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Le déficit de cycle de vie en France : une évaluation pour la période 1979 - 2011

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Le déficit de cycle de vie en France : une évaluation pour la

période 1979-2011

Hippolyte d’Albis, Carole Bonnet, Julien Navaux, Jacques Pelletan, François-Charles Wolff

Mars 2011, proposition pour le congrès annuel de l’AFSE Préliminaire et incomplet

Résumé :Cet article propose une caractérisation du déficit de cycle de vie suivant la méthode des

Comptes de Transferts Nationaux. Il couvre la France pour la période 1979-2011. Des comparaisons entre générations et internationales sont également proposées.

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1. Introduction

Les âges de la vie sont traditionnellement au nombre de trois : la jeunesse, l’âge adulte et la vieillesse. Etat donné l’importance de cette décomposition pour comprendre la vie des individus à la dynamique sociale, nombreux sont ceux qui ont cherché à les caractériser. De façon élégante et très pertinente, Barbara Kingsolver fait dire à un de ses personnages de Un autre monde que « La première partie de la vie est l’enfance. La seconde est l’enfance de son enfant. Puis vient la troisième, la vieillesse. » Les chercheurs des sciences humaines et sociales ont également proposé des caractérisations reposant plus ou moins sur les marottes de leur discipline mais ayant en commun l’idée que les âges de passage d’une période à la suivante varient d’une société à l’autre et d’une époque à l’autre. L’étude de ces âges de passage devenant le révélateur de la société étudiée.

Une vision économique de ces trois âges de la vie peut être proposée en complément des autres visions. Elle utilise de façon assez simple les variables de consommation et de revenus du travail dans une perspective de cycle de vie. On peut, en effet, considérer que les plus jeunes et les plus âgés sont ceux dont le travail n’est pas à même de financer la consommation au sens large tandis que les adultes perçoivent des revenus du travail supérieurs à leur propre consommation. Cette structuration en trois âges du cycle de vie est assez proche de la notion de dépendance économique et permet de caractériser la direction des principaux transferts entre les générations. La notion de « déficit de cycle de vie » est la contrepartie statistique de cette structuration ; une population pouvant être décomposée en trois classes d’âge suivant la position relative des revenus moyens et de la consommation moyenne à chaque âge : excédentaire pour les adultes et déficitaire pour les autres. Proposée par Andrew Masson et Ronald Lee, cette notion de déficit de cycle de vie fait partie d’un projet plus large, les Comptes de Transferts Nationaux, qui visent à intégrer l’âge dans toutes les variables de la Comptabilité Nationale. Le déficit de cycle de vie permet de mesurer l’ampleur des transferts entre les générations ; le transfert étant pris au sens très général qui inclut les transferts mis en place par la puissance publique, les transferts familiaux, et également les transferts socialisés par le marché. Le déficit de cycle de vie permet également d’appréhender les conséquences macro-économiques des changements démographiques. Plus généralement, l’analyse de l’évolution du déficit de cycle de vie peut contribuer au débat sur l’équité entre les générations.

Les Comptes de Transferts Nationaux reposent sur une méthodologie internationale développée par un ensemble de chercheurs réunis sous la direction de Ronald Lee et Andrew Mason. Les développements les plus récents de la méthode sont présentés dans l’ouvrage « Population Aging and the GenerationalEconomy : A Global Perspective » et dans un manuel de référence. Il s’agit précisément de construire des profils par âge, tels que la consommation totale ou les revenus du travail. La consommation totale est constituée de la consommation privée, à savoir les dépenses de consommation finale des ménages et des institutions sans but lucratif, et de la consommation

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publique, qui se définit comme les dépenses de consommation individuelle et collective des administrations publiques. Chacun des profils public et privé est construit à partir des postes de consommation de santé, d’éducation et des autres postes de consommations. Au niveau public, ces derniers incluent les biens et services non individualisables par âge, tels que la défense ou la justice. Concernant les dépenses privées, les « autres dépenses de consommations », hors santé et éducation, dépendent de l’âge et intègrent notamment les loyers imputés. Les revenus du travail sont composés des salaires bruts, des cotisations patronales et de la part du revenu mixte brut des travailleurs indépendants qui correspond à la rémunération du travail. La différence entre les profils de consommation totale et des revenus du travail par âge correspond au déficit de cycle de vie. L’objectif de cet article est de présenter ces profils pour la France au cours de la période 1979-2011.

Nous montrons que le déficit de cycle de vie s’est creusé au cours de la période et distinguons les effets respectifs de l’évolution des profils de revenus du travail et de ceux de la consommation. La distribution par âge des revenus du travail s’est déplacée vers des âges plus élevés à mesure que les enfants du baby boom d’après-guerre vieillissaient. La consommation est restée relativement constante exceptée celle des retraités qui à augmenté au cours de la période récente. En revanche les âges pour lesquels le déficit est nul, qui caractérisent donc l’entrée dans et la sortie de l’âge adulte sont restés relativement constants. Les comparaisons entre générations révèlent que la situation relative des cohortes plus récentes s’est améliorée. Les comparaisons internationales montrent que la France est similaire à certains pays d’Europe continentale tels que l’Allemagne ou l’Autriche mais diffère des Etats-Unis et de la Suède en ce qui concerne la dynamique de la consommation des retraités.

L’article est structuré de la façon suivante. La section 2 présente la méthode employée pour la construction du déficit de cycle de vie. La section 3 détaille ce dernier pour l’année 2011. La section 4 caractérise l’évolution au cours de la période 1979-2011 et discute des évolutions inter-cohortes. La section 5 présente des comparaisons internationales.

2. L’introduction de l’âge dans la Comptabilité Nationale

2.1. Les Comptes de Transferts Nationaux

Les Comptes de Transferts Nationaux quantifient l’acquisition et l’utilisation des ressources économiques à chaque âge (Lee et Mason, 2011). Ils s’appuient sur une méthodologie internationale unifiée qui consiste à introduire l’âge dans la Comptabilité Nationale et qui estdécrite dans un manuel de référence publié par l’Organisation des Nations Unies (ONU, 2013)1. Ces comptes sont

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Feyler (2014) détaille la méthodologie des comptes de transferts nationaux pour l’estimation du déficit de cycle de vie.

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destinés à comprendre la façon dont les flux économiques circulent entre les différents groupes d’âge d’une population pour un pays et pour une année donnée. Ils indiquent notamment à chaque âge les différentes sources de revenus et les différents usages de ces revenus en termes de consommation, que celle-ci soit privée ou publique, et d’épargne. Ils permettent ainsi d’étudier les conséquences liées aux modifications de la structure par âge de la population.

Au cours de la vie, les individus consomment à tous les âges. En revanche, ils ne produisent de la richesse économique qu’aux âges adultes. Au cours des périodes de jeunesse et de vieillesse, il en résulte que la consommation excède les revenus du travail. Cette organisation du cycle de vie va dès lors donner lieu à des réallocations de ressources, qu’elles soient volontaires ou organisées par les décideurs publics, qui vont de la période de surplus aux âges adultes vers les périodes de déficit observées aux âges jeunes et vieux. Les différentes politiques publiques influencentclairement les âges auxquels s’observent les périodes de surplus et de déficit, par exemple à travers les choix en termes d’éducation ou de retraite. La démographie joue également un rôle sur la durée de ces périodes à travers l’allongement de l’espérance de vie.

Les Comptes de Transferts Nationaux reposent sur une identité comptable telle que, à chaque âge 𝑎, les ressources doivent être égales aux usages qui en sont faits (ONU, 2013):

𝑌𝐿 𝑎 + 𝑌𝐾 𝑎 + 𝑇𝑅 𝑎 = 𝐶 𝑎 + 𝑆 𝑎 + 𝑇𝑉(𝑎) (1)

La somme des revenus du travail𝑌𝐿 𝑎 , des revenus du capital 𝑌𝐾 𝑎 et des transferts reçus 𝑇𝑅 𝑎

doit être égale à la somme de la consommation privée et publique 𝐶 𝑎 , de l’épargne 𝑆 𝑎 et des

transferts versés 𝑇𝑉(𝑎). Cette identité comptable permet ainsi de faire apparaître le déficit de cycle

de vie 𝐷 𝑎 qui, pour un âge donné, correspond à la différence entre la consommation privée et publique et le revenu du travail :

𝐶 𝑎 − 𝑌𝐿 𝑎 = 𝑌𝐾 𝑎 − 𝑆 𝑎 + 𝑇𝑅 𝑎 − 𝑇𝑉 𝑎 (2)

Le déficit 𝐷 𝑎 = 𝐶 𝑎 − 𝑌𝐿 𝑎 donne lieu à des réallocations de ressources entre les âges qui prennent la forme soit de transferts publics ou privés nets 𝑇𝑁 𝑎 = 𝑇𝑅 𝑎 − 𝑇𝑉 𝑎 , soit de réallocations d’actifs 𝑌𝐾 𝑎 − 𝑆 𝑎 . Le calcul du déficit de cycle de vie 𝐷 𝑎 , qui fait l’objet de la présente étude, nécessite de connaître les profils de consommation et de revenus du travail à chaque âge de la vie. Pour cesdeux composantes, la méthodologie retenue comprend trois étapes distinctes (ONU, 2013).

