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technique chez Marx
Michel Bourdon
To cite this version:
Michel Bourdon. Essai sur une représentation graphique du progrès technique chez Marx. Sciences
Agronomiques Rennes, 1974, pp.9-19. �hal-02308955�
SCIENCES AGRONOMIOUES RENNES, 1974
ESSAI SUR UNE
REPRÉ,SENTATION GRAPHIQUE
DU
PRocRÈs
rncHNIeuE
cHEz
MARX
M.
BOURDONEconomie Rurale, E.N.S.A. Rennes
"Le
Qpital",
forteresse enpartie
inachevée, en partiedé-mantelée par des attaques couronnées de succès n'ert continue pas
moins à dresser sa puissante silhouette devant nos yeux.
T.
SCHUMPETER"C;apitalisme, Socialisme et
démooatie"
INTRODUCTION
La marxologie connait depuis quelques années
un
renouveau ainsi qu'en témoignent ouvrages, publicationset
articlesqui,
d'horizons très divers, viennent redécouvrir,approfondir ou critiquer
l'oeuvre deMnnx.
L'ana-lyse
marxiste
pénètre même progressivement certainsmilieux
qui lui
étaient jadis assez fermés:
c'est ainsi par exemplequ'elle
aaujourd'hui droit
d'entrée dans les grandes Ecoles(1);
il
n'est pas jusqu'aux économistes rurauxqui,
semettant à
l'unisson,font
largement appel à .la terminologieet
à l'axiomatiquedu
"Capital"
pour guider leurs réflexions sur les problèmes del'Agricultur.(2).
C"
regaind'intérêt
a au moins le mérite de susciter de nou-velles approchesqui
enrichissent le débat économique:
c'est dans cette perspective que nous nous proposons, eninterprétant
la
pensée marxiste,d'apporter
unecontribution
àl'étude
simplifiée del'influence du
changementtechnologique sur le processus
productif d'une
économie.Si
la théorie
du
progrès technique, selon laconception
néo-classique, est de nosjours
consacrée, c'est engrande pôrtie grâce
à
l'outillage
géométriquequi a
incontestablementfacilité
la compréhension puis lavulgarisa-tion
des travaux dePlcou,
HtcKs, RoBtNsoN,.HARRoD,SALTER,Solow
etc.,.;
or, un langagegraphiquesi-milaire n'a,
fort
curieusement, jamais été transposéà
la vision deMnnx
etde
sescontinuateursà proposdel'in-cidence des innovations sur le développement des forces
productives.
Les modèles géométriquestraitant
du pro-grèstechnique
dansl'optique
marxiste sont,à
notre connaissance, quasi-inexistantset
on
n'entrouve
pratique-ment nulle
trace dans aucun manuelou article
abordant cettequestion; il y
a là une lacunequ'il
conviendrait(1)
'J.
ULLMO etJ.
ATTALI, Examinateurs à l'Ecole Polytechnique, ont été vraisemblablement les premiers à ouvrir la vole.En collaboration avec notre collègue C. MOUCHET, assistant, nousavons misau point un coursà option d'initiation à
l'éco-nomie marxiste spécialement adapté aux élèvesingénieurs agronomes et qui fut dispené lors de la derniàre année scolaire
à t'E.N.S.A.R.
(2) -Certainesrecherchesdel'lNRAs'oriententdélibérémentdanscesens;
relevonsseulement,parmitantd'autres,quelquesti-tres évocateurs
:
C. SERVOLIN "L'absorption de l'agriculture dans le mode de production capitaliste". Cahiersde laFon-dation Nationale des Sciances Politiques, nol84, 1972. P. COULOMB "Propriété fonciàre et mode de production
capita-liste" Etudes Rurales. Ecole Pratique des Hautes Etudes, no51, 1973. J, BERTRAND et A. pOULIOUEN ,,La recherche
du prof
it,
l'accumulation du capital et les formes prises par lâ reproduction du pouvoir économique dans les grandesde combler faute de ne pouvoir comparer en ce domaine les déductions économiques orthodoxes à celles opérées
par
les économistes d'obédiencemarxiste.
En
nous inspirant
de
l'itinéraire tracé par
J.
RoBlNsoN
dans ses"Essays
on
Marxian economics", nous tenterons d'adapter les instruments du raisonnement néo-classique coutu-mierà
la démarche suivie parMnRx
dans l'étude des mécanismes qu'entraînel'introduction
du progrès techniquedans le fonctionnement
du
systèmecapitaliste.
Certes, objectera-t-on, l'économiepolitique
"académique",clas-sique
ou
keynésienne,utilise
une conceptualisation foncièrementdifférente de
la problématique marxisteet
en tous cas étrangère au matérialismedialectique.
