran de la meilleure façon possible. Les résultats m’ont agréablement surpris. Pour compléter le montage, j’ai fait appel à plusieurs banques de sons, dont la majorité libérés de droits d’auteur issus de la série 6000 de la compagnie Sound Ideas.

En ce qui concerne la musique, j’ai décidé d’opter pour une musique extradiégétique originale et pour des chansons libres de droits datant de la fin des années 1920, soit l’époque où se déroule le film. Une seule chanson chevauche la diégèse, soit la chanson de A.J. Boulay Le reel du cowboy, diffusée à partir d’un poste de radio dans la chambre de Gary Wayne. Celle-ci quitte la diégèse pour survoler le montage illustrant la progression de l’apprentissage de Maurice. Pour la musique originale, j’ai la chance d’avoir un frère musicien et je lui ai donné des indications claires et peu contraignantes sur ma vision de celle-ci : une musique western légèrement mélancolique dont la guitare occupe la majeure partie de l’espace sonore. Je suis très satisfait du résultat de celle-ci.

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6. La production

6.1 Le budget

Dès le début de ce projet, je connaissais les coûts que je devais défrayer afin de le réaliser, et je me sentais à l’aise puisque je voyais en ce projet l’opportunité d’en faire une carte de visite pour mes projets ultérieurs.

Comme abordé précédemment dans la partie sur les comédiens, je n’ai pas rémunéré les acteurs pour leur travail étant donné qu’il n’était aucunement dans mon intention de faire des profits avec ce court-métrage. Comme la majorité ne possédait pas ou possédaient très peu d’expérience, cela leur permettait de participer à un tournage et d’apprendre le fonctionnement de la réalisation d’un film, ce qui fut très apprécié de tous. En ce qui concerne Dominic Desnoyers, un acteur professionnel, ce tournage lui donnait une première expérience en tant qu’acteur principal d’un court-métrage. C’est autant une bonne entente pour lui que pour moi, car sa participation apporte de la crédibilité à l’œuvre.

J’ai essayé de limiter les dépenses, mais il y avait un élément majeur dans mon projet qui m’en empêchait : l’époque où se déroule l’histoire du film. Bien qu’il y ait beaucoup de scènes extérieures dans le scénario, il y en avait tout autant à l’intérieur et les décors se devaient d’être les plus conformes possible à ceux que l’on pouvait trouver vers la fin des années 1920 au Québec. C’est pourquoi près de 28% de mes dépenses proviennent de la location de lieux patrimoniaux, comme ce fut le cas avec l’église Sainte-Jeanne d’Arc. Dans ce précis, en plus des frais de location de 200 $, j’ai dû payer une assurance de 193,50 $ afin de la louer. Puisqu'elle respectait tous les critères quant à l’époque et à la grandeur des lieux, et le fait que la location de la chapelle à Neuville n'ait pas fonctionnée, j’ai décidé de payer ces frais afin de respecter les délais de remise de mon mémoire. J’allais

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semaines avant le tournage, tel que mentionné dans la partie sur les décors2,

l’acteur incarnant le rôle de Gary Wayne m’a parlé de sa maison datant de la fin du XIXe siècle. J’ai pu tourner gratuitement dans cette demeure qui n’a pas perdu de

son cachet historique au fil des années, mais aussi sans contrainte de temps. Avant cette offre, je comptais tourner dans une salle historique dans le Vieux-Québec et cela m’aurait coûté plus de 300 $ pour quatre heures, ce qui nous aurait pressés davantage. J’ai également été chanceux de pouvoir profiter de la maison familiale centenaire à Baie-Saint-Paul dans laquelle nous avons tourné la majorité de nos scènes. En plus d’y filmer, j’ai pu y héberger toute l’équipe de dix personnes sans frais de location, ce qui est considérable. J’ai également épargné sur la cuisine et évité les restaurants, car ma copine et mon père s’occupaient des repas que j’avais préalablement achetés. J’ai dû toutefois dédommager mon équipe pour le transport pour un total de 130 $.

