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Données récentes sur les céramiques avec ‘marques’
d’Ougarit
Valérie Matoïan
To cite this version:
Valérie Matoïan. Données récentes sur les céramiques avec ‘marques’ d’Ougarit. V. Matoïan; M. al-Maqdissi; Y. Calvet. Études ougaritiques II, XXII, Éditions Peeters, pp.123-157, 2012, Ras Shamra – Ougarit. �halshs-01257523�
ÉTUDES OUGARITIQUES II
Ouvrage édité par
Valérie Matoïan, Michel Al-Maqdissi et Yves Calvet
PEETERS
LEUVEN – PARIS – WALPOLE, MA 2012
TABLE DES MATIÈRES
AVANT-PROPOS ... VII
REMERCIEMENTS ... IX
ÉTUDES ENVIRONNEMENTALES
Yves CALVET, « La région d’Ougarit au Bronze récent » ... 1
Bernard GEYER, « Les ressources en eau et les aménagements hydrauliques en Ougarit :
état de la recherche » ... 11
ÉTUDES SUR LA PRÉHISTOIRE DE RAS SHAMRA
Henri de CONTENSON et Jacques CLÈRE, « Anthropologie et pathologie dans le Néolithique
final de Ras Shamra » ... 19
Daniel HELMER, « Étude de la faune du sondage Henri de Contenson à Ras Shamra - Syrie » ... 23
OUGARIT AU BRONZE RÉCENT : ÉTUDES ARCHÉOLOGIQUES
Adnan BOUNNI, Jacques et Élisabeth LAGARCE, avec la collaboration de Sébastien REY,
« Un anniversaire dans l’anniversaire. La campagne de fouilles franco-syrienne à Ras Shamra en 1974 : rapport sommaire » ... 57
Valérie MATOÏAN, « Données récentes sur les céramiques avec marques d’Ougarit »... 123
Jean-Yves MONCHAMBERT, « Une école de peintres-céramistes à Ougarit ? » ... 159
Romain PRÉVALET, « Techniques de la bijouterie d’or de Ras Shamra – Ougarit : filigrane
et granulation » ... 167
Francesca ONNIS, « Une plaque en or à décor figuré du Palais royal d’Ougarit » ... 185
Ella DARDAILLON, « L’utilisation du plomb à Ougarit » ... 221
OUGARIT AU BRONZE RÉCENT : ÉTUDES ÉPIGRAPHIQUES
Gregorio DEL OLMO LETE, « Littérature et pouvoir royal à Ougarit. Sens politique
de la littérature d’Ougarit » ... 241
Robert HAWLEY et Dennis PARDEE, « Les dons royaux en langue ougaritique :
Florence MALBRAN-LABAT et Carole ROCHE, « Les chevaux en Ougarit :
élevage et commerce » ... 275
Etienne BORDREUIL, « Poids et mesures dans les textes administratifs en ougaritique :
unités pondérales et quantification du cuivre » ... 283
RECHERCHES À TELL SIANOU
Michel AL-MAQDISSI, « Note d’archéologie levantine XXVII. Vingt ans de fouilles
archéologiques à Tell Sianu dans la plaine de Jablé (1990-2009) » ... 297
Études ougaritiques II RSO XX, 2012
DONNÉES RÉCENTES SUR LES CÉRAMIQUES
AVEC « MARQUES » D’OUGARIT
Valérie Matoïan *
RÉSUMÉ
Les fouilles archéologiques en cours sur le tell de Ras Shamra - Ougarit, les publications récentes du matériel issu des recherches de terrain plus anciennes et l’étude des collections conservées dans les musées ont apporté de nouvelles données concernant le dossier des « marques » sur céramiques dans le répertoire d’Ougarit pour la période du Bronze récent. Notre étude permet d’augmenter d’une soixantaine de spécimens le corpus publié par N. Hirschfeld en 2000 et de nuancer quelques-unes des conclusions de l’auteur.
ABSTRACT
Present archaeological excavations at Ras Shamra, combined with recent publications of material unearthed during previous Àeld seasons and the study of museum collections, have yielded new insights into Ugaritic «potmarks» during the Late Bronze Age. Our study adds around 60 new pieces to the corpus published by N. Hirschfeld in 2000 and allows us to nuance some of the author’s original conclusions.
INTRODUCTION
Dès les premières campagnes de fouille, les céramiques avec « marque » découvertes à Minet el-Beida attirèrent l’attention du fouilleur. En effet, les tombes de Minet el-Beida livrèrent un abondant matériel parmi lequel des vases mycéniens présentant des « marques », peintes ou incisées, que Cl. Schaeffer chercha à interpréter dès 1933 : « Les unes sont des marques d’atelier ou de potier, la signiÀcation des autres est plus difÀcile à préciser : marques de marchand intermédiaire, marques de propriétaire, marques relatives
au contenu, au prix, etc. » 1. En 2000, N. Hirschfeld offrait une première étude détaillée de l’ensemble
des céramiques avec « marques » d’Ougarit, publiée dans un chapitre du volume XIII de la série Ras Shamra - Ougarit consacré à la céramique mycénienne conservée dans les collections du musée du Louvre. Les résultats des recherches en cours dans le chantier « Grand-rue » sur le tell de Ras Shamra - Ougarit, complétés par les publications récentes du matériel issu des fouilles plus anciennes (notamment celles des années 1975-1976 et celles du secteur dit du Centre de la Ville) et par nos propres investigations au Musée
* Archéorient – UMR 5133, Maison de l’Orient et de la Méditerranée, Université Lumière Lyon 2 - CNRS. 1. Schaeffer 1933, p. 104, note (1).
national de Damas nous ont conduite à rouvrir le dossier des « marques » sur céramiques dans le répertoire
d’Ougarit pour la période du Bronze récent 2.
L’étude de N. Hirschfeld représente la première synthèse sur les « marques » observées sur les vases en céramique du Bronze récent mis au jour sur trois sites du royaume d’Ougarit : Ras Shamra, Minet
el-Beida et Ras Ibn Hani 3. Ce travail porte sur toutes les catégories de vases (et non uniquement sur les
céramiques mycéniennes) et se fonde sur un corpus établi à partir des publications, des collections du Louvre et des inventaires d’enregistrement du matériel. L’auteur prend en considération les « marques »
incisées, imprimées ou peintes, sa déÀnition d’une « marque » 4 étant la suivante : « A “potmark” is deÀned
here as an isolated mark impressed, painted or incised on some element of a ceramic vase, before or after Àring. A vase may have more than one potmark, each appearing separately (for exemple, one on a base, another on a handle) or applied differently (painted or incised). But more than one mark associated by location, alignment and ductus is here classiÀed as an “inscription” rather than a potmark » 5.
Pour Ras Shamra et Minet el-Beida, cette documentation concerne pour une grande part les fouilles anciennes menées sous la direction de Cl. Schaeffer et le matériel publié soit dans son étude d’Ugaritica II (1949) – en particulier la céramique égéenne des tombes de Minet el-Beida – (Àg. 1), soit dans le corpus établi par J.-Cl. Courtois, avec la collaboration de L. Courtois, dans Ugaritica VII (1978) (Àg. 2). Concernant les fouilles récentes sur le tell de Ras Shamra, l’unique publication citée par N. Hirschfeld est le volume Ras Shamra - Ougarit III consacré aux résultats des premières campagnes menées dans le secteur du Centre de la Ville, sous la direction de M. Yon. Cet ouvrage traite de plusieurs maisons (A, B et E) de ce quartier d’habitations du Bronze récent Ànal ainsi que du temple dit « aux rhytons » et les « marques » étudiées proviennent de ces différents bâtiments.
2. Des « marques » sont attestées sur des vases en céramique datant de phases plus anciennes de l’âge du Bronze (Schaeffer 1949, p. 228 et 229, fig. 96, 3 (Ugarit moyen 1) ; 14 (Ugarit moyen 2) ; 21 et 22 (Ugarit ancien 3 ou Ugarit moyen 1).
