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ARTheque - STEF - ENS Cachan | Les attitudes cognitives de la démarche scientifique sont-elles compatibles avec les représentations majoritaires actuelles de la science ?

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Academic year: 2021

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LES ATTITUDES COGNITIVES DE LA DÉMARCHE

SCIENTIFIQUE SONT-ELLES COMPATIBLES

AVEC LES REPRÉSENTATIONS MAJORITAIRES

ACTUELLES DE LA SCIENCE?

Guillemette BERTHOU-GUEYDAN

LU.F.M. Montpellier

Daniel FA VRE

Laboratoire de Modélisation de la Relation Pédagogique - Applicationà la Didactique de la Biologie - Université Montpellier II

MOTS-CLÉS: REPRÉSENTATION DE LA SCIENCE PROFESSORAT D'ÉCOLE -ESPRIT SCIENTIFIQUE

RÉSUMÉ:Nous avons tenté - par un questionnaire - de recueillir des indices permettant d'inférer les conceptions de la science qu'auraient les candidats au concours des professeurs d'école. Cela nous a amenéàréfléchir sur l'origine sociale des conceptions majoritaires et sur les conséquences de ces façons de penser la science dans l'enseignement.

SUMMARY :We have attempted - through a questionaire - to record sorne clues enabling to infer the conceptions of science the applicants for the primary school teacher examination would have. That led us to ponder over the social origin of the main recurrent conceptions and on the consequences of these ways of understanding science in teaching.

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1. INTRODUCTION

Comment faire naître chez les futurs professeurs d'école, pour la plupart non spécialistes des sciences, un attrait pour la culture scientifique? Comment amener le système éducatif à les rendre capables de conduire des activités véritablement scientifiques dans leur classe? Au cours de leur formation, ils sont conduitsà réfléchir sur la façon dont se comporte l'élève et aussi sur le rôle fondamental de l'enseignant qui devrait placer cet apprenant au centre de son apprentissage. De façon implicite, l'enseignant est souvent perçu comme quelqu'un dominant sa discipline: or, ce n'est absolument pas la règle pour les enseignants du Primaire dont la formation initiale non professionnelle (baccalauréat, d.e.u.g., licence) est rarement scientifique, et dont la formation professionnelle actuelle comporte peu d'heures d'enseignement scientifique. Une réflexion sur la science, sur la production scientifique et les mécanismes de son élaboration, est indispensable dès qu'il s'agit de l'enseignement des sciences. En effet, comment évaluer la nature et l'effet d'un enseignement si l'on ignore une partie de ce que l'on veut présenter aux apprenants, à savoir ce qui fait la spécificité des attitudes cognitives à l'oeuvre dans la production des connaissances scientifiques? Qu'y a-t-il derrière le mot "science" pour les enseignants? Y mettent-ils tous la même signification ? Accordent-ils tous la même importance au processus permettant d'élaborer les connaissances scientifiques?

2. L'ÉTUDE DES CONCEPTIONS

Notre recherche porte sur l'étude des conceptions des futurs professeurs d'écoleà propos de la science. Trois questions ont donc été posées en tout début d'année scolaire 1993-94 aux étudiants préparant le concours de professorat d'école au centre LU.F.M. de Nîmes, dans le but de recueillir des indices pouvant être interprétés comme dépendant de telle ou telle représentation. Les 173 étudiant(e)s candidat(e)s se répartissent en 150 femmes (86,7%) et 23 hommes (13,3%) : cette différence fort importante se retrouve dans les autres centres de l'Académie préparant au même concours. Un peu plus de la moitié (91 - 52,6%) sont titulaires d'un baccalauréat A, Un quart environ (43 -26%) le sont d'un bac scientifique. Un étudiant sur 6 (30 - 17,5%) a poursuivi des études scientifiques.

Les réponsesà la première question - Ecrire en une minute, le premier verbe, le premier nom et le premier adjectif qui vous viennentàl'espritàl'écoute de la question "qu'estce que la science ?" -montrent une certaine homogénéité de la population concernée. Certains mots sont cités plusieurs fois ( les verbes chercher et rechercher, les substantifs recherche et expérience, ... ). Une fois l'ensemble des réponses triées en prenant comme critères les différentes façons de penser la science,ilest aisé de voir que près de la moitié des étudiants (47%) expriment une même manière de penser à travers deux ou trois des trois mots utilisés. La vision la plus exprimée (185 mots; 38%) est une vision "externe" de la science: l'étudiant se positionneàl'extérieur du monde et découvre un monde réel qui, pour lui, est le seul existant et qui donc existe en dehors de lui. D'autres assimilent la science à une