Sans équivoque, l’achat de breuvages et de nourriture fut la dépense la plus importante du projet. Au total, les dépenses se sont élevées à 601,27 $, dont 339,78 $ lors de la fin de semaine à Baie-Saint-Paul. C’est plus de 42 % du budget total qui fut consacré à nourrir autant les acteurs que les autres membres de l’équipe. Outre cette dépense, celles des locations et des frais de transport abordés antérieurement, il y a eu l’achat des costumes et du maquillage pour 176,45 $ ainsi que la location de matériel spécialisé pour 110 $. Heureusement, j’ai pu utilisé l’équipement prêté par la Faculté des lettres et des sciences humaines, car ces frais auraient augmenté les dépenses d’au moins 1500 $.

Bref, ce projet a coûté 1411,22 $. J’ai effectué deux « pools » de hockey qui m’ont rapporté 350 $, afin de m’alléger la charge financière de celui-ci. Vous constaterez dans le prochain tableau les dépenses ainsi que leurs pourcentages respectifs du budget total.

2 Voir p. 35-36.

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6.2 Tableau des dépenses

ITEMS MONTANTS % Nourriture et boisson 601,27 42,6 Location et assurance 393,50 27,9 Costumes et maquillage 176,45 12,5 Transport 130 9,2 Location matériel 110 7,8 TOTAL 1411,22 100

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7. Le film St-Placide

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8. Réflexion sur l’antihéros dans le cinéma

québécois

Le Québec fait exception des autres provinces canadiennes dans le domaine cinématographique puisqu’il possède sa propre industrie, qui réussit, tant bien que mal, à tirer son épingle du jeu par rapport aux blockbusters américains. La langue française représente bien sûr un élément important de son unicité, mais on peut y retrouver également une réalité québécoise distincte qu’on ne peut pas observer dans d’autres cinématographies nationales. Un des éléments qui constituent son unicité, notamment par rapport au cinéma dominant américain3, se

situe au niveau des personnages principaux. Si le cinéma provenant d’Hollywood tend à magnifier les protagonistes, le cinéma québécois humanise souvent le héros, n’ayant aucune crainte de montrer leurs défauts et imperfections. Je considère que cette caractéristique peut en faire un antihéros, puisqu’il ne présente pas de traits héroïques, comme le courage, le dévouement, du génie et une force de caractère hors du commun4, sans que cela ne l’empêche d’arriver

parfois à ses fins. Bien que ce type de héros soit utilisé par les cinéastes d’ici depuis les débuts du cinéma, il n’y a pas d’informations concrètes qui permettent de le définir et de comprendre pourquoi on le retrouve aussi souvent dans les œuvres issues du cinéma de la belle province.

Afin de pouvoir répondre à cette interrogation, trois films québécois de trois décennies différentes serviront à exposer les caractéristiques communes de leurs antihéros : Mon oncle Antoine (1971) de Claude Jutra, Les Plouffe (1981) de Gilles Carle et Québec-Montréal (2002) de Ricardo Trogi. L’examen des personnages étudiés découlant de ces œuvres offrira également la possibilité de définir ce type

3 C’est du cinéma industriel hollywoodien dont il sera question lorsqu’on élaborera sur le cinéma

dominant américain. Ce n’est cependant pas tout le cinéma provenant des Etats-Unis qui utilise la méthode des grands studios. Il existe une industrie indépendante très développée chez les Américains et nous en sommes conscients.

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de protagoniste et de vérifier si sa représentation coïncide mieux avec un genre filmique plus qu’un autre. Puisque le cinéma est un art relativement jeune, une autre forme d’art, la littérature, forte de sa tradition, servira à expliquer l’antihéros québécois. De plus, pour faciliter sa définition, on le comparera au westerner, un héros emblématique du cinéma classique américain qui sera développé plus loin. Une substitution des rôles sera également démontrée dans le but d’observer l’importance de chacun des types de personnages par rapport au genre filmique qui l’emploie. Nous verrons également comment ces deux protagonistes différents réagissent à la suite de leur intégration dans le court-métrage St-Placide, dans lequel un antihéros évolue dans une œuvre fortement inspirée du western classique.

8.1 L’antihéros québécois : qui est-il?

On ne connaît pas beaucoup d’éléments sur l’antihéros du cinéma québécois, mais il suffit de visionner quelques d’œuvres de la belle province pour constater que la majorité de ses protagonistes ne possèdent pas les mêmes caractéristiques des héros hollywoodiens :

« On ne pourrait toutefois accuser le cinéma québécois de cultiver les héros; bien au contraire, les anti-héros y abondent, les marginaux, les laissé-pour-compte occupent une place de choix dans le vaste tableau d’ensemble qu’il esquisse »5.