3. Hirschfeld 2000 ; voir aussi Hirschfeld 2004.
4. Elle retient le terme « potmark », plus neutre que « potter’s mark » (« it may be used to describe a mark applied at any point during the manufacture, exchange, use or deposit of a vase ») (Hirschfeld 2000, p. 165).
5. Hirschfeld 2000, p. 164.
Fig. 1 – Céramiques égéennes de la tombe VI de Minet el-Beida (d’après Schaeffer 1949, Àg. 59) 1, j : vases à étrier, les autres vases : hydries.
DONNÉES RÉCENTES SUR LES CÉRAMIQUES AVEC « MARQUES » D’OUGARIT 125
Fig. 2 – Céramiques avec « marques » du Bronze récent, Ras Shamra (d’après Courtois 1978, p. 279, Àg. 28).
N. Hirschfeld a ainsi établi un répertoire de 120 marques dont 90 pour Ras Shamra, 26 pour Minet el-Beida
et 3 pour Ras Ibn Hani 6. Ras Shamra, fouillé depuis 1929,
est le site le plus représentatif. Les différents secteurs
dégagés sont concernés 7. Pour ce site, N. Hirschfeld
arrive au décompte suivant : 50 vases « égéens » 8,
6 amphores, 2 vases chypriotes (Àg. 3) et 32 vases de types différents, la plupart de production locale. L’auteur souligne la part importante des productions égéennes dans le corpus des vases avec marque et le fait qu’elle doit être minimisée en raison de l’intérêt porté par Cl. Schaffer aux céramiques importées, sur-représentées dans ses publications préliminaires, et comme l’ont montré les
résultats des fouilles plus récentes 9.
Le tableau que nous pouvons proposer aujourd’hui est légèrement différent. Notre inventaire est plus riche d’une soixantaine de pièces et nous proposons quelques compléments au premier corpus. Ce matériel provient des fouilles anciennes (menées par Cl. Schaeffer) qui n’ont pas fait l’objet d’une publication déÀnitive et des fouilles récentes, déjà publiées (Centre de la Ville ; campagnes 1975-1976) ou inédites (chantier « Grand-rue »). Nous conservons le terme neutre de « marque » qui n’induit pas de signiÀcation particulière, la « marque » ayant pu être réalisée lors de la fabrication du vase ou lors de son utilisation.
LE MATÉRIEL DES FOUILLES DE CLAUDE SCHAEFFER
Le matériel présenté ici illustre différentes catégories céramiques : la céramique Red lustrous, la céramique « égéenne » et la céramique locale. Vingt-trois vases avec « marques » provenant des fouilles anciennes doivent être ajoutés à l’inventaire de par N. Hirschfeld.
La série la plus importante correspond aux céramiques de fabrique dite Red Lustrous (non prises en compte par N. Hirschfeld). Elles représentent une part non négligeable des découvertes. Vingt-deux
spécimens sont publiés dans les catalogues d’Ugaritica II (Àg. 4) et VII 10 (Àg. 5). Ces « marques » sont
associées aux bouteilles fusiformes et sont toutes différentes, à l’exception du signe constitué d’un trait simple que l’on trouve à deux reprises.
Dans les réserves du Musée national de Damas, nous avons pu étudier trois vases de la 20e campagne
(RS 20.331, RS 20.381 et RS 20.382) et trois autres vases de la 23e campagne (RS 23.84, RS 23.576 et
RS 23.604), et compléter les données publiées par N. Hirschfeld à partir des seuls inventaires.
6. Hirschfeld 2000, tableau p. 165. 7. Hirschfeld 2000, tableau p. 169.
8. L’auteur définit le terme « Aegean » ainsi : « it refers to all vases in the tradition of the mainland Mycenaean ceramic style (wether made in Argolid or elsewhere), including the large coarse-ware stirrup jars probably from Crete and vases made locally in imitation of Mycenaean styles and shapes » (Hirschfeld 2000, p. 165, note 7). 9. Yon et alii 1987 ; Monchambert 2004a, 2004b.
10. Schaeffer 1949, fig. 96 : 1 a - i (9 bouteilles avec « marque ») ; fig. 113 : 1, 2, 3 et 9 (4 bouteilles avec une « marque ») ; Courtois 1978, fig. 20 (9 bouteilles avec « marque »).
Fig. 3 – Fragment de bol en céramique
Base-Ring avec « marque », Ras Shamra, « Tranchée Sud-acropole » (d’après Courtois 1978, p. 291, Àg. 32 :8).
DONNÉES RÉCENTES SUR LES CÉRAMIQUES AVEC « MARQUES » D’OUGARIT 127
Fig. 4 – Vases et objets en céramique de Ras Shamra et Minet el-Beida (d’après Schaeffer 1949, Àg. 96), a-i : « Marques » sur fonds de bouteilles fusiformes en céramique Red-Lustrous.
Fig. 5 – Bouteilles fusiformes en céramique Red-Lustrous, Ras Shamra (d’après Courtois 1978, p. 256-257, Àg. 20).
DONNÉES RÉCENTES SUR LES CÉRAMIQUES AVEC « MARQUES » D’OUGARIT 129 orient. approx. diam. indét. 0 10 cm
a
b
Fig. 6 – Vases avec marque de Ras Shamra. (a) RS 23.119, (b) RS 23.576, (c) RS 20.331 (Musée national de Damas) (dessin H. David © mission de Ras Shamra).
Deux vases appartiennent au répertoire de la céramique locale :
– RS 23.576 est une anse (incomplète) de cratère (?) en céramique locale (L. conservée 12,65 cm ; la max. 8 cm) façonné dans une pâte oranger à dégraissant minéral montrant un engobe beige rosé (Àg. 6a). La « marque », d’une longueur de 4,2 cm, est composée de trois incisions faites après cuisson, d’une largeur de
0,2 cm (Àg. 7). Le signe évoque un Z renversé 11. Ce vase provient de la Tranchée Ville Sud 12.
– RS 20.331 est une anse complète d’amphore (H. 14,2 cm ; la 11,15 cm) présentant une « marque » incisée (après cuisson ?) dans une pâte rosé saumoné à dégraissant minéral montrant des restes d’engobe crème. La « marque », d’une hauteur totale de 2,6 cm et d’une largeur de 2,15 cm, est composée de quatre traits horizontaux d’une largeur de 0,12 cm, régulièrement espacés de 0,55 cm, et coupés par un trait
vertical à droite 13 (Àg. 6b). La provenance de RS 20.331 peut être précisée : le point topographique 1833
du Quartier résidentiel est localisé dans les loci 24/25 de la maison B de l’îlot Est.
Cinq fragments de vases en céramique mycénienne avec marque, issus des fouilles anciennes, ont aussi été étudiés au Musée national de Damas.
– RS 23.84 correspond à l’étrier d’une jarre à étrier de grande dimension en céramique « mycénienne » peinte en rouge (H. 5,97 cm ; D. du disque 5,9 cm). Le fragment présente deux « marques », une sur chaque anse. Les anses sont cassées et les marques, qui semblent incisées après cuisson, sont incomplètes. L’une d’elles comprend trois traits en patte d’oie et l’autre reprend ce même motif, probablement associé à un autre identique en symétrie mais dont il ne reste presque rien (Àg. 8a). Le motif en forme de patte d’oie peut être rapproché du signe chypro-minoen CM 23, attesté également dans les inscriptions chypro-minoennes
d’Ougarit 14. Ce vase provient de la Tranchée Ville Sud 15.
– RS 20.381 est un fragment d’anse de jarre piriforme (?) en céramique mycénienne façonnée dans une pâte beige et présentant un décor peint en brun (H. 9,45 cm). La « marque » (d’une hauteur de 2,2 cm et d’une largeur de 2 cm) est constituée de deux traits horizontaux que coupe un trait vertical, qui n’est pas
centré 16, mais légèrement déporté vers la gauche. Les traits, d’une largeur de 0,15 cm, sont incisés après
cuisson (Àg. 8c et 9a).