La première consiste à calculer un profil par âge pour un flux donné. Ce profil 𝑓 𝑎 est obtenu à partir de données d’enquêtes, ce qui nécessite de faire un certain nombre d’hypothèses décrites par ailleurs. Dans un second temps, le profil fait l’objet d’un lissage de la série statistique 𝑓 𝑎 au cours des âges. Si ce profil est calculé au niveau individuel, il est aussi possible d’obtenir le profil agrégé qui prend en compte la structure par âge globale de la population. Chaque effectif d’âge

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𝑎 de la population étant noté 𝑁 𝑎 , le flux agrégé 𝐹 est 𝐹 = 𝑓 𝑎 𝑁(𝑎). Enfin, la dernière étape consiste en un calage sur la Comptabilité Nationale de telle sorte que le flux agrégé 𝐹 coïncide avec l’agrégat comptable correspondant 𝐶. Le terme correctif 𝑐 = 𝐹/𝐶 est alors calculé et appliqué aux séries lissées individuelles et agrégées. Les profils corrigés sont 𝑓𝑐 = 𝑓/𝑐 au niveau individuel et

𝐹𝑐 = 𝐹/𝑐 au niveau agrégé.

2.2. Les agrégats de contrôle pour la consommation et les revenus

Par construction, les Comptes de Transferts Nationaux sont cohérents avec la Comptabilité Nationale. Celle-ci est mobilisée pour construire les agrégats de contrôle associés à la consommation et au revenu. Ces agrégats permettent de recaler les flux agrégés 𝐹 tels qu’ils sont obtenus à partir de données d’enquêtes à leur valeur comptable pour une année donnée au niveau du pays. Pour la France, les agrégats sont obtenus en mobilisant les Tableaux Economiques d’Ensemble (TEE), des Tableaux des Entrées-Sorties (TES), des Comptes de consommation effective détaillée des ménages par fonction et des Comptes des administrations publiques. Ces bases sont une composante des

Comptes nationauxpubliés par l’INSEE (2014)2.

Les revenus du travail comprennent deux composantes. La première est la rémunération des salariés (D1 dans le compte d’exploitation du TEE), qui se subdivise en salaires et traitements bruts (D11) et cotisations sociales à la charge des employeurs (D12). Ces salaires et cotisationspatronales constituent les revenus des salariés à la fois pour les secteurs public et privé, auxquels sont ajoutées les rémunérations nettes en provenance du reste du monde. La seconde concerne les revenus des indépendants. La méthodologie retenue est ici celle proposée par Askenazy et alii (2012). Le revenu moyen des salariés par branche est obtenu en divisant l’agrégat des salaires et traitements par

branche par le nombre de salarié en équivalent temps plein de la branche3. Ce salaire annuel moyen

en équivalent temps est supposé correspondre au salaire moyen des indépendants. Ce dernier est alors multiplié par le nombre d’indépendants de chaque branche en équivalent temps

2

Les TEE, les TES et les comptes des administrations publiques sont disponibles à l’adresse:

http://www.insee.fr/fr/themes/theme.asp?theme=16. Les comptes de consommation effective détaillée des ménages par fonction sont disponibles à: http://www.bdm.insee.fr/bdm2/choixCriteres?codeGroupe=1353. 3

L’agrégat des salaires et traitements est obtenu à partir du TES (niveau 17). L’agrégat est décomposé en 9 branches constituées afin de garantir une correspondance entre la classification des TES et la classification des données issues de EU KLEMS Growth and ProductivityAccounts (http://www.euklems.net/) qui indiquent le nombre de salariés et le nombre d’indépendants par branche. Les branches retenues sont les suivantes: agriculture, sylviculture et pêche (A) ; industrie manufacturière (C); industries extractives, énergie, eau, gestion des déchets et dépollution (B-D-E); construction (F); commerce,réparation d'automobiles et de motocycles (G) ; hébergement et restauration (I); transports et entreposage, information et communication (H-J); activités financières et d'assurance, activités immobilières (K-L); activités spécialisées, scientifiques et techniques et activités de services administratifs et de soutien, administration publique, enseignement, santé humaine et action sociale, autres activités de services (M à U).

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plein4.Ensuite,les deux sources de revenu précédentes sont augmentées de façon à prendre en compte la part des taxesà la production et aux importations nettes des subventions à la production qui est associée au travail. La répartition de ces taxes nettes dépend du poids relatif de chaque facteur.

Les dépenses de consommation finale se décomposent en consommation privée et en consommation publique. La consommation privée correspond à la différence entre les dépenses de consommations finales des ménages et des institutions sans but lucratif et les taxes sur les produits (TVA, impôts et taxes sur les importations sans la TVA, impôts sur les produits hors TVA et taxes à l'importation), auxquelles on soustrait les subventions sur les produits. La consommation publique correspond simplement aux dépenses de consommation finale des administrations publiques.Au niveau agrégé, une distinction est faite entre les consommations d’éducation, celles de santé et les

autres consommations5. Le passage des agrégats privés de la Comptabilité Nationale vers les

agrégats des Comptes de Transferts Nationaux pour la consommation et les revenus est détaillé dans le tableau 1, avec une illustration à partir des grandeurs économiques observées en 2011 en France.

[ Insérertableau 1 ]

2.3. La construction des profils de consommation et de revenu par âge

Les profils de revenus du travail par âge sont déterminés à partir de données d’enquêtes réalisées auprès des ménages qui disposent d’informations sur les salaires individuels. Le profil par âge pour les salaires est obtenu en calculant pour chaque âge le salaire moyen pour l’ensemble des enquêtés de cet âge, les salaires des non-salariés étant fixés à zéro. Une méthodologie similaire avec le calcul du revenu moyen à chaque âge est appliquée pour les cotisations patronales et pour les revenus des indépendants.

L’estimation des profils par âge diffère pour la consommation selon que celle-ci soit privée ou bien publique. Dans le premier cas, une hypothèse centrale dans la méthodologie proposée par l’ONU (2013) est que chaque dépense de consommation est assignable à des individus précis. Cette affectation de la consommation aux différents âges se fait sur la base de données d’enquêtes menées auprès d’un échantillon de ménages. Trois postes de consommation privée sont alors distingués: l’éducation, la santé, et les autres dépenses de consommation. Le traitement spécifique des deux premiers postes de dépenses s’explique naturellement par leur plus forte sensibilité à l’âge.

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Ceci diffère de la méthodologie décrite dans le manuel de l’ONU (2013), qui retient arbitrairement un ratio de deux-tiers appliqué au revenu mixte net pour obtenir les revenus des indépendants.

5

Pour la consommation privée, l’agrégat calculé est réparti entre les différents postes à partir des Comptes de consommation effective détaillée des ménages par fonction, en tenant compte du poids relatif des dépenses d’éducation, de santé et des autres postes de dépenses des ménages.

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Les dépenses liées à l’éducation se concentrent aux âges jeunes tandis que les dépenses de santé vont croître de façon significative avec l’avancée en âge.

L’allocation de l’éducation privée repose sur l’estimation d’un modèle de régression expliquant les dépenses d’éducation du ménage en fonction des nombres d’enfants scolarisés de chaque âge. Une procédure similaire est mobilisée pour les dépenses de santé qui sont estimées par un modèle linéaire en fonction du nombre d’individus de chaque âge dans le ménage. En pratique, des groupes d’âges quinquennaux sont retenus à l’exception du premier âge de la vie (zéro an) qui fait l’objet d’un traitement spécifique. Les autres dépenses de consommation privée suivent une règle d’allocation discrétionnaire qui consiste à fixer des poids exogènes à chaque individu du ménage en fonction de l’âge (ONU, 2013). Comme le montre la figure 1, le poids est supposé égal à 0,4 jusqu’à l’âge de 4 ans inclus, ensuite il augmente proportionnellement jusqu’à l’âge de 20 ans où il devient égal à 1, et enfin il reste constant au-delà.