L'argument est sansdoute irréfutable
pourqui
veut embrasser lapensée marxiste dans sa
totalité
mais est loin d'être aussi décisif lorsque les limites du champ de l'analyse sontini-tialement
bien circonscrites. C'estpourquoi
notre tentativeparaît d'autant
acceptable que,si
l'on
s'entient
ex-clusivement à
l'explication
marxiste des phénomènes liésà la
mise en oeuvre des innovations, les conceptset
lesvariables-clés possèdent, sur
ce terrain,
des caractéristiques largement communes aux auteurs marxisteset
non-marxist"s(11et
dès lorsl'habituel
langage desfonctions
deproduction
(supposéici
connu)(2) se prêtefort
bien àtoute
démonstration.ll
n'estpoint
besoin de souligner àquel
point
le progrès technique, thème de cette étude,constitue
pourl'ami
d'ENcELs
le
ressortde
l'économie
de libre
entreprise:
"La
bourgeoisien'existe, écrit-il,
qu'à
condi-tion
de révolutionner sans cesse les instruments detravail". Tout
enexploitant
davantage leur main d'oeuvre les capitalistesn'ont
eneffet,
selonMARx,
que deux stratégiesà
leur disposition pour augmenter leurtaux
deplus-value
:
ils
peuvent allonger la duréedu travail
c'est-à-dire la périodede "sur-labeur"
maisla limite
estvite
at-teinte
en raison de larigidité
physique des horaires aussi reportent-ilstous
leurs espoirs sur le second procédé quiconsiste à perfectionner I'outillage
afin d'accroître
le rendement del'ouvrier.
Ce recours permanent àI'améliora-tion
des techniques n'est enfait
que le corollaire de l'accumulation du capitalqui,
pour MARX, se révèle lacarac-téristique
profonde du système libéral:
d'après cetteloi,
le capitalfixe
ou constant croissant plus vite que lecapi-tal
variableou
l'emploi,
laproductivité du travail
progresse nécessairement àtel point
que les effets del'accumu-lation et
del'innovation
peuvent pratiquement se confondre puisqu'ils confèrent conjointement auxeffectifs
une eff icacité supérieure. La changement technologiquequi
garantit le développement des forces productives ens'in-corporant
aux
investissements nouveaux agit alorsà
lafois
sur lacomposition
organiquedu capital,
letaux
de plus-valueet
sonadjoint
letaux
deprofit,
letaux
moyen du salaire réelet
donc la part de rémunération desfac-teurs au sein
du produit social.
Sous l'inf luence de la dynamique capitaliste, toutes ces variables essentielles sontreliées entre elles
et
gouvernées par une sorte detrilogie
qui
constitue
l'armature fondamentaledu
modèlemar-xiste et que
l'on
peut ainsi résumer :(1) - La æule diff iculté importante a trait à la définition du taux de profit qui dans le sens courant est le profit en fonction du
ca-pital investi alors que dans la terminologie marxiste il concerne une marge bénéf iciaire rapportant le prof it à l'unité de coût
total
:
cette distinction peut ici être écartée de nos préoccupations mais elle serait par contre de portée capitale pour l'étudede la péréquation des taux de profit et de la transformation de la valeur-travail en prix de production.
(2) - Pour faciliter la tâche du lecteur et indiquer leb symboles qui nous ærviront par la suite, rappelons brièvement les
caractéris-tiques de la classique fonction globale de production de type COBB-DOUGLAS à deux facteurs : celle-ci,. ramenée à une
ex-pression "per capita" peut ainsi figurer sur un graphique à deux dimensions où le produit par travailleur
Y
porté enordon-née est fonction croissante de l'équipement par travailleur
K
en abscisse, la concavité de la courbeF
traduisant la loi desrendements non proportionnels.
Les propriétés de la fonction permettent de
dé-montrer aisément que la productivité marginale
du capital, qui est la pente de la tangente,
s'(;a-lise au taux de profit à l'équilibre en E. Dans
ces conditions, pour un volume de production de OY, WY est le produit du capital par tra-vailleur OW
le
niveaudu
salaire par tête, letaux de
profit
W
se mesurant plus commo-OKOW
dément par son égal
-
. ON
Le progrès technique s'assimilant à un accroissement de productivité pour des ressources données se traduit graphiquement par une élévation de la courbe
F
au-dessus de l'originale qui peut prendre alors des allures variées selon la nature des nou-velles possibilités technologiques offertes à l'économie.c
M. BOURDON - ILLUSTRATION DU PROGRÈS D'APRÈS MARX 11
-
processus de paupérisation de la classe ouvrière conséquencede l'exploitation
de lamain d'oeuvre dr.lnt
le furdeau dépend du niveau
relatif
des salaires pratiqués,-
élévation
successivedu
degréde
mécanisationde
l'économiecar
le
progrès technique estpar
nature"capital
using";
cet accroissement de I'intensité capitalistique se manifestant par une double augmentation desratios du coeff icient de capital et de l'équipement par travailleur,.
-
baisse tendancielledu taux
deprofit
: cette tendance inhérente à l'économie capitaliste résultant de l,an-tagonisme des forcesqui
rétroagissent sur les variables du système.Quelle que
soit
la manièred'aborder
les conséquencesdu
progrès chezMeRx, toute
analysedoit
prendreassise,
faute
detrahir
ou
mutiler l'esprit
de son oeuvre, sur la solidarité unissant lestrois
postulats que nousve-nons
d'énoncer. Or,
après un examentant
soit
peu approfondidu
"Capital", il
est permis d'envisager plusieurs modes de raisonnement appliquéaux effets
moteurs du changement technique selonI'interprétation
choisie du mécanismeet du
contenude
la paupérisation:
on
sait eneffet
que cette fameuse"loi"
est deloin
la thèse qui, la plus discutée dans ladoctrine
marxiste, a alimenté de longues querelles non seulementde lapartde
sesoppo-sânts mais mêmede
sestenants.