11. N. Hirschfeld avait émis l’hypothèse qu’il puisse s’agir d’une anse d’un cratère égéen (Hirschfeld 2000, p. 195) ; le dessin de la « marque », reproduit d’après les archives de fouille, n’est pas correct.
12. Il n’est pas signalé dans la publication d’O. Callot (1994).
13. Le dessin de la marque donné par N. Hirschfeld, d’après les archives de fouille, n’est pas correct. 14. Olivier 2007.
15. Il n’est pas signalé dans la publication d’O. Callot (1994).
16. Au contraire de ce qui est indiqué sur le dessin publié par N. Hirschfeld.
10 cm
Fig. 7 – Anse de cratère (RS 23.576, Musée national de Damas), Ras Shamra, Quartier dit résidentiel (photographie V. Matoïan © mission de Ras Shamra).
DONNÉES RÉCENTES SUR LES CÉRAMIQUES AVEC « MARQUES » D’OUGARIT 131 0 10 cm orient. indét. diam. indét. orient. approx. diam. indét. orient. approx. diam. indét.
Peinture brun foncé pâte beige
Peinture blanche
a
b c
d
Fig. 8 – Vases mycéniens de Ras Shamra : (a) RS 23.84, (b) RS 24.428, (c) RS 20.381, (d) RS 20.382 (Musée national de Damas) (dessin H. David © mission de Ras Shamra).
– RS 20.382 est un fragment d’anse de jarre piriforme (?) en céramique mycénienne, façonnée dans une pâte rosé recouverte d’un engobe crème et présentant un décor peint brun (Àg. 8d et 9b). La « marque » est composée d’un trait vertical d’où partent des traits plus courts en oblique, un en bas à gauche et deux
en haut à droite 17.
Pour la provenance de RS 20.381 et 20.382, N. Hirschfeld indiquait le Palais royal ou le Quartier
résidentiel 18. En fait, les deux sont issus de ce dernier secteur : le point topographique 605 correspond
au locus 5 de la maison A de l’îlot central et le point topographique 949 est dans la voie de circulation dénommée « rue Mineptah ».
RS 24.428 est un fragment d’anse de jarre piriforme (?) en céramique mycénienne façonnée dans une pâte oranger avec un décor peint en brun (H. 9,4 cm). La « marque », gravée après cuisson, d’une largeur de 1,2 cm et d’une hauteur de 1,4 cm, est composée de trois traits horizontaux reliés par un trait vertical à leur extrémité droite (Àg. 8b). Ce vase a été retrouvé dans la Tranchée Sud-acropole.
RS 23.604 correspond au col et à l’épaule d’une jarre piriforme en céramique mycénienne à décor peint brun et rouge (Àg. 10). L’anse conservée présente une « marque » (incisée après cuisson ?) composée de deux traits verticaux que coupe, au centre, un trait vertical dont l’extrêmité supérieure est associée à deux
petits traits pour former un triangle sur la droite. Ce vase provient de la Tranchée Ville Sud 19.
17. Le dessin de marque donné par N. Hirschfeld, d’après les archives de fouille, n’est pas correct. 18. Hirschfeld 2000, p. 198.
19. Il n’est pas signalé dans la publication d’O. Callot (1994).
Fig. 9 – Anses de jarre piriforme en céramique mycénienne : (a) RS 20.381 ; (b) RS 20.382 (Musée national de Damas) (photographie V. Matoïan © mission de Ras Shamra).
10 cm
DONNÉES RÉCENTES SUR LES CÉRAMIQUES AVEC « MARQUES » D’OUGARIT 133
01
0 c
m
Fig. 10 – Jarr
e piriforme en céramique mycénienne (RS 23.604, Musée national de Damas)
(dessin H. David
©
LE MATÉRIEL DES FOUILLES RÉCENTES PUBLIÉES : SECTEUR DU CENTRE DE LA VILLE ET CAMPAGNES DE 1975-1976
Il s’agit de quatorze « marques » présentes sur des objets provenant d’une part du secteur du Centre de la Ville (maison C 20 et maison au sud du Temple dit aux rhytons) et d’autre part des zones fouillées en
1975 et 1976. Ce matériel illustre la céramique locale et la céramique importée. Le Centre de la Ville
Le matériel de la maison C du quartier du Centre de la Ville, publiée par J. Gachet dans Syria (1996) comprend une anse d’amphore avec, selon la description du fouilleur, un décor circulaire enfoncé (matériel
de l’étage) 21 (Àg. 11a) et un col de jarre de stockage avec une marque incisée (matériel de la pièce 1066 et
de son annexe 1089) 22 (Àg. 12). La première « marque » correspond probablement à une empreinte de doigt
(voir infra). Nous rapprochons la seconde « marque » de l’un des signes chypro-minoens (CM 102) 23.
20. N. Hirschfeld n’avait pas tenu compte de ce matériel. 21. Gachet 1996, fig. 13 : 3 (84/215).
22. Gachet 1996, fig. 16 : 48 (84/649). 23. Masson 1974.
Fig. 11 – (a) Amphore avec marque RS 88.214, maison C et amphores avec marque (b) RS 90.5057, (c) RS 90.5145, (d) RS 88.5144, Maison au sud du temple dit aux rhytons, Ras Shamra, Centre de la Ville (© mission de Ras Shamra).
0 1 0 cm
a
b
DONNÉES RÉCENTES SUR LES CÉRAMIQUES AVEC « MARQUES » D’OUGARIT 135
Fig. 12 – Pithos avec marque 84/649, Maison C du Centre de la Ville, Ras Shamra (d’après Gachet 1996).
Au sein du matériel de la maison située au sud du Temple dit aux rhytons, que nous avons publié en 2001, on observe trois fragments d’anse d’amphore (Àg. 11b-d) avec une « marque » gravée sur leur face externe (loci
168 et 185) 24. Les motifs rencontrés sont : une
étoile à 5 branches inscrite dans un pentagone (RS 88.5144) ; deux traits parallèles que coupe un trait oblique (RS 90.5145) (cf. Ugaritica II et Ugaritica VII) ; l’association de deux signes : un T et un cercle ouvert inscrit dans un cercle (RS 90.5057).
Par ailleurs, toujours en ce qui concerne le secteur du Centre de la Ville, une correction
doit être apportée au dessin 25 de l’anse avec
« marque » découverte en 1983 dans le locus 52 du Temple dit aux rhytons (RS 83.5388, Àg. 13) 26. La « marque », incisée après cuisson,
est d’une hauteur de 3,5 cm et d’une largeur de 2,8 cm ; l’épaisseur des traits étant de 0,17 cm. Le signe présente la forme d’un H muni à ses extrémités supérieures d’un trait oblique vers l’extérieur. Il s’agit de l’anse d’une jarre à étrier en céramique locale fabriquée dans une pâte saumonée/oranger à dégraissant minéral.
24. Matoïan 2001, p. 111 et 168, fig. 16.
25. Le dessin de la marque publié par N. Hirschfeld, probablement d’après la photographie publiée par J. Mallet, n’est pas correct : seule l’une des extrémités du H est munie d’un trait oblique (Hirschfeld 2000, p. 190 et 196). 26. Mallet 1987, p. 232 et p. 245, fig. 20.
0 10 cm
Fig. 13 – Jarre à étrier en céramique locale (RS 83.5388), Temple aux rhytons, Centre de la Ville, Ras Shamra (dessin H. David © mission de Ras Shamra).
Le nouveau bilan que nous pouvons maintenant établir pour le Centre de la Ville 27 est le suivant :
2 vases « égéens » ; 7 amphores (et non plus 3) ; 1 cruche ; 2 pithoï (et non plus 1) ; 1 vase à étrier local (Àg. 14).
Les fouilles de 1975-1976
L’étude détaillée, publiée en 2004 par J.-Y. Monchambert, de la céramique issue des fouilles menées par J.-Cl. Margueron en 1975 et 1976, permet d’ajouter au corpus :
– trois « marques » incisées sur des anses d’amphores provenant du carré A141 et des maisons au sud
de la Résidence nord (Àg. 15) : deux portent des petits traits parallèles 28 et un troisième fragment un signe
en forme de croix 29 ;
27. Pour le bilan établi par N. Hirschfeld, voir Hirschfeld 2000, tableaux p. 166 et p. 196. 28. Monchambert 2004a, n° 960 et 961.