[ Insérer figure 1 ]

De façon symétrique, la consommation publique est décomposée en trois postes, avec les dépenses liées à l’éducation, celles liées à la santé et enfin les autres dépenses.Pour l’éducation, le profil par âge est obtenu à partir de données sur les dépenses éducatives par niveau scolaire et sur le nombre de jeunes de chaque âge en fonction du niveau d’éducation. La dépense par tête est supposée identique pour tous les jeunes d’un même niveau. L’allocation des dépenses de santé publiques se fait sur la base de données d’enquêtes et d’échantillons permanents constitués auprès des assurés sociaux pour lesquels la valeur des dépenses de santé publique est disponible au niveau individuel. Enfin, les autres dépenses sont réparties de manière uniforme au cours de la vie. Pour une année donnée, chaque individu est supposé bénéficier du même montant de dépense publique quel que soit son âge.

2.4.Les données mobilisées

La mise en œuvre des Comptes de Transferts Nationaux nécessite donc le recours à des sources statistiques variées, avec à la fois des données issues de la Comptabilité Nationale pour la détermination des agrégats, des données d’enquêtes réalisées auprès des ménages et enfin d’autres sources de la statistique publique.Compte tenu de la définition du déficit de cycle de vie, donné par la différence entre la consommation et les revenus du travail, la principale contrainte en termes de données porte sur le calcul du profil par âge de la consommation privée. En France, cette information est exclusivement donnée par les enquêtes Budget des Familles qui sont réalisées tous les cinq ans environ. La présente étude mobilise la dernière enquête Budget des Familles menée par l’INSEE d’octobre 2010 à septembre 2011 pour déterminer le profil par âge du déficit de cycle de vie pour

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l’année 2011. Cette enquête, qui permet de reconstituer la comptabilité du ménage en termes de dépenses et de ressources, s’appuie sur un échantillon comprenant 10 342 ménages.

En pratique, la méthodologie décrite précédemment est appliquée à l’enquête Budget des Familles 2011 pour déterminer d’une part le profil par âge des revenus du travail en distinguant les salaires, les cotisations patronales et les revenus des indépendants, et d’autre part le profil par âge de la consommation privée décomposée en dépenses d’éducation, en dépenses de santé et en autres dépenses. En ce qui concerne la consommation publique, les profils de santé publique sont déterminés de manière analogue aux profils de consommation privée et de revenus. Les agrégats d’éducation publique sont disponibles par niveau de formation et sont répartis entre les classes d’âge à partir des effectifs scolaires et étudiants. Les autres consommations publiques font l’objet d’une équi-répartition entre les différents âges.

L’exploitation de ces différences sources statistiques permet au total de dresser un état des lieux pour les profils de revenus et de consommation suivant les âges pour la France pour l’année 2011. Toutefois, l’objectif des Comptes de Transferts Nationaux est aussi de comprendre comment ces profils par âge se sont modifiés dans le temps, en lien avec les transformations sociétales et les évolutions démographiques. Si les agrégats comptables sont disponibles sur la longue période et mis à disposition par l’INSEE, la principale contrainte pour étendre la fenêtre temporelle de l’analyse est celle de la disponibilité des enquêtes mesurant la consommation des ménages.

La première enquête Budget des Familles a été réalisée de novembre 1978 à octobre 1979

auprès d’un échantillon de plus de 10000 ménages (Glaude et Moutardier, 1982)6. L’année 1979 est

donc retenue comme point initial pour la construction des Comptes de Transferts Nationaux. Des comptes sont ensuite construits pour les années 1984, 1989, 1995, 2000 et 2005 (en plus de 2011), en fonction de la disponibilité des enquêtes Budgets des Familles. Les enquêtes sur la Santé et la Protection Sociale et les Echantillons Permanents d’Assurés Sociaux sont utilisés pour construire le profil par âge des dépenses publiques de santé, avec les deux ajustements suivants. D’un côté, puisque les données ne sont pas disponibles aux mêmes années que les enquêtes Budgets des Familles, les profils font l’objet d’une interpolation linéaire pour les années manquantes sur la base d’une fonction cubique polynomiale. De l’autre, il n’existe pas de source statistique disponible avant 1992 pour la santé publique. Les profils par âge antérieurs sont dès lors supposés identiques et égaux à la moyenne des profils normalisés (la somme de tous les âges est égale à 1) à partir des deux enquêtes 1992 et 1998.Le tableau 2 précise les différentes sources statistiques mobilisées pour la construction des comptes sur les trois dernières décennies, de 1979 à 2011.

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Il existe également des enquêtes pour les années 1973 et 1974, articulées autour d’une enquête alimentaire et d’une enquête sur le budget des familles, mais les résultats hors alimentation n’ont jamais fait l’objet d’une publication car jugés non fiables.

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3. Le déficit de cycle de vie en 2011 en France

3.1.Une consommation plus élevée à la retraite qu’aux âges adultes

Les dépenses totales de consommation ont représenté 1425 milliards d’euros en France pour l’année 2011d’après le tableau 1. Ces dépenses se sont réparties en consommation privée pour 65,9% et en consommation publique pour 34,1%. La structure des dépenses diffère fortement dans les deux cas. En ce qui concerne la consommation privée, la contribution des dépenses d’éducation et de santé est très faible, 1,1% et 3,8% respectivement.Pour la consommation publique, les dépenses d’éducation ont pesé pour 18,8%, les dépenses de santé pour 29,8% et les autres dépenses non assignables pour 51,4%.

Le profil de consommation par tête décrit en figure 2A révèle que la consommation totale augmente fortement durant la période de jeunesse, passant de 11487 euros à 0 an à 23386 euros à l’âge de 20 ans. Ensuite, le niveau de consommation reste relativement stable jusqu’à l’âge de 50 ans (de l’ordre de23000 euros), âge à partir duquel la dépense totalement augmente de façon quasi-linéaire jusqu’à l’âge de 66 ans. A cet âge, lasomme des consommations privéeet publique est maximale et égale à 27294 euros. Au-delà, la consommation devient un peu plus faible, mais elle reste toujours supérieure à 24500 euros jusqu’en fin de vie. Ce profil par âge délivre donc deux enseignements majeurs. D’un côté, les niveaux de consommation totale une fois à la retraite excèdent substantiellement ceux qui sont observés aux âges adultes. De l’autre, il n’existe pas de décroissance forte de la consommation aux âges élevés.

[ Insérer figure 2A ]

Si l’allocation de la consommation privée suivant les âges dépend pour l’essentiel des dépenses hors éducation et santé du fait du poids très faible de ces deux postes, la consommation publique croît très fortement aux âges jeunes à travers les dépenses d’éducation et aux âges élevés avec les dépenses de santé pour lesquelles la contribution augmente fortement à partir de 60 ans. La dépense publique par tête est maximale à 13 ans, avec un montant moyen de 12507 euros. Cette somme est deux fois plus importante que la consommation publique entre les âges allant de 30 à 40 ans, qui oscille entre 5000 et 6000 euros. Elle est également supérieure de près de 50% par rapport à celle d’une personne âgée de 70 ans (8396 euros). La décomposition par poste des dépenses de consommation totale en groupes d’âges quinquennaux, présentée dans le tableau 3, permet une description plus fine de l’évolution du profil global.

[ Insérer tableau 3 ]

Au total, le poids de la consommation publique dans la consommation totale s’élève à 55% pour les 0-9 ans et 51,2% pour les 10-19 ans. La baisse observée ensuite résulte de la forte hausse de la consommation privée. La contribution de la consommation publique représente ainsi entre 24,8%

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et 28,1%de 30 ans à 69 ans. Plus en détail,les dépenses publiques d’éducation représentent près du tiers de la consommation totale pour les 10-19 ans (29,8%), mais seulement 8,6% pour les 20-29 ans. La contribution des dépenses publiques de santé est minimale pour les 10-19 ans (3,9%). Par rapport à ce groupe d’âge, le poids des dépenses publiques de santé est cinq fois plus important pour les

70-79 ans, 6 fois pour les 80-89 ans et même 7 fois pour les plus de 90 ans7.Du fait de ces dépenses de

santé croissantes aux âges élevés, l’importance relative de la dépense privée dans la consommation totale diminue avec l’âge. Elle s’élève à 72,9% pour les 50-59 ans, 65,1% pour les 70-79 ans et 55,9% pour les 90 ans et plus.