Si
cette théorie
de l'appauvrissement des masses a suscité -et
encore de nos iours-
de nombreuses confusions et controverses c'est qu'elle n'a pas été toujours présentée et défendue avec uneparfaite clarté par ses propres partisans : entre le dogmatisme simplificateur de ses pre6ières ébauches et la forma-lisation minutieuse de ses derniers
écrits,
il
est d'ailleurs assez malaisé de suivre la démarche deMnnx
lui-mêmeet
ses plus f idèles disciples admettent volontiers que, sur cepoint,
sa pensée a profondémentévolué.
C,estpour-quoi,
afin
d'éviter
de commettred'impair
dans l'exégèsedu
"Capital",
unetriple
classification des incidences duprogrès technique semble
au moins
plausible, chaque présentation devant naturellement s'appuyer, defaçon
àobéir
à
la
cohérencedu
schéma marxiste, sur les critèresindiqués
supra.A
l'aide de graphiquesadoptant
deséchelles identiques en vue de
faciliter
les comparaisons, nous nous attacherons à démontrer que cestrois
versionsdistinctes
du
progrès techniqueont
des fondements théoriques concevablesqui
peuvent se concilier avec unety-pologie néo-classique à
condition toutefois
d'admettre des contraintes assez restrictives:
les différentsraisonne-ments de
MnRx
ne sont eneffet
compréhensibles et admissibles qu'en faisant l'hypothèse d'innovations s'accom-pagnantd'une
trèsforte
capitalisationet
se caractérisant par une absence complète de neutralité c'est-à-dire queles relations entre f
lux
ne demeurent jamais dans des proportions constantes.I .
LA
VERSION TRADITIONNELLE
Si
l'on
s'entient
à ses publications de jeunesse et à certains fragments de son oeuvre maitresse,MnRx,
alors marquépar
les dures réalités de l'économie anglaise, sembleprimitivement
prédire la lentediminution
des salaires dansun
régimeconcurrentiel.
ll
estime eneffet
que le niveau de rémunération de la main d'oeuvre s'abaisse sanscesse jusqu'au plancher
inférieur du minimum
physiologiqueou prix
moyen de subsistance nécessaireà
l'entre-tien et
à
la reproductionde
la force detravail
disponible: "La
tendance générale de laproduction
capitaliste,écrit-il
n'est
pas d'éleverle
salairemoyen
maisde
l'abaisser",ll explique
la dégradationdu
niveau de vie desmasses laborieuses en poursuivant le raisonnement suivant
:
puisque la norme des salaires en vigueur dépend de laconcurrence entre les ouvriers en quête
d'emploi,
les entrepreneurs,dont
I'intérêt
est de déséquilibrer le marchédu
travailà
leurprofit,
cherchent à réduire leur embauche en remplaçant les hommes par des machines. Lepa-tronat
s'efforce ainsi de substituerdu
"travail
mort"
au
"travail
vivant"
afin de créer en permanence un volant de chomage technologique destiné àfaire
pression sur les salaires;
en favorisantdonc
la présenced'un
sous-em-ploi
chronique, la capitalisme,tout
en se développant, tend à empirer lacondition
de la classe ouvrière aufur
et àmesure qu'apparaissent de nouveaux biens de production.
Dans
cette
approche relativementfruste on
reconnait au passage une proche parenté avec les analyses ricar-diennes ainsique
les soubassementsde la
loi
de la surpopulation deMetrHUS
;
en outre, MnRX a certainement étéfortement
inf luencé partoutes
les attaques lancées à l'époquecontre
le machinisme censé priver les hommes dufruit
de leur travail.Le graphique correspondant à une
telle situation
(cf.
Figure1)
impliqueun
progrès technique peuspecta-culaire
qui
se matérialise par de minces accroissements deproductivité.
La nouvellefonction
deproduction
F,
ne devient supérieure
à
l'anciennequ'à partir
de
K'
Cest-à-dire au delà d'une trèsforte
mécanisationqui
setra-duit
conjointement
par un
renforcement considérablede
l'équipementpar travailleur
(qui
de
K'
passe àKr)
vt
htr
T,
T,Figure
I
ainsi que par une augmentation notable du coefficient de capital
K/Y,
la combinaison productive étant désormaissituée
sur
unedroite
OC,
nettement plus bassequ'en
OCr.
Leproduit
partravailleur
OY,
n'est quelégère-ment majoré par
rapport
à celuiqui
serait obtenu sansinnovation et
entraîne bien une paupérisation absolue dela
main d'oeuvre puisque les salaires baissentde
WrWr;
ce mécanisme n'empêche paspour autant
autaux
deprofit
defléchir
encore davantage, la pente de latangente
NrW,
étant
plusfaible
qu'en NrW,, et
l'on
vérifieOW^ OW.