29. Monchambert 2004a, n° 962.
Fig. 14 – Tableau récapitulatif des marques observées sur des céramiques provenant du quartier du Centre de la Ville, Ras Shamra (© mission de Ras Shamra).
DONNÉES RÉCENTES SUR LES CÉRAMIQUES AVEC « MARQUES » D’OUGARIT 137
– une « marque » sur une jarre à étrier minoenne provenant de la tombe de la Résidence Nord 30 ;
– 5 « marques » sur le fond de bouteilles fusiformes en Red-Lustrous 31 (Àg. 16).
J.-Y. Monchambert signale aussi une anse d’amphore en céramique commune avec une
inscription 32.
LE MATÉRIEL INÉDIT DES FOUILLES RÉCENTES : LE CHANTIER « GRAND-RUE » Les fouilles menées récemment dans le secteur méridional du tell ont permis d’augmenter de manière signiÀcative le corpus. Le matériel présenté ci-dessous provient pour l’essentiel du chantier dit « Grand-rue » ; quelques pièces inédites issues du chantier « Sud-Centre » ont également été retenues à titre de comparaison.
Les recherches en cours menées dans le secteur « Grand-rue » permettent le dégagement d’un quartier du Bronze récent Ànal (Àg. 17). La fouille a mis en évidence un carrefour, comprenant une importante voie de circulation nord-sud, bordé de constructions dont le dégagement n’a été que très partiel à l’exception du « Bâtiment B », localisé au nord-est. La superÀcie de l’édiÀce, d’une grande qualité architecturale, est
estimée d’ores et déjà à plus de 700 m2 ce qui classe cette construction parmi les grands édiÀces du site, tels
30. Monchambert 2004a, n° 1675 (la marque n’est pas illustrée).
31. Monchambert 2004a, tableau p. 305, n° 1679, 1680, 1681, 1683, 1684. 32. Monchambert 2004a, p. 150, n° 963.
Fig. 15 – Anses d’amphores avec marque, fouilles 1975-1976, Ras Shamra (d’après Monchambert 2004, n° 961 et 962).
Fig. 16 – « Marques » sur fonds de bouteilles fusiformes en céramique Red-Lustrous, fouilles 1975-1976, Ras Shamra (d’après Monchambert 2004, p. 305).
Fig. 17 – Plan schématique des vestiges mis au jour sur le chantier Grand-rue (état 2007
©
mission de Ras Shamra).
Secteur fouillé en 1988-92-94 Secteur fouillé en 2005 Secteur fouillé en 2006 Secteur fouillé en 2007
N 0 5 10 m 2 1 11 2 2 3 k i k l l m m n 1 p.3030 3051 3043 3093 3087 3091 3095 P lac e (?) 3121 3042 311 1 3137 3144 3147 3143 3113 3112 3005 3026 3005 3007 3024 3023 3074 3044 3037 3102 3141 3145 3082 3138 3107 3084 3134 3083 p .3135 p.3140 p.314 2 3133 3139 3106 P . 3010 P.301 1 P .3078 P .3033 P .3101 P .306 4 P .3068 P .3061 P .3114 E.3035 P.307 3 P.3070 P.3069 P.3063 P.3062 P .308 9 P.3117 P.3119 P .3110 P.3065 P.3081 P .3120 3008 3099 3086 p.3031 3006 3025 P .3122 3008 3003 3004 3022 3009 3034 3057 3058 3085 3045 3080 3153 3104 3090 3098 3152 3052 3054 3015 3072 3071 3046 3060 3094 3092 3116 3148 3050 3149 3097 3118 E.3151 3059 3077 3055 3056 3036 3048 3066 3088 R ue 3016 R ue 3017 R ue 3018 3015 3019 3013 3012 3014 3032 3029 3076 3100 3136 3103 3096 S4 S2 S3 S1 31 15 31 50 30 49
DONNÉES RÉCENTES SUR LES CÉRAMIQUES AVEC « MARQUES » D’OUGARIT 139
la Maison dite de Yabninou (ou « Palais sud ») ou la « Résidence Nord ». La nature de l’édiÀce, qui a subi
des transformations et présente des traces importantes d’incendie, n’est pas encore déÀnie 33.
Les types de la céramique locale mise au jour dans ce secteur s’inscrivent en majorité dans le répertoire déjà connu d’Ougarit. On notera notamment que la fouille de plusieurs loci a livré des jarres de stockage de grandes dimensions ou pithoï. Leur décor de lignes horizontales et d’ondulations en relief rappelle d’autres
découvertes faites sur le tell ou à Minet el-Beida 34 (Àg. 18 et 19). La céramique importée est relativement
peu abondante. L’origine est généralement chypriote ou égéenne : tessons de céramique mycénienne, fragments de bols à lait en céramique White Slip, fragments de vaisselle en céramique chypriote Monochrome. On retiendra également quelques fragments de bouteilles Red Lustrous et un fragment de bord, probablement de cratère, en Trojan Ware ou Grey Ware, dont très peu d’attestations sont connues à Ougarit 35 et,
d’une manière générale, en Méditerranée orientale.
L’ensemble du secteur a livré vingt-et-un vases présentant une « marque ». Les « marques » sont incisées (avant ou après cuisson) ou imprimées. Il s’agit pour l’essentiel d’anses d’amphore. On observe aussi quelques « marques » sur des jarres. Douze spécimens seulement proviennent de différents loci du Bâtiment B ; les autres ont été retrouvés pour l’essentiel lors du dégagement de la rue 3016 et proviennent pour partie de fosses qui contenaient presque exclusivement du matériel du Bronze récent.
Notons, enÀn, la découverte en 2006, lors du dégagement de la rue 3016 (en D1k3), d’un fragment d’une jarre à étrier en céramique minoenne dont l’une des anses présente une
marque incisée (RS 2006.3189) 36 (Àg. 20a et b).
33. Matoïan et Sauvage 2005 et 2006 ; Matoïan, in Al-Maqdissi et alii 2007 ; Matoïan, in Al-Maqdissi et alii 2010. 34. Schaeffer 1949, fig. 86 ; Yon, Lombard, Renisio 1987, p. 47, fig. 27 : 79/955 ; Gachet 1996, fig. 16 : 45 ;
Monchambert 2004a, p. 168-169 : classe 3.
35. Schaeffer 1949, fig. 60 : 11 ; Courtois 1978, p. 365, fig. 59 : 1 à 6 ; Monchambert 2004a, p. 309-310. 36. Matoïan, in Al-Maqdissi et alii 2007, p. 48, fig. 16.
Fig. 18 – Pithos en cours de dégagement dans le locus 3015 du Bâtiment B, chantier « Grand-rue », Ougarit (photographie V. Matoïan © mission de Ras Shamra).
0 50 cm
Fig. 19 – Pithos RS 2006.3491 trouvé dans le locus 3059 du Bâtiment B, chantier « Grand-rue », Ougarit (restauration du vase F. Bernel - IFPO ; dessin H. David © mission de Ras Shamra).
Vase à étrier minoen avec « marque »
Le vase RS 2006.3189 est fabriqué dans une pâte argileuse beige dont le dégraissant minéral, de couleur marron, est de grande dimension (Àg. 20b). Les anses présentent un décor rouge-brun de bandes obliques parallèles. La marque a été incisée après que la jarre ait été peinte. Cette pièce, datée du Minoen Récent IIIB, constitue une découverte intéressante car la céramique minoenne est rare à Ougarit. Parmi les formes représentées à Ougarit, la jarre à étrier est la plus souvent attestée. Les jarres avec des « marques »
sont peu nombreuses : quelques-unes proviennent du tell 37 (Àg. 21a) ; deux exemplaires ont été retrouvés
dans des sépultures de Minet el-Beida 38 (Àg. 21b) et un autre à Ras Ibn Hani dans la tombe du Palais nord 39
(Àg. 21c). La « marque » du vase du chantier « Grand-rue », qui s’apparente à un signe chypro-minoen
(CM 110) 40, est pour l’instant unique dans le répertoire des marques sur céramiques d’Ougarit 41.