Pourquoi alors l’utilise-t-on aussi souvent dans l’industrie cinématographique québécoise? Serait-ce pour humaniser le personnage ou pour le rapprocher davantage de son public? Est-il trop général de dire qu’il se distingue plutôt dans des comédies plutôt que dans d’autres genres? Dans les ouvrages qui traitent du septième art, soit on le traite en surface, ou on ne l’aborde pas du tout. On sait qu’il existe, cependant on ne ressent pas le besoin de développer sur le

5 PYEE-COHEN, Doris, « Perspective : culture québécoise et cinéma : histoire, culture et civilisation

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sujet. C’est en travaillant avec des études sur le cinéma québécois qu’on tentera de définir ce type de personnage, notamment à partir de celles de Christian Poirier,

Le cinéma québécois : à la rechercher d’une identité, et d’Heinz Weinmann, Cinéma de l’imaginaire québécois : de La petite Aurore à Jésus de Montréal.

D’autres études en provenance de la littérature serviront également à les appuyer dans les prochaines pages.

On délimite souvent l’antihéros en l’opposant au héros traditionnel, et c’est ce qu’André Roy, écrivain québécois et critique de cinéma, indique dans son

Dictionnaire du film :

Contraire du héros. (antihéros) L’antihéros désigne un personnage, le plus souvent de sexe mâle, ne possédant aucune des vertus positives attribuées à un héros. L’antihéros est porteur de valeurs « corrompues » qu’il défend souvent par les armes. Il se meut dans la société comme une bête fauve, un rebelle aux fausses causes. 6

On peut voir dans cette définition que cet exemple de personnage ne détient aucune qualité que l’on peut retrouver généralement chez un héros. Il faut toutefois la nuancer, car l’utilisation des armes ne représente pas une caractéristique chez ce type de protagoniste dans la cinématographie québécoise. Il n’est pas non plus systématiquement un rebelle. Les trois films choisis pour notre démonstration sauront soutenir cette affirmation. Par contre, dire qu’il est porteur de valeurs corrompues semble légitime puisqu’on verra que les protagonistes choisis pour l’étude ne représentent pas des modèles de vertu. Dans les ouvrages consultés sur le cinéma, on ne retrouve pas d’autre définition claire de l’antihéros. Toutefois, on en découvre plusieurs du côté de la littérature, autant au Québec qu’à l’international.

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Le cinéma et la littérature de type narratif se sont souvent associés et continuent plus que jamais de l’être puisque plusieurs œuvres cinématographiques proviennent d’adaptations de romans ou de nouvelles. Ainsi, la littérature a inspiré de nombreux films au Québec comme ailleurs dans le monde. Pensons notamment aux Belles histoire des pays d’en haut de Claude-Henri Grignon, qui inspira une célèbre série télé, mais aussi trois œuvres filmiques : Un homme et

son péché (1949) et Séraphin (1950) du réalisateur Paul Gury, ainsi que Séraphin : un homme et son péché (2002) de Charles Binamé; Bonheur d’occasion de

Gabrielle Roy, porté à l’écran par Claude Fournier en 1983, ou plus récemment aux nombreux films de Patrick Sénéchal portées à l’écran : Sur le Seuil en 2006,

5150 rue des Ormes en 2009 et Les Sept Jours du Talion en 2010, les deux

premières ayant été réalisées par Éric Tessier et la dernière par Daniel Grou, mieux connu sous le nom de Podz. Les Plouffe, qui se veut une adaptation éponyme d’un roman populaire de Roger Lemelin, n’est pas une exception en ce qui a trait à son inspiration. Il n’est donc pas exagéré d’associer une définition provenant d’ouvrages sur la littérature et de la transposer au cinéma, car ces deux formes d’art comptent de nombreux éléments communs, notamment quant aux personnages narratifs de l’écrit comme de l’écran :