W^W.les
relations t
<
oN, oN,|
owr
D'après
notre
schéma les entrepreneurs ne sont incités à jouer la carte du progrès qu'auprix
d'une intensitécapitalistique massivement accrue, encore les surplus
productifs
ne peuvent-ils contrecarrer ladiminution
simul-tanée destaux
de rémunération alloués aux deux facteurs deproduction.
C'estici
que MARX met
en évidencel'une
des grandes"contradictions" du
système:
la passion d'accumuler esttelle
que, malgré ses conséquences défavorablessur
les gains des capitalistes,elle
envient
paradoxalement ànourrir
des investissementsadditifs
: puisqu'eneffet
letaux
deprofit
chuteproportionnellement
plus que letaux
de salaire, letravail
s'avère devenirun input
relativement plus onéreux si bienqu'il
suscite en permanence defuturs
processus"capital
augmenting". D'autrepart
le changement technique s'imposetoujours
defaçon
irréversible;
si jamais les capitalistes tentaient de revenirà
l'ancienne technologiepour
recouvrer une meilleurerentabilité,
il
se creérait alor:s globalement une capacité excessiveKrK,,
9ui
induirait
derechef une dépression dutaux
deprofit
aussi n'estiljamais
envisageable de re{nettre en place l'outillageprimitif
quand le nouveau estdéjà installé.En théorie le
casétudié
par Mnnx
demeuredonc
possible, reste à savoirs'il
peut
prétendreexprimer
laréalité
et
si le progrès techniqueobéit
à desconditions
aussi draconiennes.Le dogme
de
la paupérisation absolue, longtemps popularisé et défendu avec acharnement par les marxistesorthodoxes a subi, depuis
un quart
de siècle, des attaques en règle auxquellesil
n'a pu résister : toutes lesstatis-tiques des pays occidentaux
lui ont
eneffet
apporté un catégorique démenti en attestant la progression régulièredu
pouvoir
d'achatde la
classeouvrière.
La généralisationde
la
croissance économique a rendu vétuste cetteq
w
xt o
M. BOURDON
.
ILLUS'T'RATION DU PROGRÈS D'APRÈS MARX 13croyance
en
l'appauvrissement inéluctable des masses au seind'un
régimecapitaliste. llsubsiste
cependant undernier carré
de
fidèlesqui
se refèrent encore à cettedoctrine et
s'efforcent de l'actualiser en des termesil
estvrai
nettement plusqualitatifs
quequantitatifs;
et
de faire valoir que l'évolution des salaires n'est pas le seul cri-tèreentrant
en ligne de compte pour apprécier le degré de misère, interviennent également le statut du travailleuret
même les conditions d'activité quiont
tendance à se dégrader en raison de l'allongement des tralets, del'impor-tance des maladies professionnelles et des accidents du travail
;
par ailleurs la mécanisationdétruit
la demande dequalification
et
accélèrel'aliénation
et
laprolétarisation.
Notons que leterrain
d'argumentation s'est alors dé-placé en substituantun
raisonnement en termes de genre de vieplutôt
que de niveau de vie;
sa nature et sapor-tée se révèlent ainsi foncièrement différentes.
A
quelques nuances près, les admirateurs deMnnx
n'invoquent plusaujourd'hui
le concept depaupérisa-tion
absolue de la classe ouvrière(1)qui
ne correspondd'ailleursqu'à
une caricature déformante malheureusementdue
à
certaines esquisses scolairesfort
abrégéesde la
penséemarxiste. L'auteur
du
"Manifeste Communiste"ne s'est en
effet
jamais péremptoirementattribué cette
thèse assez suspectetant
il
avait compris que le progrèstechnique se prête rarement aux dures contraintes que nous avons graphiquement décrites aussi avait-il très
tôt
amendéet
corrigé sa théorie originelle de lapaupérisation.
Rendons justice àMnnx :
les nombreuses réserves fi-gurant dans son oeuvre
lui ont
permis par la suite de surmonter les erreurs d'analyse de ses premières réflexionsexcessives sur le processus d'appauvrissement des travailleurs.
II
-
UNE VERSION
MÉDIANENous sommes maintenant en présence d'une théorie du progrès technique nettement plus cpnvaincante que la précédente parce
que
l'étude des mécanismes deformation
des salairesy
est plus élaborée:
la rémunération dutravail
n'est plus déterminée par uneloi
mécanique simple mais dépend d'interactions réciproques entre les varia-bles liéesà l'expansion.
MARX abandonne l'idéed'une
cirute des salaires causéepar
les modificationstechnolo-giques
et
s'efforce de montrer que leur niveau ne varie pas en longue période :il
ne conçoit donc plus qu'unepau-périsation relative et dégage deux raisons fondamentales à la stabilité des salaires, I'une déduite des oscillations cy-cliques, l'autre des sources d'amélioration de la productivité.
-
D'après plusieurs répétitionsdu
"Capital",
les salaires fluctueraient au gré des aléas de la conjonctureen-tre deux
limites vaguement définieset
connaitraient une ascension temporairedurant
laproçérité
puis une dé-pression en période decrise.