Céramique locale avec « marque »
Les marques sur des anses d’amphores sont de loin les plus représentées au sein du matériel découvert dans le chantier « Grand-rue ». Les autres formes sont peu nombreuses (RS 2005.3369, RS 2006.3464, RS 2006.3244, RS 2005.3238) et les « marques » observées sont d’une grande diversité (technique, forme, dimensions).
– RS 2005.3369, retrouvé dans le locus 3055 du Bâtiment B, est un fragment de bord rentrant de jarre (ép. panse 0,9 cm ; ép. bord 2,75 cm ; diamètre ouverture 21/22 cm) présentant une marque incisée, avant cuisson, dans une pâte orange à dégraissant minéral abondant (Àg. 22a). La marque est un large trait oblique (L. 1,5 cm ; la. 0,48 cm ; profondeur 0,22 cm).
– RS 2006.3464, découvert dans le locus 3048 du même bâtiment, est un fragment de panse, probablement de jarre (ép. 0,76 cm ; 6,68 x 4,25 cm) présentant un signe gravé avant cuisson dans une pâte orange à dégraissant minéral (Àg. 22b). Le signe, petit, est en forme de V (H. 1,1 cm ; la. 0,87 cm).
– RS 2006.3244, découvert lors de la fouille du locus 3076 du Bâtiment B, est un fragment de panse de grand vase, jarre ou pithos (L. 17 cm ; H. 9,25 cm ; ép. 1,28 à 1,55 cm) présentant un signe gravé après cuisson dans une pâte gris / vert à dégraissant minéral, avec un engobe (?) verdâtre en surface. Le signe, de grande dimension (Àg. 22c) est composé de deux traits formant un V, l’un d’eux étant doublé par un troisième trait parallèle. Les dimensions de la marque (L. 7,6 cm) permettent d’établir un rapprochement
37. Yon, Lombard et Renisio 1987, p. 20-21 : R 81/639 ; Monchambert 2004a, n° 1675. 38. Schaeffer 1949, corpus céramique I, fig. 54 : 15 et 58 : 15.
39. Bounni et Lagarce 1998, fig. 155 : 3. 40. Masson 1974.
41. Cette marque vient compléter le catalogue dressé par N. Hirschfeld (Hirschfeld 2000). Ce signe est attesté sur des tablettes retrouvées à Ougarit (Olivier 2007).
Fig. 20 – (a) Fragment de jarre à étrier minoenne (RS 2006.3189), chantier « Grand-rue », Ougarit ; (b) détail de la pâte céramique (photographies V. Matoïan © mission de Ras Shamra).
DONNÉES RÉCENTES SUR LES CÉRAMIQUES AVEC « MARQUES » D’OUGARIT 141
avec une marque présente sur un fragment de col de pithos découvert dans la tranchée Sud-acropole 42
(Àg. 23).
– RS 2005.3238, mis au jour lors du dégagement du locus 3076 du Bâtiment B, est un fragment très usé de col de jarre (?) ou de cratère (?), d’un diamètre évalué à 30 cm environ (H. conservée 7,6 cm ; la 10,2 cm ; ép. 1,7 cm), présentant deux signes imprimés avant cuisson dans une pâte orange à dégraissant minéral. Les signes, d’une hauteur de 1,2 cm, s’apparentent à des clous cunéiformes (Àg. 22d et 24). Selon
D. Pardee, il pourrait correspondre à un sadé 43.
Dans son répertoire, N. Hirschefeld a interprété deux marques sur céramique, l’une gravée et l’autre
peinte, comme pouvant dériver de signes cunéiformes 44. La première est constituée de deux signes de
forme triangulaire gravés (avant cuisson) sur un bord de pithos du Palais sud (ou Maison dite de Yabninou) ;
le fouilleur parle quant à lui de « deux signes triangulaires » 45 (Àg. 2 : 1). La seconde est un signe peint sur
une kylix mycénienne 46.
Anses d’amphore avec « marque » incisée
Les anses d’amphore avec « marque » peuvent être classées dans deux groupes en fonction du mode de réalisation de la « marque » : l’incision ou l’impression. Nous aborderons en premier les « marques » incisées :
42. Courtois 1978, p. 280-281, fig. 29 : 4.
43. Nous remercions vivement D. Pardee de nous avoir proposé cette interprétation en 2006. Nous avons alors présenté l’objet lors du colloque Recent trends in the Study of Late Bronze Age Ceramics in Syro-Mesopotamia, the Levant and adjacent regions (Berlin, novembre 2006).
44. Hirschfeld 2000, p. 181. 45. Courtois 1978, fig. 28 : 1. 46. Courtois 1978, fig. 36 : 1.
Fig. 21 – (a) Fragment de jarre à étrier minoenne (R 81/639), Centre de la Ville, Ras Shamra ; (b) Jarre minoenne, Minet el-Beida (d’après Schaeffer 1949, Àg. 54 :15), (c) Jarre minoenne, Palais Nord de Ras Ibn Hani
(d’après Bounni et Lagarce 1998, Àg. 155 : 3).
b c
0 10 cm orientation indéterminée
c
a
b
d
Fig. 22 – Fragment de vases avec « marque », chantier « Grand-rue », Ras Shamra. (a) RS 2005.3369, (b) RS 2006.3464, (c) RS 2006.3244, (d) RS 2005.3238 (© mission de Ras Shamra).
DONNÉES RÉCENTES SUR LES CÉRAMIQUES AVEC « MARQUES » D’OUGARIT 143
Fig. 23 – Fragment de col de pithos avec « marque », Tranchée Sud-acropole (d’après Courtois 1978, Àg. 29 :4).
– RS 92.3184 est un fragment d’anse d’amphore (L. 7,8 cm ; anse la 4 cm ; ép. 2,65 cm) retrouvé lors du dégagement de la « Grand-rue » (3016). La « marque » est un simple trait incisé (d’une longueur de 3 cm et d’une largeur maximale de 0,3 cm), avant cuisson, dans une pâte chamois à dégraissant minéral (Àg. 25a).
– RS 92.3095 est un fragment d’anse d’amphore (H. conservée 8 cm) avec « marque », mis au jour dans le locus 3013 du Bâtiment C. La « marque », composée de deux traits parallèles, a été incisée avant cuisson, à la base de l’anse, dans une pâte orange/rouge à dégraissant minéral (Àg. 26c). La longueur des traits de la « marque » est de 3,35 cm et leur largeur de 0,25 cm.
– RS 92.3112 est un fragment d’anse d’amphore avec marque (H. conservée 7,3 cm) provenant du locus 3013 du Bâtiment C. La « marque », incisée avant cuisson dans une pâte beige rosé, est composée d’un trait horizontal coupé d’un trait vertical (Àg. 27a). La hauteur du signe est de 3,47 cm et la largeur de 2,3 cm. La largeur du trait horizontal est de 0,2 cm et celle du trait vertical de 0,35 cm.
– RS 92.3214 est un fragment d’anse d’amphore attachée au niveau de l’épaule du vase (H. conservée 9 cm), avec « marque », retrouvé lors du dégagement de la rue 3016 (Àg. 27c). La « marque », incisée après cuisson dans une pâte rouge à dégraissant minéral, est en forme d’étoile (2,7 x 2,7 cm).
– RS 92.3232 est un fragment d’anse d’amphore (H. conservée 5,8 cm) avec « marque », découvert lors du dégagement de la rue 3016. La « marque », incisée avant cuisson (?) dans une pâte chamois à cœur gris à dégraissant minéral, est composée de deux traits obliques parallèles (Àg. 26b). Le trait le plus long mesure 2,5 cm.
– RS 94.3065 est un fragment d’anse d’amphore avec « marque » provenant du dégagement de la rue 3016. La marque est incisée avant cuisson dans une pâte beige rosé à cœur gris (Àg. 25c). Il s’agit d’un trait horizontal d’une longueur de 1,7 cm et d’une largeur de 0,3 cm.