La prise en compte des effectifs de population à chaque âge modifie sensiblement l’allure du profil de consommation par âge. Le profil agrégé représenté en figure 2B fait apparaître une baisse brutale de la consommation à l’âge de 65 ans (-5 milliards d’euros par rapport à 64 ans). Cette rupture est à mettre en correspondance avec la période dubaby-boom. La consommation agrégée est maximale pour les âges allant de 60 à 63 ans, autour de 22 milliards d’euros par âge, sous l’effet d’un double phénomène. D’un côté, la consommation par tête est élevée à ces âges (figure 2A). De l’autre, les effectifs de population associés à ces âges qui correspondent aux premières cohortes de l’après Seconde Guerre Mondiale, nées entre 1948 et 1951, sont élevés.Le niveau de consommation agrégé croît fortement de l’âge de 3 ans (10 milliards d’euros) jusqu’à l’âge de 19 ans (18,7 milliards d’euros),en lien avec la hausse des dépenses publiques d’éducation, et augmente ensuite à un taux plus faible durant la période d’activité. Aux âges élevés, la consommation agrégée est égale à 12,5 milliards d’euros à 70 ans, 10,7 à 80 ans et 3,9 à 90 ans.

[ Insérer figure 2B ]

3.2. Une concentration des revenus du travail entre 30 et 55 ans

En France, la somme des revenus du travail s’est élevée à 1214,1 milliards d’euros pour l’année 2011(cf. tableau 1). Ces ressources correspondaient pour l’essentiel à des revenus salariaux (68,4%) et dans une moindre mesure à des cotisations patronales (24,8%), la contribution des revenus des indépendants étant plus limitée (6,8%).

Le profil par âge des revenus du travail au niveau individuel, présenté en figure 3A, suit approximativement une courbe en cloche. Trois grandes périodes sont à distinguer. Tout d’abord, les revenus augmentent très fortement pour les âges allant de 20 à 35 ans, âge auquel le revenu moyen est égal à 38228 euros : le taux de croissance entre ces deux âges est de prêt de 400%. La croissance se poursuit ensuite, mais à un rythme plus ralenti, jusqu’à l’âge de 45 ans. A cet âge, les revenus du travail restent relativement stables pendant 5 années, pour un montant moyen approximativement

7

Pour comparaison, le poids des dépenses privées de santé s’élève à 3,4% pour les 70-79 ans, 3,7% pour les 80-89 et 4% pour les 90 ans et plus.

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égal à 43000 euros. Enfin, après 54 ans, les revenus du travail se mettent à diminuer brutalement : 38439 euros à 55 ans, 29003 à 58 ans, 20279 euros à 60 ans, 12839 euros à 62 ans, 6826 euros à 64 ans et 3390 euros à 66 ans.

[ Insérer figure 3A ]

De ce profil résulte une concentration assez forte des revenus du travail, qui sont perçus sur un nombre restreint d’années. La moitié des revenus du travail est ainsi obtenue en considérant les 18 meilleurs âges en termes de revenus. Les 30 âges caractérisés par les revenus les plus élevés permettent d’obtenir près de 80% du montant total des revenus du travail. Si l’on se réfère au cycle de vie, 70,9% des revenus du travail sont perçus entre les âges de 30 et 55 ans inclus. Cette proportion passe à 90,2% lors que l’on considère les âges allant de 25 à 60 ans inclus. Cette concentration des revenus du travail n’est guère surprenante pour la France. Elle résulte d’une part de l’allongement de la durée des études et des difficultés d’insertion des jeunes sur le marché du travail, ce qui explique les salaires moyens très faibles observés aux âges jeunes, et d’autre part de l’âge de départ à la retraite qui était en moyenne de 59,3 ans pour les hommes et de 59,6 ans pour

les femmes en France pour l’année 2011d’après les données de l’OCDE8.

Au niveau agrégé, le profil par âge des revenus du travail représenté en figure 3B apparaît un peu différent de celui mis en évidence en figure 3A. En particulier, les effets de l’ancienneté qui font croître régulièrement les salaires sur les âges de 25 à 40 ans au niveau individuel apparaissent atténués. De 30 à 34 ans, la contribution au revenu agrégé total pour chacun de ces âges est à peu près stable, autour de 28-29 milliards d’euros pour l’année 2011. Les revenus du travail augmentent ensuite fortement jusqu’à 40 ans. Le profil agrégé souligne la contribution importante aux revenus totaux pour les individus âgés entre 40 et 50 ans (inclus) : l’apport de ce groupe d’âge représente exactement le tiers des revenus totaux. Enfin, les premières générations du baby-boom contribuent désormais très peu aux revenus du travail du fait de leur passage à la retraite.

[ Insérer figure 3B ]

3.3.Davantage d’années de déficit de cycle de vie que de surplus

Au total, le déficit de cycle de vie 𝐷 = 𝐶 − 𝑌𝐿 s’est élevé à 211 milliards d’euros en France en

2011, ce qui représentait 10,2% du PIB (égal à 2059,3 milliards). Le financement du déficit de cycle de

vie a été assuré d’une part par des réallocations fondées sur l’actif 𝑌𝐾− 𝑆 pour un montant de 252,6

milliards et d’autre part par des transferts nets pour un montant de -40,6 milliards.Les composantes

8 Les âges effectifs de départ à la retraite calculés par l’OCDE correspondent à des moyennes pondérées effectuées sur des périodes de 5 ans pour les travailleurs âgés de 40 ans et plus. Pour 2011, la période prise en consideration est 2006-2011. Les données sont disponibles à l’adresse: http://www.oecd.org/els/public-pensions/ageingandemploymentpolicies-statisticsonaverageeffectiveageofretirement.htm.

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publiques des revenus des actifs et de l’épargne sont négatives, -35,7 milliards et -76,4 milliards d’euros respectivement, ce qui correspondent à de l’endettement public. Le fait que les transferts 𝑇𝑁 soient négatifs correspond à une situation où les transferts versés entre les différents âges

excèdent les transferts reçus.

Le profil par âge du déficit de cycle de vie au niveau individuel se déduit des profils par âge de la consommation et du revenu. Le profit par tête de ce déficit suit les grandes périodes de la vie comme le montre la figure 4A. Aux âges jeunes et vieux, les revenus annuels et le déficit à chaque âge correspond uniquement aux montants annuels de consommation à ces âges. Pour la période de jeunesse, le déficit maximal est observé à l’âge de 15 ans et est égal à 23624 euros. Pour la période de vieillesse, le déficit reste à peu près stable à partir de 68 ans, autour de 25000 euros. Les âges auxquels le montant du déficit de cycle de vie est négatif sont compris entre 25 et 58 ans. Ainsi, les durées des périodes où la consommation excède les revenus du travail sont égales à 25 ans pour la période de jeunesse (de 0 à 24 ans) et 24 ans (de 59 à 82 ans) pour la période de vieillesse sur la base

d’une espérance de vie à la naissance de 82 ans observée pour l’année 20119.

[ Insérer figure 4A ]

Au total, les besoins de financement associés à cette période cumulée de déficit de 49 ans ne sont pas couverts par la période de surplus aux âges adultes qui est donc d’une durée de 34 ans (de 25 à 58 ans). Cette dernière représente ainsi 40% de la durée de vie moyenne en 2011. Compte tenu des niveaux de consommation aux âges de déficit, il manque un nombre significatif d’années de surplus pour que les revenus du travail puissent être en mesure de couvrir les dépenses de consommation privée et publique. Le surplus maximal, égal à 21431 euros, est observé à l’âge de 46 ans. Il excède 15000 euros par an sur une période relativement courte de 21 années, entre les âges allant de 34 à 54 ans.