PourMnRx
le salaire est dans une large mesurefixé
par l'évolution del'offre
et dela
demanded'emplois
laquelle setrouve
accentuéepar
le balancierconflictuel
du
pouvoir de marchandage des classes.L'offre
detravail
dépend initialement de données démographiques, de son côté la demande est comman-dée par le volume des investissements et les techniques utilisées:
selon l'alternance du cycle ondoit
doncs'atten-dre à une phase de hausse salariale lorsque
l'absorption
en capital est plus rapide que la croissance des disponibi-lités en main d'oeuvreet
inversement. Cetteexplication
demeure néanmoins liminaire car,nousdit
MnRx,lors-que stimulé par de nouvelles découvertes, le stock d'équipement dépasse les
effectifs,
une surenchère àl'embau-che
s'établit entre
les entrepreneurset
s'avère naturellement favorable aux travailleursdont
les salaires vontgrim-per. Toutefois,
s'empressed'aiouter
MARX,la
logiquedu
système libÉral provoquera à moyen terme un résultatinverse
: une
haute conjoncture alimentel'appétit
d'accumulation etfacilite
ainsi la concentration des moyensfinanciers
;
le capitalisme parvient donc à pénétrer dans de nouvelles sphèresd'activité
et du même coup prive de moyens d'existenceet d'emploi
nombre depetits
producteurs indépendantsou
artisans:
ceux-ci viennent à leurtour
grossirla
masse des prolétaireset
constituer "l'armée
industriellede
réserve"qui
jetée sur le marché del'emploi
accroît l'offre
de travail et entraîne la régression des salaires.Ainsi,
mêmesi
leclimat
des affaires est(1) -
ll
ne f-udrait surtout pas croire que ce sont les efforts des économistes "bourgeois" qui ont permis d'enterrer définitive-ment cette thèse, les plus farouches partisans du maltre ne s'en sont pas privés en des termes souvent violents, Nous neré-sistonspasàlatentationdelivrercepassagedeMANDELquinotedansson "Traitéd'économiemarxiste"
(tomel,p.
188)"Dans le manuel d'Economie Politique en usage en URSS et publié en 1954 on affirme
:
la paupérisation absolue se mani-festedanslachutedusalaireréel. AuXXèmesièclelesalaireréeldesouvriersd'Angleterre,desUSAetd'autrespayscapita-listessetrouveàunniveauplusbasqu'aumilieuduXlXèmesiècle... EnFranceetenltalielesalaireréel s'élevaen1952à moins de la moitié du salaire d'avant guerre
etc...
Et MANDEL de conclure impitoyablement:
"Trouvera-t-on un seulpropice
aux
travailleurs en raison d'uneforte
croissance des équipementset de l'emploi,
leur sortfutur
est sansissue en raison
de
I'abondance sans cesse renouvelée deseffectifs.
Les bataillons de seconde ligne sontperpétuel-lement
mobilisablespour
corriger d'éventuelles tendancesà
l'augmentationde la paye; on
est donc endroit
d'admettre,
au vu du
trend cyclique,
la
stagnation des salaires ceque
résumela
fameusecitation de
MRRx "Ouelquesoit
letaux
des salaires hautou
bas, la tendance moyennedu
système capitaliste n'est pasd'augmen-ter
les salaires".-
Y
aurait-il
même accroissement durable des salaires queMnnx
rétorque cequi
suit;
puisquel'accumula-tion
du
capital entraîne une meilleureefficacité
de la main d'oeuvre larétribution
versée à l'ouvrierpourrait
nor-malement progresser dans les mêmes proportions;
mais les capitalistes, animés constamment par la recherche deprofits
maximatendent
alorsà
aggraver letaux d'exploitation
de leur personnel en élevant lerapport entre
le montantde
la plus-value extorquée.'à chaquetravailleur
et
le numérairedu
salairequi lui
estattribué.
Dans un langage plus conventionnelon
soutiendrait qu'une plus gran{e eff icience économique trouve sa principale origine dans une plusforte
intensificationdu
travail.
L'introduction
de machines plus perfectionnées ne s'accompagne pasd'une
diminution de
la pénibilité
des tâchesou
des horaires mais aucontraire par
l'accroissement des ca-dences, uneattention
et uneffort
plus soutenus de la part de I'ouvrier auquel est demandé defournir
par unité detemps plus de travail
qu'autrefois. Au total,
même si le salaire nominal s'élève substantiellement ce n'est làqu'ap-parence
car
leprix
réel de la force detravail
demeure inchangé en raisondu
rythme
rapide d'augmentation durendement de la main d'oeuvre.
Les caractéristiques graphiques
de
lasituation
présentée apparaissentsur
la f igure 2 etl'on
perçoit aussitôt combienl'évolution
de la combinaison productive, confrontée à I'hypothèse précédente, se révèle nettement plusefficace, la zclne comprise entre F2
et
F,
s'étendant plus largement. Certes la technologie est-elletoujours,exi-geante en
oùtillage
:
pour quel'innovation
soit payante, les chefs d'entreprise sont tenus d'investir au delàde
K'
à une distance très réduite comparée au cas antérieur, puisque l'appareil de
production
est nettement moinschar-gé en capital, la
droite
OC,
s'écartant relativ,ement moinsde
OC.F1
Yl
Figure 2
N2
Nl .oFtgtl,te 2
L'output
par travailleur
s'élèveen
OY,
cependant que, ainsi que nous l'avons expliqué, les salaires réels restent figésen
OW;
malgré ces bonnes performances productives letaux
deprofit,
commeil
est de règle chezMARX, décline
'
O"
I
à
-qW
mais laproductivité
marginale des nouveaux équipements n'estque légèrementoN1
oN,
inférieure
à
l'ancienne puisque les deux tangentes sont visuellement presqueconfondues.