Figure romanesque ou théâtrale souvent opposée au héros traditionnel, dont elle ne possède ni la témérité dramatique, ni l’aveuglement passionnel, ni l’acceptation héroïque des souffrances et châtiments. L’antihéros subit la sanction qui résulte d’un concours de circonstances, d’une erreur d’appréciation, de sa situation marginale, sanction exprimée par ses semblables. Victime désarmée, mais lucide, l’antihéros est un démystificateur caractérisé tantôt par une cruauté disculpante, tantôt par une ironie attendrie, tantôt par un cynisme nourri d’échecs. 7

Cette citation propose une qualification plus complète que celle mentionnée précédemment par André Roy et permet d’englober plus de personnages comme

7 VAN GORP, Hendrik [dir.], Dictionnaire des termes littéraires, Paris, coll. « Dictionnaires et

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nous le verrons plus loin. Elle illustre bien les possibilités au niveau des caractéristiques psychologiques des antihéros. D’ailleurs, nous pourrons observer que le trait de « la lucidité », tel que mentionné par Van Gorp, sera de nouveau utilisé pour illustrer les personnages des films à l’étude. Ceux-ci se définiront davantage par une « ironie attendrie » et un « cynisme causé par les échecs » que par « une cruauté » présente à l’intérieur d’eux-mêmes. Cela touche également à une description de l’antihéros dans la littérature française que fait Victor Brombert, professeur à l’Université Princeton :

Nineteenth and twentieth-century literature is moreover crowded with weak, ineffectual, pale, humiliated, self-doubting, inept, occasionally abject characters — often afflicted with self-conscious and paralyzing irony, yet at times capable of unexpected resilience and fortitude. Such characters do not conform to traditional models of heroic figures, they even stand in opposition to them. […] Implicitly or explicitly, they cast doubt on values that have been taken for granted, or were assumed to be unshakable.8

On retrouve des notions similaires à la définition donnée dans le dictionnaire de Van Gorp, comme celle de l’ironie que peuvent engendrer les antihéros, ainsi que le fait d’être en opposition avec le héros traditionnel. On distinguera aussi la notion de la pleine conscience, « self-conscious », qui sera démontrée à travers les personnages des œuvres étudiées, et également à travers leur capacité à faire preuve de résilience et de courage lorsque nécessaire. Il est ainsi plus facile de saisir les motivations et les aboutissements dans les divers récits où ce type de protagoniste est mis en valeur.

Très large, la définition donnée par Van Gorp peut servir autant à analyser une œuvre cinématographique américaine que québécoise, ou une œuvre reliée à la littérature ou au théâtre. De plus, elle rejoint une affirmation du sociologue québécois Jean-Charles Falardeau par rapport aux émotions provoquées par ce type de personnage. Professeur à la Faculté des sciences sociales de l’Université Laval, Falardeau a concentré ses recherches sur les héros dans le roman

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québécois dans L’évolution du héros dans le roman québécois. C’est un ouvrage qui demeure pertinent encore aujourd’hui puisqu’il aborde des classiques de la littérature québécoise du début du XXe siècle. Ce qu’il propose attire l’attention, car

ses affirmations se concentrent uniquement sur la littérature du Québec. Bien que celles-ci datent et que l’auteur provienne d’un autre champ d’études, elles apportent un regard détaillé sur la situation de l’évolution des héros romanesques de cette époque, personnages qui, pour la plupart, sont loin de présenter des vertus héroïques et exemplaires :

Au héros de la fidélité qui avait indéfiniment vécu de valeurs et des modèles absolus, nous voyons succéder assez subitement un héros dépossédé de ces valeurs et de ces modèles. Ce héros n’ayant plus aucun statut ne sait plus jouer aucun rôle. Lui fait suite un héros de type primitif en lutte avec une nature sans signification. L’héritier des modèles est un héros urbain et intellectuel de classe bourgeoise, moyenne ou populaire. C’est à ce palier social que se poursuivra, en même temps que l’affirmation du héros, la recherche de nouveaux modèles et la contestation des valeurs anciennes. Le héros vit de tensions et d’angoisses. […] C’est alors que se commencent de nombreux avatars qui le laissent tour à tour déchiré, satirique, révolté ou cynique. 9