La prise en compte de la structure par âge de la population française pour l’année 2011 modifie quelque peu le profil observé pour le déficit de cycle de vie. D’après la figure 4B, la comparaison des profils par tête et agrégé révèle des écarts qui s’observent surtout pour les âges élevés. Au fur et à mesure que les effectifs de population diminuent du fait de la mortalité, il en résulte une baisse mécanique du montant agrégé de déficit de cycle de vie. Pour la période de vieillesse, le déficit maximal est atteint à l’âge de 64 ans (pour un montant de 15,4 milliards d’euros), ce qui correspond à la cohorte née en 1947. Le montant annuel du déficit décline ensuite lentement jusqu’à l’âge de 80 ans (10,6 milliards d’euros), âge à partir duquel le déficit diminue beaucoup plus

9

Pour l’année 2011, l’espérance de vie à la naissance était de 78,4 ans pour les hommes et de 85 ans pour les femmes (Bellamy et Beaumel, 2013). En arrondissant cette espérance de vie à 78 ans pour les hommes, le nombre d’années ensituation de déficit est de 45 ans pour les hommes et de 52 ans pour les femmes.

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rapidement et ceci jusqu’à 90 ans (3,9 milliards d’euros). Au-delà, le déficit agrégé est de faible ampleur compte tenu des petits effectifs observés pour les populations très âgées en 2011.

[ Insérer figure 4B ]

Au niveau agrégé, les âges auxquels le montant de déficit de cycle de vie est négatif demeurent égaux à 25 ans et 58 ans. Le calcul du déficit cumulé de cycle de vie cumulé 𝐷(𝑎)𝑎

permet d’illustrer le déséquilibre financier global qui existe entre les deux périodes de déficit (jeunesse et vieillesse) et la période de surplus (âges adultes). Partant de l’âge 0, le déficit agrégé cumulé est maximal à l’âge de 24 ans où il est égal à 313,6 milliards d’euros. Ensuite, ce déficit cumulé diminue régulièrement (280,4 milliards d’euros à 30 ans, 150,1 milliards d’euros à 40 ans) pour devenir négatif à partir de 49 ans (-10,2 milliards d’euros). Un minimum est alors atteint à l’âge de 58 ans (-114,1 milliards). Avec la baisse rapide à ces âges des revenus du travail, le déficit agrégé cumulé repart dès lors à la hausse et redevient positif à 69 ans (5 milliards). Ce seuil de 69 ans correspond à l’âge auquel le surplus total dégagé par les revenus du travail compense les périodes de déficit durant la jeunesse et dans les premières années de la retraite.

4. Quelle dynamique pour le déficit de cycle de vie ?

4.1. Un déficit de cycle de vie qui se creuse inexorablement

Au cours des trois dernières décennies, l’espérance de vie en France est passée de 74 ans en 1980 à 82 ans en 2011 et la population a vieilli avec l’avancée en âge des cohortes du baby-boom. L’âge moyen était de 40,3 ans en 2011 au lieu de 36,9 ans en 1991. L’économie française a traversé plusieurs crises économiques, en particulier en 1980, en 1993 et plus récemment en 2009, et connu de profondes transformations sociétales telles que l’allongement de la durée des études et plusieurs modifications de l’âge du départ à la retraite. Tous ces changements doivent a priori affecter le profil du déficit de cycle de vie qui est désormais étudié sur la période allant de 1979 à 2011.Le tableau 4 synthétise l’évolution des principaux agrégats des Comptes de Transferts Nationaux pour la période allant de 1979 à 2011, les montants étant exprimés en euros constants de 2011.

[ Insérer tableau 4 ]

Au niveau agrégé, deux périodes sont à distinguer pour le déficit de cycle de vie total. Dans un premier temps, le déficit total s’est fortement creusé de 1979 à 1989. Alors que les revenus du travail étaient supérieurs de 15,8 milliards à la consommation totale en 1979, le déficit de cycle de vie s’est ensuite brutalement dégradé : il devient positif dès 1981et croît ensuite fortement pour atteindre 100,7 milliards en 1989. Ce montant représentait 15,3% de la consommation totale pour cette année-là. Ce déséquilibre croissant entre la consommation et les revenus du travail observé au cours des années 80 résulte notamment de l’allongement de l’espérance de vie, des difficultés

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d’insertion sur le marché du travail pour les jeunes avec un taux de chômage autour de 20% et des sorties plus précoces de l’activité professionnelle avec le passage à la retraite à 60 ans.

Dans un second temps, le ratio de la consommation sur les revenus du travail a vu sa progression se ralentir fortement : il est passé de 1,12 en 1989 à 1,17 en 2011 (1,14 en 2000). Depuis 1989, le déficit de cycle de vie total représente environ 15% du montant de la consommation privée et publique. Sur la dernière décennie, la croissance du déficit de cycle de vie s’est sensiblement ralentie mais elle reste encore forte : le niveau du déficit a par exemple augmenté de 23,1% entre 2000 et 2005 (de 145,7 à 179,3 milliards) et de 17,7% entre 2005 et 2011 (de 179,3 à 211 milliards). Dans la mesure où l’espérance de vie a continué de progresser, le ralentissement sur la période récente est lié aux différentes réformes des régimes de retraite. La réforme de 2003 a notamment donné lieu à un alignement progressif de la durée de cotisation requise pour bénéficier d'une pension à taux plein sur celle du régime général pour les fonctionnaires (jusqu’en 2008) et cette durée de cotisation a ensuite augmenté d’un trimestre par an pour les salariés du public et du privé.

Le financement du déficit de cycle de vie est assuré par des réallocations d’actifs (les revenus des actifs diminués de l’épargne) et des transferts nets qui peuvent être privés ou publics. De 1979 à 2011, les revenus des actifs ont été multipliés par 2,5 d’après le tableau 4 (de 124 à 317,3 milliards). Dans le même temps, les variations de l’épargne ont été beaucoup plus fluctuantes autour d’un niveau annuel moyen s’élevant à 100 milliards d’euros, avec toutefois une diminution marquée depuis 2000. L’épargne totale est passée de 153,3 milliards d’euros en 2000 à 64,7 milliards d’euros en 2011. Par comparaison, les réallocations d’actifs ont été multipliées par près de 100 en trois décennies alors que les transferts nets n’ont été multipliés que par 2,6 sur cette même période. Depuis 1989, les montants associés aux réallocations d’actifs sont au moins six fois plus importants que ceux des transferts nets.

Les profils de déficit de cycle de vie par tête suivant l’âge, représentés à intervalle décennal en figure 5A, se caractérisent par une forme similaire de type « v minuscule ». Quelle que soit l’année considérée, les individus se trouvent dans des situations de déficit dans leur jeunesse et leur vieillesse tandis qu’ils disposent de davantage de revenus qu’ils n’en consomment aux âges adultes.La comparaison des quatre profils présentés (1979, 1989, 2000, 2011) montre clairement que les niveaux de déficit deviennent de plus en plus élevés sur la période récente. Exprimé en euros constants, le déficit le plus élevé durant la jeunesse a été multiplié par environ 1,6 entre 1979 (14835 euros) et 2011 (23623 euros). Pour la période âgée, le déficit sur la même période a pratiquement doublé (de 13473 euros en 1979 à 26314 euros en 2011).

[ Insérer figure 5A ]

Parallèlement, l’accroissement du surplus maximal apparaît d’une ampleur bien moindre : exprimé en valeur absolue, le niveau de surplus le plus élevé est passé de 16364 euros en 1979 à

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21431 euros en 2011, soit une hausse de 31%. La durée des périodes de déficit et de surplus s’est modifiée en conséquence au cours du temps (cf. tableau 5). Le nombre d’années en situation de déficit durant la jeunesse a augmenté sensiblement entre 1979 et 1995 (de 23 à 26 années), date à laquelle le taux de chômage des jeunes était particulièrement élevé. Depuis 2000, le déficit de cycle de vie devient négatif à partir de l’âge de 25 ans. L’entrée en déficit en fin de vie active se fait à l’âge de 58 ans pour l’ensemble des années considérées, à l’exception de 1979 et 2011. Un individu donné consommait davantage qu’il ne produisait à l’âge de 61 ans en 1979 et de 59 ans en 2011. Ces évolutions sont à mettre en relation avec les modalités de départ à la retraite, le maintien en activité à des âges plus élevés venant mécaniquement retarder l’entrée dans une situation de déficit.