La paupérisation des couches ouvrières n'est évidemment plus absolueet
s'exprime par une régression dela
masse salariale au sein duRevenu National
d.
ow à
ow
.oYt
oY,
M. BOURDON
.
ILLUSTRATION DU PROGRÈS D'APRÈS MARX '15L'analyse marxiste des incidences du progrès technique est ici beaucoup plus affinée que dans sa version
pri-mitive.
La constance des salaires réels s'appuie solidement sur le rôlede
"l'armée de réserve"qui
lesfaitvite
ré-trograder
s'ils subissent des hausses conjoncturelles. mécanismequi
n'est pas sans rappeler le voisinage dela
loid'airain de
Lnsselle. ll
est certain que sur l'ensemble de son oeuvreMenx
ne penchait pas pour une élévation progressivedu
niveau de vie des travailleurs sinon sa théorie eût perdu dès l'origine de son pouvoirattractif
et ré-volutionnaire;
ainsi retrouve-t-ontouiours
le concept de paupérisation maisil
s'agitplutôt
d'une absence totale d'enrichissement en ce sensque,
les salaires nediminuant
plus, tous les progrès de productivité ne prof itent qu,àla classe possédante.
Cette seconde approche
de
MaRx
est certes plus digned'intérêt
que la première mais elle encourt, mêmeatténués, un peu les mêmes reproches car les faits
n'ont
absolument pas confirmé la stagnation du pouvoir d'achat destravailleurs;
aussi ce.tte version, en quelque sorte intermédiaire. pourtant justifiée comme orthodoxe iusquevers les années soixante(1), a subi, même de la part de son créateur, de profondes révisions destinées à la rendre
compatible
avecla
hausse des salaires constatée pendantla
période contemporaine danstous
les pays indus-trialisés.III .
LA
VERSION
MODERNECe n'est que dans ses oeuvres de maturité, notamment
dans
"salaires,prix
et profits"
queMnRx
apporte des compléments théoriques définitifs
à
l'analyse des relationsqui
se nouent entre lafixation
des salaires et le dé-veloppement destechniques.
Leprix
du travail
ne s'aligne désormais plus sur le simple quantum matériel desub-sistance mais
doit
enoutre
inclure des émoluments permettant de satisfaire une gamme de besoins définis par ré-férence au mode d'existencecoutumier
d'unepopulation donnée.
Le salaire del'ouvrier
correspond donc sensi-blement au niveau de vie moyen en vigueur dans un pays or celui-ci n'est pas historiquement constant mais évolue au contraire en longue période enfonction
des progrès de lacivilisation
:
la croissance industrielle tend peu à peuà rendre sociologiquement nécessaires des biens
et
services préalablement considérés comme des produits de luxe réservésaux
riches:
on retrouve
ici
en germe certaines des idées-clésqui feront
plustard
le succès de la théoriedes
trois
secteursde
CLARKet
FoURASTIÉ.Dufait que
la couverture des besoins sociaux d'une communautés'élargit sans cesse,
MaRx
endéduit
une hausse tenclancielle des salairesdont
la limite maximum supportable parl'économie capitaliste se
fixe
au
niveauqui
maintient une marge bénéficiaire suffisante faute de laquelle les chefsd'entreprise ne recruteraient plus de main
d'oeuvre.
Ladétermination
concrête des salaires à un moment donnédépend là encore, des viscissitudes
de l'affrontement
des classeset
de leur bargaining power respectif mais pour resterfidèle
à sa ligne générale, MARX estime que dans les luttes sociales le pouvoir capitaliste l'emporte toujoursde telle sorte que la rémunération du travail ne progresse que très lentement.
A
la lumière de l'expansion économique d'après guerre les marxistes se sont efforcés d'actualiser les théories deleur
maître.
lls admettent bien
llascension des salaires réelsqu'il
leur serait malséant de nier car, à part lesex-clus de la croissance ou les marginaux, le niveau de vie des travailleurs est d'année en année supérieur
;
mais ils necessent néanmoins
d'affirmer que
I'essor continue de laproduction
globalefait
évoluer lesconditions
normalesd'existence en créant une masse de biens
et
services supplémentaires auxquels l'ouvrier n'a pas accès en raison del'insuffisance notoire
des augmentationsde
salairequi le
maintient toujours
enétat d'aliénation
et
au bas de l'échelle sociale.On reconnait là
le classique procès intenté àla
"société deconsommation"
quel'on
accuse de ne pasavoir
supprimé la pauvreté mais del'avoir
seulement modernisée parcequ'elle engendre de nouveauxbe-soins qu'elle est dans l'incapacité de satisfaire immédiatement pour tous.
Oue devient alors
à
"l'ère
del'abondance" I'interprétation
de I'axiome d'appauvrissement du prolétariat ? Leprincipe
demeure mais n'est plus envisagé que sous l'angle de la répartition du RevenuNational.