Ce qui est pertinent dans ce passage, c’est l’explication selon laquelle l’antihéros, comme l’auteur le sous-entend, peut provenir de n’importe quelle classe sociale. Bien que Falardeau tire ses exemples de la littérature, nous verrons que ce qu’il énonce se transpose aussi bien aux œuvres cinématographiques étudiées ultérieurement, notamment par rapport aux émotions véhiculées par ce type de personnage. On retrouve également certains termes utilisés dans la définition précédente de Van Gorp, c’est-à-dire « cynique » et « satirique », qu’il est possible d’attacher à « l’ironie attendrie » présente dans la précédente. Toutefois, nous devons mettre un bémol lorsqu’il aborde la question de la contestation des valeurs anciennes, car nous n’effectuons pas ce constat dans les films Québec-Montréal et Mon oncle Antoine. Il existe possiblement un lien entre le héros de la fidélité et le westerner, car Farlardeau affirme que le premier vit de

9 FALARDEAU, Jean-Charles, L’évolution du héros dans le roman québécois, Montréal, coll.

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valeurs et de modèles absolus, comme c’est le cas avec le cowboy issu du western classique.

Amorçons notre étude de cas de manière chronologique avec le film de Claude Jutra, Mon oncle Antoine, une œuvre phare du cinéma québécois. Ce film propose la vision d’une petite ville, Black Lake, dans le Québec des années 40 à travers les yeux d’un jeune adolescent prénommé Benoît. C’est plutôt son oncle Antoine qui sera étudié ici, car l’observation de l’oncle mis en scène par Jutra s’effectue à travers les yeux du plus jeune. Nous distinguons par ailleurs davantage les faits et gestes de son tuteur, l’oncle Antoine. Ce dernier occupe deux fonctions, c’est-à-dire celles de propriétaire d’un magasin général et d’embaumeur. Interprété par le comédien Jean Duceppe, ce personnage présente des qualités comme la générosité, puisqu’il élève son neveu orphelin ainsi qu’une autre employée, et la joie de vivre, tel que vu dans la scène de l’annonce d’un mariage entre deux clients du magasin général. Cependant, nous remarquons majoritairement les défauts du personnage représentés à la fois par son amour de l’alcool et par son comportement nonchalant, deux éléments visibles tout au long du film. L’oncle Antoine est un bon vivant qui semble sans malice, quoiqu’il se dissocie totalement d’un héros possédant des vertus exemplaires comme on pourra le comparer avec le westerner issu du genre du western classique. Comme dans la définition de Van Gorp, il vit un cynisme rempli d’échecs qu’il avouera lui-même. Il devient en quelque sorte attendrissant par ses défauts qui ne sont effectivement pas des plus dramatiques. Nous ne percevrions jamais les déboires du cowboy dans le western classique et il ne les dévoilerait pas plus au grand jour. C’est par contre une toute autre chose pour l’antihéros. Vers la fin du récit, une grande consommation d’alcool permet de révéler la vraie nature de l’oncle Antoine. Nous connaîtrons alors ses motivations, mais surtout ses échecs. Lors de cette scène que nous pourrions qualifier de « nuit de vérité »10, il affirme ne pas être

heureux et ne pas faire ce qu’il a toujours voulu désirer, soit administrer un hôtel aux États-Unis, et ce, en raison du désaccord de sa femme. De plus, il dit éprouver

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une peur des morts, ce qui explique en partie son alcoolisme et le fait qu’il n’aime pas sa vie. Selon Christian Poirier, ce personnage reflète la collectivité québécoise :

Un nouveau récit que l’on a vu à l’œuvre avec Mon oncle Antoine de Claude Jutra, côtoie toujours un récit dominant, parti à la recherche d’une image stabilisée, « avec un sens », de l’identitaire québécois. Ce récit hégémonique postule que la fonction suprême du cinéma québécois est de révéler les traumatismes de la collectivité, ses échecs, afin d’en arriver à la découverte de sa véritable nature. […] De plus, la relation au passé s’est révélée être un élément fondamental du rapport à l’identité. À l’absence du père s’ajoute même la démission morale de l’homme québécois. 11