[ Insérer tableau 5 ]

Avec l’accroissement continu de l’espérance de vie en France, le nombre d’années en situation de déficit aux âges élevés a considérablement augmenté. Il est ainsi passé de 14 années en 1979 à 24 années en 2011. Progressivement, le nombre d’années en situation de déficit pendant la vieillesse rejoint celui observé pendant la jeunesse10. Du fait de l’allongement concomitant des périodes en situation de déficit aux âges jeunes et élevés, la comparaison des nombres totaux d’années en situation de déficit et de surplus met en exergue un déséquilibre qui s’est creusé rapidement en faveur des premières (tableau 5). Le ratio des âges en situation de déficit sur les âges en situation de surplus est passé de 0,97 en 1979 à 1,44 en 2011. Un autre indicateur illustrant cette évolution consiste à mettre en correspondance le nombre d’années passés en situation de déficit avec l’espérance de vie. En 1979, pour un individu caractérisé par une durée de vie égale à l’espérance de vie observée cette année-là, 50% des années vécues l’étaient en situation de déficit. Ce ratio a ensuite augmenté avant de se stabiliser autour de 60% depuis 1989.

Au niveau agrégé, le profil de déficit de cycle de vie conserve une forme en « v minuscule » (figure 5B). Le poids relatif des différents groupes d’âges dans la population vient toutefois modifier les âges auxquels les montants de déficit atteignent leurs valeurs extrêmes (positives ou négatives). Ainsi, pour l’année 1979, le surplus excède 10 milliards d’euros uniquement pour les âges de 29 à 32

ans correspondant aux premières cohortes du baby-boom, nées entre 1947 et 195011. Ces cohortes

sont également celles pour lesquelles le surplus est maximal en 1989 (elles ont alors entre 39 et 42 ans), mais elles ne se distinguent pas des autres cohortes en 2000. En revanche, le niveau de déficit est maximal (supérieur à 14 milliards d’euros) pour les cohortes 1948 et 1949 qui étaient âgées de 63 et 62 ans respectivement en 2011.

10

En 1979, il y avait 14 années de déficit pendant la vieillesse contre 23 années de déficit pendant la jeunesse, soit un ratio de 60,9%. Sur la période retenue, ce ratio se caractérise par une croissance régulière : 83,3% en 1989, 88% en 2000 et 96% en 2011.

11

Le niveau de surplus pour l’année 1979 est ensuite relativement constant, oscillant entre 8,5 et 10 milliards d’euros pour les âges de 33 à 50 ans.

(16)

[ Insérer figure 5B ]

4.2. Des évolutions contrastées pour les profils de consommation et de revenu par âge

La composition de la consommation s’est substantiellement modifiée au cours de la période (cf. tableau 4). Le poids de la consommation privée a reculé au profit de la consommation publique, passant de 68,1% en 1979 à 65,9% en 2011. Cette proportion est toutefois remarquablement stable depuis 1995, autour de 66%. A un niveau plus fin, les dépenses d’éducations privées sont très faibles (au plus 1,1% en 2011) tandis que celles liées à la santé tendent à croître régulièrement : 2,1% en 1979, 3,4% en 1995 et 3,8% en 2011. Les dépenses de santé publiques ont également fortement augmenté sur la période du fait du vieillissement de la population, passant de 24,2% en 1979 à 29,8% en 2011. Dans le même temps, la part de la consommation publique consacrée à l’éducation a eu tendance à diminuer sur la dernière décennie : 22% en 2000, 20,6% en 2005 et 18,8% en 2011.

Au niveau individuel, le profil par âge de la consommation totale se caractérise par deux transformations principales. D’un côté, les profils annuels sont translatés vers le haut avec le temps : les niveaux de consommation ont été systématiquement plus importants à chaque âge depuis 1979 (figure 6A). De l’autre, la forme générale de ce profil a eu tendance à se déformer sur la période. En 1979, la consommation augmentait fortement de 0 jusqu’à 16 ans où elle était égale à 16000 euros. Le profil variait ensuite très peu de 20 à 60 ans, avec une consommation moyenne égale à 15298 euros et un écart-type égal à 487 euros (soit un coefficient de variation égal à 3,2%. A partir de 2000, les variations de la consommation apparaissent plus marquées aux âges adultes. Pour les 20-60 ans, le coefficient de variation associé à la consommation totale s’élève à 5,4% en 2000 et 5,3% en 2011.

[ Insérer figure 6A ]

Depuis 1989, le niveau de consommation se caractérise par un premier maximum autour de 18 ans. Au-delà de cet âge s’observe une légère diminution de la consommation jusque vers 40 ans. A cet âge, la consommation était de 1588 euros plus faible qu’à 18 ans en 1989, 3061 euros en 2000 et 2021 euros en 2011. Au-delà de 40 ans, le niveau de consommation amorce une remontée dont l’ampleur a eu tendance à s’accroître sur la période récente. En 1989, dès 45 ans, la consommation était de plus de 1000 euros supérieure à chaque âge par rapport à 40 ans. En 2000, le différentiel est autour de 2000 euros mais à partir de 50 ans. Enfin, en 2011, le niveau de consommation croît régulièrement de 50 jusqu’à 65 ans avec un écart de 4245 euros entre ces deux âges. Cette remontée de la consommation totale en seconde partie de vie active coïncide avec des âges où les parents n’ont plus à assurer la prise en charge financière de leurs enfants.

La comparaison des niveaux de consommation moyens au cours des trois phases du cycle de vie (jeunesse, période adulte, vieillesse) souligne cette amélioration relative de la situation des plus âgés. En 1979, les adultes âgés de 20 à 59 ans se caractérisaient par un niveau de consommation

(17)

supérieur de 4,4% en moyenne à celui des 60-79 ans. La tendance s’est ensuite inversée puisque la consommation des 60-79 ans excédait celle des 20-59 ans de 1,4% en 1989, de 4,1% en 2000 et de 13,7% en 2011. Les dépenses publiques et privé liées à la santé occupent une part croissante dans la consommation totale des 60-79 ans (16,3% en 1979, 18,8% en 2000 et 18,9% en 2011). A l’inverse, sur l’ensemble de la période, la consommation des 20-59 ans est restée en moyenne entre 20 et 25% supérieure à celle des jeunes âgés de 0 à 19 ans (23,2% en 1979, 24,6% en 1989, 19,8% en 2000, 22,4% en 2011).

Au niveau agrégé, le vieillissement de la population française observé tout au long de la période vient renforcer de façon mécanique la contribution des âges élevés à la consommation totale. Les personnes âgées de 60 ans et plus représentaient 17,4% de la consommation privée et publique en 1979, 20,1% en 1989, 22,4% en 2000 et 27,1% en 2011. Cet accroissement significatif en toute fin de période vient de ce que les cohortes nées entre 1946 et 1950 ont au moins 60 ans en

201112. L’avancée en âge des cohortes du baby-boom apparaît clairement dans la figure 6B, le mode

du profil agrégé se déplaçant rapidement vers la droite (figure 6B). Dans la mesure où les profils agrégés se déforment du fait des évolutions temporelles des profils individuels et des changements démographiques, il est possible de neutraliser les effets liés au seul vieillissement en raisonnant à structure de population inchangée pour les différentes années étudiées (Lee et al., 2011).

[ Insérer figure 6B ]

La figure 6C présente l’âge moyen auquel un euro est consommé en France pour les différentes années retenues. Cet âge, noté 𝑎 𝐶, est tel que 𝑎 𝐶 = 𝑎𝐶 𝑎 / 𝐶 𝑎 avec 𝐶 𝑎 la

consommation agrégée à l’âge 𝑎 calculé pour la structure par âge de la population cette année-là. Cet âge, qui était de 36,5 ans en 1979, est progressivement passé à 38,2 ans en 1989, 40,2 ans en 2000 et 42,9 ans en 2011, soit un accroissement de 17,4% sur l’ensemble de la période. Cette hausse apparaît beaucoup plus mesurée lorsque l’on retient pour le calcul de cet âge moyen la structure de la population par âge de l’année 2011. Net de l’incidence du vieillissement démographique, l’âge moyen auquel un euro est consommé est passé de 41,2 ans en 1979 à 42,9 ans en 2011, soit une hausse de seulement 4%. Ceci suggère donc que le vieillissement de la population française est le principal facteur explicatif du relèvement de l’âge moyen auquel un euro est consommé.

[ Insérer figure 6C]

Pour les revenus du travail, la principale modification observée porte sur la nette diminution du poids des revenus des indépendants, surtout en début de période (tableau 4). En 1979 et 1984, les revenus des indépendants représentaient plus de 13% des revenus du travail. Cette proportion n’était plus que de 7,7% en 2000 et même 6,8% en 2011%. Exprimés en euros constants, les revenus

12

En 2011, la contribution des 60-65 ans à la consommation totale des personnes âgées d’au moins 60 ans représentait 31,9%. En 2000, cette proportion était égale à 27,2%.