Les marxistesfont
état de ce qu'en dépit de la hausse des salaires observée, les travailleurs ne recueillent qu'une mince partie desrichesses
dont
ilssont
les seuls créateurs cequi
revient àdire que
letaux
de salaire réel s'élève moins vite que la{1) 'Cf . les nombreux articles de DENIS, BABY, BARJONET parus à partir de 1955 dans la revue marxiste Economie et politique
productivité de la main d'oeuvre, la
part
de la masse salariale s'amenuisant ainsi dans leproduit
global.
La posi'tion
adoptéedéfinitivement
par la
plupart
des marxistes modernes concerne donc une paupérisation relative ; celle-ci se trouve encore accentuéér-par uneffet
de revenu catégoriel car les inégalités sociales se manifestent avecd'autant plus de force que la croissance accuse les écarts relatifs en creusant davantage l'éventail des revenus. Le support géométrique
de
l'analyse est représenté enfigure
3.
Notre graphemontre
bien que la nouvelletechnologie se révèle
vite
attrayante car presqu'immédiatementutilisable.
Sa mise en oeuvre ne nécessite en effetde
la part
des entrepreneursqu'un
apport
en capitalneuf
relativement modestepuisque
K'
setrouve
mainte-nant très
prochede
Kr.
Malgréune
intensité capitalistiquefortement
amoindrie parrapport aux
précédentes -OC,
avoisine avec OC,,-
le système économique fonctionne avec de bonnes performances, le niveau duproduit
par travailleur atteignant
en
OY,
un
point
culminanf eu égard autracé
des deux autresgraphiques.
La grande nouveauté réside dans la progression des salairesde OW,'
à
OW2
laquelle demeurenettement
inférieure à l'ex-pansion générale puisque*
a
*
".
qui
en conséquencefait
apparaître unediminution
des salaires dansowl
oY.|le
produit
total.
L'usagede
la nouvellefonction
F,
s'accompagne bien entendud'un
fléchissementdu taux
deprofit
maisla rentabilité du capital
n'estici
que lègèrementaffaiblie
tant
les différences de penteentre
NrW,,et
NrW,
sont minimes. Y1 ct % Y2 F2 q N2 Nl oKr
K' K2 Figure 3Ce troisième modèle
explicatif
est de
loin
le plus vraisemblable aussia-t-il rallié
nombre de suffrages carla
conduite
de
I'exposéthéorique est
nettement plusconforme à l'authenticité du
processus de croissance despays occidentaux.
Les principales objections formulées s'adressent
aux
proportions qui
caractérisent les liaisons entreflux.
ll
est en particulier permis de douter d'une élévation permanente et systématique de l'intensité capitalistique dans les économies modernes. Dansde
nombreuses branches des formes originales de progrès technique entraîneflt une moindre consommation de capital;
certains types d'inventions se révèlent peu exigeantes en investissementslourds
et
plusieurs industries manufacturières ne sont pasles "dévoreuses"
de capitaux auxquelles MARXfait
allusion dans saloi
de l'accumulation;
de nouvelles activités, quel'on
songe à celles du secteurtertiaire,
requiè-rent
un équipementréduit
et
sont fortement créatrices d'emplois : toutes ces tendances expliquent, et lesévalua-tions
tendentà
le prouver, quepour
l'ensemble de l'économie, le coeff icient ACOR ne varie guère en longueM. BOURDON.ILLUSTRATION DU PROGRÈS D'APRÈS MARX 17
D'un
autre côté les mécanismes dedistribution du
Revenu National et de détermination desprix
de facteurssont plus complexes que ne le
prévoyait
Mnnx;
il
en va de mêmepour
la paupérisation relativequi
joue avec beaucoup moins de rigueur dans la mesure où elle n'est passtructurelle.
L'outil
moderne descomptesde surplusdémontre
clairementque,
même lorsquela
productivité
s'accroît plusvite
que les salaires, les travailleurs scntloin
de léguer l'excédent de leurs gainsproductifs aux
uniques détenteurs de capitaux car les consommateurs, lefisc et les collectivités publiques sont aussi partie prenante et bénéficient des transferts.
ll
subsisteenfin
l'éternellecritique
:
est-il certain que, sous l'action du progrès technique, les performancesd'une
économie en expansion soient associées à une érosion de la rentabilité des capitaux? Les
plus récentstra-vaux économétriques n'autorisent pas à
tirer
des convictions probanteset
ne semblent pas, en tous cas, déceler des baisses très prononcéet(1). Chacun s'accorde cependant à reconnaîtrequelecapitalismed'aujourd'hui
recèle de fortes réserves de productivité, de dynamisme et de managementqui.
enfait,
enrayent le glissement dutaux
deprofit
en maintenant à un niveau acceptable le bénéfice du capital investi.CONCLUSION
ll
n'était
pas dansnotre intention
deconfronter
les différentes visions marxistesdu
progrès technique aucomportement
effectif
des pays industrielsavancés; notre
jugementdéfinitif doit
donc s'exercer moins sur le plan empirique que sur la rigueur des propositionset
enchainements formuléspar
l'auteurdu
"Capital"
ou
sesdisciples.