Ce passage est très intéressant puisqu’il fournit une première hypothèse, à savoir pourquoi ce type de personnages occupe les écrans du Québec depuis des années, comme nous pouvons le voir au cinéma avec les personnages de Bon

cop, Bad Cop (2006) d’Éric Canuel ou Le sens de l’humour (2011) d’Émile

Gaudreault, voire à la télévision avec les séries C.A., écrite par Louis Morisette (2006-2010) et Les Invincibles (2005-2009) scénarisée par François Létourneau et Jean-François Rivard. Ce qui est fascinant avec le personnage d’Antoine dans l’œuvre de Jutra, c’est qu’il demeure conscient de sa condition et de sa vie ponctuée d’échecs, ce qui le poussera d’ailleurs à « démissionner moralement ». De plus, il ne contrôle pas son destin, le laissant entre les mains de sa femme, pleinement consciente de l’emprise qu’elle possède sur son mari en commettant l’adultère avec un commis lors de cette même soirée. Dans la scène abordée précédemment, il devient en quelque sorte un enfant, alors que son neveu Benoît doit désormais prendre des décisions d’adulte.12 Les rôles sont ainsi inversés.

Nous constatons également qu’Antoine s’incline devant tout défi, duquel il se sent impuissant sans l’aide de l’alcool. Cette échappatoire sert également de révélateur pour le faible Ovide Plouffe dans le film Les Plouffe du réalisateur Gilles Carle.

11 POIRIER, Christian, Le cinéma québécois : à la recherche d’une identité, Sainte-Foy, Presses de

l’Université du Québec, 2004, 314 p. 135.

12  WEINMANN, Heinz, Cinéma de l’imaginaire québécois : de La petite Aurore à Jésus de Montréal, Montréal, L’hexagone, 1990, p. 82. 

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Incarné par Gabriel Arcand, la destinée du personnage d’Ovide Plouffe semblait prédéterminée à sa naissance puisqu’il représente le seul garçon de la famille dont le prénom n’est pas issu d’un grand empereur ou d’un conquérant. Il s’appelle Ovide, nom provenant d’un poète romain, alors que ses frères se prénomment Napoléon et Guillaume. À l’exception des liens de sang, il ne partage aucune passion commune avec ses frères, grands amateurs de sport, alors qu’il préfère la culture. Il représente le mouton noir de la famille, souvent défendu par une mère protectrice qui projette sur lui sa foi et son désir de voir en son fils un prêtre ou un curé. Bien qu’il ne semble pas vivre de conflit avec son père Théophile, on sent à travers l’œuvre de Gilles Carle, et à la suite de celle de Roger Lemelin, qu’Ovide ne vit pas la même relation que son géniteur peut avoir avec ses frères, puisque le père possède plus d’affinités avec ses deux autres fils. Il projette d’ailleurs son passé glorieux de sportif sur Guillaume, le plus jeune et le plus doué dans les sports de la famille. Tailleur de cuir possédant de grandes ambitions, Ovide tente de séduire la belle Rita Toulouse tout au long du récit. Toutefois, il ne réussit pas à la séduire dès la première occasion, après l’avoir invitée à assister à un opéra improvisé chez lui :

Il n’y a pas de place non plus pour Ovide Plouffe dans le cœur de Rita Toulouse. Pauvre, Ovide, l’éternel trahi! Son amour pour Rita est plus aveugle que l’aveuglement : ses yeux candides et larmoyants se ferment à la réalité. Lui qui croit dans le beau, le bien, le vrai ne voit pas le jeu de Rita, ne voit pas que le monde autour de lui n’est pas sérieux pour deux sous. La formule se révèle catastrophique, notre intellectuel court à sa perte. Bien sûr, à la première occasion, il sera humilié, trompé, ridiculisé par sa belle. « Vous vous comportez en monsieur avec les dames, elles aiment mieux les champions. » Quand le champion est votre frère, votre propre frère, quand on aime comme Ovide aime, le ridicule tue. « Y’a pas de place nulle part pour les Ovide Plouffe du monde entier » » lance-t-il, complètement saoul et dépité.13