(18)

du travail ont fortement augmenté sur les trois dernières décennies: ils ont été multipliés par plus de

1,5 entre 1979 et 201113. Outre des niveaux de revenus plus élevés à chaque âge avec le temps, tout

du moins pour les âges de 25 à 55 ans, les profils par âge au niveau individuel se sont transformés (figure 7A). La principale modification concerne l’âge modal qui a sensiblement varié en 30 ans.

[ Insérer figure 7A ]

En 1979, le revenu du travail moyen était le plus élevé à l’âge de 36 ans. Cette année-là, les individus âgés de 30 à 39 ans gagnaient en moyenne 1,9% de plus que les 40-49 ans et 21,5% de plus que les 50-59 ans. En 1989, l’âge modal était passé à 43 ans et le groupe d’âge le mieux rémunéré était les 40-49 ans. Cet âge modal a continué à croître en 2000 (49 ans) pour toutefois revenir à 46 ans au cours de l’année 2011. Les modifications du profil par âge associé aux revenus du travail résultent de multiples mécanismes tels que l’allongement de la durée des études, les difficultés d’accès à l’emploi qui varient suivant l’âge, le poids de l’ancienneté dans les politiques salariales, les cessations précoces d’activité et les modalités de passage à la retraite. Globalement, les profils ont eu tendance à se verticaliser progressivement, à la fois en début et en fin de vie active.

La contribution des âges les plus jeunes aux revenus totaux du travail a sensiblement diminué avec le temps. Au niveau individuel, les ressources obtenues en moyennes par les 14-25 ans représentaient 9,5% des revenus du travail aux différents âges en 1979, 8,1% en 1989, 7,5% en 2000 et 7,1% en 2011. La situation est plus contrastée pour les âges plus élevés, 55 ans et au-delà. Les revenus du travail obtenus par des individus de ces âges représentaient 19% des revenus totaux en 1979, mais seulement 13,6% en 1984 et 13,5% en 1989, en lien avec la réforme des retraites de 1981 qui a abaissé l’âge légal à 60 ans. Depuis le début des années 90, cette contribution n’a eu de cesse de remonter : 14,2% en 1995, 14,4% en 2000, 15,3% en 2005 et 16,6% en 2011. Ce poids croissant s’explique par les mesures successives des réformes de retraite depuis 1990.

Au niveau agrégé, la hausse de l’âge modal observé pour le profil individuel de revenu et le vieillissement des cohortes du baby-boom ont conduit à un relèvement des âges auxquels sont détenus l’essentiel des revenus du travail. L’âge modal associé au revenu agrégé le plus élevé est ainsi passé de 31 ans en 1979 à 49 ans en 2000 (figure 7B). En 1979, la classe d’âge quinquennale contribuant le plus au revenu agrégé total correspondait aux 30-34 ans (dans une proportion de 15%). Depuis 2000, la classe d’âge modal est représentée par les 45-49 ans (16,1% en 2000 et 15,5% en 2011). L’âge moyen auquel un euro est gagné a augmenté entre 1979 (40,1 ans) et 2011 (42,6

ans), soit une hausse de 6,2%14. Cet accroissement est là encore avant tout imputable à la

13

Sur la période récente, l’effet de la crise économique de 2008-2009 sur la hausse des revenus du travail est relativement limité. Les revenus du travail ont augmenté de 6,6% entre 2011 et 2005 alors qu’ils avaient augmenté de 9,8% entre 2000 et 2005.

14

Cet âge est passé de 40,1 ans en 1979 à 39,2 ans en 1984 en lien avec le passage à la retraite à 60 ans et la sortie du marché du travail des plus âgés entre ces deux dates.

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modification de la structure par âge de la population sur la période. Sur la base de la structure par âge de la population française en 2011, la progression de l’âge moyen auquel un euro est gagné est très faible (figure 7C) : elle n’est que de 0,4 ans (de 42,2 ans en 1979 à 42,6 ans en 2000).

[ Insérer figure 7B ] [ Insérer figure 7C ]

4.3. Des comparaisons générationnelles difficiles

Les évolutions observées entre 1979 et 2011 suggèrent l’existence d’un déplacement des ressources au profit des individus plus âgés en France. Si la consommation privée et publique a augmenté à chaque âge avec le temps, ce sont les 50-75 ans qui se caractérisent par les niveaux de consommation les plus élevés depuis 2000. La comparaison des montants agrégés de déficit de cycle de vie positifs durant la jeunesse et la vieillesse révèle le poids croissant de la seconde composante. En 1979, le montant cumulé de déficit durant la jeunesse était 2,2 fois plus élevé que celui pendant la vieillesse. Ce ratio a fortement diminué par la suite, passant à 1,5 en 1989 et 1,2 en 2000. En 2011, le déficit cumulé pendant la vieillesse excédait de 3,4% celui cumulé pendant la jeunesse.

Ces réallocations des ressources à travers les âges est en partie imputable aux évolutions de la structure par âge de la population française. Au niveau agrégé, le poids du déficit de cycle de vie dans la vieillesse croît de façon mécanique au fur et à mesure que le nombre de personnes âgées augmente. L’incidence de ce facteur démographique est alors neutralisée en calculant les déficits decycle de vie agrégés à chaque date en appliquant la structure par âge de la population observée en 2011. Les poids relatifs des déficits aux âges jeunes et vieux s’en trouvent sensiblement modifiés. Si la structure par âge de la population en 1979 avait été celle de 2011, alors le montant cumulé de déficit de cycle de vie aux âges jeunes n’aurait été que de 34,4% supérieur à celui cumulé pendant la vieillesse. L’excès de déficit aux âges jeunes n’aurait été que de 2,7% en 1989 et 2,1% en 2000.

La question d’intérêt est alors de savoir si cette réallocation des ressources entre les groupes d’âges, qui s’opère progressivement vers les âges plus élevés, vient modifier les situations relatives des différentes générations. Par définition, l’approche par le déficit de cycle de vie consiste à comparer à une date donnée des âges différents, donc des générations différentes. La construction de ces comptes pour la France sur trois décennies permet d’apporter quelques éléments de lecture, certes limités, au niveau générationnel par la construction de cohortes fictives. Par exemple, une personne qui est née en 1979 aura 0 ans cette année-là, puis 10 ans en 1989, 21 ans en 2000 et 32 ans en 2011. Si l’on admet que cette personne fait face au niveau du déficit de cycle de vie rencontré

(20)

à chacun de ces âges pour l’année correspondante, alors on dispose d’informations sur au plus 32

années de vie pour chaque génération15.

La figure 8 représente les déficits de cycle de vie pour des cohortes nées entre 1900 et 2000, avec un espacement de 10 ans entre chaque cohorte. La superposition des différentes courbes par génération donne bien lieu à un déficit de cycle de vie qui suit globalement une forme de type « v minuscule ». Le constat n’est pas surprenant dans la mesure où les individus ne disposent d’aucun revenu du travail en début et en fin de cycle de vie quelle que soit la période considérée : des déficits vont être systématiquement observés pendant la jeunesse et la vieillisse même si la durée de ces épisodes est variable suivant les générations. Il est ensuite intéressant de comparer la situation des cohortes successives, même si l’exercice est limité à une comparaison sur 22 années pour deux générations nées à 10 ans d’écart.

[ Insérer figure 8 ]

Les écarts entre générations les plus perceptibles s’observent en fin de cycle de vie. La comparaison des cohortes nées en 1900, 1910, 1920 et 1930 montre que le niveau de déficit a augmenté rapidement aux différents âges en fin de vie. A l’âge de 80 ans, le niveau de déficit d’une personne née en 1900 était de 13278 euros (en euros constants de 2011). Au même âge, ce niveau était de 30,7% plus élevé pour la génération 1910, de 58,5% pour la génération 1920 et 95,4% pour la génération 1930. Cette progression rapide s’observe aussi à l’âge de 65 ans. Le niveau de déficit à cet âge pour la cohorte 1940 était de 18% supérieur à celui de la cohorte 1930, la hausse étant de 35,9% entre les cohortes 1930 et 1920. Une rupture nette apparaît pour ces deux dernières cohortes au niveau de l’âge auquel le déficit de cycle de vie devient strictement positif en fin de vie active. Pour la cohorte 1920, cet âge est de 60 ans alors qu’il s’établit à 57 ans pour la cohorte 1930 (aussi 57 ans pour la cohorte 1920). Certaines décisions politiques, en l’occurrence le départ à la retraite à 60 ans

entré en vigueur au 1er avril 1983, ont eu des conséquences majeures sur le déficit de cycle de vie.