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accumulation de données produites par elle-même: la science est alors confondue avec ses résultats et non avec la manière d'y parvenir (104 mots; 21 %). Certains (84 mots; 17%) émettent l'idée que l'homme expérimente sur le monde réel, cherche à le modifier pour mieux le dominer. Quelques uns ont mis l'accent sur une action humaine rationnelle (70 mots; 14%), et ont donc une réponse qui permet d'intégrer le point de départ de toute recherche ou réflexion de type scientifique. Peu pensent à la validation des résultats. Aucun n'évoque la communication scientifique et la nécessaire acceptation des résultats obtenus par la société. Ne sont pas évoquées les notions de doute, de limite, d'erreur. Nous sommes donc face à des étudiants dont la vision de la science s'apparente au positivisme empirique danslesens où elle semble devoir, systématiquement et sans délai, trouver une réponse à une question - qui n'est d'ailleurs pas forcément posée. Leur "science" est une science d'observation, expérimentale, rigoureuse, objective: elle valide peu, elle ne met jamais en doute, elle ne connaît ni erreur, ni limite. Les réponses à cette première question permettent-elles de dégager des critères discriminants parmi ces étudiants? Les résultats obtenus n'autorisent pas vraiment à conclure. Les femmes ont un peu plus tendance à observer, les hommes

à

valider. Rien ne distingue les étudiants en sciences des autres étudiants. Toute réponse attendueà une question affirmative est, par principe, plutôt une réponse d'adhésion.

La deuxième question - "Ecrire en une minute,lepremier verbe, le premier nom et le premier adjectif qui vous viennentà l'esprit à l'écoute de la question "qu'est-ce que n'est pas la science 7" - entraîne des réponses par opposition. Les étudiants ont visiblement été fortement déconcertés par cette question. L'on constate que plus du quart n'ont pu répondre en temps limité. Peut-on en déduire que la science se définit mieux par ce qu'elle est que par ce qu'elle n'est pas? Ceci est une des raisons qui nécessitent un enseignement de l'histoire des sciences et une large réflexion épistémologique: comment réagir correctement au scientisme envahissant de notre société si les critères de séparation de la science et de la pseudo-science ne sont pas acquis 7

78 des mots proposés (21%)ne permettent pas de distinguer la science de la non-science. Ces mots, et cela est surprenant, ont une signification qui s'accorde autantà la première qu'à la deuxième question. Ce manque de réflexion a priori sur ce que n'est pas la science, associé

à

une plus grande variété de mots que celle rencontrée dans les réponsesà la première question nous permet de mettre en évidence que si la vision de la science est collective, sociale et idéaliste, parfaitement diffusée et reproductible, la définition de la non-science ne relève pas de ::ette démarche collective, mais au contraire d'une démarche plus personnelle donc plus variée. La vision positiviste que nous avions pu mettre en évidence à la première question se trouve confortée par les réponses à la deuxième question. 46% de ces réponses définissent la science comme plutôt rationnelle, objective et non dogmatique. Cette objectivité est confortée par la présence de mots comme "doute, hypothèse, aléatoire, ... " pour dire ce que n'est pas la science, alors qu'ils auraient pu, en réponse à la première question, marquer une prise de considération des limites de la science elle-même. Pour parachever cette vision, il faut noter le crédit exclusif et illimité dont bénéficie la science auprès de certains étudiants et qui s'exprime dans les 49 (13%) mots dévalorisant ce que n'est pas la science.Les étudiants ayant poursuivi des études scientifiques semblent avoir particulièrement appréhendé l'aspect non-dogmatique de la science. Mais nous pouvons regretter leur manque d'objectivité quant aux limites de la science.

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La première question requérait une définition dans l'absolu; la deuxième question nécessitait une réponse par opposition ; la troisième question permet de déboucher sur une définition par comparaison qui, normalement, devrait aider à affiner les positions parfois tranchées des étudiants. Le temps de réponse à cette question ouverte - "Dites si la connaissance scientifique est différente des autres formes de connaissance. Justifiez votre réponse"- n'est pas limité. La plupart des réponses obtenues ne concernent pas seulement la connaissance scientifique mais un schème de pensée scientifique, avec ses raisonnements, ses interprétations, ses hypothèses. 30 étudiants (18%) affirment que la connaissance scientifique ne se distingue pas des autres connaissances. Ils appréhendent le mot "connaissance" au sens de savoir construit; leur justification repose sur la complémentarité des connaissances scientifiques avec les autres domaines de connaissance. Les 113 réponses (76%) affirmant une différence peuvent être classées en quatre grandes familles distinctes. Les deux premières confirment les tendances enregistrées aux deux premières questions. La connaissance scientifique se distingue par son bien-fondé, elle traite de l'Objet et par là même, est vérité. Cet aspect lui confère un caractère d'évidence. La force de ce premier trait se trouve confortée par la méthodologie des sciences qui, au travers de l'expérience, de la rigueur, de l'objectivité et de la volonté de comprendre, justifie et valide l'Objet. L'apport nouveau est constitué par un groupe de réponses valorisant l'utilitarisme des sciences, que ce soit dans sa dimension "bien-être quotidien" ou dans celle de "santé". Cet utilitarisme des sciences permet d'achever le cercle "vertueux" d'une science utile, concrète, validée. Les étudiants en sciences semblent avoir privilégié une idée de la science liée à l'expérience. Ils n'ont pas non plus négligé la notion de science évolutive qu'il faut sans cesse tester et qui permet de nouvelles découvertes.