– RS 2006.3388 est un fragment d’anse d’amphore dont la surface est très érodée, retrouvé dans la couche de terre marron foncé de surface (carré C2l2). L’anse présente une « marque » incisée, avant cuisson, dans une pâte beige saumonée à dégraissant minéral (Àg. 27d). Le signe, dont une extrémité n’est pas conservée, est de grande dimension (longueur conservée 5,05 cm ; largeur 3,45 cm).
– RS 2006.3211 est un fragment d’anse d’amphore (Àg. 27b), provenant du remplissage du locus 3076 du Bâtiment B, avec une « marque » incisée, avant cuisson (?), dans une pâte chamois à cœur gris et dégraissant minéral (ép. panse 0,8 cm ; H. conservée 11 cm). Le signe est en forme de croix (H. 1,8 cm ; la 1,85 cm).
Fig. 24 – Fragment de panse de vase avec deux signes en forme de clous imprimés (RS 2005.3238), chantier « Grand-rue », Ras Shamra (photographie V. Matoïan © mission de Ras Shamra).
Fig. 25 – Anses de vases avec « marque » incisée, chantier « Grand-rue », Ras Shamra. (a) RS 92.3184, (b) RS 2006.3672, (c) RS 94.3065 (© mission de Ras Shamra).
0 10 cm
a
b
DONNÉES RÉCENTES SUR LES CÉRAMIQUES AVEC « MARQUES » D’OUGARIT 145
Fig. 26 – Anses de vases avec « marque » incisée, chantier « Grand-rue », Ras Shamra. (a) RS 2007.4037, (b) RS 92.3232, (c) RS 92.3095 (© mission de Ras Shamra).
0 10 cm
a
orientation indéterminée 0 10 cm orientation indéterminée a b d c
Fig. 27 – Anses avec « marque » incisée, chantier « Grand-rue », Ras Shamra. (a) RS 92.3112, (b) RS 2006.3211, (c) RS 92.3214, (d) RS 2006.3388 (© mission de Ras Shamra).
DONNÉES RÉCENTES SUR LES CÉRAMIQUES AVEC « MARQUES » D’OUGARIT 147
– RS 2006.3672 est une anse complète d’une petite amphore (Àg. 25b), retrouvée dans une fosse de la rue 3016 (ép. panse = 0,48 à 0,58 cm). L’anse (d’une hauteur de 10,5 cm) présente un signe incisé après cuisson (?), sur le dessus de l’anse, dans pâte beige rosé, assez Àne, à dégraissant minéral. Le signe est un Àn trait oblique, d’une longueur de 0,8 cm.
– RS 2007.4037 est un fragment d’anse avec marque provenant du dégagement du locus 3116 du Bâtiment B. La « marque » est incisée dans une pâte beige saumonée assez Àne. La surface de la céramique est altérée et il est impossible de dire si la marque a été réalisée avant ou après cuisson (Àg. 26a). Le signe est composé de deux traits parallèles d’une longueur de 2,4 cm et de 1,64 cm.
On observe, pour cet ensemble, trois « marques » attestées par plusieurs exemplaires : le trait simple, les deux traits parallèles et les 2 traits formant une croix.
Anses d’amphore avec empreinte de doigt
Plusieurs anses d’amphore retrouvées dans le chantier « Grand-rue » présentent un décor imprimé de forme plus ou moins circulaire qui correspond à l’empreinte d’un doigt :
– 2005.3051 est un fragment d’épaule et d’anse d’amphore avec marque provenant d’un sondage (n° 1) réalisé dans la rue 3016. L’empreinte est juste au sommet de l’anse, sur la panse façonnée dans une pâte beige rosé, à cœur gris et dégraissant minéral (largeur de l’anse 3 ,9 cm, ép. panse 0,65 cm). La marque est circulaire, d’un diamètre de 1,5 cm et d’une profondeur 0,33 cm (Àg. 29a).
– RS 2005.3445 est une anse complète d’amphore (H. de l’anse 13,5 cm ; ép. panse 0,74 cm), qui provient du locus 3048 du Bâtiment B. Elle est façonnée dans une pâte orange à dégraissant minéral et présente des concrétions blanchâtres importantes en surface. L’impression, au sommet de l’anse en partie sur l’anse, est circulaire d’un diamètre de 1,73 cm et d’une profondeur de 0,43 cm (Àg. 28a).
– RS 2006.3731 est un fragment d’anse d’amphore (L. conservée 5 cm ; ép. panse 0,8 cm) retrouvé lors du dégagement de la porte 3078 (entre les loci 3029 et 3077) du Bâtiment B. La pâte est rosé-orangé à dégraissant minéral. L’empreinte, sur le haut de l’anse, est circulaire d’un diamètre maximal de 1,38 cm et d’une profondeur de 0,44 cm (Àg. 29c).
– RS 2006.3443 est un fragment d’anse d’amphore (L. conservée 6 cm) mis au jour lors du dégagement du locus 3116 du Bâtiment B. La pâte, beige chamois à dégraissant minéral, est aujourd’hui altérée et la surface du vase est érodée. L’empreinte a une largeur de 1,6 cm et une profondeur de 0,25 cm (Àg. 29b).
– RS 2007.3757 est un fragment d’anse (6,7 x 6,1 cm) provenant du dégagement du locus 3076 du Bâtiment B. Le vase est façonné dans une pâte beige à dégraissant minéral. L’empreinte n’est pas tout à fait circulaire (1,45 x 1,25 cm) et d’une profondeur de 0,27 cm (Àg. 29d).
– RS 2007.4122 est une anse complète d’amphore (H. anse 13,4 cm) découverte au sud du Bâtiment B (Àg. 28b). Le vase est façonné dans une pâte beige à dégraissant minéral. L’empreinte n’est pas tout à fait circulaire (1,6 x 1,66 cm) et d’une profondeur de 0,25 cm. On perçoit clairement à la surface de pâte, dans la cavité, l’empreinte du pouce de celui qui a réalisé cette marque.
Des « marques » de ce type ont été observées sur des amphores d’autres secteurs de la ville. Nous avons déjà mentionné un exemplaire du Centre de la Ville (voir supra) (Àg. 11a), auquel nous pouvons ajouter un exemplaire inédit du chantier Sud-Centre (RS 96.3220), façonné dans une pâte saumonée à dégraissant minéral (peut-être barbotine à l’extérieur). L’empreinte, positionnée au sommet de l’anse à la jonction avec la panse, est d’une largeur de 1,55 cm et d’une profondeur de 0,47 cm (Àg. 30). On observe que le pouce était orienté vers le bas du vase au moment de l’impression et non vers le haut comme sur les exemplaires listés précédents. Un bourrelet de pâte est également visible à l’avant de l’empreinte.
Des empreintes de ce type sont connues sur une autre forme de la céramique locale, celle des chopes.
Deux exemplaires sont signalés par J.-Y. Monchambert au sein du matériel des fouilles de 1975-1976 47 et
nous avons repéré un spécimen inédit provenant du quartier Sud-Centre. Ce dernier (RS 92.2159) est un fragment de bord de chope, façonnée dans une pâte saumonée à dégraissant minéral, avec départ de l’anse sur laquelle on observe une empreinte ovalaire (Àg. 31).
Fig. 28 – Anses de vases avec empreinte de doigt, chantier « Grand-rue », Ras Shamra. (a) RS 2005.3445, (b) RS 2007.4122 (© mission de Ras Shamra).
0 10 cm
a
DONNÉES RÉCENTES SUR LES CÉRAMIQUES AVEC « MARQUES » D’OUGARIT 149
0 10 cm
a b
c d
Fig. 29 – Anses de vases avec empreinte de doigt, chantier « Grand-rue », Ras Shamra. (a) RS 2005.3051, (b) RS 2006. 3443, (c) RS 2006.3731, (d) RS 2007.3757 (© mission de Ras Shamra).