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Encore une fois, la réalité du personnage se dévoile grâce à l’alcool. Après avoir vu son frère quitter la demeure familiale avec sa prétendante, Ovide décide le lendemain de quitter le travail et de passer la journée dans une taverne de la basse-ville de Québec. Mais contrairement à l’oncle Antoine, c’est après s’être fait humilier qu’il a recours à l’alcool et non pas par habitude. Voyant que la voie empruntée menait à l’échec, il décide de joindre une congrégation religieuse dans un monastère près de Québec et réalise ainsi le souhait de sa mère. À l’instar du personnage étudié dans Mon oncle Antoine, Ovide ne contrôle par complètement son destin. Bien sûr, c’est lui qui fait le choix final, mais il réagit suite au rejet de Rita au lieu d’agir afin de sauver son propre honneur. C’est d’ailleurs ce que lui dit son frère Napoléon : « Tu penses trop aussi, tu n’agis pas assez. »14 Rejeté, il

préfère s’enfuir dans un couvent plutôt que d’affronter sa réalité de plein fouet. Il ne pourra toutefois pas la renier, et ce même au couvent, car là aussi il subit une situation d’exclusion face aux autres. C’est une fois poussé à ses limites qu’il réagit pour se rendre compte que la vie de moine ne lui convient pas. Le constat d’échec revient une fois de plus dans sa vie. Toutefois, il réussit quand même à conquérir Rita Toulouse malgré leurs différences. Après l’avoir invitée et bu plusieurs verres en sa compagnie, c’est elle qui prend l’initiative des rapprochements, mais il échouera temporairement puisque trop excité et il éjacule précocement dans son pantalon. Elle reviendra tout de même le lendemain lui avouer son amour, mais nous constatons que c’est elle, encore une fois, qui provoque l’action. Cela laisse donc imaginer qu’Ovide aura une suite semblable à l’oncle Antoine, c’est-à-dire qu’à force de subir l’action il n’obtiendra pas la vie désirée, ni d’ailleurs dans une suite au film de Gilles Carle imaginée par Roger Lemelin et Denys Arcand, auteurs du scénario Le crime d’Ovide Plouffe (réalisé par ce dernier en 1984). Dans ce film, Ovide Plouffe est non seulement désillusionné de son couple. Il occupe également la fonction de représentant sur la route en tant que copropriétaire d’une bijouterie. Il se retrouve évidemment loin de la vie dont il rêvait en épousant Rita Toulouse tout comme l’antihéros de Mon oncle Antoine. Toutefois, à la fin du film,

14 POIRIER, Christian, Le cinéma québécois : à la recherche d’une identité, Sainte-Foy, Presses de

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un concours de circonstances l’amène à mener la vie d’intellectuel dont il a toujours rêvée. Par contre, et on le verra plus loin dans la synthèse des caractéristiques, il n’agit pas sur son propre destin et il demeure en quelque sorte chanceux de son sort, contrairement à l’oncle Antoine, qui n’a pas eu la même veine.

C’est également le chemin que semblait emprunter le personnage de François, 26 ans, dans Québec-Montréal. Ce dernier, interprété par Pierre-François Legendre, quitte la ville de Québec pour se rendre dans la métropole à la suite d’une promotion obtenue par sa compagne de plusieurs années. Tout semble bien aller dans leur relation au début du film, mais celle-ci se détériore rapidement après une panne d’essence qui aurait pu être évitée par Pierre-François. Cet incident fait ressortir tout ce qui ne va pas dans le couple. Le jeune homme admet alors à sa copine Julie (Julie Le Breton) que déménager à Montréal ne l’enchante aucunement et que c’est depuis la promotion de cette dernière que le couple bat de l’aile. Elle ne prend pas le blâme. Elle décide plutôt de prendre ses bagages et de faire de l’autostop pour se rendre à Montréal pour leur rendez-vous avec la décoratrice de leur nouvelle demeure. Pierre-François lui dit timidement de ne pas monter avec un inconnu. Cependant, il n’intervient pas davantage et la laisse embarquer avec un étranger comme si rien n’était. Comme les deux autres personnages étudiés précédemment, il n’agit pas lorsqu’il doit le faire. C’est « seul et désillusionné » que ce dernier « sniffe de l’essence »15 sur le bord de la route

avant d’être sermonné par un orignal animé d’un panneau de signalisation, qui lui expose l’échec de sa relation de couple. Malgré ce sermon, il décide de reprendre la direction de Montréal avant de rebrousser chemin près de l’arrivée, après avoir remarquer que sa copine se trouvait aux côtés d’un séducteur invétéré de la même trempe que son propre conducteur, Michel Gauvin, alias Mike Gauvin. Il abandonne, s’inclinant facilement devant un inconnu sans connaître les réelles intentions de Julie, qui ne semble pas trop intéressée par le séducteur interprété

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