Aux âges jeunes, les montants de déficit à âge donné tendent également à augmenter avec les générations successives. A l’âge de 10 ans, le montant de déficit par tête était en moyenne de 12607 euros pour la cohorte 1970, 14669 euros pour la cohorte 1980 (+16,7%), 16774 euros pour la cohorte 1990 (+33,1%) et 18689 euros pour la cohorte 2000 (+48,2%). L’ordre de grandeur de ces accroissements apparaît de moindre ampleur en comparaison avec les générations plus anciennes. Ce résultat est à mettre en relation avec les évolutions de la consommation publique dans le temps et le poids croissant des dépenses de santé qui bénéficient en premier lieu aux personnes plus âgées. La figure 8 met aussi en évidence une rupture entre la cohorte 1960 et les cohortes 1970 et 1980. Pour la première, le déficit de cycle de vie devient négatif à l’âge de 23 ans. Cet âge est en revanche

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Le nombre d’années d’observations disponibles est plus faible à la fois pour les cohortes les plus récentes et pour les plus anciennes.

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de 26 ans pour la cohorte 1970 et de 25 ans pour la cohorte 1980. Ce recul s’explique à la fois par l’allongement de la durée des études supérieures et le contexte économique du moment qui rend l’accès à l’emploi plus ou moins facile16.

Pour les différentes cohortes, les figures 9A et 9B présentent les profils par âge pour la consommation totale (privée et publique) et les revenus du travail par cohorte.En comparaison avec le profil obtenu pour les différentes années d’observation (figure 6A), le montant de consommation totale augmente beaucoup plus fortement avec l’âge au niveau de la cohorte. A titre d’exemple, les cohortes nées en 1940 et en 1950 ont vu leur montant moyen de consommation multiplié par environ 1,5 entre les âges allant de 40 et 60 ans (de 14933 à 22789 euros pour la cohorte 1940, de 17812 à 27589 euros pour la cohorte 1950).Dans une approche transversale, sans distinction des générations, le niveau de consommation en 2011 n’était que de 15,7% plus élevé pour les personnes âgées de 60 ans par rapport à celles âgées de 40 ans. La situation relative des générations s’est donc améliorée pour celles qui sont nées plus tardivement.

[ Insérer figure 9A ] [ Insérer figure 9B ]

Toutefois, l’analyse des cohortes les plus récentes conduit à s’interroger sur une éventuelle remise en question de ces trajectoires. Si l’on considère l’évolution de la consommation entre les âges de 30 à 40 ans, le montant moyen a augmenté de 14,5% pour la cohorte 1950 (de 15533 à 17812 euros), de 5,9% pour la cohorte 1960 (de 18074 à 19137 euros) et de 3,6% pour la cohorte 1970 (de 20933 à 21692 euros). Autrement dit, si les générations les plus récentes se caractérisent par des consommations plus élevées plus tôt dans le cycle de vie, ce niveau ne progresse que très lentement avec l’âge jusqu’à 40 ans. Sila figure 9A ne permet pas de préciser les trajectoires sur les âges de 20 à 40 ans pour les cohortes plus âgées,il est vraisemblable que cette stagnation relative de la consommation des jeunes générations soit à mettre en relation avec les difficultés rencontrées par ces dernières sur le marché du travail, en particulier à travers l’accès au premier emploi.

Les profils de revenus du travail suivant l’âge obtenus à partir d’une représentation des cohortes (figure 9B) sont très proches de ceux obtenusà partir de l’analyse transversale (figure 7A). Là encore, on observe clairement une amélioration du revenu moyen à chaque âge pour les cohortes successives17. Si les profils des cohortes 1920, 1930 et 1930 tendent à se confondre pour les âges allant de 60 à 65 ans, la courbe est quelque peu décalée vers la droite pour la cohorte 1950 qui va être amenée à travailler plus longtemps. Ceci explique la hausse des revenus moyens du travail aux

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Par exemple, le taux de chômage trimestriel des jeunes de moins de 25 ans était compris entre 15% et 17% en 1983, entre 19% et 21% en 1993, et entre 17% et 19% en 2003. Le taux de chômage élevé en France de 1994 à 1997 a rendu difficile l’insertion sur le marché du travail pour les personnes nées en 1970.

17

La situation particulière de la cohorte 1910 s’explique par une sortie du marché du travail beaucoup plus tardive, donnant lieu à des revenus du travail en moyenne plus élevé pour les plus âgés.

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âges proches de la retraite. Pour finir, la comparaison de la situation des cohortes nées en 1950 et 1960 suggère que l’âge associé au revenu modal a reculé, passant de 51 ans à 48 ans.

5. La France, une position singulière au niveau international ?

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Références

Askenazy Philippe, Cette Gilbert, Sylvain Arnaud, Le partage de la valeur ajoutée, La Découverte, Collection Repères - n°576, septembre 2012.

Lee et Mason, 2011 ONU, 2013

Bellamy V., Beaumel C., (2013), « Bilan démographique 2012. La population croît, mais plus modérément », Insee Première, n° 1429.

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Figure 1. Profil par âge de l’allocation de la consommation privée au sein du ménage

Source: profil extrait du manuel de référence de l’ONU (2013).

0 0,2 0,4 0,6 0,8 1 1,2 0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 55 60 65 70 75 80 85 90 95 100 Pon d é ration Age

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Figure 2A. Dépenses de consommation privées selon l'âge - profil par tête France 2011

Source: enquête INSEE Budget des Familles 2011, échantillon permanent des assurés sociaux 2008 et données de la statistique publique, calculs des auteurs.

0 5 10 15 20 25 30 0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 55 60 65 70 75 80 85 90 95 100 M o n tan t (e n m ill ie rs d 'e u ro s) Age

Education - privé Santé - privé Autre - privé

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Figure 2B. Dépenses de consommation privées selon l'âge - profil agrégé France 2011

Source: enquête INSEE Budget des Familles 2011, échantillon permanent des assurés sociaux 2008 et données de la statistique publique, calculs des auteurs.

0 5 10 15 20 25 0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 55 60 65 70 75 80 85 90 95 100 M o n tan t (e n m ill iar d s d 'e u ro s) Age

Education - privé Santé - privé Autre - privé

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Figure 3A. Revenus du travail - profil par tête France 2011

Source: enquête INSEE Budget des Familles 2011 et données de la statistique publique, calculs des auteurs. 0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 55 60 65 70 75 80 85 90 95 100 M o n tan t (e n m ill ie rs d 'e u ro s) Age

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Figure 3B. Revenus du travail - profil agrégé France 2011

Source: enquête INSEE Budget des Familles 2011 et données de la statistique publique, calculs des auteurs. 0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 55 60 65 70 75 80 85 90 95 100 M o n tan t (e n m ill iar d s d 'e u ro s) Age

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Figure 4A. Déficit de cycle de vie - profil par tête France 2011

Source: enquête INSEE Budget des Familles 2011, échantillon permanent des assurés sociaux 2008 et données de la statistique publique, calculs des auteurs.

0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 55 60 65 70 75 80 85 90 95 100 M o n tan t (e n m ill ie rs d 'e u ro s) Age

Revenu du travail Consommation

-30 -20 -10 0 10 20 30 0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 55 60 65 70 75 80 85 90 95 100 M o n tan t (e n m ill ie rs d 'e u ro s) Age

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Figure 4B. Déficit de cycle de vie - profil agrégé France 2011

Source: enquête INSEE Budget des Familles 2011, échantillon permanent des assurés sociaux 2008 et données de la statistique publique, calculs des auteurs.

0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 55 60 65 70 75 80 85 90 95 100 M o n tan t (e n m ill iar d s d 'e u ro s) Age

Revenu du travail Consommation

-25 -20 -15 -10 -5 0 5 10 15 20 0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 55 60 65 70 75 80 85 90 95 100 M o n tan t (e n m ill iar d s d 'e u ro s) Age

Figure

Figure 1. Profil par âge de l’allocation de la consommation privée au sein du ménage
Figure 2A. Dépenses de consommation privées selon l'âge - profil par tête France 2011
Figure 2B. Dépenses de consommation privées selon l'âge - profil agrégé France 2011
Figure 3A. Revenus du travail - profil par tête France 2011
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