Fig. 30 – Fragment de panse d’amphore (RS 96.3220), chantier Sud-Centre, Ras Shamra (© mission de Ras Shamra).
DONNÉES RÉCENTES SUR LES CÉRAMIQUES AVEC « MARQUES » D’OUGARIT 151
Fig. 31 – Chope en céramique (RS 92.2159), chantier Sud-Centre, Ras Shamra (© mission de Ras Shamra).
CONCLUSION
Notre étude permet d’actualiser, pour le site de Ras Shamra, le premier bilan réalisé par N. Hirschfeld sur les vases en céramique avec « marque » d’Ougarit. Le corpus a été augmenté de moitié par l’ajout de 60 spécimens au 120 que cette auteure avait répertoriés (pour les trois sites de Ras Shamra, Minet el-Beida et Ras Ibn Hani). Cette augmention est due pour beaucoup à la prise en compte, d’une part, des « marques »
sur la céramique Red-Lustrous 48, et, d’autre part, des découvertes récentes faites dans le chantier «
Grand-rue » sur le tell de Ras Shamra. Les « marques » que nous avons répertoriées sont incisées ou imprimées ; nous n’avons pas observé de « marque » peinte. De même, nous n’avons pas répertorié d’empreinte de
cachet ou de sceau-cylindre 49. La plupart sont placées sur les anses des vases. Replacé dans l’ensemble de
la céramique mise au jour sur le site de Ras Shamra, le corpus des vases avec « marque » reste très réduit (moins de 200 pièces). Il est cependant le plus important du Levant nord pour la période.
Dans ce nouveau bilan, si la proportion de la céramique égéenne reste importante, elle a toutefois diminué au proÀt d’autres catégories de vases : les amphores cananéennes et les bouteilles en céramique Red-Lustrous (27 attestations publiées). L’origine de production des céramiques de fabrique Red Lustrous
étant très probablement Chypre 50, la part des productions chypriotes au sein de l’ensemble des vases avec
« marque » d’Ougarit a donc augmenté.
Notons par ailleurs que de nombreux parallèles peuvent être établis entre le matériel d’Ougarit et le matériel chypriote, en particulier celui d’Enkomi, y compris pour des signes peu attestés. Ainsi, nous
retrouvons à Enkomi 51 le motif de l’étoile observé à Ougarit sur anse d’amphore (Àg. 27c). De même, il
48. Cette catégorie céramique n’avait pas été retenue par N. Hirschfeld.
49 Les empreintes de cachets sur des vases en céramique sont rares à Ras Shamra, bien que cette pratique soit attestée dès le Chalcolithique. Pour cette période, voir Contenson 1992, vol. II, p. 370, pl. CXVIII : 9 et 10 : empreintes de cachets (niveau III B 5 et niveau III B 4). Pour le Bronze ancien, voir Courtois 1962, p. 430-431, fig. 20 : k : tesson de céramique peignée du Bronze ancien avec déroulé de sceau-cylindre. Pour le Bronze récent, voir Contenson et alii, 1973, p. 134, p. 143, fig. 13 ; dans cet ouvrage, Bounni et alii.
faut souligner les parallèles qui peuvent être faits entre les deux signes (T et cercle ouvert inscrit dans un cercle) présents sur un vase du Centre de la Ville (RS 90.5057, voir supra) (Àg. 11b), inédits par ailleurs à
Ougarit, et deux signes attestés sur la céramique Red Lustrous de Chypre 52. Ces données viennent grossir
le dossier déjà très riche des relations existant entre Ougarit et Chypre 53.
L’étude des contextes de découverte n’apporte que très peu de données pour l’interprétation des « marques » et nous suivons en ce sens les résultats de N. Hirschfeld. Nous n’avons pas mis en évidence de nouveaux types de contexte de découverte. À Ougarit, les « marques » sont observées sur des vases qui proviennent en majorité des secteurs d’habitation et des tombes. Seules deux marques sont associées
au Palais royal 54, toutes deux provenant du secteur de la « cour I », grande cour dallée située à proximité
de l’entrée principale de l’édiÀce. La première est incisée sur un vase à étrier en céramique mycénienne,
issu des fouilles de Cl. Schaeffer et conservé dans les collections du Louvre 55. La seconde est incisée sur
une anse d’amphore inédite (Àg. 32). Ce fragment (L. conservée 8,4 cm ; ép. panse 0,8 cm environ) a été retrouvé en 2004, dans le secteur des portes à l’ouest de la « cour I », lors d’une opération de nettoyage
réalisée par O. Callot dans le cadre de l’étude architecturale qu’il mène sur le palais avec J.-C. Margueron 56.
La marque est composée de 4 traits horizontaux incisés après cuisson dans une pâte gris/vert à surface externe verdâtre ; les trois traits du haut sont à égale distance (1 cm), le quatrième en étant séparé de 2 cm
et relié au troisième par un trait perpendiculaire 57.
Parmi les nouveautés, on retiendra entre autres une série de vases (amphores et chopes) marqués d’une empreinte de doigt sur l’anse. Il est intéressant de souligner que la présence de ce dernier type a été récemment remarquée sur un autre site du Levant bien connu pour ses nombreuses importations céramiques
52
.
Åström 1972, p. 207, fig. 207 : 7 et 11.53. Cf . entres autres : Yon 1999 ; Caubet et Matoïan 1993.
54. L’étude récente du matériel du Palais royal conservé au Musée national de Damas n’a pas apporté de documentation nouvelle dans ce domaine (Al-Maqdissi et Matoïan 2008).
55. Yon, Karageorghis et Hirschfeld 2000, cat 215, p. 197.
56. Nous remercions O. Callot de nous avoir livré cette information. 57. La longueur des traits est de 2 cm et leur largeur de 0,14 à 0,17 cm.
Fig. 32 – Anse de jarre avec « marque », Palais royal, Ougarit
(dessin H. David © mission de Ras Shamra).
l
DONNÉES RÉCENTES SUR LES CÉRAMIQUES AVEC « MARQUES » D’OUGARIT 153
en provenance de l’ouest : Tell Abou Hawam 58 ; les attestations proviennent des niveaux de transition entre
la Àn de l’âge du Bronze récent et le début de l’âge du Fer I 59 . À Ougarit, le seul point notable est
peut-être le nombre élevé de cette catégorie de vases dans le secteur de la « Grand-rue ». Ces vases sont-ils les témoins d’un système de marquage local, lié plus spéciÀquement au Bâtiment B, dans lequel beaucoup ont été retrouvés ?
Les marques sont observées en majorité sur des vases de formes fermées. Peut-on conclure à l’existence d’un lien avec le contenu ou la capacité de ces récipients ? Aucune donnée récente n’apporte d’éléments discriminants sur ce sujet pour le site de Ras Shamra ; nous n’avons pas observé de traces de matière et les objets que nous avons pu étudier sont tous fragmentaires.
Au sein du répertoire, beaucoup de marques ne sont attestées qu’une seule fois comme l’avait souligné N. Hirschfeld. Cette diversité rend notamment difÀcile l’interprétation que nous pouvons faire des « marques ». Plusieurs signes sont toutefois récurrents : le signe constitué d’un trait simple ; le signe constitué de deux traits parallèles ; le signe constitué de deux traits formant une croix ; le signe constitué de deux traits parallèles coupés par un troisième. Ces signes apparaissent sur différents types de vases appartenant au répertoire de la céramique locale et à celui de la céramique importée.
L’analyse de liens possibles entre les « marques » sur les vases en céramique et les signes de systèmes d’écriture est l’une des orientations de la recherche actuelle. Le débat concernant les relations de certaines
« marques » avec des signes de l’écriture chypro-minoenne est toujours d’actualité 60. Pour le matériel
d’Ougarit, N. Hirschefeld a proposé des rapprochements principalement avec deux systèmes d’écriture, le
linéaire B et le Chypro-minoen 61, seul ce dernier étant attesté dans la documentation textuelle d’Ougarit.