Le reproche essentiel commun à chacune des versions présentées a
trait
à la naturetrop
spécifique de ladé-formation
des fonctions de production due au processus innovateur. PourMARx
les nouvelles méthodes defabri-cation
ne concurrencent les premières avec une supériorité décisive qu'au delàd'un
taux d'investissementgénéra-lement très élevé ce qui justement leur ôte une grande part de
crédibilité.
La réalitÉ-dir progrès économiquemon-tre
au contraire que dès qu'une technologie plusefficiente
est mise aupoint,
elle s'avère, dans satotalité,
intrin-sèquement supérieure
à
l'ancienne quels que soient l'échelle deproduction
et
le degré de capital requis à sonex-ploitation.
Enoutre
la fixation
des salaires apparaît chezMnRX
commetrop tributaire
de l'état de productivitéalors que, de nos
jours,
la liaison inverse est certainement mieux établie cer ce sont les accroissements de salairesqui,
suite
aux
revendications syndicales,dictent
à
l'entrepreneur lechoix
de sa techniqueet
induisent ainsi lesaméliorations
productives.
En résumé. sansjeter
finalement le discrédit sur la conception marxiste des effets du progrès technique, force est de reconnaître que ses hypothèses demeurent nettementtrop
restrictives cartrop
ri-gides alorsque
l'appareil deproduction
estdoté
d'une très grande souplesse vis-à-vis de la technologie ambiante.Ouel
pourrait être
le modèlethéorique
le plus apte à l'analyse des mécanismes de croissance et dediversifi-cation
des techniques dans les économies modernes?
ll
nous semble que le progrès non neutre detype
"capitalusing"
conçu
par
HeRRoo
constitue actuellementl'outil
le plusadéquat:
il
nediffère
pas foncièrement de latroisième
versionque
nous avons étudiéeet
s'en présenteun
peu comme une variante dans laquelle lesinnova-tions
seraient nettement plus efficaces mais moins bouleversantes que nel'imaginait MARX.
Le systèmeharro-dien se caractérise par une
forte
productivité adjointe
àde "hauts"
salairestout
en se contentantd'un
équipe-ment relativeéquipe-ment léger
;
letaux
de profit
demeure constantet
l'évolution
des variables imprime unefaible
di-minution
de la part revenant au facteurtravail.
Le grand mérite de ce schéma est dejustifier
par quel jeu uneéco-nomie
réagità
une
poussée des salairesen
misantà
lafois
sur son volume deproduction,
sontaux
d'investis-sement
et
ses progrès deproductivité
:
il
setrouve
particulièrement approprié à la physionomie de l'expansion française des deux dernières décennies(2).{1} - Les statistiques sont, en ce domaine, partielles et imprécises et aucune tendance très nette ne se dégage permettant de
conclure à une compression des profits. Cf. Y. MORVAN : Taille,rentabilitéetcroissancedesfirmes,EcoaomieApi.ttiguée, Archives de l'lSEA, no4, 1972. P. BETIRAC
:
Ouelques statistiques sur le profitdessociétésaméricaines(1947-691, mêmerevue,no1,1973. Varii Auctores:Ya-t-il baissedestauxdeprofit,Entreprise,nosg2, 12octobre1972.
(2) - Cf . les travaux d'un spécialiste de l'interprétation statistique des agrégats de la Comptabilité Nationale : J. LECAILLON -
Ré-partition et emplois du produit national dans la France contemporaine. Revue d'Eccnomie Potitique, n"2, 1973. Egalement
L'illustration
du
modèlede HnnRoo
est
fournie par
le
grapheci-joint.
La
fonction
de
production
F,
secrétée par: le progrès technique est représentée
par
une courbe située toute entière au dessus de lafonction
ori-ginelle
F'
cequi
explique
la disparitiondu point
K'.
Comparée à la dernière analyse marxiste que nous avons baptisée moderne,on
voit
quel'allure
de lafonction
est trèsdistincte
:
pour un
degréd'utilisation
de l'équipe-ment rigoureusel'équipe-ment identiqueen
K,
mais auprix
d'une
moindre intensitécapitalistique,
car
OC,
est ici trèsproche
de
OC'
les nouvelles méthodes en usagedonnent
assise à une plusforte
croissance del'output
en OY,
cequi
explique alors l'élévation très supérieure des salairesen OWr.
La masse salariale régresse légèrement dansle
Revenu gtobatpuisqu,
:9 a+
cependantque le
taux
de
profit
reste stable, les deux tangentesauxoY,
oY,
courbes étant maintenant parallèles.
F? Ft Y1 o Figure 4 ct
q
Y2qilt
Kt r2Au
terme
de
cesréflexions
ne cachons pas cependant les lacunesde
toute
construction théorique,
deconception néo-classique
ou
marxiste, basée sur la dynamique desfonctions
deproduction
;
à
la longue elles serévèlent en
effet
trop
académiques dans la mesureoù
elles ne parviennent pas à maîtriser la complexité despro-blèmes technologiques aussi atteignent-elles
vite
les limites de leur vertu explicative.*
**
M. BOURDON - ILLUSTRATION DU PROGRES D'APRES MARX 19
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