3.

ORIGINE DE CES CONCEPTIONS

Lorsque l'on examine aussi bien les programmes que la façon d'enseigner, dans l'enseignement tant universitaire que pré-universitaire, force est de constater l'absence plus que fréquente d'une analyse épistémologique de la démarche scientifique. Une épistémologie est présente malgré cela, de façon implicite, puisque les étudiants questionnés, de formation tout-à-fait hétérogène, manifestent massivement une même tendanceà l'empirisme réaliste et à l'inductivisme. Le "danger" est que celte omniprésence,à défaut d'explicitation et de construction d'autres épistémologies, passe pour la seule existante. C'est cette crainte d'aboutirà une seule vision conformiste de la science qu'il faut dépasser en tentant d'introduire, auprès du public, et le plus souvent possible au cours des nombreuses années de formation, une réflexion sur l'analyse de leur propre démarche. Cette seule "vision" apparente de la science entraîne chez ces futurs enseignants une idée de la science beaucoup trop "forte" : ils pensent que la science est non-critiquableà cause de leur ignorance de ses modes de construction, de leur idée de modélisation non-provisoire, de leur absence de recul épistémologique. D'où l'hypothèse de l'existence d'une boucle de transmission des informations enseignants->enseignés. Comme les enseignants enseignent à des élèves qui deviendrontà leur tour enseignants, et comme la construction du savoir n'est pas impliquée dans l'enseignement, alors il paraît fort improbable de voir apparaître

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une réflexion approfondieàpropos de cette construction chez les enseignants et chez les élèves. Cette boucle enseignants-enseignés s'auto-entretient, et elle est même confortée par les média dont la formation est issue de la même école. Cette image de la science sans réflexion sur la manière dont elle se construit formerait un obstacle épistémologique d'importance.

4. CONCLUSION UNE REMÉDIA TION POSSIBLE

L'idée dominante en pédagogie depuis le début du siècle, dominante même si son application n'est pas toujours àla hauteur de ses ambitions, est que ce sont les mises en situation qui forment véritablement. Ces situations doivent placer les étudiants dans un contexte qui présente toutes les caractéristiques essentielles d'un cheminement de la pensée scientifique. Cependant, aucune pédagogie, aussi active soit-elle, n'ouvrira l'esprit si elle ne conduit pas,àun moment ouàun autre, chacun des apprenantsàse retourner sur son propre vécu immédiat et àprendre conscience de l'attitude qu'il a adoptée, de la méthode qu'il a utilisée, des choix conscients et inconscients qu'il a été amenéàfaire. Aucune notion ne devrait être abordée sans le développement d'attitudes cognitives chez les futurs enseignants qui autoriserait une formulation moins dogmatique correspondant mieux aux "modèles approximatifs et provisoires" que produit la science. Les procédures pouryarriver s'inspireraient de celles proposées par Y. Rancoule et D. Favre (1993) à propos du traitement de l'information; leur objectif final est le gain par les apprenants d'une sensibilité au contexte épistémologique dans lequel s'exerce leur activité de penser.

La formation épistémologique pourrait développer non pas les données scientifiques mais un nouveau mécanisme de la pensée qui rendrait l'enseignant sensible aux moments d'ouverture et de fermeture de la pensée cognitive des personnes en apprentissage. Cela amèneraitàconsidérer davantage la science comme une activité liéeàl'acquisition d'attitudes cognitives spécifiques plutôt que comme un résultat, comme une production de connaissances et non comme des connaissances produites. La science serait moins décrite par les lois et les théories que par les arguments, les conflits d'idées et de personnes, les théories "vraies" tout autant que les théories "fausses", les politiques de choix prioritaires, les déterminations militaires et les retombées économiques: nous assisterions sans doute à l'émergence d'une véritable acculturation scientifique.

BIBLIOGRAPHIE

FAVRED.,RANCOULEY.,Modéliser la démarche scientifique pour pouvoir l'enseigner,Actes des XIVes journées internationales sur la communication, l'éducation et la culture scientifique et technique,L.I.R.E.S.T.- Université de Paris7, 1992.

FAVRED.,RANCOULEY.,Peut-on décontextualiser la démarche scientifique?,Aster,1993,16, Paris : I.N.R.P.

Références

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