Le matériel que nous venons de présenter permet de proposer deux correspondances supplémentaires :
- La « marque » incisée sur le col d’une jarre de stockage de la maison C du quartier du Centre de
la Ville (cf. supra, Àg. 12) pourrait être rapprochée de l’un des signes chypro-minoens (CM 102) 62, non
identiÀé jusqu’à présent dans le répertoire des « marques » sur céramiques d’Ougarit 63, mais déjà attesté
dans des inscriptions sur des tablettes, sur une étiquette et sur un vase en métal 64.
- La « marque » du vase à étrier minoen (RS 2006.3189) (Àg. 20) du chantier « Grand-rue » s’apparente
à au signe chypro-minoen CM 110 65, déjà attesté dans les inscriptions chypro-minoennes d’Ougarit 66.
Une troisième correspondance inédite, attestée par un autre type d’objet 67, pourrait aussi être ajoutée
à ce corpus. La « marque » en question se trouve sur l’une des faces d’un peson discoïdal en céramique
(Àg. 33), mis au jour dans le locus 2110 du chantier Sud-Centre (RS 96.2006, H. 8,3 cm ; ép. 3,3 cm) 68. Ce
dernier présente, sur l’une de ses faces, un signe gravé avant cuisson dans une pâte beige rosé à dégraissant
minéral 69. Le signe s’apparente au signe 31 du « chypro-minoen 1 » 70, non attesté sur les vases en
céramique, ni dans les inscriptions chypro-minoennes d’Ougarit.
58. Leonard 1994. 59. Balensi 2004, p. 160, fig. 6 : 30 et 38. 60. Cf. Hirschfeld 2008. 61. Hirschfeld 2000, tableaux p. 190-192. 62. Masson 1974. 63. Hirschfeld 2000, p. 190-192. 64. Olivier 2007, p. 385-408. 65. Masson 1974. 66. Olivier 2007. 67. Matoïan et Vita 2009.
68. Fouille sous la responsabilité de l’auteur (cf. rapport de fouille 1996, archives de la mission).
69. La pâte céramique, observée à l’œil nu uniquement, est similaire aux pâtes céramiques de la céramique locale. Les dimensions de la « marque » sont : L. 3,7 cm ; la 2,4 cm. La largeur des traits est importante (0,5 cm). On observe à côté un petit trait d’une longueur de 1,2 cm.
L’établissement de parallèles avec un système d’écriture soulève bien des questions. Nous prendrons ici l’exemple d’un fragment d’anse d’amphore (?) récemment identiÀé dans les réserves du Musée national
de Damas (RS 23.119) 71 (Àg. 34). Le fragment d’anse (L. 6,9 cm) est façonné dans une pâte argileuse
beige crème à dégraissant minéral et présente une marque, d’une largeur de 1,45 cm, composée de deux signes gravés avant cuisson. Le signe supérieur est composé d’un trait vertical coupé par deux traits horizontaux et le signe inférieur est composé d’un carré associé à un trait vertical. Des parallèles peuvent être établis avec deux signes de l’écriture chypro-minoenne : le premier à CM 6 et le second à CM 95. CM 6 est déjà attesté à Ougarit sur d’autres vases ainsi que dans des inscriptions alors que CM 95 n’est attesté jusqu’à
présent que dans les inscriptions 72. Cette « marque », que l’on pourrait interpréter comme l’association de
deux signes, correspond-elle à une inscription 73 ? Nous laisserons les épigraphistes trancher.
L’interprétation de ces « marques » est complexe car elle est fonction du lieu de production du vase, du moment auquel la « marque » a été réalisée et du contexte de découverte. À Ougarit, elles apparaissent sur des vases « égéens » mais aussi sur des vases « non égéens ». L’une des perspectives de la recherche est certainement le développement des études archéométriques aÀn de tenter d’obtenir des éléments
discriminants sur l’origine des vases et sur le mode de réalisation des « marques » 74. L’un des enjeux est
notamment de mieux comprendre les liens entre Ougarit et Chypre, attestés par de nombreux aspects de la
71. Le vase n’est pas signalé dans l’ouvrage d’O. Callot (1994). 72. Masson 1974 ; Olivier 2007.
73. Cet objet n’a pas été pris en compte par N. Hirschfeld car l’auteure retient la définition selon laquelle l’association de deux signes peut être retenue comme une possible définition d’une inscription (Hirschfeld 2000, p. 164, note 5. 74. Ce type d’approche a récemment apporté des données importantes pour le matériel de sites de Chypre (par ex. :
Palaima, Betancourt et Myer 1984) du Levant méridional (pour Aphek : Landau et Goren 2001 ; pour Ashkalon : Cross et Stager 2006).
0 5 cm
Fig. 33 – Peson en céramique avec « marque » (RS 96.2006), locus 2110, chantier Sud-Centre (dessin N. Vernay © mission de Ras Shamra).
DONNÉES RÉCENTES SUR LES CÉRAMIQUES AVEC « MARQUES » D’OUGARIT 155
0 10 cm
Fig. 34 – Vase avec « marque » de Ras Shamra (RS 23.119, Musée national de Damas) (dessin H. David © mission de Ras Shamra).
culture matérielle 75, et l’étude de ces « marques » est susceptible de nous apporter des informations sur des
associations 76 entre Ougaritains et Chypriotes, voire sur la présence de Chypriotes à Ougarit.
Ougarit joue un rôle clé au sein des échanges en Méditerranée orientale et l’étude des « marques » est susceptible de nous permettre de mieux comprendre la nature et les modalités de ces échanges. La confrontation des données obtenues à Ougarit avec les celles des autres sites levantins est essentielle. Nous
pensons notamment au matériel de l’épave d’Uluburun 77 et au corpus de Tell Kazel 78. Nous retiendrons,
pour ce dernier site, une cruchette en céramique White Shaved avec une « marque » sur la panse 79 que l’on
peut rapprocher d’une découverte faite à Ougarit, au moment où nous bouclons ce manuscrit ; il s’agit d’un fragment de cruchette de fabrique White Shaved présentant une « marque » sur l’anse, seule attestation
connue à ce jour à Ougarit d’une « marque » pour cette catégorie céramique 80.
La découverte d’une « marque » constituée de deux signes cunéiformes imprimés dans l’argile d’un vase est importante car elle permet d’envisager la possibilité de l’existence d’un système de marquage faisant référence à un système d’écriture local. À ce jour, seules quelques inscriptions en cunéiformes sont connues sur des vases en céramique mis au jour à Minet el-Beida et à Ras Shamra. Il s’agit de plusieurs
amphores dont l’anse porte plusieurs signes cunéiformes 81 et d’un vase léontocéphale exceptionnel
provenant de la Tranchée Ville Sud, sur lequel est inscrit un texte votif 82. EnÀn, il faut signaler une
inscription cunéiforme, non déchiffrée, sur un clou « votif » 83 et le tesson trouvé lors de la campagne de
1974 84. À notre connaissance, ce témoignage d’une « marque » composée de deux clous imprimés sur un
vase est unique à Ougarit.
75. Caubet et Matoïan 1995 ; Yon 1999. 76. Hirschfeld 2004.
77. Aruz et alii 2008, p. 319, fig. 190b.
78. Badre et Gubel 1999 – 2000, fig. 21 : k, 24 : i, 26 : a, g. 79. Badre et Gubel 1999 – 2000, p. 149, fig. 24 : i.
80. Trouvée lors de la campagne de l’automne 2010 dans le secteur du Temple dit de Dagan sur l’acropole.
81. RS 6.411 trouvé à Minet el-Beida (Schaeffer 1935, p. 171 ; Virolleaud 1935, p. 186-187). Ras Shamra : Maison B du Centre de la Ville (Yon et al. 1987, p. 82, fig. 60 : 80/42 ; Bordreuil et Pardee 1989, p. 354) et Résidence Nord (Monchambert, op. cit. note 36 ; Bordreuil et Pardee 1989, p. 352 : RS 75.152). Une recherche, menée par R. Hawley, est en cours.
82. Pardee 2000, p. 813-815 : RS 25.318. 83. Références dans Matoïan 2001. 84 Bounni et alii, dans cet ouvrage.
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